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Insee Flash Guyane · Février 2023 · n° 167
Insee Flash GuyaneEn Guyane, en 2019, l’investissement privé accélère, l’activité spatiale est en retrait

Clémentine Garandeau (Insee)

En 2019, la croissance guyanaise ralentit nettement et s’établit à 0,8 %. L’activité spatiale est en retrait avec 9 tirs au lieu de 11 l’année précédente, expliquant la baisse sensible des exportations (-14,3 % en volume). La consommation des ménages connaît une augmentation contenue (+1,2 % en volume) en raison d’une hausse modérée des revenus, notamment dans le secteur privé. En revanche l’investissement privé est bien orienté.

Insee Flash Guyane
No 167
Paru le :Paru le09/02/2023

La croissance ralentit

En 2019, la croissance guyanaise ralentit par rapport à l’an passé (+2,7 % en 2018). L’investissement est le premier contributeur à la croissance (+1,5 point) boosté par un investissement privé très dynamique qui dépasse le niveau moyen enregistré sur la période 2011-2018. La consommation des ménages progresse de 1,2 % en volume (comme en 2018), dans un contexte économique où l’activité s’est contractée au deuxième semestre de l’année. Les échanges extérieurs sont affectés par une activité spatiale moins intense que l’année précédente, avec 9 lancements au lieu de 11 en 2018. La valeur ajoutée des sociétés non financières progresse de 2,3 % et les salaires qu’elles versent restent contenus (+0,9 %). Toutefois leur taux de marge se maintient et leur taux d’investissement gagne 4 points pour atteindre 30,1 %.

Le PIB par habitant s’élève à 15 600 euros, comme en 2018, soit une baisse de 1,0 % en volume (+6,5 % pour la France entière). L’écart avec la valeur nationale s’accroît encore. Il est en retrait de 55,9 % contre 51,6 % en 2003.

L’investissement est porté par le secteur privé

L’investissement progresse de 7,9 % (+6,2 % en volume) après +3,4 % en 2018, porté par le secteur privé. Ce dernier, en hausse d’un quart, atteint son plus haut niveau depuis 2012 (figure 1). L’investissement des ménages s’envole de 60,3 % après trois années consécutives de baisses significatives. L’encours des crédits immobiliers accordés aux ménages est à la hausse (+7,2 %). Ce rebond important ne permet toutefois pas de retrouver le niveau des années 2011-2015 (-11,0 %).

L’investissement des sociétés non financières, après avoir été affecté en 2017 par la crise sociale (-3,0 %) puis peu dynamique en 2018 (+2,2 %), rebondit nettement en 2019 (+16,5 %). Le regain de confiance des chefs d’entreprises fait suite à la mise en place du plan d’urgence guyanais (PUG) émis suite aux mouvements sociaux de 2017. À ce sujet, 23 des 25 engagements du Plan d’Urgence sont réalisés ou en cours de réalisation à la fin 2019. Trois quarts de la hausse de l’investissement total sont portés par le secteur des biens manufacturés.

En 2019, l’investissement baisse de 8,8 % en raison du recul important de l’investissement des hôpitaux (-58,2 %). Le retard du démarrage de grands chantiers expliquent en partie cette situation. Les hôpitaux de Kourou et de Saint-Laurent ont investi massivement en 2018 avec l’acquisition de deux appareils d’IRM et les travaux du pôle chirurgie du centre hospitalier de Cayenne, inclus au plan d’urgence pour la Guyane, se sont poursuivis. Suite à ces efforts consentis en 2018, l’investissement des hôpitaux recule de moitié en 2019. L’investissement de l’État stagne (+0,6 %) et celui des collectivités locales est orienté à la hausse (+14,7 %).

Figure 1Investissement hors acquisition objets de valeur

(en millions d'euros courants)
Investissement hors acquisition objets de valeur ((en millions d'euros courants) )
Année Sociétés financières et non financières Ménages y compris Entrepreneurs Individuels Administrations y compris Instituts sans but lucratif au service des ménages Total investissement
2015 375 157 462 994
2016 441 119 415 975
2017 428 99 494 1 021
2018 437 86 533 1 056
2019 516 138 486 1 139
  • Source : Insee, comptes régionaux définitifs de la Guyane base 2014.

Figure 1Investissement hors acquisition objets de valeur

  • Source : Insee, comptes régionaux définitifs de la Guyane base 2014.

L’activité spatiale ralentit

En procédant à neuf lancements au lieu des onze prévus, le spatial connaît en 2019 une baisse de production qui se transmets à toute la branche transport et entreposage. Les exportations de services de transport, principal débouché de la filière, chutent sensiblement expliquant la baisse sensible de l’ensemble des exportations. Cette chute contribue pour -5,3 points à la croissance. Les importations sont également orientées à la baisse (contribution de +1,2 point), entraînées par la diminution des imports de biens manufacturés qui sont pour une partie importante à destination du spatial. Avec l’arrivée prochaine à Kourou de deux nouveaux lanceurs, Vega C et Ariane 6, le CNES et l’ESA veulent moderniser la base spatiale pour la rendre plus flexible mais aussi pour baisser ses coûts de maintenance et d’exploitation. Dans ce contexte, la nécessité de stockage lié à ces futurs investissements prévus pour la période 2020-2024 est importante et affecte fortement la croissance (+2,7 points).

La création de richesse progresse de 1,9 % alors que la consommation des ménages ralentit

La création de richesse guyanaise a connu une année 2017 en berne suite aux mouvements sociaux (-1,4 % en volume) pour rebondir nettement en 2018 (+5,7 %). En 2019 elle progresse de 1,9 % et retrouve une évolution proche de la moyenne observée sur le début de la décennie (+2,2 % en moyenne par an sur 2010-2016). La valeur ajoutée des sociétés non financières progresse de 2,3 % dans un contexte de faible inflation (+0,9 %). Leur taux de marge s’établit à 34,3 % en 2019, en progression depuis 2011 (23,8 %), en lien avec des gains sur le coût des consommations intermédiaires (figure 2).

Figure 2Valeur ajoutée, rentabilité et taux d’investissement des entreprises non financières

Valeur ajoutée, rentabilité et taux d’investissement des entreprises non financières
Année Valeur ajoutée (en millions d’euros) Taux de marge (en %) Taux d’investissement (en %)
2015 1 487 30,9 24,7
2016 1 563 33,9 27,4
2017 1 520 31,3 27,0
2018 1 664 33,0 26,4
2019 1 703 34,3 30,1
  • Source : Insee, comptes régionaux définitifs de la Guyane base 2014.

Figure 2Valeur ajoutée, rentabilité et taux d’investissement des entreprises non financières

  • Source : Insee, comptes régionaux définitifs de la Guyane base 2014.

Dans un contexte d’inflation modérée, la consommation des ménages progresse lentement (+1,2 % en volume), comme en 2018, en raison d’une hausse contenue des revenus. Les salaires bruts évoluent de 1,2 % (+0,3 % dans le secteur privé, +2,1 % dans le secteur public) tandis que le revenu des entreprises individuelles régresse (-3,7 %). La persistance d’un chômage élevé et l’environnement économique incertain pèsent sur les salaires et le moral des ménages. Le taux de chômage au sens du BIT atteint 19,9 % avec une progression du nombre de chômeurs (+7,3 % sur un an) et un nombre d’actifs en emploi quasi stable (-0,6 %). La consommation des ménages ne contribue ainsi que pour 0,7 point à la croissance du PIB (figure 3).

Le pouvoir d’achat par habitant recule de 3,0 % après une hausse de 1,3 % en 2018. Cette dégradation s’explique par la concomitance d’un revenu disponible brut en légère baisse, grévé d’une inflation modérée (+0,9 %) et d’une population qui progresse toujours aussi rapidement (+2,1 %). Dans ce contexte, le taux d’épargne des ménages est en recul (-1,7 point) avec 23,4 % en 2019. La consommation des administrations publiques reste stable (-0,1 %).

Figure 3Consommation, revenu et épargne des ménages

Consommation, revenu et épargne des ménages
Année Consommation des ménages (en millions d’euros) Revenu Disponible Brut (en millions d’euros) Évolution Pouvoir d’achat / Tête (en %) Taux d'épargne (en %)
2015 2 262 3 010 -3,0 24,9
2016 2 291 3 071 0,4 25,4
2017 2 366 3 109 -0,8 23,9
2018 2 442 3 261 1,2 25,1
2019 2 495 3 257 -3,0 23,4
  • Source : Insee, comptes régionaux définitifs de la Guyane base 2014.

Figure 3Consommation, revenu et épargne des ménages

  • Source : Insee, comptes régionaux définitifs de la Guyane base 2014.
Publication rédigée par :Clémentine Garandeau (Insee)

Définitions

Produit intérieur brut (PIB) : mesure de la richesse produite sur un territoire donné, grâce à la somme des VA des biens et services produits sur le territoire.

La croissance est définie par l’évolution du PIB en volume.

L’évolution en volume ou en « euros constants » permet de mesurer l’évolution d’un agrégat macro-économique d’une année sur l’autre, indépendamment de l’évolution des prix. Elle décrit l’évolution des quantités produites.

L’évolution en valeur tient compte de l’évolution en volume conjuguée à l’évolution des prix. Par défaut, lorsque rien n’est mentionné, dans la publication les évolutions sont en valeur.

Valeur ajoutée (VA) : solde du compte de production. La VA est égale à la valeur de la production diminuée de la consommation intermédiaire.

Consommation intermédiaire : valeur des biens et services utilisés pour assurer la production.

Consommation des administrations publiques : celle-ci est conceptuellement égale à la production desdites administrations. Cette production étant évaluée aux coûts des facteurs, soit l’ensemble de leurs dépenses hors investissement utilisées pour remplir sa mission de service public à la nation ; la consommation des administrations correspond à leurs dépenses de fonctionnement (consommations intermédiaires) et rémunérations dans les secteurs de l’éducation, la santé, l’administration générale et la sécurité.

Revenu disponible brut des ménages (RDB) : revenu dont disposent les ménages pour consommer ou investir, après opérations de redistribution. Il comprend l’ensemble des revenus d’activité (rémunérations salariales y compris cotisations légalement à la charge des employeurs, revenu mixte des non-salariés), des revenus de la propriété (intérêts, dividendes, revenus d’assurance-vie…) et des revenus fonciers (y compris les revenus locatifs imputés aux ménages propriétaires du logement qu’ils occupent). On y ajoute principalement les prestations sociales en espèces reçues par les ménages et on en retranche les cotisations sociales et les impôts versés.

Pouvoir d’achat : volume de biens et services qu’un revenu permet d’acheter. L’évolution du pouvoir d'achat des ménages est calculée en retranchant au taux de croissance du RDB des ménages le taux de croissance du déflateur de la dépense de consommation finale en comptabilité nationale.

Taux d’épargne : ratio qui rapporte l’épargne des ménages au RDB.

Solde des échanges extérieurs (ou solde commercial) : différence entre exportations et importations.

Taux de couverture du commerce extérieur : rapport entre la valeur des exportations et celle des importations

Excédent brut d’exploitation (EBE) : solde du compte d’exploitation pour les sociétés. Il est égal à la VA, diminuée de la rémunération des salariés et des impôts nets des subventions sur la production et augmentée des subventions d’exploitation.

Taux de marge (EBE/VA) : ratio qui rapporte l’EBE ou le revenu mixte à la valeur ajoutée.

Taux d’investissement : ratio qui rapporte l’investissement corporel brut hors apport à la VA.

Pour en savoir plus

(1) Une année en demie teinte Bilan économique 2019 Guyane, Insee Conjoncture no9, juin 2020.

(2) Ouvrir dans un nouvel ongletLes comptes économiques des DOM, de 2004 à 2021

(3) Rebond de la croissance guyanaise, Comptes économiques rapides de la Guyane en 2021, Insee Analyses no60, septembre 2022

(4) Ouvrir dans un nouvel ongletRapport annuel 2019 de l’IEDOM Guyane, juin 2020