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Insee Flash Réunion · Janvier 2023 · n° 245
Insee Flash RéunionLe taux de pauvreté continue de baisser en 2020, malgré la crise sanitaire Niveau de vie et pauvreté en 2020 à La Réunion

Marina Robin (Insee)

En 2020, 36 % des Réunionnais vivent sous le seuil métropolitain de pauvreté. Malgré la crise sanitaire, le taux de pauvreté continue de baisser (- 11 points depuis 2007), de même que les inégalités de revenus. Le marché du travail est en effet resté dynamique grâce aux mesures publiques permettant de maintenir l’emploi et les rémunérations. La pauvreté reste cependant beaucoup plus importante que dans l’Hexagone (14 %) et qu’en Martinique (27 %), car le déficit d’emplois demeure important sur l’île. C’est particulièrement le cas dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville et dans de petites communes rurales, où l’emploi est rare : un habitant sur deux vit y sous le seuil de pauvreté. Pour autant, disposer d’un emploi ne suffit pas toujours à se prémunir de la pauvreté. Les revenus des Réunionnais sont plus faibles et fortement impactés par l’aide sociale, qui permet de réduire la pauvreté et les inégalités de revenus.

Insee Flash Réunion
No 245
Paru le :Paru le24/01/2023
Infographie de l'Insee Flash La Réunion « Le taux de pauvreté continue de baisser en 2020, malgré la crise sanitaire ».
Publication rédigée par :Marina Robin (Insee)

En 2020, 36 % des Réunionnais, soit 311 900 personnes, vivent sous le seuil métropolitain de pauvreté monétaire. Ce s’élève à 1 130 euros par mois et par (figure 1). Les mineurs sont particulièrement concernés : 105 100 vivent dans un ménage pauvre, soit 44 % d’entre eux.

Figure 1Indicateurs de niveau de vie, de pauvreté et d’inégalités de revenus à La Réunion et en France métropolitaine en 2020

Indicateurs de niveau de vie, de pauvreté et d’inégalités de revenus à La Réunion et en France métropolitaine en 2020
La Réunion France métropolitaine
Taux de pauvreté (en %) 35,6 13,9
Niveau de vie médian mensuel (en euros par UC) 1 380 1 880
Niveau de vie médian des personnes pauvres (en euros par UC) 870 920
Rapport interdécile (D9/D1) 4,1 3,3
Ratio (100-S80)/S20 5,2 4,2
  • Note : S80 (respectivement S20) correspond à la somme des niveaux de vie des 20 % des personnes les plus aisées (respectivement les plus modestes).
  • Sources : Insee-DGFiP-Cnaf-Cnav-CCMSA, Fichier localisé social et fiscal (Filosofi) 2020 ; Insee, enquête Revenus Fiscaux et Sociaux et (ERFS) 2020.

La pauvreté continue de baisser en 2020 malgré la crise sanitaire

Malgré l’apparition de la crise sanitaire liée au Covid-19 en 2020, le taux de pauvreté monétaire continue de baisser : - 11 points entre 2007 et 2020, dont - 5 points depuis 2015. Le marché de l’emploi est en effet resté dynamique grâce aux mesures publiques mises en œuvre pour maintenir l’emploi et les rémunérations (activité partielle, fonds de solidarité pour les entreprises, aide exceptionnelle versée aux ménages modestes, etc.) [2]. Les périodes de confinement ont été aussi plus limitées qu’en France métropolitaine. En phase avec des créations d’emploi qui se sont poursuivies, le nombre de bénéficiaires de la prime d’activité a également continué d’augmenter en 2020 [3].

Pour autant, si les revenus des ménages ont été globalement préservés de la crise, les ménages pauvres peuvent avoir subi une hausse de leurs dépenses et donc une dégradation de leurs conditions de vie [4]. Par exemple, pendant le confinement de mars à mai 2020, les dépenses de certaines familles avec enfant(s) ont pu augmenter du fait de la fermeture des établissements scolaires, conduisant certains parents à financer une garde d’enfant ou à réduire leur temps de travail. De fait, cela a certainement pesé sur des budgets familiaux déjà contraints, malgré les dispositifs d’aide ou d’autorisation de garde d’enfant mis en place. Parmi les ménages pauvres, ceux qui pouvaient compléter leurs faibles revenus par de « petits boulots » non déclarés ont pu également être pénalisés par la crise sanitaire, car cette source de revenus a pu être fortement impactée. Le ralentissement de l’économie met aussi en difficulté les étudiants dans leur recherche d’emploi d’appoint pour financer leurs études.

En 2020, la pauvreté reste à un niveau bien plus élevé que dans l’Hexagone (14 %) et qu’en Martinique (27 %). Elle est nettement plus marquée que dans la région hexagonale la plus concernée, la Corse (18 %). En effet, le déficit d’emplois reste important à La Réunion : en 2020, seules 48 % des personnes en âge de travailler ont un emploi, contre 65 % en métropole [5].

Avoir un emploi constitue la meilleure protection contre la pauvreté persistante [6]. Pour autant, cela ne suffit pas toujours à éviter une situation de pauvreté. Ainsi, 20 % des ménages dont les revenus d’activité (salaires et revenus des travailleurs indépendants) sont la principale ressource déclarée vivent sous le seuil de pauvreté en 2020. C’est deux fois plus que dans l’Hexagone.

Des niveaux de vie sensiblement plus faibles que dans l’Hexagone

En 2020, les restent plus faibles à La Réunion d’un bout à l’autre de l’échelle des revenus. La moitié des Réunionnais vivent avec moins de 1 380 euros par mois et par UC, soit 27 % de moins que dans l’Hexagone. Les revenus des plus modestes sont sensiblement plus faibles qu’au niveau national : les 10 % les plus modestes disposent d’au plus 740 euros par mois et par UC contre 990 euros dans l’Hexagone. Quant aux 10 % les plus aisés, ils disposent de revenus plus proches de ceux de leurs homologues hexagonaux : au moins 3 040 euros mensuels par UC contre 3 330 euros.

Les inégalités restent ainsi importantes à La Réunion : en 2020, l’ensemble des revenus disponibles des 20 % les plus favorisés est 5,2 fois plus important que celui des 20 % les plus modestes. Dans l’Hexagone, cet écart est moindre (4,2 fois). Cependant, les inégalités de revenus ont diminué fortement sur l’île au cours des 15 dernières années. En 2007, le rapport entre les revenus des 20 % les plus aisés et ceux des 20 % les plus modestes y était de 7.

Une personne sur deux est pauvre dans les quartiers de la politique de la ville et en milieu rural

La pauvreté est particulièrement élevée dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville à La Réunion où elle touche une personne sur deux. Elle est également très forte dans les petites communes rurales (figure 2) : un habitant sur deux est concerné à Salazie (53 %), Sainte-Rose (50 %) et Cilaos (49 %). À l’inverse, La Possession (24 %) et Les Avirons (27 %) sont les communes les moins concernées de l’île.

Figure 2Taux de pauvreté à La Réunion par commune en 2020

en %
Taux de pauvreté à La Réunion par commune en 2020 (en %)
Communes Taux de pauvreté
Les Avirons 27
Bras-Panon 35
L'Entre-Deux 31
L'Étang-Salé 28
La Petite-Île 35
La Plaine-des-Palmistes 37
Le Port 42
La Possession 24
Saint-André 43
Saint-Benoît 44
Saint-Denis 33
Saint-Joseph 42
Saint-Leu 34
Saint-Louis 42
Saint-Paul 30
Saint-Pierre 34
Saint-Philippe 44
Sainte-Marie 30
Sainte-Rose 50
Sainte-Suzanne 32
Salazie 53
Le Tampon 38
Les Trois-Bassins 35
Cilaos 49
La Réunion 36
  • Sources : Insee-DGFiP-Cnaf-Cnav-CCMSA, Fichier localisé social et fiscal (Filosofi) 2020.

Figure 2Taux de pauvreté à La Réunion par commune en 2020

  • Sources : Insee-DGFiP-Cnaf-Cnav-CCMSA, Fichier localisé social et fiscal (Filosofi) 2020.

La redistribution des revenus réduit la pauvreté et les inégalités

Le versement des prestations sociales (allocations familiales, prestations logement et minima sociaux) et le prélèvement des impôts directs réduisent fortement les inégalités de revenus et la pauvreté. Sans cette politique de redistribution, le taux de pauvreté serait plus élevé de 14 points.

Le niveau de vie de nombreux Réunionnais dépend fortement des prestations sociales et plus particulièrement des minima sociaux. Le poids des prestations sociales dans le des ménages est ainsi trois fois supérieur à celui de l’Hexagone : 18 % contre 6 % (figure 3). Il culmine dans les communes du Port (29 %) et de Salazie (28 %). Au contraire, les pensions et retraites ont un poids nettement inférieur à La Réunion (16 % contre 28 %). Ceci s’explique par la jeunesse de la population conjuguée à un fort taux de chômage, le plus élevé de France en 2020 après Mayotte (17 %). Fin 2020, 170 300 personnes bénéficient de minima sociaux. Le nombre de bénéficiaires du Revenu de solidarité active (RSA) avait légèrement augmenté au 3e trimestre 2020, avant de retrouver son niveau d’avant-crise sanitaire en fin d’année.

Figure 3Décomposition du niveau de vie moyen mensuel en 2020 à La Réunion et en France métropolitaine

en euros par mois
Décomposition du niveau de vie moyen mensuel en 2020 à La Réunion et en France métropolitaine (en euros par mois)
Impôts Revenus d'activité Pensions, retraites et rentes Prestations sociales Revenus du patrimoine et autres revenus Niveau de vie moyen
La Réunion -220 1 240 270 300 110 1 710
France métropolitaine -360 1 560 600 130 200 2 130
  • Sources : Insee-DGFiP-Cnaf-Cnav-CCMSA, Fichier localisé social et fiscal (Filosofi) 2020.

Figure 3Décomposition du niveau de vie moyen mensuel en 2020 à La Réunion et en France métropolitaine

  • Sources : Insee-DGFiP-Cnaf-Cnav-CCMSA, Fichier localisé social et fiscal (Filosofi) 2020.
Publication rédigée par :Marina Robin (Insee)

Champ

Le champ des données est limité aux ménages « ordinaires », ce qui exclut les personnes qui vivent en communautés (résidences étudiantes, maisons de retraite, casernes, prisons, etc.) et les personnes sans domicile. Il n’intègre que les revenus connus de l’administration : il exclut les revenus issus du travail informel, sur lesquels aucune information administrative n’existe par construction ; il exclut par ailleurs une partie des revenus des étudiants, pour lesquels les revenus d’activité n’ont pas toujours à être déclarés à l’administration fiscale et les transferts « intra-familiaux » en provenance des parents sont mal connus [7].

Publication rédigée par :Marina Robin (Insee)

Sources

Mis en place en 2014 à La Réunion et en Martinique, le Fichier Localisé Social et Fiscal (FiLoSoFi) est comparable avec le niveau national depuis 2015. Des modifications dans la chaîne de traitement pouvant intervenir d’une année sur l’autre, l’analyse en évolution sur des millésimes rapprochés n’est pas conseillée. Par ailleurs, la source fiscale n’intègre pas dans les revenus certains dispositifs exonérés. En 2020 comme en 2019 par exemple, les heures supplémentaires exonérées ou la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (Pepa) ne sont pas intégrées.

Au niveau national, l’enquête sur les revenus fiscaux et sociaux (ERFS) reste la source de référence pour les indicateurs d’inégalité des niveaux de vie et de pauvreté. Certains indicateurs produits à partir de Filosofi peuvent donc différer légèrement.

Définitions

Le niveau de vie correspond au revenu disponible du ménage rapporté au nombre d’unités de consommation (UC). Un individu (ou un ménage) est considéré comme pauvre lorsqu’il vit dans un ménage dont le niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté, fixé à 60 % du niveau de vie médian métropolitain (1 130 euros par mois en 2020).

Le revenu disponible correspond à l’ensemble des revenus d’activité, des retraites et pensions, des revenus du patrimoine, des revenus financiers et des prestations sociales (prestations familiales, aides au logement et minima sociaux).

Les unités de consommation (UC) permettent de comparer les niveaux de vie des ménages de tailles et de compositions différentes. Le premier adulte du ménage compte pour 1 UC, les autres personnes de 14 ans ou plus pour 0,5 UC, les enfants de moins de 14 ans pour 0,3 UC.

Pour en savoir plus

[1] « Structure et distribution des revenus, inégalité des niveaux de vie en 2020 - Dispositif Fichier localisé social et fiscal (Filosofi) », Bases de données, Insee, janvier 2023.

[2] Garnero M., Guillaneuf J., « En 2020, une mesure de la pauvreté compliquée par la crise sanitaire », Insee Analyses no 77, octobre 2022.

[3] « Bilan économique 2020 - La Réunion », Insee Conjoncture La Réunion no 17, juillet 2021.

[4] Dehon M., « Plus de travailleurs pauvres ou modestes exposés à une perte de revenus qu’ailleurs », Insee Analyses La Réunion no 56, avril 2021.

[5] Jonzo A., « Malgré la crise sanitaire, l’emploi progresse », Insee Flash La Réunion no 199, avril 2021.

[6] Dehon M., « À La Réunion, 20 % des adultes sont pauvres durablement », Insee Analyses La Réunion no 73, août 2022.

[7] Tavernier J-L., « Le taux de pauvreté serait stable en 2020 : ce que dit cette première estimation et ce qu’elle ne dit pas », Le blog de l’Insee, novembre 2021.

[8] Robin M., « Pauvreté à La Réunion : deux approches complémentaires », Insee Analyses La Réunion no 71, juillet 2022.

[9] Grangé C., « Près d'un enfant mineur sur deux vit dans un ménage pauvre », Insee Flash La Réunion no 219, janvier 2022.

[10] Le compte Twitter de l’Insee La Réunion-Mayotte : Ouvrir dans un nouvel onglet@InseeOI.