Insee Analyses Auvergne-Rhône-Alpes · Décembre 2022 · n° 156

En Auvergne-Rhône-Alpes, plus de 26 000 emplois générés par l’activité nucléaire d’EDF

En France, l’énergie nucléaire est la principale source de production d’électricité. En 2021, 69 % de l’électricité produite en France est assurée par les 19 centrales nucléaires regroupant 56 réacteurs répartis sur l’ensemble du territoire. Les principaux sites de production sont implantés en Auvergne-Rhône-Alpes, dans le Grand Est, en Normandie et en Centre-Val de Loire. Avec ses quatre centres nucléaires de production d’électricité (CNPE) et 14 réacteurs, Auvergne-Rhône-Alpes est la première région productrice d’électricité d’origine nucléaire. Elle assure à elle seule 22 % de la production française. Les centrales se situent le long du Rhône et utilisent son eau comme source de refroidissement. Elles sont localisées sur quatre départements : le CNPE du Bugey dans l’Ain, celui de Saint-Alban en Isère, celui de Cruas-Meysse en Ardèche et celui du Tricastin dans la Drôme (pour en savoir plus). De plus, la région compte plusieurs entités stratégiques. Les principales sont implantées à Lyon :

D’autres entités appartenant à EDF, liées à son activité nucléaire, s’ajoutent à ces sites. Au total, quinze établissements d’EDF sont associés au nucléaire (mot du partenaire).

En 2018, l’ensemble des établissements du nucléaire d’EDF présents en Auvergne-Rhône-Alpes emploient 10 500 salariés dans la région (figure 1). L’établissement lyonnais de Framatome ainsi que les CNPE du Bugey, du Tricastin et de Cruas sont les principaux employeurs, comptant entre 1 400 et 1 600 salariés. Suivent Saint-Alban et l’établissement de Framatome de Romans-sur-Isère avec environ 800 salariés chacun. Le reste des établissements emploient 2 900 salariés (figure 2).

Les CNPE sont d’importants pourvoyeurs d’emplois. Ils sont souvent parmi les premiers employeurs au sein de leur territoire. Le CNPE du Bugey est ainsi le premier établissement privé employeur de l’Ain, celui de Cruas-Meysse est le premier d’Ardèche, celui du Tricastin est le deuxième de la Drôme. Le CNPE de Saint-Alban est le 13^e employeur d’Isère, tandis que Framatome est le 9^e employeur du Rhône.

Dans les établissements du nucléaire, les emplois sont souvent très qualifiés, stables, avec des niveaux de revenus élevés. Les cadres représentent 45 % des effectifs et les professions intermédiaires (techniciens et contremaîtres) 50 %, bien plus que dans l’industrie où travaillent respectivement 19 % de cadres et 23 % de professions intermédiaires. Par conséquent, la rémunération des salariés de l’industrie du nucléaire dépasse nettement le salaire moyen dans l’industrie régionale. Les contraintes spécifiques (travaux postés, travail de nuit, astreintes…) expliquent également ce niveau de rémunération plus élevé. Enfin, la quasi-totalité des salariés sont en CDI et à temps plein.

EDF travaille avec des fournisseurs et des sous-traitants en leur passant des commandes. En 2018, l’ensemble des commandes nationales d’EDF engendrent 7 600 emplois indirects dans la région. Ces emplois indirects regroupent d’une part les salariés travaillant sur les sites nucléaires mais sans être employés directement par les centrales (intérimaires, agents de sécurité, prestataires…), et d’autre part, les emplois issus du recours à la sous-traitance pour répondre à des besoins non permanents ou très spécifiques.

Les emplois indirects localisés en Auvergne-Rhône-Alpes sont majoritairement liés aux commandes des établissements de la région (60 %). Les besoins des quatre centrales génèrent notamment 2 600 emplois indirects, ceux de Framatome 1 700 et ceux des autres sites 200. Par ailleurs, en raison de son activité historique dans le nucléaire et de son industrie développée, Auvergne-Rhône-Alpes dispose d’entreprises majeures et d’un important maillage d’établissements dans le secteur nucléaire. Les fournisseurs régionaux sont ainsi sollicités par les établissements d’EDF situés en dehors de la région. Leurs commandes représentent 40 % du total des emplois indirects, générant ainsi 1 500 emplois indirects pour les centrales et 1 600 pour les autres établissements du nucléaire d’EDF situés à l’extérieur de la région (figure 3). Par ailleurs, l’activité nucléaire des sites régionaux d’EDF fait appel à 1 500 emplois en dehors de la région.

Grâce à l'existence de compétences sur le territoire, les emplois liés aux commandes des CNPE de la région y sont majoritairement localisés (73 %), allant de 64 % pour le Tricastin à 81 % pour le Bugey. La plus faible part pour le Tricastin s’explique par sa situation géographique, à la frontière avec les régions voisines de Provence-Alpes-Côte d’Azur et d’Occitanie. À titre de comparaison, la part des emplois indirects locaux est nettement plus faible en Centre-Val de Loire (50 % sur les commandes de 2016), où le tissu industriel spécialisé est moins développé.

Avec 18 100 emplois rattachés directement à EDF ou consacrés à la satisfaction des commandes liées à l’activité nucléaire dans la région, le volume de l’emploi lié au nucléaire est comparable à celui du secteur pharmaceutique en Auvergne-Rhône-Alpes.

Les besoins d’EDF auprès de ses partenaires se concentrent principalement dans quatre secteurs : les activités d’architecture et d’ingénierie (28 %), les travaux de construction spécialisés (14 %), la réparation et l’installation de machines et d’équipements (12 %) et la fabrication de machines et d’équipements (8 %) (figure 4). Au total, plus de six emplois indirects sur dix, générés dans la région, concernent ces quatre secteurs.

Les emplois indirects liés aux commandes d’EDF générées en dehors de la région recouvrent ces mêmes activités, à hauteur de 63 %. Toutefois, ceux-ci sont plus souvent dans la construction (+ dix points par rapport à Auvergne-Rhône-Alpes) notamment parce qu’EDF sollicite deux importants acteurs nationaux du secteur situés en Alsace et en Île-de-France : Eiffage Énergie Systèmes – Clemessy à Mulhouse et Spie Nucléaire à Cergy.

EDF a également recours à des activités de services (dépenses de nettoyage, d’hébergement et restauration, de santé, de publicité, de conseil, ...).

Les 7 600 emplois indirects recensés en Auvergne-Rhône-Alpes se répartissent dans 1 100 établissements qui reçoivent des commandes liées à l’activité nucléaire nationale d’EDF. L’emploi est concentré : les dix premiers établissements (en nombre d’emplois indirects) représentent 32 % des emplois indirects et la moitié des emplois se situent au sein des 25 plus gros fournisseurs. Cette concentration est toutefois moins marquée qu’en Centre-Val de Loire, où les dix plus gros établissements regroupent 65 % des emplois indirects, indice d’un maillage industriel spécialisé plus développé en Auvergne-Rhône-Alpes.

Dans le secteur des activités d’architecture et d’ingénierie, principale branche des fournisseurs, les cinq plus gros établissements concentrent 58 % des emplois indirects. Cette part est de 48 % dans les travaux de construction spécialisés et monte à 88 % dans la fabrication de machines et d’équipements.

Les principaux fournisseurs de la région appartiennent pour la plupart à de grands groupes tels que Ardatem, Cegelec (filiale de Vinci Énergie), Nuvia Support, Reel, Rolls-Royce Civil Nuclear Sas. Ils jouent un rôle national, voire international au sein du secteur nucléaire. Leur activité dépasse les contours de la région. Parmi les 100 plus importants d’Auvergne-Rhône-Alpes, 61 % reçoivent également des commandes d’autres sites de France. La majorité des emplois indirects de ces établissements (56 %) sont toutefois générés par des commandes des sites implantés dans la région.

Parmi les établissements qui comptent plus de 50 emplois indirects, la dépendance aux commandes d’EDF est forte. Le montant de celles-ci représente en moyenne 51 % de leur chiffre d’affaires. Cette dépendance n’est pas forcément unilatérale mais reflète parfois une interdépendance. En effet, certains établissements très spécialisés dans l’activité nucléaire, voire monopolistiques sur des procédés précis, sont des partenaires nécessaires à EDF et difficilement remplaçables ; on parle alors de partenaires vitaux. La part des commandes que passe EDF à ces établissements dépasse les 80 % pour un quart d’entre eux. La majorité, voire l’ensemble des salariés, sont ainsi affectés à l’activité nucléaire.

L’interdépendance est la plus prégnante au sein des activités d’architecture et d’ingénierie : un cinquième des emplois des établissements fournisseurs d’EDF appartenant à ce secteur sont dédiés aux commandes d’EDF. Les trois plus importants sous-traitants sont spécialisés dans le nucléaire et leur activité est très fortement en lien avec celle d’EDF. Au final, au niveau de l’ensemble de l’emploi régional des services d’architecture et d’ingénierie, 3,6 % des effectifs sont liés aux commandes d’EDF.

Dans les travaux de construction spécialisés, la dépendance des fournisseurs est importante mais moins forte. Le montant des prestations pour EDF engendre de l’activité pour 14 % de leurs effectifs, cette part pouvant dépasser 30 % pour les fournisseurs les plus importants.

La localisation des fournisseurs suit deux logiques : ils sont situés soit à proximité des CNPE, du Tricastin et du Bugey en particulier, soit au sein des grandes agglomérations à l’est de la région, Lyon principalement, mais aussi Grenoble et Chambéry (figure 5). L’implantation au sein de ces unités urbaines offre aux fournisseurs les avantages associés à une grande agglomération : un marché du travail étendu et diversifié, la connexion aux réseaux de transport à l’échelle nationale.

Le Rhône concentre 39 % des emplois indirects générés dans la région : la quasi-totalité des fournisseurs se trouvent à Lyon et dans sa banlieue. Le département compte à la fois des prestataires importants mais aussi de nombreux plus petits (39 % des sous-traitants qui ont au moins un emploi indirect sont implantés dans le département). La fabrication de machines et d’équipements est largement surreprésentée car 85 % des emplois indirects de ce secteur se situent dans ce territoire.

Un cinquième des emplois indirects est localisé dans la Drôme, à proximité de la centrale du Tricastin. Ce site bénéficie d’une position stratégique puisqu’il se place entre deux autres centres : Cruas-Meysse au nord et le centre de recherche du CEA de Marcoule au sud, ce qui favorise l’activité sur l’un ou l’autre des trois sites. Saint-Vulbas, commune d’implantation du CNPE du Bugey, accueille également un fournisseur important. Les volumes d’emplois des prestataires à proximité du CNPE de Saint-Alban ou de Cruas-Meysse sont largement inférieurs.

Enfin, l’agglomération grenobloise concentre également d’importants fournisseurs et constitue ainsi un acteur notable de l’activité nucléaire au sein de la région, en particulier dans la fabrication de produits informatiques, électroniques et optiques (90 % des emplois indirects liés aux commandes d’EDF auprès du secteur).

Les principaux fournisseurs installés ailleurs en France et qui réalisent des commandes passées par les sites d’Auvergne-Rhône-Alpes sont d’abord implantés dans la métropole parisienne, qui capte une partie conséquente des commandes du fait de la présence des sièges sociaux des principaux groupes fournisseurs. Ils se situent également autour de Tours et de Marseille qui disposent, comme Lyon, de sites EDF jouant un rôle national. Enfin, des fournisseurs se trouvent à proximité d’autres CNPE en Normandie, Hauts-de-France, Centre-Val de Loire et Grand Est.

La consommation des salariés directs, indirects et de leurs familles génère aussi localement 8 100 emplois. Ces emplois induits sont principalement dirigés vers des activités présentielles telles que les services d’administration générale, économique et sociale, les activités hospitalières ou bien encore le commerce de détail.

Au total, dans la région en 2018, l’activité nucléaire d’EDF génère des emplois directs, indirects ou induits pour 26 200 salariés. Elle contribue ainsi aux revenus d’environ 70 000 personnes d’une des familles dont au moins l’un des membres exerce l’un de ces emplois.