Insee Analyses Bretagne · Octobre 2022 · n° 113

Une forte structuration géographique des revenus dans Rennes Métropole

Entre 2004 et 2017, la répartition spatiale de la population de Rennes Métropole en fonction de la classe de revenus (méthodologie) a notablement évolué. Elle s’explique, entre autres, par les prix des logements, la répartition des logements sociaux et les rénovations urbaines, mais également par la distance au centre de la métropole, qui concentre une part importante de l’emploi. La forte augmentation de la population de la métropole (+ 5 000 personnes par an sur la période 2013-2019) a sans doute contribué à amplifier ces évolutions.

Les classes de revenus et leurs évolutions enregistrées pour la métropole rennaise sont à replacer dans un contexte géographique plus large, celui de l’aire d’attraction de la ville (AAV) de Rennes. En retenant comme revenus de référence ceux de l’ensemble des ménages de Rennes Métropole, les plus bas revenus sont en proportion plus nombreux dans le « Cœur de métropole », où la part des logements sociaux est plus importante. En étendant l’analyse à l’AAV, il apparaît que le poids des bas revenus est également plus marqué à mesure que l’on s’éloigne de Rennes, aux limites de l’AAV, dans des communes qui sont cependant moins peuplées (figure 1). Pour leur part, les plus aisés sont plus présents dans les communes les plus proches de Rennes, en particulier à Saint-Grégoire et Cesson-Sévigné. Ces communes bénéficient de leur proximité avec Rennes, d’un type de logements attractif, mais les prix de l’immobilier limitent les possibilités d’implantation des classes à revenus intermédiaires. Ceux-ci sont en proportion plus nombreux aux limites extérieures de Rennes Métropole. Les ménages situés dans les classes de revenus intermédiaires, souvent actifs et ayant des enfants, y trouvent les logements qu’ils recherchent, en particulier des maisons individuelles, à des prix moindres.

Du fait de cette répartition des classes de revenus, les profils de revenus des communes de Rennes Métropole sont très diversifiés. La commune la plus représentative de la structure des revenus dans Rennes Métropole est Chantepie, avec 18 % de bas revenus et 20 % de hauts revenus. À l’inverse, Langan et Saint-Grégoire présentent de forts déséquilibres. À Langan, les moins aisés et les plus aisés sont peu nombreux et les ménages aux revenus intermédiaires surreprésentés, tandis qu’à Saint-Grégoire, 40 % de la population appartient à la catégorie des revenus les plus élevés. À titre d’exemple, le prix d’une maison (rapporté au nombre de pièces, pour les ventes enregistrées entre 2014 et 2019) est deux fois plus élevé à Saint-Grégoire qu’à Langan.

Rennes est la commune où la part des personnes à bas revenus est la plus élevée (29 % de la population des ménages se situe dans la première classe de revenus), suivie par Saint-Jacques-de-la-Lande (25 %). Ce sont les communes où se concentrent les deux tiers de la population la moins aisée de la métropole, ainsi que 57 % de son parc locatif social.

La répartition des cinq classes de revenus retenues a évolué sur le territoire de Rennes Métropole. Cette évolution traduit les choix de localisation des ménages, choix contraints par la disponibilité et le prix des logements désirés.

Ainsi, depuis 2004, la part des ménages à bas revenus progresse à Rennes comme dans la plupart des communes limitrophes (figure 2). Dans le même temps, cette proportion s’amoindrit dans les communes de la métropole les plus éloignées de Rennes, notamment à Langan, La-Chapelle-Chaussée, Bécherel et Miniac-sous-Bécherel. C’est dans ces communes que s’observe une forte croissance du nombre de ménages situés dans les tranches de revenus intermédiaires. Enfin, la part des ménages disposant des plus hauts revenus s’accroît à Rennes et à Saint-Grégoire, ainsi que dans des communes plus éloignées du centre métropolitain comme Laillé ou Vern-sur-Seiche.

Les mécanismes à l’œuvre sont multiples. La démographie communale permet en partie de comprendre ces phénomènes.

À Saint-Jacques-de-la-Lande et Chantepie, par exemple, la population a très fortement progressé, mais bien plus vite pour les revenus les plus bas, modifiant de ce fait la répartition des revenus sur la commune. Il ne faut donc pas interpréter ces évolutions comme un départ de la commune des ménages les plus aisés.

À Langan, au contraire, l’évolution du profil des revenus des habitants est due à la disparition progressive des anciennes populations peu aisées et à l’arrivée de ménages à revenus « intermédiaires-bas » (soit entre le premier et le deuxième quintile de revenus).

À Rennes, dont le poids démographique dans l’intercommunalité est important, s’observe une baisse de la part des ménages situés dans la tranche basse des revenus intermédiaires, tandis que la proportion de ménages à bas revenus augmente fortement et que la fraction de la population disposant de hauts revenus est en croissance. Cette évolution résulte bien de la baisse de la population située dans la tranche de revenus « intermédiaires-bas » et d’une hausse de la population des tranches de bas et hauts revenus.

Une approche par catégorie professionnelle pour la période 2012-2017 confirme cette analyse. Ainsi, les cadres et professions intellectuelles supérieures disposant de hauts revenus ont tendance à s’installer dans les communes accueillant déjà ce profil d’actifs. C’est dans ces communes que la proportion de ménages bénéficiant de hauts revenus est la plus importante et progresse le plus.

Là encore, ces évolutions sont à replacer dans le contexte plus large de l’AAV. La progression de la part des revenus intermédiaires est ainsi encore plus nette au-delà de Rennes Métropole. Ces classes de revenus sont en progression dans toutes les communes de cette couronne rennaise. A contrario, les plus bas revenus sont en proportion moins nombreux. Cet état de fait résulte tant de l’installation des ménages actifs aux revenus intermédiaires que de la disparition d’une population à bas revenus, plus rurale.

Dans les zones les plus denses de Rennes Métropole (Rennes, Cesson-Sévigné, Saint-Grégoire, Chantepie et Saint-Jacques-de-la-Lande), il est possible d’utiliser un découpage en carreaux. Ce carroyage permet de mettre en évidence les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), où les plus bas revenus sont plus présents, ainsi que les zones où les plus aisés sont surreprésentés, comme à Saint-Grégoire, à Cesson-Sévigné, mais aussi, dans le centre-ville de Rennes, au Thabor et dans une moindre mesure dans le quartier Sud-Gare (figure 3).

Entre 2004 et 2017, la population a augmenté dans le pôle de Rennes. Dans le même temps, la population des QPV est en diminution. Cependant, cette baisse ne s’est pas faite de manière uniforme selon les groupes sociaux, et la part des personnes classées dans les plus bas revenus y est proportionnellement plus importante en 2017 qu’en 2004 (figure 4). Cette répartition différente résulte de la baisse plus importante de la population disposant de revenus moyens ou supérieurs à la moyenne.

En particulier, la part des bas revenus tend à augmenter plus fortement dans les quartiers du Blosne et de Villejean, alors que le quartier de Maurepas connaît une évolution plus contrastée entre le sud (secteur Gros Chêne) où cette part semble augmenter et le nord (Gayeulles) où elle tend à diminuer.

Pour le Blosne, la part des bas revenus augmente également en bordure du quartier.

Des évolutions sont également observables pour les plus hauts revenus. Ainsi, la commune de Saint-Grégoire et plus encore celle de Cesson-Sévigné se démarquent en 2017 plus qu’en 2004. Au nord de Cesson-Sévigné, comme pour le nord de Saint-Grégoire, la part des plus aisés a ainsi augmenté au détriment, en particulier, des revenus intermédiaires et faibles. Du fait d’un habitat souvent moins dense dans les quartiers plus aisés, les populations concernées sont cependant souvent plus faibles.

Pour le nord de Cesson-Sévigné, dans la zone pavillonnaire du secteur Dézerseul, les évolutions semblent plus résulter de la baisse des ménages aux revenus intermédiaires et « intermédiaires-bas », sans que l’on observe une forte augmentation de la population la plus aisée. Il en est de même pour Saint-Grégoire.

Au centre-ville de Rennes, le quartier du Thabor reste plus riche, mais on n’y observe que peu d’évolution, sauf peut-être aux abords immédiats du parc.

Par ailleurs, la part des plus aisés augmente dans le quartier Sud-Gare et contribue ainsi à différencier ce quartier de la situation moyenne du Cœur de métropole, même si cet écart reste encore peu élevé. Ce quartier présente la particularité de disposer d’un bâti constitué de maisons de ville et maisons individuelles jumelées, rares en centre-ville. La différentiation par les hauts revenus augmente ainsi fortement pour le quartier Sainte-Thérèse. Cependant, le phénomène est bien plus vaste. La part des plus aisés augmente, au sud, jusqu’aux abords des QPV du Blosne et de Bréquigny. Pour l’instant, cette augmentation tend plutôt à réduire la différentiation de ces zones, les revenus intermédiaires restant nombreux.

Durant la période d’observation, de nouveaux quartiers ont pris leur envol, voyant leur population augmenter fortement. Ces nouveaux quartiers, telles les deux ZAC de Beauregard et la ZAC de la Courrouze, bénéficient d’une mixité de revenus souvent plus forte que les anciens quartiers, notamment entre les classes de revenus intermédiaires et bas. Les plus hauts revenus y sont cependant moins présents.

La création de nouveaux quartiers, où la mixité est renforcée, a pu permettre à certains des habitants les plus aisés des QPV de s’y installer. À Saint-Jacques-de-la-Lande, la ZAC de La Morinais a également connu une forte évolution de population. Les revenus médians et intermédiaires-bas y représentent plus de la moitié de la population, les bas revenus un peu moins d’un quart. La ZAC du Champ Daguet, à Saint-Grégoire, se distingue par une population plus aisée.

Ce carroyage permet de calculer un indicateur synthétique d’éloignement à la situation moyenne des revenus (indice de ségrégation de Theil) (méthodologie). Ce sont principalement les concentrations de bas revenus et de hauts revenus qui contribuent à faire augmenter la valeur de cet indice. Celui-ci a continûment augmenté dans le Cœur de métropole ou pôle de l’AAV de Rennes entre 2004 et 2017, et cette hausse a été plus prononcée que pour les pôles des métropoles comparables (Bordeaux, Grenoble, Montpellier, Nantes, Rouen, Strasbourg, Toulouse). Parmi ceux-ci, seul celui de la métropole de Rouen a un indice supérieur en 2017. Ces indices restent cependant proches. Si les habitants des QPV se situent en moyenne plus souvent dans les bas revenus en 2017 qu’en 2004, leur poids démographique est plus faible et ces quartiers n’expliquent pas la plus forte hétérogénéité géographique des revenus dans le Cœur de métropole. La hausse des prix de l’immobilier, en contribuant à une certaine ségrégation, a pu concourir à ce phénomène.