Un automne lourd de menaces pour l’Europe Note de conjoncture - octobre 2022

Note de conjoncture
Paru le :Paru le06/10/2022
Note de conjoncture- Octobre 2022
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Vue d'ensemble

Note de conjoncture

Paru le :06/10/2022

Les tensions sur les conditions de production persistent dans le monde, même si certaines difficultés d’approvisionnement refluent quelque peu. Ces tensions alimentent l’inflation. Si celle-ci s’est redressée plus précocement aux États-Unis, en lien avec une demande intérieure très dynamique, elle atteint désormais 10 % sur un an dans la zone euro, avec une forte contribution des prix énergétiques et alimentaires, mais aussi un élargissement progressif aux biens manufacturés et aux services. Au sein de la zone euro, les écarts entre les pays sont relativement importants : ils s’expliquent en partie par la nature des politiques publiques (boucliers tarifaires et/ou soutiens au revenu) mises en place pour limiter soit les hausses de prix, soit leurs effets sur le pouvoir d’achat des ménages.

Dans ce contexte, le paysage conjoncturel s’est récemment assombri, selon les enquêtes. En Europe en particulier, les craintes sur l’approvisionnement en énergie se sont renforcées depuis la mi-août. Par ailleurs, face à l’inflation élevée, les banques centrales occidentales ont entamé un cycle de resserrement monétaire qui s’est notamment traduit dans le redressement des taux des emprunts souverains, avec de forts écarts entre les pays, et dans l’augmentation du coût du crédit, qui pourrait peser sur les décisions d’investissement des entreprises et des ménages.

À l’horizon de nos prévisions (fin 2022), le commerce mondial ralentirait mais les dynamiques des différents pays ne seraient pas uniformes. L’économie américaine ralentirait sans reculer, portée par un marché du travail qui reste particulièrement vigoureux. L’économie chinoise se redresserait après les confinements du printemps, mais son rebond serait atténué par la faiblesse persistante de la demande intérieure. Les économies britannique et allemande pourraient quant à elles se contracter. L’Espagne et dans une moindre mesure la France voire l’Italie bénéficieraient encore d’effets résiduels de rattrapage post-crise sanitaire.

En France, le climat des affaires, malgré une certaine résilience, se voile dans la plupart des secteurs d’activité, sans doute en partie du fait des craintes sur l’approvisionnement en électricité et en gaz et sur les prix à venir de l’énergie. En témoigne la baisse plus marquée du moral des chefs d’entreprise dans les branches industrielles les plus dépendantes de l’énergie pour leur production (chimie, métallurgie, papier-carton, etc.). Ces inquiétudes pèsent également sur la confiance des ménages.

Les données « en dur » disponibles sur juillet-août pour la France suggèrent que les effets de rattrapage post-crise sanitaire tendent à s’amenuiser dans les services liés au tourisme. La consommation des ménages en biens reste quant à elle mal orientée, même si les immatriculations (et la production) de véhicules neufs ont rebondi. Les livraisons aéronautiques ont quant à elles été dynamiques cet été.

Au total, compte tenu de ces informations conjoncturelles mitigées, le PIB français aurait progressé modestement au troisième trimestre 2022 (+ 0,2 % prévu, après + 0,5 % au deuxième trimestre). Pour le quatrième trimestre, le scénario proposé (stabilité du PIB, soit 0,0 %) est intermédiaire entre la croissance qui pourrait encore être attendue au vue de la relative résilience du climat des affaires et un éventuel repli de l’activité en cas par exemple de contraintes fortes sur les approvisionnements en énergie. En moyenne annuelle, le PIB français augmenterait de 2,6 % en 2022 par rapport à 2021.

L’emploi salarié, qui a continué d’être très dynamique au premier semestre, ralentirait à l’instar de l’activité économique. La hausse des contrats en alternance resterait toutefois soutenue. L’emploi total progresserait de 0,2 % au troisième trimestre puis de 0,1 % au quatrième, portant à un peu plus de 300 000 le nombre de créations nettes d’emplois en 2022 (après environ 970 000 en 2021). Le taux de chômage resterait stable au second semestre 2022, à 7,4 % de la population active, celle-ci ralentissant également.

Le glissement annuel de l’indice des prix à la consommation a baissé en septembre pour le deuxième mois consécutif, à 5,6 %, à la faveur notamment du repli des prix de l’énergie (recul des cours du pétrole, amplification de la remise à la pompe, maintien des boucliers sur les tarifs réglementés du gaz et de l’électricité). L’inflation resterait autour de ce niveau en octobre, avant de repartir à la hausse en fin d’année (+ 6,4 % prévu en décembre). La réduction progressive de la remise à la pompe tirerait en effet à la hausse les prix de l’énergie, tandis que ceux de l’alimentation et des biens manufacturés continueraient d’augmenter sous l’effet des hausses passées des prix des matières premières et des intrants. La suppression de la redevance audiovisuelle atténuerait la contribution des services à l’inflation d’ensemble. L’inflation sous-jacente s’élèverait quant à elle à un peu plus de 5 % sur un an en décembre.

Après son net repli au premier semestre 2022, le pouvoir d’achat du revenu disponible brut des ménages rebondirait au second semestre, porté par le dynamisme des revenus nominaux du fait notamment des mesures de soutien (hausses de prestations, baisses de prélèvements) et, dans une moindre mesure, par le ralentissement des prix. Sur l’ensemble de l’année 2022, le pouvoir d’achat serait globalement stable, et se replierait de l’ordre de ½ % par unité de consommation. Les ménages lisseraient néanmoins les effets des fluctuations trimestrielles de leur pouvoir d’achat sur leur consommation et celle-ci serait relativement peu dynamique au second semestre, conduisant à un rebond du taux d’épargne.

Le taux de marge des entreprises atteindrait 32 % en moyenne sur l’année 2022, un niveau légèrement supérieur à celui de 2018, mais en nette baisse par rapport à 2021 où il avait été particulièrement soutenu par les aides d’urgence liées à la crise sanitaire. La hausse des prix de l’énergie pourrait, par ailleurs, dégrader le taux de marge des entreprises les plus dépendantes de ce facteur de production et accroître ainsi l’hétérogénéité entre les branches d’activité.

Si le scénario de croissance modeste en France au troisième trimestre 2022 se précise peu à peu au fil de la publication des données disponibles, celui relatif au dernier trimestre reste particulièrement incertain à ce stade compte tenu des multiples aléas susceptibles de l’affecter, au-delà du comportement des agents économiques : développements géopolitiques, approvisionnements en énergie, situation sanitaire, conséquences des resserrements monétaires, etc.