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Insee Analyses Martinique · Juillet 2022 · n° 55
Insee Analyses MartiniqueUn Martiniquais sur dix en situation de grande pauvreté en 2018

Antonin Creignou, Marcelle Jeanne-Rose (Insee)

En Martinique, en 2018, un habitant sur dix vit en situation de grande pauvreté: cumulant au moins sept privations matérielles et une forte pauvreté monétaire. Les trois quarts des Martiniquais en grande pauvreté ont dû faire face à des impayés et la grande majorité renoncent aux loisirs. Les familles monoparentales et les personnes seules sont particulièrement confrontées à cette pauvreté intense. Le fait d’être en emploi protège de la grande pauvreté pour toutes les catégories socio-professionnelles.

Insee Analyses Martinique
No 55
Paru le :Paru le11/07/2022

En 2018, en Martinique, 30 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, soit avec moins de 1 010 euros par mois. Ce taux est deux fois plus élevé qu’en France métropolitaine. Par ailleurs, deux Martiniquais sur cinq sont en situation de privation matérielle et sociale, soit près de trois fois plus qu’en France métropolitaine. Ils pâtissent d’au moins cinq privations dans leur vie quotidienne, parmi une liste de treize. Ces restrictions concernent le logement, l’habillement, l’alimentation, les loisirs et d’autres besoins, tels que l’accès à internet à leur domicile ou la possession d’une voiture. Parmi cette population touchée par la pauvreté, certains Martiniquais subissent une pauvreté plus intense et sont en situation dite de grande pauvreté. Ils cumulent une forme et au moins sept privations matérielles et sociales. Le cumul de ces deux formes de précarité témoigne de difficultés plus intenses dans la vie quotidienne. Cette publication se concentre uniquement sur les personnes vivant en logement ordinaire, faute de données descriptives sur les autres populations dans l’enquête Statistiques sur les Ressources et Conditions de Vie (sources).

Un Martiniquais sur dix en situation de grande pauvreté en 2018

En Martinique, 10,5 % de la population est en situation de grande pauvreté en 2018, soit 38 700 personnes (figure 1). La grande pauvreté est cinq fois plus élevée qu’en France métropolitaine (2,1 %). Les Martiniquais sont encore plus fréquemment touchés par des situations de grande pauvreté, alors qu’ils sont déjà bien plus souvent concernés par l’une des deux formes de pauvreté, qu’elle soit monétaire ou en condition de vie. En comparaison, la grande pauvreté concerne 12 % de la population en Guadeloupe, 14 % à La Réunion et 29 % en Guyane. Ainsi, un quart de la population française en grande pauvreté vit dans les DROM. Le taux de pauvreté dans l’Union Européenne s’élève à 2,7 %. Par ailleurs, les Martiniquais en situation de grande pauvreté le ressentent fortement sur le plan financier : 81 % d’entre eux jugent leur situation financière difficile, voire s’endettent pour finir les fins de mois. Les autres estiment devoir faire attention.

Figure 1Part de la population selon la forme de pauvreté, selon le territoire

(en %)
Part de la population selon la forme de pauvreté, selon le territoire ((en %))
Grande pauvreté Privation sévère seule Pauvreté monétaire sévère seule
Guyane 29,12 7,41 23,46
Guadeloupe 11,79 9,77 18,06
Roumanie 10,7 17,7 6,4
Martinique 10,49 9,57 17,29
Bulgarie 9,6 12,7 5,5
France métropolitaine 2,1 4,8 4,6
  • Note de lecture : 10 % des Martiniquais sont en situation de grande pauvreté, 10 % subissent au moins sept privations matérielles et sociales sans pauvreté monétaire, 17 % sont en situation de pauvreté monétaire sévère sans subir de privations sévères.
  • Champ : Ensemble de la population
  • Source : Insee, enquête Statistique sur les Ressources et les Conditions de Vie (SRCV) 2018

Figure 1Part de la population selon la forme de pauvreté, selon le territoire

  • Note de lecture : 10 % des Martiniquais sont en situation de grande pauvreté, 10 % subissent au moins sept privations matérielles et sociales sans pauvreté monétaire, 17 % sont en situation de pauvreté monétaire sévère sans subir de privations sévères.
  • Champ : Ensemble de la population
  • Source : Insee, enquête Statistique sur les Ressources et les Conditions de Vie (SRCV) 2018

Le travail protège de la grande pauvreté

Être en emploi protège de la grande pauvreté. En effet, seuls 4 % des actifs occupés (42 % de la population en âge de travailler) sont en situation de grande pauvreté en Martinique (figure 2). À l’inverse, 22 % des chômeurs subissent cette situation. Le taux élevé de grande pauvreté sur l’île s’explique donc en partie par les caractéristiques du marché du travail. D’une part, le taux de chômage est élevé (17 % en 2018, deux fois plus qu’en France métropolitaine). D’autre part, le halo autour du chômage, c’est-à-dire les personnes à la frontière de l’inactivité et du chômage, regroupe 7 % des Martiniquais en âge de travailler. De plus, entre l’emploi et le chômage, le sous-emploi concerne 11 % des actifs occupés en Martinique en 2018. Ces taux sont inférieurs en France métropolitaine.

Être en emploi est une barrière contre les formes sévères de pauvreté pour toutes les catégories socio-professionnelles, y compris pour les techniciens, ouvriers ou employés quand ils sont en emploi. Néanmoins, les ouvriers et les employés sont plus souvent en situation de grande pauvreté (9 % d’entre eux) que les autres actifs (figure 3). D’une part, ils vivent plus souvent des périodes de chômage : 18 % des ouvriers et employés sont au chômage en 2018 contre seulement 7 % des cadres et 9 % des professions intermédiaires. D’autre part, le temps partiel et le fractionnement de l’emploi (alternance de périodes d’emploi et de chômage ou d’inactivité, intérim de courte durée) peuvent conduire à des revenus faibles. Aussi, en lien avec des revenus moins élevés, les ouvriers ou employés peuvent être en difficulté pour épargner et donc basculer plus rapidement dans la grande pauvreté suite à la perte de leur emploi.

Par ailleurs, en Martinique, 9 % des retraités et 18 % des inactifs vivent en situation de grande pauvreté. En 2018, 149 700 personnes sont inactives ; soit la moitié de la population en âge de travailler. Par ailleurs, 68 400 Martiniquais sont retraités (25 % de la population de 15 ans ou plus).

Figure 2Répartition de la population selon sa situation sur le marché du travail

(en %)
Répartition de la population selon sa situation sur le marché du travail ((en %))
Grande pauvreté Privation sévère seule Pauvreté monétaire sévère seule Pas de pauvreté sévère
Actifs occupés 3,56 8,91 6,94 80,58
Chômeurs 21,7 12,34 31,5 34,46
Retraités 8,53 8,75 18,47 64,26
Martinique 9,72 9,34 17,39 63,54
  • Note de lecture : 22 % des chômeurs sont en situation de grande pauvreté en Martinique
  • Champ : Ensemble de la population de 15 ans et plus
  • Source : Insee, enquête Statistique sur les Ressources et les Conditions de Vie (SRCV) 2018

Figure 2Répartition de la population selon sa situation sur le marché du travail

  • Note de lecture : 22 % des chômeurs sont en situation de grande pauvreté en Martinique
  • Champ : Ensemble de la population de 15 ans et plus
  • Source : Insee, enquête Statistique sur les Ressources et les Conditions de Vie (SRCV) 2018

Figure 3Répartition de la population selon la forme de pauvreté et la catégorie socio-professionnelle

(en %)
Répartition de la population selon la forme de pauvreté et la catégorie socio-professionnelle ((en %))
Grande pauvreté Privation sévère seule Pauvreté monétaire sévère seule Pas de pauvreté sévère
Liberaux/cadres 0 0,52 1,18 98,3
Interm/tech 3,59 5,17 8,67 82,56
Employés 9,43 11,33 14,68 64,56
Ouvriers 8,84 13,62 15,65 61,89
Inactifs 17,92 9,69 28,36 44,03
Martinique 9,72 9,34 17,39 63,54
  • Note de lecture : 9 % des ouvriers sont en situation de grande pauvreté en Martinique
  • Champ : Ensemble de la population de 15 ans et plus
  • Source : Insee, enquête Statistique sur les Ressources et les Conditions de Vie (SRCV) 2018

Figure 3Répartition de la population selon la forme de pauvreté et la catégorie socio-professionnelle

  • Note de lecture : 9 % des ouvriers sont en situation de grande pauvreté en Martinique
  • Champ : Ensemble de la population de 15 ans et plus
  • Source : Insee, enquête Statistique sur les Ressources et les Conditions de Vie (SRCV) 2018

Les familles monoparentales particulièrement exposées à la grande pauvreté

Les Martiniquais vivant dans une famille monoparentale sont parmi les plus touchés par la grande pauvreté : 17 % d’entre eux sont en situation de grande pauvreté (figure 4), comme en Guadeloupe. En Martinique, 38 900 enfants de moins de 18 ans vivent dans une famille monoparentale, soit 53 % des enfants. Ainsi, 38 % des personnes en grande pauvreté en Martinique vivent dans une famille monoparentale. Les personnes seules subissent également plus souvent des privations sévères (13 % d’entre elles subissent cette pauvreté intense). À l’inverse, les couples sont relativement épargnés : seulement 6 % des couples avec enfant(s) et 4 % des couples sans enfant sont touchés par la grande pauvreté. Enfin les jeunes de moins de 30 ans sont plus impactés par la grande pauvreté que les autres tranches d’âge (14 % contre 10 % des seniors de plus de 65 ans et 9 % des 30-64 ans). En effet, les jeunes sont davantage confrontés au chômage (36 %) et ils sont plus présents dans les emplois précaires.

Figure 4Répartition de la population selon la forme de pauvreté et le type de ménage

(en %)
Répartition de la population selon la forme de pauvreté et le type de ménage ((en %))
Grande pauvreté Privation sévère seule Pauvreté monétaire sévère seule Pas de pauvreté sévère
Couples avec enfant(s) 6,27 6,93 9,8 76,99
Couples sans enfant 3,58 7,45 7,22 81,76
Personne seule 13,32 9,32 22,75 54,6
Monoparentale 16,97 12,39 20,22 50,42
Ménages complexes 12,65 13,22 32,97 41,17
Martinique 10,49 9,57 17,29 62,65
  • Note de lecture : 13 % des personnes seules sont en situation de grande pauvreté en Martinique
  • Champ : Ensemble de la population
  • Source : Insee, enquête Statistique sur les Ressources et les Conditions de Vie (SRCV) 2018

Figure 4Répartition de la population selon la forme de pauvreté et le type de ménage

  • Note de lecture : 13 % des personnes seules sont en situation de grande pauvreté en Martinique
  • Champ : Ensemble de la population
  • Source : Insee, enquête Statistique sur les Ressources et les Conditions de Vie (SRCV) 2018

Les Martiniquais en situation de grande pauvreté en difficulté pour répondre à des besoins vitaux

La permet de mieux appréhender les choix de consommation et les difficultés des personnes en situation de grande pauvreté.

Les privations physiologiques regroupent trois privations : le fait de ne pas pouvoir manger un repas protéiné (contenant de la viande, du poisson ou un substitut végétal) tous les deux jours, de ne pouvoir acheter deux bonnes paires de chaussures neuves, ni pouvoir remplacer ses vêtements par des vêtements neufs. En 2018, 80 % des Martiniquais en situation de grande pauvreté subissent au moins une de ces privations physiologiques (figure 5. En particulier, plus de la moitié des Martiniquais en situation de grande pauvreté renoncent au repas protéiné tous les deux jours. De fait, en Martinique, les dépenses alimentaires pèsent davantage dans le budget des plus modestes. Il représente 20 % du budget pour les 20 % des ménages martiniquais les plus modestes, contre 14 % pour les 20 % les plus aisés. Facteur aggravant, le niveau des prix de l’alimentaire est 38 % plus élevé en Martinique qu’en France métropolitaine (2015),

Les privations dites de sécurité incluent le fait de ne pas posséder une voiture personnelle pour raison financière, ne pas être en mesure de maintenir une température adéquate dans le logement et d’avoir des impayés d’emprunt, de loyer ou de facture. En 2018, 92 % des Martiniquais en situation de grande pauvreté sont privés d’au moins une privation de sécurité. En particulier, 34 % des Martiniquais en grande pauvreté ne disposent pas d’une voiture pour raison financière. Cette privation est caractéristique de la grande pauvreté : en France, cette privation concerne 40 % des personnes en grande pauvreté. Plus qu’en métropole, le transport revêt un enjeu majeur sur le territoire. Ce poste de dépense de consommation est le plus important des ménages martiniquais (20 % en 2017). L’emploi est concentré dans le Centre d’Agglomération. Un véhicule est donc souvent nécessaire pour les déplacements domicile-travail, car le réseau des transports en commun doit être renforcé sur l’île. Ainsi, l’absence de véhicule apparaît comme un obstacle majeur pour intégrer le monde du travail et donc sortir de la grande pauvreté.

Les trois quarts des Martiniquais en grande pauvreté ont dû faire face aussi à des impayés dans l’année (74 %). En effet, les dépenses pré-engagées (liées à des contrats difficilement renégociables à court terme ; par exemple les dépenses liées au logement ou aux communications) pèsent fortement dans le budget des ménages. Elles représentent un tiers du budget en Martinique et ce poids est encore plus élevé pour les ménages modestes.

Figure 5Taux de privations selon la forme de pauvreté

(en %)
Taux de privations selon la forme de pauvreté ((en %))
Variable Grande pauvreté Privation sévère seule Pauvreté monétaire sévère seule Martinique
1020 euros, meubles et vacances 100 100 93,71 79,85
Loisirs 98,93 99,17 41,69 41,19
Securite 91,76 90,13 54,79 45,65
Physio 80,4 78,68 17,2 24,98
  • Note de lecture : 99 % des personnes en situation de grande pauvreté ont au moins une privation de loisir en Martinique
  • Champ : Ensemble de la population
  • Source : Insee, enquête Statistique sur les Ressources et les Conditions de Vie (SRCV) 2018

Figure 5Taux de privations selon la forme de pauvreté

  • Note de lecture : 99 % des personnes en situation de grande pauvreté ont au moins une privation de loisir en Martinique
  • Champ : Ensemble de la population
  • Source : Insee, enquête Statistique sur les Ressources et les Conditions de Vie (SRCV) 2018

Les loisirs payants très peu accessibles pour les personnes en grande pauvreté

Les privations de loisirs englobent l’impossibilité de disposer d’une somme d’argent à soi pouvant être dépensée sans consulter quiconque, ne pas avoir de loisirs payants, ne pas pouvoir inviter des amis ou de la famille à manger une fois par mois et ne pas avoir un accès à internet. En lien avec la « hiérarchie » des besoins, l’accès aux loisirs est moins prioritaire que la satisfaction des besoins physiologiques ou de sécurité. Or, une grande partie des Martiniquais en situation de grande pauvreté est déjà confrontée à des privations physiologiques et de sécurité. Ainsi, une grande majorité d’entre eux renoncent à au moins une des activités de loisirs. En particulier, 91 % des personnes en situation de grande pauvreté n’ont pas d’argent personnel à dépenser et 88 % ne pratiquent pas de loisirs payants. Néanmoins, seulement 26 % d’entre eux n’ont pas accès à internet à leur domicile. En effet, au-delà du loisir, Internet devient nécessaire pour les démarches administratives ou la recherche d’un emploi.

Aussi, 61 % des Martiniquais en situation de grande pauvreté ne peuvent se permettre de se retrouver autour d’un verre ou d’un repas avec de la famille ou des amis au moins une fois par mois. Cette partie de la population en grande pauvreté est donc plus exposée à l’isolement social. En comparaison, les Guadeloupéens en grande pauvreté souffrent des différentes privations dans des proportions similaires.

Enfin, l’immense majorité des Martiniquais en grande pauvreté est touchée par les privations nécessitant une dépense financière importante ; à savoir disposer de 1 020 € pour faire face à une dépense imprévue ; le remplacement des meubles hors d’usage et la possibilité de partir une semaine en vacances hors du domicile. Ces privations ne sont cependant pas caractéristiques de la grande pauvreté ; elles sont largement répandues dans l’ensemble de la population en Martinique.

Autour de la grande pauvreté, plus d’un quart des Martiniquais en privation matérielle ou monétaire sévère

Autour de la grande pauvreté, une partie de la population, également défavorisée, souffre d’une des deux formes de pauvreté sévère (matérielle ou monétaire). Ce « halo » autour de la grande pauvreté concerne 27 % des Martiniquais.

Un Martiniquais sur dix subit au moins sept privations mais dispose néanmoins d’un niveau de vie supérieur à 50 % du revenu médian (une personne sur vingt au sein de la population en France métropolitaine). Leur condition de vie est similaire aux Martiniquais en situation de grande pauvreté. En effet, leurs taux de privations sont similaires aux personnes en grande pauvreté à l’exception de la voiture. Ils sont plus de trois fois moins nombreux à renoncer à une voiture pour raison financière (11 % des personnes en privation matérielle sévère seule, contre 34 % des Martiniquais en grande pauvreté). Ainsi, le revenu des personnes subissant sept privations serait en priorité utilisé dans l’achat d’une voiture. En revanche, les taux des autres privations sont comparables aux personnes en grande pauvreté : 82 % d’entre eux ne pratiquent pas de loisirs payants pour raison financière, 67 % ne peuvent s’acheter des vêtements neufs et 73 % ont eu des retards de paiement. Par ailleurs, 70 % d’entre eux estiment leur situation financière difficile.

Parmi eux ; 45 % sont des actifs occupés (contre 20 % des personnes en grande pauvreté) mais occupent souvent des emplois peu qualifiés : ce sont majoritairement des ouvriers ou des employés.

Des personnes très modestes monétairement mais aidées par des ressources non prises en compte dans le niveau de vie

En Martinique, 17 % de la population vit en privation monétaire sévère sans toutefois souffrir de privations matérielles et sociales sévères (4,6 % en France métropolitaine). Ces personnes pauvres subissent en moyenne seulement quatre privations. Néanmoins, la majorité (94 %) d’entre eux est confronté au moins à une des trois privations les plus répandues en Martinique. Ils sont ainsi 81 % à ne pas pouvoir faire face à des dépenses imprévues, 76 % à ne pas pouvoir se payer de vacances et 67 % à ne pas pouvoir remplacer des meubles usagers.

En revanche, seulement 17 % des Martiniquais en pauvreté monétaire sévère seule subissent au moins une privation relevant d’un besoin physiologique et 55 % d’au moins une privation de sécurité. Enfin, 54 % d’entre eux sont touchés par une privation de loisirs. Ces personnes disposant de faibles revenus peuvent bénéficier de ressources non prises en compte dans la mesure des revenus (la possession d’une résidence principale, épargne financière, aide de proches, autoconsommation, travail informel…) et subissent moins de privations que les personnes en grande pauvreté. En effet, la moitié des Martiniquais en pauvreté monétaire sévère seule sont propriétaires (38 % des personnes en situation de grande pauvreté) et 13 % sont hébergés gratuitement (10 % des personnes en situation de grande pauvreté). Au final, seulement 37 % d’entre eux sont locataires et payent un loyer (52 % des Martiniquais en situation de grande pauvreté). De plus, un quart des Martiniquais en privation monétaire seule pratique l’autoconsommation, c’est-à-dire que le ménage produit et consomme des denrées provenant du jardinage, de l’élevage, de la cueillette, de la chasse ou de la pêche (contre seulement 18 % des Martiniquais en grande pauvreté).

Parmi la population touchée par la pauvreté monétaire sévère seule, les personnes seules et familles monoparentales sont surreprésentées. Aussi, 7 % des actifs occupés gagnent moins de 50 % du revenu médian. Le ressenti des ménages sur leur situation financière est plus modéré que les personnes en grande pauvreté, 41 % d’entre eux la jugent difficile et 47 % doivent faire attention à leurs dépenses.

La situation financière qui peut rester difficile pour les Martiniquais ne subissant aucune des deux privations sévères

La majorité des couples ne souffrent d’aucune forme de pauvreté sévère : 82 % des couples sans enfants et 77 % des couples avec enfants. Parmi les actifs occupés, 81 % sont épargnés de la pauvreté monétaire et matérielle sévère, contre 34 % des chômeurs et 64 % des retraités. Cependant, les conditions de vie des Martiniquais épargnés de la grande pauvreté est hétérogène. Elle recouvre des situations diverses : par exemple, 25 % d’entre eux estiment avoir une situation financière convenable mais 47 % déclarent devoir faire attention pour finir les fins de mois.

Publication rédigée par :Antonin Creignou, Marcelle Jeanne-Rose (Insee)

Sources

L’enquête Statistiques sur les Ressources et les Conditions de Vie (SRCV) est la version française du dispositif européen European Statistics on Income and Living Conditions (EU-SILC). Son objectif est de produire des indicateurs structurels sur la répartition des revenus, de la pauvreté et de l’exclusion, comparables pour les pays de l’Union européenne.

Définitions

Pauvreté monétaire sévère : un individu est en pauvreté monétaire sévère lorsqu'il vit dans un ménage dont le niveau de vie est inférieur à 60 % du niveau de vie médian.

La pyramide de Maslow : pyramide qui hiérarchise les besoins d'un individu. Imaginée par le psychologue Abraham Maslow dans les années 1940, cette pyramide comporte cinq types de besoins : les besoins physiologiques, les besoins de sécurité, les besoins d'appartenance et d'amour, les besoins d'estime, et, au sommet de la pyramide, le besoin d'accomplissement de soi ou d'auto-réalisation.

Pour en savoir plus

 La grande pauvreté bien plus fréquente et beaucoup plus intense dans les DOM, Insee Focus n°270, juillet 2022

Blasco J., Gleizes F., « Qui est pauvre en Europe ? » Insee Références, édition 2019

Mével E., « La privation matérielle et sociale affecte deux Martiniquais sur cinq », Insee Analyses Martinique n°43, décembre 2020

Creignou A., Jeanne-Rose M., « 27,4 % des Martiniquais vivent sous le seuil de pauvreté en 2019 », Insee Analyses Martinique, n°54, mai 2022