Un an après... Note de conjoncture - mars 2021

Rédaction en chef : Julien Pouget, Olivier Simon, Hadrien Leclerc, Pierre Poulon

 

Note de conjoncture
Paru le :Paru le11/03/2021
Note de conjoncture- Mars 2021
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Vue d'ensemble

Un an après...

Note de conjoncture

Paru le :11/03/2021

En 2020, une récession planétaire d’une ampleur historique

Un an après le début de la crise sanitaire, qui a entraîné au printemps dernier des chutes d’activité économique d’une ampleur et d’une soudaineté inouïes dans la plupart des pays du monde, l’épidémie de Covid-19 est toujours active même si les outils pour la juguler se sont considérablement renforcés avec notamment le développement rapide de vaccins.

Sur l’ensemble de l’année 2020, la récession a été particulièrement lourde en Espagne (– 11,0 %) et au Royaume-Uni (– 9,9 %). En France, le produit intérieur brut (PIB) s’est contracté de 8,2 %, un peu moins qu’en Italie (– 8,9 %) mais nettement plus qu’en Allemagne (– 5,3 %) et qu’aux États-Unis (– 3,5 %). À l’inverse de la crise de 2009, les services marchands – en particulier les plus concernés par les mesures de restrictions sanitaires – ont en général été plus affectés que l’industrie. L’investissement des entreprises a baissé mais en résistant plutôt mieux que prévu.

Dans nombre de pays, le premier trimestre 2021 est marqué tout à la fois par le maintien de restrictions sanitaires importantes et par le démarrage des campagnes de vaccinations. Sur le plan économique, si les inquiétudes persistent du côté des services, les enquêtes menées auprès des entreprises européennes suggèrent une relative bonne tenue de l’industrie. Les prix de production y sont en nette hausse dans le sillage des cours des matières premières et certaines tensions apparaissent déjà sur l’approvisionnement. En parallèle, les États-Unis viennent d’adopter un nouveau plan massif de soutien budgétaire.

En France, un premier trimestre 2021 sur une ligne de crête, entre lassitude et résistance

En France, les indicateurs avancés de la consommation, en particulier les montants agrégés de transactions par carte bancaire CB, reproduisent assez nettement le rythme des restrictions sanitaires et des mesures réglementaires (dates des soldes d’hiver) mais aussi les adaptations des comportements des ménages.

Au premier trimestre 2021, la consommation oscillerait donc autour d’un niveau moyen à 5 % sous son niveau d’avant-crise (soit le dernier trimestre 2019 ; figure). Après un net rebond en décembre, elle aurait été en retrait en janvier (– 6 % sous son niveau d’avant-crise) puis en léger rebond en février (– 4 %, bénéficiant du décalage et de la prolongation des soldes d’hiver). Elle reviendrait en mars à son niveau de janvier, dans un contexte de renforcement, à un niveau local, de certaines mesures de restrictions. Les ventes en ligne resteraient quant à elles dynamiques.

Du côté de la production, les indicateurs à haute fréquence (consommation d’électricité des entreprises directement raccordées à RTE, trafic routier de poids lourds,...) ainsi que les enquêtes de conjoncture auprès des entreprises suggèrent une croissance modérée de la production industrielle sur le trimestre, après son vif rebond antérieur. L’activité dans les services resterait quant à elle très contrastée, en fonction du degré d’exposition de chaque secteur aux mesures sanitaires.

Au total, l’activité économique (PIB) se situerait au premier trimestre 2021 à environ 4 % sous son niveau d’avant-crise (soit une croissance trimestrielle de l’ordre de + 1 %). Ce niveau d’activité serait globalement proche de celui enregistré au troisième trimestre 2020, alors que les conditions sanitaires se sont dégradées depuis cet été. Mais les trajectoires sectorielles seraient très différentes : l’industrie a depuis lors poursuivi sa reprise, tandis que les services les plus affectés par la crise sanitaire (hébergement-restauration, transports, loisirs et culture) ont vu leur situation se détériorer nettement par rapport à celle de l’été dernier.

Ce sont d’ailleurs ces services qui tireraient à la baisse l’emploi salarié au premier trimestre 2021 (environ 77 000 destructions nettes prévues, tous secteurs confondus), après une année 2020 marquée par la perte de 284 000 emplois salariés, une chute importante mais amortie notamment par le dispositif d’activité partielle. Le taux de chômage augmenterait à nouveau au premier trimestre 2021, à 8,5 %, après une baisse fin 2020 davantage liée à la relative bonne tenue de l’emploi qu’à la contraction de la population active du fait du deuxième confinement.

Estimations et prévisions mensuelles du PIB et de la consommation des ménagesécart au quatrième trimestre 2019, en %

  • Source : Insee.

L’activité du deuxième trimestre 2021 restera évidemment tributaire de la situation sanitaire

Comme depuis le début de la crise, l’activité économique des prochains mois dépendra largement des conditions sanitaires. Nous considérons à titre illustratif un scénario où l’industrie poursuivrait très progressivement sa reprise et où, en moyenne sur le deuxième trimestre 2021, l’activité des transports et des services aux ménages retrouverait globalement son niveau d’octobre dernier, tandis que l’hébergement-restauration comblerait la moitié de l’écart le séparant de son activité d’octobre.

Le PIB français progresserait alors de nouveau d’environ 1 % en variation trimestrielle, pour s’établir au printemps à 3 % sous son niveau d’avant-crise. L’acquis de croissance annuelle mi-2021 serait de l’ordre de + 5½ %.

Ce scénario reste conditionnel à l’évolution de l’épidémie. Même sans nouvelle dégradation, en début d’année plus de 4 entreprises sur 10 déclaraient dans les enquêtes de conjoncture que les mesures de protection sanitaire (mesures prophylactiques, réorganisations éventuelles et/ou télétravail) jouaient négativement sur leur productivité. Et alors que la menace d’une troisième vague demeure, il est difficile de chiffrer a priori l’impact d’éventuels durcissements des mesures de restriction voire d’un reconfinement national. La comparaison entre les deux confinements de 2020 montre à quel point leurs modalités mais aussi la faculté d’adaptation de l’économie et in fine leurs impacts ont été différents. S’il est peu probable que l’activité retombe au niveau très bas du mois d’avril 2020, certaines mesures mises en place pendant le premier mais pas le deuxième confinement (fermeture des écoles par exemple) sont susceptibles, si elles devaient être adoptées, d’entraîner un choc plus important qu’en novembre.

Tirer parti des données à haute fréquence, au niveau macro mais aussi microéconomique

Depuis un an, à la faveur de la crise, la panoplie des données mobilisées pour assurer le suivi conjoncturel s’est enrichie. Certains indicateurs – par exemple les indices de sentiment médiatique, calculés à partir d’une base d’articles de presse – ont surtout rendu compte du premier choc survenu en mars, mais se sont avérés moins opérants par la suite. D’autres, comme les données de vente de la grande distribution et les montants agrégés de transactions par carte bancaire CB, continuent d’être largement mobilisés : ils tirent en effet parti de la dématérialisation de l’économie tout en retraçant au plus près les achats de biens et services qui constituent directement une partie de la consommation des ménages telle qu’elle sera ensuite mesurée par les comptes nationaux.

Certaines de ces données permettent aussi de disposer d’informations avancées au niveau microéconomique. Cette Note de conjoncture comporte ainsi une exploitation de données bancaires. Au niveau macroéconomique, les comptes nationaux ont établi que malgré le recul de l’activité, le pouvoir d’achat des ménages mesuré par unité de consommation s’était globalement maintenu en 2020, grâce entre autres à l’activité partielle – ce qui, conjugué à la chute de la consommation, a mécaniquement fait gonfler l’épargne financière. Mais ces chiffres moyens masquent des disparités : les données bancaires montrent, sur l’échantillon étudié, que si cette hausse concerne tous les groupes de ménages, quel que soit leur niveau de patrimoine, elle est plus élevée (mesurée en euros et non en pourcentage) chez les ménages à hauts patrimoines, qui ont pu épargner davantage en diminuant leur consommation. Parmi les ménages actifs, certains (artisans, commerçants, salariés du privé par contraste avec ceux du public) auraient par ailleurs été davantage touchés que d’autres par la baisse de l’activité économique et auraient donc moins augmenté leur épargne. Ces premiers résultats gagneront bien sûr à être corroborés par des données plus complètes. Ils témoignent néanmoins du potentiel d’analyse offert par l’exploitation de ces données à la fois avancées et microéconomiques.