Insee Conjoncture Ile-de-FranceLa crise sanitaire fait vaciller l’économie francilienne dès la fin du premier trimestre 2020 Note de conjoncture régionale - 1ᵉʳ trimestre 2020

Joseph Chevrot, Michèle Debosque, Samuel Deheeger, Sylvie Druelle, Cécile Le Fillâtre, Jean-Philippe Martin (Insee)

La crise sanitaire a affecté l’économie francilienne dès la fin du premier trimestre, avant de s’amplifier en avril et mai. Fin mars, l’Île-de-France enregistre déjà une perte record de plus de 100 000 emplois salariés et les créations d’entreprises régressent fortement, malgré des baisses en trompe-l’œil du taux de chômage et des défaillances d’entreprises. Pendant toute la période du confinement, comme au niveau national, l’activité économique se serait réduite d’un tiers et le recours à l’activité partielle a été massif. Dès la sortie du confinement, l’économie de la région se redresse nettement, stimulée par la consommation des ménages. Paris n’en profite pas autant que les autres départements, du fait de sa dépendance forte aux secteurs du tourisme, de la culture et d’un ralentissement plus prononcé qu’ailleurs de l’économie présentielle.

Insee Conjoncture Ile-de-France
No 30
Paru le :Paru le10/07/2020
Joseph Chevrot, Michèle Debosque, Samuel Deheeger, Sylvie Druelle, Cécile Le Fillâtre, Jean-Philippe Martin (Insee)
Insee Conjoncture Ile-de-France No 30- Juillet 2020

Plus de 100 000 emplois détruits dont la moitié dans l’intérim

À la fin du premier trimestre 2020, soit 15 jours après l’entrée en confinement, le nombre d’emplois salariés franciliens a considérablement reculé (- 1,7 % par rapport au trimestre précédent) malgré les dispositifs de soutien de l’activité partielle (figure 1). La région enregistre une perte de 103 000 emplois en un seul trimestre. Annulant les gains des cinq trimestres précédents, cette première baisse depuis cinq ans est toutefois moindre qu’au niveau national où l’emploi est au plus bas depuis septembre 2017 avec 500 000 emplois salariés perdus au premier trimestre (en baisse de 2,0 %).

Sans surprise, l’intérim est le secteur le plus impacté par la crise sanitaire avec une chute de 40 % (52 000 emplois en moins). L’emploi dans ce secteur très sensible à la conjoncture économique est au plus bas depuis 20 ans. Dans le secteur marchand hors intérim, l’emploi recule de 1,3 % (47 000 emplois), de 1,0 % dans la construction. Depuis quelques années, ces deux secteurs étaient les principaux moteurs de la croissance de l’emploi francilien (figure 2). En revanche, dans les secteurs moins impactés par le confinement (administration, enseignement, santé et action sociale), l’emploi reste stable.

Au sein du tertiaire marchand hors intérim, l’emploi diminue fortement à la fin du premier trimestre dans l’hébergement et la restauration (- 3,4 %, soit - 11 000 emplois) et dans les autres activités de service (- 3,2 %, soit - 12 000 emplois). L’emploi résiste mieux dans le secteur bancaire et l’information et communication (- 0,4 % et - 0,6 % respectivement), secteurs ayant pu maintenir en partie leur niveau d’activité pendant le confinement.

La baisse de l’emploi touche l’ensemble des départements. Paris (- 2,2 %) et la Seine-et-Marne (- 2,0 %) sont néanmoins les plus touchés. Dans la capitale, la baisse de l’emploi est particulièrement sensible dans l’hébergement et la restauration (- 4,2 %). En Seine-et-Marne, c’est la très forte baisse de l’emploi intérimaire (- 45 %) qui représente les quatre cinquièmes des pertes d’emploi.

L’emploi résiste mieux dans les Yvelines (- 1,2 %) et dans les Hauts-de-Seine où la chute de l’emploi intérimaire (- 32 %) est moins forte que dans les autres départements. Dans les Yvelines, les secteurs ayant mieux résisté sont la construction, l’hébergement et la restauration ainsi que les autres activités de service.

Figure 1Évolution de l'emploi salarié

indice base 100 au 4ᵉ trimestre 2010
Évolution de l'emploi salarié (indice base 100 au 4ᵉ trimestre 2010)
Emploi salarié total - Île-de-France Emploi salarié total - France hors Mayotte Emploi salarié privé - Île-de-France Emploi salarié privé - France hors Mayotte
T4 2010 100 100 100 100
T1 2011 100,31 100,2 100,4 100,27
T2 2011 100,5 100,3 100,62 100,4
T3 2011 100,53 100,25 100,69 100,41
T4 2011 100,65 100,3 100,86 100,43
T1 2012 100,73 100,32 100,84 100,4
T2 2012 100,87 100,29 101,07 100,33
T3 2012 100,76 100,14 100,87 100,07
T4 2012 100,68 100,03 100,82 99,95
T1 2013 100,7 100,04 100,87 99,91
T2 2013 100,8 99,92 100,9 99,66
T3 2013 100,8 100,09 100,88 99,81
T4 2013 101,19 100,37 101,19 99,95
T1 2014 101,29 100,41 101,19 99,9
T2 2014 101,34 100,44 101,32 99,93
T3 2014 101,32 100,34 101,33 99,77
T4 2014 101,44 100,43 101,47 99,83
T1 2015 101,43 100,38 101,54 99,78
T2 2015 101,74 100,61 101,86 99,99
T3 2015 101,8 100,7 101,96 100,12
T4 2015 101,93 100,89 102,17 100,35
T1 2016 102,09 101,06 102,29 100,54
T2 2016 102,28 101,32 102,54 100,84
T3 2016 102,52 101,6 102,84 101,15
T4 2016 102,6 101,7 102,94 101,29
T1 2017 103,1 102,1 103,55 101,79
T2 2017 103,4 102,44 103,9 102,22
T3 2017 103,54 102,7 104,17 102,63
T4 2017 103,94 103,08 104,7 103,18
T1 2018 104,22 103,27 105,06 103,41
T2 2018 104,47 103,32 105,41 103,56
T3 2018 104,83 103,43 105,78 103,7
T4 2018 105,36 103,73 106,45 104,05
T1 2019 105,79 104,1 106,99 104,51
T2 2019 106,18 104,33 107,43 104,75
T3 2019 106,57 104,52 107,9 104,96
T4 2019 106,95 104,91 108,37 105,48
T1 2020 105,12 102,85 106,04 102,82
  • Notes : données CVS, en fin de trimestre. Les données du dernier trimestre affiché sont provisoires.
  • Champ : emploi salarié total.
  • Sources : Insee, estimations d'emploi ; estimations trimestrielles Acoss-Urssaf, Dares, Insee.

Figure 1Évolution de l'emploi salarié

  • Notes : données CVS, en fin de trimestre. Les données du dernier trimestre affiché sont provisoires.
  • Champ : emploi salarié total.
  • Sources : Insee, estimations d'emploi ; estimations trimestrielles Acoss-Urssaf, Dares, Insee.

Figure 2Évolution de l'emploi salarié par secteur en Île-de-France

indice base 100 au 4ᵉ trimestre 2010
Évolution de l'emploi salarié par secteur en Île-de-France (indice base 100 au 4ᵉ trimestre 2010)
Construction Industrie Tertiaire marchand hors intérim Tertiaire non marchand
T4 2010 100 100 100 100
T1 2011 100,15 99,77 100,45 100,16
T2 2011 100,19 99,4 100,86 100,2
T3 2011 100,12 98,63 100,95 100,29
T4 2011 100,82 98,19 101,23 100,11
T1 2012 101,89 98,27 101,32 100,37
T2 2012 102,23 98,31 101,59 100,29
T3 2012 102,46 98,25 101,36 100,59
T4 2012 102,88 98,35 101,32 100,46
T1 2013 102,43 98,23 101,3 100,63
T2 2013 102,87 97,79 101,25 101,12
T3 2013 102,96 97 101,54 100,78
T4 2013 103,84 96,85 101,68 101,74
T1 2014 103,71 96,85 101,77 102,02
T2 2014 103,34 96,21 102,04 101,86
T3 2014 102,84 95,91 102,18 101,86
T4 2014 101,68 95,51 102,33 102,2
T1 2015 101,12 95,21 102,54 101,96
T2 2015 100,65 95,02 102,93 102,29
T3 2015 99,41 94,4 103,13 102,18
T4 2015 99,51 94,02 103,31 102,24
T1 2016 99,12 93,48 103,6 102,6
T2 2016 98,93 93,16 103,83 102,68
T3 2016 99,13 92,96 104,13 102,69
T4 2016 99,19 92,51 104,13 102,77
T1 2017 99,64 92,46 104,59 102,9
T2 2017 99,95 92,19 104,85 103,1
T3 2017 100,45 91,93 105,13 102,9
T4 2017 101,6 91,95 105,6 102,94
T1 2018 102,71 91,76 105,9 103,03
T2 2018 103,71 91,51 106,35 102,91
T3 2018 104,28 91,25 106,8 103,16
T4 2018 105,46 91,47 107,5 103,31
T1 2019 107,83 91,66 108,02 103,33
T2 2019 109,45 91,73 108,4 103,48
T3 2019 111,36 92,02 108,85 103,58
T4 2019 112,86 92 109,38 103,71
T1 2020 111,74 91,73 107,95 103,72
  • Notes : données CVS, en fin de trimestre. Les données du dernier trimestre affiché sont provisoires.
  • Champ : emploi salarié total.
  • Sources : Insee, estimations d'emploi ; estimations trimestrielles Acoss-Urssaf, Dares, Insee.

Figure 2Évolution de l'emploi salarié par secteur en Île-de-France

  • Notes : données CVS, en fin de trimestre. Les données du dernier trimestre affiché sont provisoires.
  • Champ : emploi salarié total.
  • Sources : Insee, estimations d'emploi ; estimations trimestrielles Acoss-Urssaf, Dares, Insee.

Une baisse du chômage en trompe-l’œil

À la fin du premier trimestre 2020, en Île-de-France, le taux de chômage s’établit à 6,9 % de la population active (contre 7,8 % en France hors Mayotte) (figure 3). Il recule de 0,7 point sur un an et de 0,2 point par rapport au dernier trimestre (respectivement - 0,9 point et - 0,3 point en France hors Mayotte). Cette baisse est toutefois en trompe-l’œil (Avertissement). Durant le confinement, les restrictions des déplacements et la disponibilité pour occuper un emploi ont mécaniquement diminué le nombre de personnes disponibles immédiatement pour travailler.

Cette baisse apparente s’observe dans tous les départements de la région.

Figure 3Taux de chômage

en %
Taux de chômage (en %)
Île-de-France France hors Mayotte
T4 2010 7,9 9,2
T1 2011 7,8 9,1
T2 2011 7,8 9,1
T3 2011 7,9 9,2
T4 2011 8 9,4
T1 2012 8,1 9,5
T2 2012 8,2 9,7
T3 2012 8,3 9,8
T4 2012 8,5 10,1
T1 2013 8,7 10,3
T2 2013 8,8 10,5
T3 2013 8,7 10,3
T4 2013 8,7 10,1
T1 2014 8,7 10,2
T2 2014 8,8 10,2
T3 2014 8,8 10,3
T4 2014 9 10,4
T1 2015 8,8 10,3
T2 2015 9,1 10,5
T3 2015 8,9 10,4
T4 2015 8,8 10,2
T1 2016 8,8 10,2
T2 2016 8,6 10
T3 2016 8,5 9,9
T4 2016 8,7 10
T1 2017 8,3 9,6
T2 2017 8,2 9,5
T3 2017 8,3 9,5
T4 2017 7,8 9
T1 2018 8,1 9,2
T2 2018 8 9,1
T3 2018 7,8 9
T4 2018 7,6 8,7
T1 2019 7,6 8,7
T2 2019 7,4 8,4
T3 2019 7,4 8,4
T4 2019 7,1 8,1
T1 2020 6,9 7,8
  • Notes : données trimestrielles CVS. Les données du dernier trimestre affiché sont provisoires.
  • Source : Insee, taux de chômage au sens du BIT et taux de chômage localisé.

Figure 3Taux de chômage

  • Notes : données trimestrielles CVS. Les données du dernier trimestre affiché sont provisoires.
  • Source : Insee, taux de chômage au sens du BIT et taux de chômage localisé.
Avertissement - Marché du travail

Au premier trimestre 2020, le taux de chômage au sens du BIT diminue de 0,3 point en France (hors Mayotte), une baisse en « trompe-l’œil ». Cette baisse du taux de chômage résulte d’un fort recul du nombre de personnes sans emploi se déclarant disponibles ou en recherche active d’emploi pendant le confinement. Cette période a en effet fortement affecté les comportements de recherche active d’emploi (pour les personnes sans emploi dont le secteur d’activité privilégié est à l’arrêt par exemple), ainsi que la disponibilité des personnes (contrainte de garde d’enfant par exemple). Au total, le chômage au sens du BIT est donc plus faible pendant cette période de confinement, sans que cela ne traduise une amélioration du marché du travail. Pour en savoir plus, cf. la note d’éclairage associée à la publication nationale sur la période de confinement. Par ailleurs, sont compris dans l’emploi les salariés qui, avec la crise sanitaire, se sont trouvés en situation de chômage partiel ou d’arrêt-maladie (y compris pour garde d’enfant). Enfin, l’introduction de la déclaration sociale nominative (DSN) en remplacement du bordereau récapitulatif de cotisations (BRC) peut entraîner des révisions accrues sur les données, durant la phase de montée en charge de la DSN.

Augmentation inédite de la demande d’emploi pendant le confinement

La première quinzaine de confinement a eu peu de répercussions sur la demande d’emploi du premier trimestre 2020. En effet, le nombre de demandeurs d’emploi franciliens n’ayant auparavant exercé aucune activité (catégorie A) n’a augmenté que de 2,1 % par rapport au quatrième trimestre 2019, à un rythme toutefois plus élevé qu’en France métropolitaine (+ 0,8 %). En contrepartie, le nombre de demandeurs d’emploi ayant eu une activité réduite (catégories B et C) a baissé pour le troisième trimestre consécutif (- 2,6 %).

En revanche, fin avril 2020, après un mois et demi de confinement, le nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A s’établit à 834 090 en Île-de-France, son plus haut niveau depuis le début du suivi statistique, en 1996. Après avoir augmenté de 7,2 % en mars, il progresse de 19,3 % en avril. Cette augmentation concerne toutes les tranches d’âges. Elle est plus importante pour les hommes que pour les femmes (+ 32,2 % contre + 23,3 %). Paris (+ 30,6 %) et la Seine-et-Marne (+ 29,7 %) sont les plus touchés, tandis que les Hauts-de-Seine connaissent la progression la moins prononcée (+ 25,3 %).

Les métiers qui contribuent le plus à l’augmentation de la demande d’emploi sont ceux des arts et spectacles (très présents en Île-de-France) et, dans une moindre mesure, ceux des secteurs de l’hôtellerie-restauration, du commerce et du bâtiment-travaux publics.

En mai, le nombre de demandeurs d’emploi franciliens en catégorie A diminue de 2,1 % par rapport à avril (contre - 3,4 % en France métropolitaine). Cette baisse s’observe dans tous les départements et varie entre - 2,6 % dans les Yvelines et - 1,5 % dans le Val-de-Marne.

La demande d’emploi en activité réduite (catégories B et C) chute de 36,7 % entre février et avril. Les nouveaux demandeurs d’emploi en catégorie A étaient, en effet, majoritairement des demandeurs en activité réduite le mois précédent et qui ont cessé toute activité pendant le confinement. Par contre, durant le mois de mai, leur nombre progresse fortement (+ 14,0 %).

Au total, le nombre de demandeurs d’emploi en catégories A, B, C progresse de 3,0 % en mars, puis de 3,6 % en avril et de 1,1 % en mai, soit + 7,9 % depuis février (contre + 8,2 % en France métropolitaine). Il atteint 1 045 430 fin mai, son niveau le plus haut depuis le début de la série, en 1996.

La croissance des créations d’entreprises est stoppée

Au cours du premier trimestre 2020, environ 60 700 entreprises ont été créées en Île-de-France, soit une diminution de 8,0 % par rapport au premier trimestre 2019, environ trois fois plus importante qu’en France (- 2,7 %).

Plus de la moitié des créations se situent dans le commerce, les activités de service et le transport. Le secteur des transports contribue fortement au repli de l’ensemble des créations régionales (- 26,9 % en variation annuelle) alors que les deux autres secteurs accusent une baisse beaucoup plus modérée (- 6,3 % pour le commerce et - 7,4 % pour les activités de service). Le fléchissement est beaucoup plus faible dans la construction (- 1,8 %) et dans le secteur de l’information et communication (- 1,7 %).

Une création d’entreprise sur deux s’effectue toujours sous le régime des micro-entrepreneurs (contre 44,6 % en France). Entre le premier trimestre 2019 et le premier trimestre 2020, en Île-de-France, leur nombre a chuté de 16,7 % (contre - 8,5 % en France). Le ralentissement de la création de micro-entreprises s’observe sur l’ensemble des secteurs, hormis celui de l’hébergement-restauration (+ 11,7 % en variation annuelle).

Ce net ralentissement amorcé au cours du premier trimestre 2020 se poursuit en avril dans le contexte de confinement. En variation annuelle, le nombre total des créations d’entreprises franciliennes chute de 18,1 % au premier quadrimestre et celui des micro-entrepreneurs de 24,1 % (contre respectivement - 13,8 % et - 16,5 % au niveau national). Les baisses les plus fortes s’observent dans les secteurs fortement impactés par la crise sanitaire : - 34,5 % dans le secteur des transports, - 16,3 % dans la construction et - 14,1 % dans le commerce.

Défaillances d’entreprises : toujours en baisse avant le confinement

Entre mars 2019 et mars 2020, le nombre de défaillances d’entreprises diminue de 10,2 % en Île-de-France, à un rythme inférieur au niveau national (- 13,8 %). Cette baisse ne traduit pas une réduction du nombre d’entreprises en difficulté mais reflète plutôt l’impact du confinement sur le fonctionnement des juridictions commerciales et les évolutions réglementaires qui modifient temporairement les dates de caractérisation et de déclaration de l’état de cessation de paiement. Dans la région, cette baisse concerne tous les secteurs d’activité, mais de manière plus prononcée les activités d’enseignement, santé, action sociale et services aux ménages (- 21,2 %), la construction (- 16,2 %) et les activités financières et d’assurance (- 15,9 %).

Forte baisse de l’activité économique pendant le confinement, redressement progressif depuis mi-mai

Le confinement décidé en raison de la crise sanitaire a ainsi porté un coup d’arrêt à la dynamique de l’économie francilienne. Pendant le confinement, l’activité aurait été réduite globalement d’environ un tiers. Les services marchands, notamment les transports et le commerce, secteurs très présents en Île-de-France, ont été particulièrement impactés, et contribueraient pour près d’un cinquième à la baisse de l’activité générale durant le seul mois d’avril, soit environ 5 points de plus qu’en province. L’économie francilienne aurait également été désavantagée par une moindre présence sur son territoire de secteurs ayant mieux résisté à la crise comme l’agriculture, les industries agroalimentaires et les services non marchands. En outre, la consommation de biens par les ménages franciliens aurait fortement diminué. L’absence des touristes étrangers (50 % de la clientèle hôtelière) et la plus forte prégnance de la pauvreté (15,6 % de personnes pauvres en Île-de-France contre 14,0 % en France) pourraient avoir contribué, plus que dans le reste du pays, à la baisse de la consommation, avec une baisse plus importante des biens du luxe, de l’automobile, de l’habillement et des services des transports et de la culture, surtout à Paris.

À partir de mi-mai, la sortie progressive du confinement permet à l’économie francilienne de se redresser. Durant le mois de mai, la perte globale d’activité par rapport à une situation « normale » s’élèverait à 21 %. Cette relative reprise s’observe dans l’ensemble des branches dont l’activité est autorisée. La perte d’activité se réduit ainsi fortement dans la construction, reflétant la reprise de certains chantiers. En juin, globalement, l’activité serait de 12 % inférieure à la normale ; elle resterait donc dégradée, mais nettement moins qu'en mai. En effet, durant ce mois de juin, l’hébergement-restauration, les transports et activités culturelles ont pu reprendre partiellement. Par conséquent, les services marchands ne contribueraient plus qu’à hauteur de 9 points à la perte d’activité régionale contre près de 15 points en mai (figure 4).

Les pertes d’activité ne sont pas uniformes dans la région : les territoires accueillant des pôles d’emplois importants, surtout dans l’automobile, l’aéronautique, les activités aéroportuaires, ou les sites touristiques importants sont plus particulièrement impactés.

Figure 4Estimation des contributions des différents secteurs dans la perte d'activité économique en Île-de-France

En %
Estimation des contributions des différents secteurs dans la perte d'activité économique en Île-de-France (En %)
Agriculture, sylviculture et pêche Industrie Construction Services principalement marchands Services principalement non marchands
Mars 0 -1,5 -1,8 -10,7 -1,9
Avril 0 -3,0 -2,4 -19,5 -4,0
Mai 0 -1,8 -1,9 -14,4 -3,1
Juin 0 -1,3 -1,2 -8,8 -1,0
  • Source : Points de conjoncture de l’Insee.

Figure 4Estimation des contributions des différents secteurs dans la perte d'activité économique en Île-de-France

  • Source : Points de conjoncture de l’Insee.

Un recours massif au chômage partiel comme en France

Entre le 1er mars et le 31 mai 2020, plus de 256 500 établissements franciliens ont déposé une demande d’activité partielle, soit plus de 60 % de l’ensemble du secteur privé francilien. Ainsi, au 31 mai, 2,7 millions de salariés étaient concernés par une demande de chômage partiel, soit plus de 56 % des salariés du secteur privé en Île-de-France.

Ce sont les entreprises de moins de 20 salariés mais aussi celles de plus de 1 000 salariés qui ont obtenu les volumes les plus importants d’heures autorisées (respectivement 30 % et 24 %).

La fréquence des demandes de recours au chômage partiel varie fortement selon l’activité des entreprises (figure 5). Dans les activités des arts et spectacles, au 31 mai, le recours est le plus important, couvrant 94 % des salariés. Dans l’hébergement-restauration et la construction, le recours est également massif, respectivement 87 % et 80 %.

Toutes les demandes d’activité partielle n’aboutissent pas : au 31 mai 2020, au titre du mois de mars, 224 000 établissements ont pu effectivement déposer des demandes d’indemnisation pour 1,4 million de salariés. Ainsi, sur les 2,6 millions de salariés susceptibles d’être placés en activité partielle au mois de mars, environ 52 % de ces salariés l’ont effectivement été ce mois-là (sur la base des demandes d’indemnisation déposées au 31 mai).

Compte tenu de la place de la région dans le système productif national, l’activité partielle en Île-de-France s’est située dans la moyenne de la France.

Figure 5Taux de recours au chômage partiel par secteur d'activitéRapport entre le nombre de salariés concernés par une demande d'activité partielle entre le 1ᵉʳ mars et le 31 mai 2020 et le nombre de salariés au 4ᵉ trimestre 2019

En %
Taux de recours au chômage partiel par secteur d'activité (En %)
Secteur d’activité Taux de recours
Arts, spectacles et activités récréatives 93,7
Hébergement et restauration 87,3
Construction 80,2
Transports et entreposage 75,2
Fabrication de matériels de transport 72,5
Métallurgie et fabrication de produits métalliques 71,7
Industrie des plastiques, produits non minéraux 71,5
Industries extractives 71,0
Fabrication d’équipements électriques 69,1
Bois et papier 67,8
Industrie du meuble ; réparation et installation de machines 67,1
Autres activités scientifiques et techniques 66,4
Habillement, textile et cuir 59,2
Activités de services administratifs et de soutien 58,9
Commerce ; réparation d’automobiles et de motos 58,7
Tous secteurs Île-de-France 56,1
  • Sources : ASP-DGEFP-Dares - Extraction du SI APART au 1ᵉʳ juin 2020, s'arrêtant aux données du 31 mai 2020 ; Urssaf - Acoss T4 2019.

Figure 5Taux de recours au chômage partiel par secteur d'activitéRapport entre le nombre de salariés concernés par une demande d'activité partielle entre le 1ᵉʳ mars et le 31 mai 2020 et le nombre de salariés au 4ᵉ trimestre 2019

  • Sources : ASP-DGEFP-Dares - Extraction du SI APART au 1ᵉʳ juin 2020, s'arrêtant aux données du 31 mai 2020 ; Urssaf - Acoss T4 2019.

Une baisse des transactions bancaires et de la consommation plus marquée en Île-de-France...

Pendant la semaine précédant l’entrée en confinement, le nombre des transactions par carte bancaire (hors transactions à distance) augmente légèrement par rapport à l’année précédente. Cette hausse pourrait résulter d’une anticipation par les acteurs économiques des mesures de confinement et d’une crainte de pénurie de biens de première nécessité.

Durant la première semaine de confinement, le nombre de transactions chute fortement : - 48 % par rapport à la semaine précédente (contre - 40 % en moyenne en France métropolitaine). La chute s’accélère durant les deux semaines suivantes, - 64 % durant la semaine du 23 au 30 mars et - 61 % durant la semaine suivante. À partir du 6 avril, ce nombre repart à la hausse (figure 6). Plusieurs facteurs peuvent y contribuer : réouverture de la restauration à emporter, le bricolage, la jardinerie, ou les livraisons à domicile. Ainsi, les ménages franciliens pourraient avoir différé leurs achats de produits non alimentaires. En outre, les usages de la carte bancaire ont sûrement pris le pas sur d’autres moyens de paiement (espèces, chèques) jugés plus « à risques ».

Figure 6Évolution des transactions par carte bancaireMontant des transactions, indice base 100 au 6 janvier 2019, moyennes mobiles sur 7 jours

Évolution des transactions par carte bancaire
Date Île-de-France 2019 Île-de-France 2020 France métropolitaine 2019 France métropolitaine 2020
09 janv. 130,8 131,0 124,5 128,7
10 janv. 131,9 130,8 125,3 128,3
11 janv. 133,1 131,0 126,5 128,0
12 janv. 130,1 129,1 123,3 125,6
13 janv. 128,1 129,1 121,3 124,6
14 janv. 127,2 128,7 120,0 123,6
15 janv. 125,1 127,6 117,9 122,4
16 janv. 123,4 126,7 116,8 121,6
17 janv. 123,3 126,7 116,3 121,1
18 janv. 120,2 126,8 114,7 120,8
19 janv. 117,7 126,6 112,5 119,9
20 janv. 115,9 126,1 110,7 119,3
21 janv. 115,3 125,1 110,3 118,7
22 janv. 115,2 123,7 110,0 117,6
23 janv. 114,2 122,8 109,6 117,1
24 janv. 113,8 121,6 109,1 116,4
25 janv. 116,9 121,1 110,5 116,0
26 janv. 117,5 121,7 111,3 116,7
27 janv. 121,0 122,5 113,8 117,6
28 janv. 124,6 125,5 115,7 119,7
29 janv. 126,2 129,0 117,0 122,3
30 janv. 127,1 130,1 117,6 122,9
31 janv. 127,7 132,9 118,6 124,7
01 févr. 128,2 134,9 119,7 126,6
02 févr. 130,2 135,1 121,7 127,2
03 févr. 129,7 135,3 122,4 127,7
04 févr. 126,6 133,6 121,9 127,4
05 févr. 125,4 128,7 122,0 125,6
06 févr. 124,5 126,6 122,0 125,4
07 févr. 124,3 124,1 122,3 124,6
08 févr. 124,1 122,4 122,2 123,9
09 févr. 124,5 121,3 122,2 123,7
10 févr. 126,5 120,1 124,6 123,6
11 févr. 126,1 121,0 124,0 126,5
12 févr. 124,8 118,3 122,2 125,4
13 févr. 125,0 117,9 122,9 125,8
14 févr. 124,4 119,6 122,4 126,3
15 févr. 123,6 118,9 121,7 126,0
16 févr. 122,1 117,6 120,1 124,8
17 févr. 118,5 116,9 116,4 124,0
18 févr. 118,0 114,5 115,9 120,4
19 févr. 115,8 115,1 114,5 119,1
20 févr. 115,3 115,5 114,4 119,0
21 févr. 115,0 113,6 114,1 118,4
22 févr. 115,0 113,8 114,2 118,2
23 févr. 115,9 115,1 115,4 118,5
24 févr. 118,2 116,4 117,4 119,0
25 févr. 120,7 119,1 120,1 120,8
26 févr. 121,4 124,6 123,5 123,4
27 févr. 121,5 127,2 123,9 124,0
28 févr. 122,3 130,6 124,7 125,5
29 févr. 123,0 132,9 125,8 127,2
01 mars 121,9 134,0 125,6 128,6
02 mars 120,2 134,0 125,0 128,9
03 mars 118,3 133,5 124,1 128,6
04 mars 118,6 131,4 123,3 128,3
05 mars 118,6 129,3 122,6 127,6
06 mars 118,4 126,4 122,2 126,5
07 mars 117,6 124,4 121,0 125,2
08 mars 118,2 123,5 120,8 124,6
09 mars 117,0 123,8 119,3 125,0
10 mars 116,7 125,6 118,0 128,3
11 mars 117,4 125,0 117,1 128,0
12 mars 117,6 122,5 117,1 126,8
13 mars 117,2 127,7 116,6 134,3
14 mars 117,2 121,7 116,2 129,6
15 mars 117,1 110,5 115,7 118,2
16 mars 117,7 99,4 115,8 107,3
17 mars 117,8 84,4 115,7 91,2
18 mars 117,4 66,6 115,4 73,6
19 mars 117,3 61,3 115,5 68,9
20 mars 117,2 47,6 115,4 53,8
21 mars 117,3 44,5 115,6 49,7
22 mars 118,0 45,2 116,5 50,9
23 mars 119,4 45,8 117,7 51,6
24 mars 121,8 45,7 119,8 51,8
25 mars 125,1 46,2 122,7 52,3
26 mars 127,3 45,7 123,4 52,0
27 mars 131,6 45,2 125,7 51,1
28 mars 133,3 45,9 127,4 51,8
29 mars 134,5 47,0 128,2 53,0
30 mars 134,8 48,1 128,6 54,3
31 mars 134,2 49,4 128,6 56,0
01 avr. 134,2 51,1 128,7 58,1
02 avr. 133,4 51,7 128,6 58,7
03 avr. 130,6 52,5 128,5 60,0
04 avr. 130,2 53,6 128,7 61,5
05 avr. 129,7 54,3 129,0 62,8
06 avr. 129,7 55,2 129,3 64,6
07 avr. 129,5 56,8 129,1 66,3
08 avr. 128,8 57,9 127,9 68,2
09 avr. 128,4 58,1 128,0 68,4
10 avr. 128,3 53,8 128,1 61,9
11 avr. 127,9 54,9 128,0 63,8
12 avr. 126,8 55,5 124,9 64,6
13 avr. 125,6 55,6 122,5 64,3
14 avr. 124,3 55,0 119,3 63,7
15 avr. 121,5 54,4 120,1 62,4
16 avr. 119,7 54,2 120,3 62,1
17 avr. 113,9 58,7 113,1 68,6
18 avr. 113,1 58,0 113,1 66,9
19 avr. 112,1 58,2 115,0 66,5
20 avr. 111,3 58,5 116,3 66,6
21 avr. 110,5 58,9 118,7 67,1
22 avr. 108,7 59,4 116,9 67,9
23 avr. 108,9 59,6 116,1 68,1
24 avr. 114,9 60,0 123,7 69,0
25 avr. 119,4 60,3 128,5 69,9
26 avr. 111,9 61,1 117,9 71,7
27 avr. 116,1 64,1 122,3 76,1
28 avr. 117,6 56,3 124,4 64,9
29 avr. 119,0 59,9 126,1 69,5
30 avr. 119,9 60,3 126,3 69,8
01 mai 120,2 62,5 126,4 72,1
02 mai 118,5 64,2 124,5 74,5
03 mai 125,3 65,9 130,8 76,2
04 mai 122,0 66,4 128,3 76,8
05 mai 120,8 71,6 126,4 81,9
06 mai 121,3 70,5 125,1 81,8
07 mai 121,1 70,9 125,0 82,2
08 mai 120,3 75,0 123,6 87,3
09 mai 118,3 80,4 120,2 93,2
10 mai 120,8 85,0 125,3 98,3
11 mai 121,2 88,5 123,7 101,4
12 mai 121,9 99,1 123,0 116,8
13 mai 122,6 107,1 122,6 124,5
14 mai 122,2 110,4 122,1 126,5
  • Source : GIE-Cartes Bancaires.

Figure 6Évolution des transactions par carte bancaireMontant des transactions, indice base 100 au 6 janvier 2019, moyennes mobiles sur 7 jours

  • Source : GIE-Cartes Bancaires.

… et les commerces parisiens particulièrement impactés

Pendant le premier trimestre 2020, avant les mesures mises en place le 17 mars, la consommation des Franciliens estimée par leurs achats par carte bancaire est globalement similaire à celle constatée à la même période l’année dernière. Par contre, entre le 23 et le 29 mars, première semaine complète de confinement, elle chute brutalement et ce, dans tous les départements de la région.

À Paris, cette chute est nettement plus forte et plus longue : entre début mars et début avril, elle atteindrait 77 % contre 59 % en France métropolitaine. Cela peut s’expliquer par différents facteurs : d’une part, la baisse durable de la population due au départ prolongé d’environ 450 000 personnes se trouvant à Paris au moment du confinement (résidents parisiens, navetteurs, touristes d’affaires ou de loisirs, personnes de passage) ; d’autre part, les spécificités du commerce parisien et sa forte densité en commerces de luxe, ou salles de spectacle ayant connu une reprise d’activité plus tardive.

À l’inverse, certains départements, notamment en grande couronne, auraient mieux résisté, du fait de leur caractère résidentiel (maintien de la population sur place) et de la part importante des commerces de proximité.

Encadré 1 - Contexte international – Une récession mondiale soudaine et de grande ampleur

La crise sanitaire a touché la majorité des pays du monde et la quasi-totalité des économies avancées, paralysant l’activité du fait des mesures d’endiguement mises en place. Dans les économies avancées, la chute de l’activité a débuté globalement à la mi-mars pour se prolonger au mois d’avril. Depuis lors, l’activité se rétablit graduellement dans les pays où l’épidémie a pu être maîtrisée, au rythme des calendriers d’allègement des mesures de restriction. L’environnement international reste toutefois très incertain, et ce durablement, d’autant que la menace d’une deuxième vague épidémique continue de planer dans certains pays.

Encadré 2 - Contexte national – Après avoir chuté lourdement pendant la période de confinement, l’activité se rétablit progressivement

Les mesures prises pour endiguer la propagation du Covid-19, notamment le confinement de la population entre le 16 mars et le 11 mai, ont entraîné une brusque chute de l’activité économique : pendant la période de confinement, elle se serait située à environ un tiers en deçà de la normale. La consommation des ménages a chuté dans des proportions similaires.

La sortie graduelle du confinement a permis le rebond de la consommation et le redémarrage plus progressif de l’activité. En juin, la consommation serait « seulement » de 3 % en deçà de son niveau d’avant crise. L’activité resterait plus dégradée, de 12 % inférieure à la normale en juin. La production industrielle, notamment, pâtirait d’une demande internationale en berne et d’importants stocks à écouler. Certains services en revanche auraient vu leur activité se redresser nettement en juin (hébergement-restauration). Au deuxième trimestre, le PIB aurait ainsi diminué de 17 %, après - 5,3 % au premier. La dynamique de reprise amorcée en mai puis juin anticiperait une baisse du PIB d’environ 9 % sur l’année 2020.

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