Quartiers prioritaires franciliens : une mobilité résidentielle élevée dans l’Essonne et moindre dans les Yvelines et les Hauts-de-Seine

En Île-de-France, 1 546 000 habitants, représentant 13 % de la population, vivent dans l’un des 272 quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) ( Pour comprendre ) de la région (contre 8 % en France métropolitaine). L’Île-de-France est la région la plus concernée par cette « géographie prioritaire ». Elle regroupe près d’un tiers des habitants (31,8 %) des QPV de France métropolitaine. La population des QPV franciliens est plus jeune et plus qualifiée que celle de l’ensemble des QPV de France métropolitaine, et compte une plus forte proportion de familles nombreuses et d’étrangers (respectivement 32 % et 27 %).

Les caractéristiques des populations des QPV reflètent en partie celles observées pour l’ensemble des habitants de leur département de résidence.

En Seine-Saint-Denis, les proportions de personnes pauvres ou d’étrangers sont les plus élevées de France métropolitaine. Dans les QPV de ce département, les habitants présentent le niveau de vie médian le plus bas (13 700 euros) et la part d’étrangers la plus forte (30,3 %) de tous les QPV franciliens.

À Paris et dans les Hauts-de-Seine, départements les plus riches de France métropolitaine, les quartiers prioritaires présentent une plus grande mixité sociale et les taux de pauvreté sont les plus faibles de la région (34 % et 33 %, contre 37 % pour les QPV franciliens). Les QPV parisiens se caractérisent également par une population plus souvent diplômée (43 % de la population non scolarisée âgée de 15 ans ou plus a au moins le bac contre 34 % dans l’ensemble des QPV franciliens) et le taux d’emploi y est le plus élevé. La part des ménages d’une personne (41,4 %) et celle des personnes âgées de 60 ans ou plus (19,4 %) y sont très élevées.

Dans les QPV de grande couronne, la population est très jeune et la présence de familles est accentuée, avec une surreprésentation des couples avec enfant(s), notamment avec au moins 3 enfants à charge.

En revanche, dans les Yvelines, les caractéristiques de la population des QPV se démarquent fortement de celles observées au niveau départemental. Alors que les Yvelinois font partie des Franciliens les plus aisés, les plus diplômés et les plus âgés, les habitants des QPV de ce département ont un niveau de vie médian similaire à celui des autres quartiers prioritaires d’Île-de-France. Leurs habitants sont aussi jeunes que ceux des QPV de Seine-Saint-Denis. Ils se distinguent également par la plus forte part d’étrangers des QPV de grande couronne et la plus faible part de diplômés de niveau bac ou plus des QPV d’Île-de-France.

En 2015, 9,8 % des habitants des QPV franciliens ont changé de logement (11,8 % pour les QPV de France métropolitaine). La part de ces résidents ayant effectué une mobilité résidentielle varie de 8,0 % dans les Hauts-de-Seine à 10,8 % dans l’Essonne.

Les facteurs influant sur la mobilité résidentielle sont globalement les mêmes que pour les autres Franciliens. L’âge apparaît particulièrement discriminant, les jeunes étant beaucoup plus mobiles que les seniors. Les familles nombreuses et les familles monoparentales sont aussi moins mobiles que les autres ménages, tandis que les personnes seules le sont davantage.

Au sein des quartiers prioritaires, ce sont les moins pauvres qui sont aussi les plus mobiles. Les locataires du parc privé et les propriétaires sont également plus mobiles que les locataires HLM. Les conditions de vie entrent également en jeu : les résidents de logements suroccupés déménagent nettement plus souvent.

Entre 2015 et 2016, 7 % des habitants des QPV franciliens ont quitté leur quartier de résidence (mobilité nette « sortante »). À l’opposé, 5,5 % de la population vivant en QPV en 2016 vient soit d’un autre QPV, soit d’un autre territoire (mobilité nette « entrante ») (figure 1 et Encadré 1). Sur le plan départemental, la mobilité sortante varie de 6,2 % dans les Hauts-de-Seine à 8,0 % dans ceux de l’Essonne et la mobilité entrante, de 4,6 % dans les Yvelines à 6,5 % dans l’Essonne.

À Paris, les mobilités sont proches de la moyenne régionale tout en différant beaucoup selon les territoires. Dans certains quartiers prioritaires, comme Didot - Porte de Vanves ou Porte de Saint-Ouen - Porte Pouchet, les mobilités sont faibles en raison de la forte présence d’une population âgée, résidant depuis longtemps dans le parc HLM. Dans d’autres, comme la Goutte d’Or, la mobilité est plus élevée en raison de l’offre plus importante de logements locatifs privés. Dans le Grand Belleville, qui regroupe à lui seul 19 % de la population des QPV de Paris, la mobilité est très élevée (8,7 % en sortie et 6,4 % en entrée), ce qui fait augmenter les taux de mobilité de la capitale.

Dans les QPV du Val-d’Oise, les mobilités sont en général élevées, à l’exception des deux QPV les plus peuplés du département (Dame Blanche à Garges-lès-Gonesse et Lochères à Sarcelles), ce qui place au final le département au-dessous de la moyenne régionale.

En Seine-et-Marne, la mobilité sortante est tirée vers le haut par le quartier Plateau de Corbeil - Plein Ciel (à cheval sur Melun et Le Mée-sur-Seine) qui concentre 9,4 % des habitants des QPV de Seine-et-Marne. La mobilité sortante observée (11,1 %) y est plus élevée qu’attendue en raison vraisemblablement de la démolition de 95 logements dans ce quartier en 2016.

Dans le Val-de-Marne, les superficies des quartiers prioritaires sont faibles, donc les flux au sein de ces QPV sont réduits et les flux avec l'extérieur sont plus fréquents. La mobilité observée, qu’elle soit entrante ou sortante, est de ce fait supérieure à la mobilité que l’on pourrait attendre au regard des caractéristiques du quartier et du département. La rénovation urbaine à l’œuvre dans de nombreux quartiers contribue aussi à cette dynamique. Les projets de démolition des 380 logements de la cité Gagarine à Ivry-sur-Seine, de 192 logements au Chaperon Vert à Arcueil-Gentilly, l’éradication de l’habitat insalubre dans le quartier Centre Ville de Villeneuve-Saint-Georges intensifient les mobilités sortantes. Dans les quartiers Sud à Choisy-le-Roi, Chantereine à Alfortville, Balzac à Vitry-sur-Seine, la diversification et la densification de la nouvelle offre immobilière favorisent, à l’inverse, une mobilité entrante supérieure à celle attendue. Dans ces quartiers, la proximité de Paris et les travaux d’infrastructures dans le cadre du Grand Paris Express entraînent aussi les habitants des QPV à une mobilité accrue, liée à un marché immobilier dynamique. Les programmes d’accession sociale à la propriété et les « chartes promoteurs » visant à maîtriser les prix de vente des logements neufs facilitent également la mobilité des habitants dans ce département.

Dans l'Essonne, les habitants des QPV sont les plus mobiles d’Île-de-France. Particulièrement forte dans certains quartiers prioritaires comme à Évry-Courcouronnes, cette forte mobilité s’explique en grande partie par le marché immobilier environnant. La proximité d’autres QPV, la rotation relativement élevée dans le parc HLM, le marché privé ancien faiblement attractif facilitent les mobilités résidentielles des ménages modestes du fait des niveaux de loyers et des prix relativement bas. Du fait de la superficie réduite d’une partie de ces QPV, les flux avec l'extérieur sont plus fréquents tandis que la présence de résidences sociales et de foyers, où le turn-over est important, renforce à certains endroits la mobilité entrante ou interne. Enfin, les projets de rénovation urbaine, nombreux dans ces quartiers, amènent également les habitants à changer de résidence.

Dans les Hauts-de-Seine, la surreprésentation de personnes plutôt âgées occupant depuis longtemps leur logement et la prédominance du parc social dans les QPV expliquent des taux de mobilité plus faibles qu’en Île-de-France.

En Seine-Saint-Denis, où réside 39 % de la population des QPV franciliens, la mobilité observée est moins importante que celle que l’on pourrait attendre au regard de la jeunesse de la population et de l’importance du parc privé de logements locatifs. Cependant, la très grande superficie de certains QPV, comme Franc Moisin - Cosmonautes - Cristino Garcia - Landy (à cheval sur les communes d’Aubervilliers, La Courneuve et Saint-Denis), conduit à davantage de mobilités internes aux QPV.

Dans les Yvelines, les taux de mobilité sont inférieurs aux taux régionaux. Cette moindre mobilité était attendue compte tenu de l’importance du parc social, de grands logements et de familles nombreuses, ainsi que des grandes superficies de certains QPV (comme le Val Fourré à Mantes-la-Jolie) favorisant une mobilité interne plus forte.

Dans quarante-trois QPV, le taux de mobilité, entrante ou sortante, s’écarte fortement de la moyenne régionale (figure 2).

Parmi eux, vingt-huit QPV présentent de plus fortes mobilités entrantes et sortantes.

Dans les quartiers de Plaine Landy et Plaine Trezel à Saint-Denis, ou Centre Ville à Villeneuve-Saint-Georges, cette plus forte mobilité peut s’expliquer par la présence prépondérante de personnes en âge de terminer leurs études ou de débuter dans la vie professionnelle. À l’opposé, les personnes de 65 ans ou plus sont relativement moins présentes. En outre, le parc locatif privé est important et l’offre plus conséquente de petits logements peut expliquer une mobilité plus élevée dans ces quartiers.

Dans les quartiers de Cottage Élargi à Goussainville, Quatre Chemins à Pantin, ou encore Grand Belleville à Paris, la mobilité plus forte s’explique essentiellement par les caractéristiques du parc de logements : beaucoup de logements privés à la location, notamment des petits logements, et peu de logements sociaux. Dans le quartier de Champtier du Coq à Évry-Courcouronnes, il existe de nombreux foyers d’étudiants ou de jeunes travailleurs et de nombreux logements neufs ont été livrés en 2015.

Dans les quartiers Chaperon Vert à Arcueil-Gentilly ou Centre Ville à Montmagny, ce sont surtout les arrivées qui sont nettement plus fréquentes. Elles concernent une population moins modeste.

Neuf quartiers se caractérisent par une mobilité relativement plus faible, pour les entrées et pour les sorties, résultant des caractéristiques démographiques de leurs habitants : dans les quartiers de Didot - Porte de Vanves dans le 14^e arrondissement de Paris ou de Porte de Saint-Ouen - Porte Pouchet dans le 17^e arrondissement, les personnes âgées de 65 ans ou plus sont nombreuses. Dans d’autres quartiers comme Haut Clichy - Centre ville - Bosquets, à cheval sur les communes de Clichy-sous-Bois et de Montfermeil, le faible niveau de vie des habitants peut aussi contribuer à une faible mobilité. Dans le Val Fourré à Mantes-la-Jolie, la sous-représentation des logements locatifs libres, la surreprésentation des grands logements, des familles nombreuses ou des étrangers, et le coût de l’immobilier dans les environs expliquent une mobilité plus faible.

Certains QPV présentent une dissymétrie entre les entrées et les sorties, en général un fort volume d’entrées et plus faible pour les sorties. C’est le cas notamment de Tertres-Cuverons à Bagneux et de Quartier Sud à Choisy-le-Roi. Dans ces quartiers, l’offre conséquente en logements sociaux de grande taille et le dynamisme de la construction en 2015 ont favorisé l’installation d’une population nombreuse.

Cette classification des QPV selon les degrés de mobilité entrante ou sortante évolue, notamment au fil des programmes de rénovation urbaine et du renouvellement des populations résidentes. Elle permet toutefois de visualiser la diversité des situations au sein de la géographie prioritaire francilienne, au regard de la mobilité résidentielle.