Insee Flash Auvergne-Rhône-Alpes18 % de décès supplémentaires en mars-avril 2020 : le Rhône et la Haute-Savoie sont les plus touchés

Aline Labosse, Valérie Vanelle (Insee)

Du 2 mars au 26 avril 2020, Auvergne-Rhône-Alpes fait face à un nombre de décès parmi ses habitants en hausse par rapport à la même période de 2019, en lien avec la crise sanitaire du Covid-19. L’excédent de décès hebdomadaire augmente à partir du 16 mars pour se réduire à compter du 6 avril. Il est plus fort pour les personnes les plus âgées et les territoires densément peuplés. Le Rhône et la Haute-Savoie sont les plus touchés alors que l’ouest de la région est épargné.

Insee Flash Auvergne-Rhône-Alpes
No 73
Paru le :Paru le19/05/2020
Aline Labosse, Valérie Vanelle (Insee)
Insee Flash Auvergne-Rhône-Alpes No 73- Mai 2020

Depuis le mois de mars 2020, la France connaît une crise sanitaire inédite liée à la propagation du Covid-19. Elle se traduit par un , enregistrés par l’Insee dans l’état civil qui couvre tous les décès, quel que soit le lieu où ils surviennent et quelle qu’en soit leur cause (sources). Entre le 2 mars et le 26 avril 2020, la France dénombre 24 640 décès supplémentaires (+ 26 %) par rapport à la même période en 2019. Tous ces décès ne doivent toutefois pas être imputés au Covid-19, ceux liés à d’autres causes ayant également pu évoluer, parfois à la baisse comme les accidents de la route.

Durant ces huit semaines, Auvergne-Rhône-Alpes enregistre un excédent de mortalité de 2 020 décès (+ 18 %) parmi ses habitants. Cela correspond à 36 décès supplémentaires par jour en moyenne par rapport à la même période en 2019 (233 décès journaliers en 2020 contre 197 en 2019). Elle est ainsi en 5ᵉ position des régions les plus touchées de France métropolitaine, loin derrière l’Île-de-France (+ 96 %) et le Grand Est (+ 58 %) et après la Bourgogne-Franche-Comté (+ 27 %) et les Hauts-de-France (+ 25 %).

L’évolution hebdomadaire du surcroît de mortalité des résidents de la région est semblable à celle observée au niveau national (figure 1) mais elle est de plus faible ampleur. L’excédent est notable à partir de la semaine du 16 mars 2020, date de début du confinement (+ 8 %). Il poursuit sa hausse les semaines suivantes (+ 27 % puis + 44 % la semaine du 30 mars, soit 600 décès supplémentaires par rapport à une semaine moyenne de la même période en 2019). Le surcroît de mortalité se réduit toutefois progressivement après trois semaines de confinement, jusqu’à disparaître dans la région la semaine du 20 avril.

Figure 1Un pic de mortalité début avril, qui disparaît dans la région après six semaines de confinementÉvolution du nombre de décès hebdomadaire en 2020 rapporté au nombre de décès hebdomadaire moyen survenus du 2 mars au 26 avril 2019

Un pic de mortalité début avril, qui disparaît dans la région après six semaines de confinement - Note de lecture : au cours de la semaine du 30 mars au 5 avril 2020, les décès des résidents d'Auvergne-Rhône-Alpes on été 1,44 fois plus nombreux qu’au cours d’une semaine moyenne entre le 2 mars et le 26 avril 2019, soit 44 % de décès supplémentaires.
France Auvergne-Rhône-Alpes
du 02/03 au 08/03 1,04 1,03
du 09/03 au 15/03 1,07 1,04
du 16/03 au 22/03 1,19 1,08
du 23/03 au 29/03 1,37 1,27
du 30/03 au 05/04 1,59 1,44
du 06/04 au 12/04 1,48 1,33
du 13/04 au 19/04 1,29 1,27
du 20/04 au 26/04 1,05 1,00
  • Note de lecture : au cours de la semaine du 30 mars au 5 avril 2020, les décès des résidents d'Auvergne-Rhône-Alpes on été 1,44 fois plus nombreux qu’au cours d’une semaine moyenne entre le 2 mars et le 26 avril 2019, soit 44 % de décès supplémentaires.
  • Champ : France, décès répertoriés à la commune de résidence.
  • Source : Insee, statistiques de l’état civil, fichier du 12 mai 2020

Figure 1Un pic de mortalité début avril, qui disparaît dans la région après six semaines de confinementÉvolution du nombre de décès hebdomadaire en 2020 rapporté au nombre de décès hebdomadaire moyen survenus du 2 mars au 26 avril 2019

  • Note de lecture : au cours de la semaine du 30 mars au 5 avril 2020, les décès des résidents d'Auvergne-Rhône-Alpes on été 1,44 fois plus nombreux qu’au cours d’une semaine moyenne entre le 2 mars et le 26 avril 2019, soit 44 % de décès supplémentaires.
  • Champ : France, décès répertoriés à la commune de résidence.
  • Source : Insee, statistiques de l’état civil, fichier du 12 mai 2020

Un excédent de décès important chez les personnes âgées et dans les territoires denses

Le surcroît de mortalité en 2020 concerne essentiellement les personnes âgées de 65 ans ou plus. Il est de + 10 % pour les 65-74 ans, + 19 % pour les 75-84 ans et atteint + 25 % pour les plus de 85 ans. À partir de 65 ans, les hommes sont légèrement plus concernés et en particulier après 85 ans (+ 32 % contre + 22 % pour les femmes du même âge).

Par ailleurs, plus le nombre de personnes est important dans un territoire restreint, plus le risque de contacts est grand. L’excédent de décès augmente ainsi avec la . Dans les communes denses, concentrant 31 % de la population de la région sur 1,4 % de sa surface, il atteint + 29 % entre 2019 et 2020. Il n’y a pas en revanche de surcroît global de mortalité durant ces huit semaines dans les communes très peu denses (ne comprenant que 3 % de la population mais couvrant un tiers du territoire régional). Ces dernières ont dû faire face à un excédent de décès mais sur une durée limitée (entre le 23 mars et le 12 avril) et de plus faible ampleur. Le maximum, atteint la semaine du 30 mars, a été de + 19 % contre + 59 % dans les communes denses. Avec + 19 % de surcroît de mortalité sur la période, les communes de densité intermédiaire ont une évolution proche de celle des communes denses jusqu’au 6 avril, où l’excédent de décès diminue beaucoup plus fortement. Les mesures de confinement ont en revanche eu les mêmes effets sur l’ensemble des communes permettant un repli durant les trois dernières semaines.

Rhône et Haute-Savoie face au surcroît de mortalité le plus élevé

Le Covid-19 touche essentiellement le quart nord-est du pays. En Auvergne-Rhône-Alpes, le Rhône et la Haute-Savoie sont au 17e et 23e rang des 101 départements français, avec parmi leurs habitants, respectivement 42 % et 33 % de décès supplémentaires par rapport à 2019 sur l’ensemble de la période (figure 2). L’Ain et l’Ardèche (+ 24 % chacun) et la Loire (+ 18 %) figurent également parmi les départements plus touchés que la moyenne régionale. La Savoie, l’Isère et la Drôme occupent une position intermédiaire, avec un excédent de mortalité parmi leurs résidents compris entre + 9 % et + 15 %. Enfin, le Puy-de-Dôme, l’Allier, le Cantal et la Haute-Loire ont en 2020 un nombre de décès inférieur ou égal à celui de 2019 sur la même période.

Le Rhône et la Haute-Savoie se caractérisent par leur forte densité de population et une ouverture sur l’extérieur plus importante, ce qui a pu favoriser la propagation du Covid-19 et conduire à une hausse des décès de leurs habitants.

Figure 2L’ouest épargné, un surcroît de mortalité élevé dans le Rhône et en Haute-SavoieNombre de décès du 2 mars au 26 avril 2020 rapportés à ceux de 2019 sur la même période par département

L’ouest épargné, un surcroît de mortalité élevé dans le Rhône et en Haute-Savoie - Note de lecture : du 2 mars au 26 avril 2020, les décès des résidents du Rhône ont été 1,42 fois plus nombreux qu’en 2019 sur la même période, soit 42 % de décès supplémentaires.
Département Région Surcroît de mortalité du 2 mars au 26 avril
01 84 1,24
02 32 1,44
03 84 0,98
04 93 0,93
05 93 0,88
06 93 1,14
07 84 1,24
08 44 1,16
09 76 0,91
10 44 1,17
11 76 1,15
12 76 1,11
13 93 1,11
14 28 1,03
15 84 0,93
16 75 0,95
17 75 1,03
18 24 1,11
19 75 0,97
21 27 1,36
22 53 1,03
23 75 1,00
24 75 0,92
25 27 1,51
26 84 1,09
27 28 1,16
28 24 1,32
29 53 1,06
2A 94 1,31
2B 94 0,83
30 76 1,11
31 76 1,05
32 76 1,01
33 75 1,00
34 76 1,11
35 53 1,06
36 24 1,34
37 24 1,05
38 84 1,12
39 27 1,15
40 75 1,06
41 24 1,14
42 84 1,18
43 84 0,92
44 52 1,10
45 24 1,11
46 76 1,03
47 75 1,07
48 76 0,83
49 52 1,20
50 28 1,14
51 44 1,40
52 44 1,28
53 52 1,09
54 44 1,33
55 44 1,35
56 53 1,07
57 44 1,57
58 27 1,16
59 32 1,21
60 32 1,55
61 28 1,05
62 32 1,10
63 84 1,00
64 75 0,98
65 76 1,06
66 76 0,99
67 44 1,59
68 44 2,33
69 84 1,42
70 27 1,39
71 27 1,12
72 52 1,13
73 84 1,15
74 84 1,33
75 11 1,94
76 28 1,16
77 11 1,69
78 11 1,70
79 75 1,14
80 32 1,27
81 76 0,89
82 76 0,88
83 93 1,08
84 93 1,06
85 52 1,07
86 75 0,99
87 75 0,99
88 44 1,89
89 27 1,07
90 27 1,61
91 11 1,90
92 11 2,12
93 11 2,33
94 11 2,02
95 11 2,03
971 01 1,04
972 02 0,94
973 03 0,67
974 04 0,97
976 06 1,31
  • Note de lecture : du 2 mars au 26 avril 2020, les décès des résidents du Rhône ont été 1,42 fois plus nombreux qu’en 2019 sur la même période, soit 42 % de décès supplémentaires.
  • Champ : Auvergne-Rhône-Alpes, décès répertoriés à la commune de résidence.
  • Source : Insee, statistiques de l’état civil, fichier du 12 mai 2020

Figure 2L’ouest épargné, un surcroît de mortalité élevé dans le Rhône et en Haute-SavoieNombre de décès du 2 mars au 26 avril 2020 rapportés à ceux de 2019 sur la même période par département

  • Note de lecture : du 2 mars au 26 avril 2020, les décès des résidents du Rhône ont été 1,42 fois plus nombreux qu’en 2019 sur la même période, soit 42 % de décès supplémentaires.
  • Champ : Auvergne-Rhône-Alpes, décès répertoriés à la commune de résidence.
  • Source : Insee, statistiques de l’état civil, fichier du 12 mai 2020

Le Rhône, qui rassemble plus de la moitié de la population régionale vivant en territoire dense, concentre ainsi 44 % de l’ensemble des décès supplémentaires de la région, soit 890. Il réunit par ailleurs les principaux axes de communication d’Auvergne-Rhône-Alpes avec les autres régions françaises et la Suisse. La Haute-Savoie, dont 71 % de la population vit en territoire dense ou de densité intermédiaire, compte 14 % de l’ensemble des décès supplémentaires, soit 290. Ce département a de nombreuses interactions avec les cantons de Genève et de Vaud, les plus affectés par le Covid-19 en Suisse. Parmi les communes les plus peuplées du département, Thonon-les-Bains et Annemasse, proches de la frontière suisse, ont d’ailleurs un excédent de décès d’environ + 60 % alors qu’il n’atteint que + 15 % pour Annecy. La Balme-de-Sillingy et les Contamines-Montjoie ont enfin fait partie des premiers foyers épidémiques du Covid-19 en France.

Les territoires moins denses épargnés malgré leur population âgée

Les habitants de la Haute-Loire, du Cantal, de l’Allier et du Puy-de-Dôme sont épargnés par l’excédent de décès que connaît la région alors que leur population est en moyenne la plus âgée d’Auvergne-Rhône-Alpes. Les plus de 65 ans, particulièrement vulnérables, y sont ainsi plus nombreux que les moins de 20 ans. Ces quatre départements se caractérisent toutefois par leur faible densité de population. Ainsi, 17 % de leurs habitants résident dans une commune très peu dense alors que cette proportion n’est que de 6 % au niveau de l’ensemble de la région. Dans le Puy-de-Dôme, Clermont-Ferrand, commune dense de plus de 100 000 habitants, n’a pas non plus eu à faire face à un excédent de décès par rapport à 2019. Ces départements ont moins de liens avec le Rhône, particulièrement touché par le surcroît de mortalité, en raison de contraintes géographiques rendant les échanges plus difficiles.

L’Ardèche, un territoire peu dense particulièrement touché

L’Ardèche fait face à un surcroît de mortalité de + 24 % parmi ses résidents alors que la majorité vit dans des communes peu denses. Comme dans les départements de l’ouest de la région, la population y est en moyenne âgée. Toutefois, les plus de 75 ans vivent moins souvent seuls et davantage en établissements spécialisés, où ils ont pu être davantage exposés à la contagion.

L’excédent de mortalité pour les habitants de l’Ain (+ 24 %) pourrait davantage s’expliquer par des échanges plus importants, notamment des déplacements domicile-travail avec le Rhône, la Haute-Savoie et la Suisse limitrophes. La proximité du Rhône pourrait également jouer pour la Loire, mais à un plus faible niveau.

Sources

Les données de décès sont celles enregistrées par l’Insee dans l’état civil en 2019 et 2020. Les statistiques diffusées sont provisoires pour 2020. Elles sont issues du fichier en date du 12 mai 2020 et l’analyse s’arrête au 26 avril afin d’assurer une remontée quasi exhaustive des décès survenus durant la période. Les décès sont enregistrés à la commune de résidence et non au lieu de décès. Ils sont tous comptabilisés, quel que soit le lieu où ils surviennent et quelle qu’en soit la cause.

Définitions

Le surcroît (ou excédent) de mortalité correspond à l’ensemble des décès enregistrés du 2 mars au 26 avril 2020 rapportés à ceux enregistrés en 2019 sur la même période. Mesuré de façon hebdomadaire, il est comparé au nombre de décès hebdomadaire moyen enregistré entre le 2 mars au 26 avril 2019.

La grille communale de densité distingue quatre catégories de communes en fonction de la répartition de leur population dans l’espace : les communes densément peuplées, de densité intermédiaire, peu denses et très peu denses.