Insee Analyses Grand EstExercer un emploi salarié en parallèle d’une activité non salariée : une situation plus fréquente dans le Grand Est

Thomas Ducharne, Audrey Eichwald (Insee)

Fin 2015, 17,2 % des non-salariés du Grand Est cumulent leur activité avec un emploi salarié, contre 14,5 % en moyenne en France de province. Cette forme de pluriactivité est presque deux fois plus fréquente parmi les micro-entrepreneurs. Elle est particulièrement répandue dans la plaine d’Alsace, notamment autour de Strasbourg.

L’activité non salariée, souvent exercée dans un tout autre domaine que celui de l’emploi salarié, ne constitue qu’un modeste complément de revenu pour la plupart des pluriactifs. Cette population est plus jeune et plus féminisée que l’ensemble des non-salariés. Sa croissance a aussi été plus rapide ces dernières années, portée par le succès du régime du micro-entrepreneur.

Insee Analyses Grand Est
No 106
Paru le :Paru le13/12/2019
Thomas Ducharne, Audrey Eichwald (Insee)
Insee Analyses Grand Est No 106- Décembre 2019

Le Grand Est compte 225 500 travailleurs cotisant à un régime de protection sociale non salariée fin 2015 : 33 % gèrent une société dont ils possèdent la majorité des parts, 24 % sont , 22 % exercent une profession libérale et 21 % sont à la tête d’une entreprise individuelle. Cette répartition est proche de la moyenne de France de province (France métropolitaine hors Île-de-France).

Pour des raisons économiques, de temps ou d’opportunité notamment, certains non-salariés exercent en parallèle une activité salariée (unique forme de pluriactivité abordée dans cette étude). Ces sont 38 700 dans le Grand Est fin 2015. Ils représentent 17,2 % de l’ensemble des travailleurs non salariés de la région. Malgré des revenus d’activité en moyenne légèrement plus élevés dans le Grand Est, la pluriactivité y est plus répandue qu’en France de province (+ 2,6 points), et ce, quelle que soit la catégorie juridique (figure 1).

Figure 1Près d'un tiers des micro-entrepreneurs du Grand Est sont pluriactifsPart de pluriactifs parmi les différentes catégories de non-salariés en 2015 (en %)

Près d'un tiers des micro-entrepreneurs du Grand Est sont pluriactifs - Lecture : la pluriactivité concerne 32,1 % des micro-entrepreneurs du Grand Est, soit 3,1 points de plus qu’en province.
Grand Est France de province
Micro-entrepreneurs 32,1 29
Professions libérales 15,4 13,2
Entrepreneurs individuels 12 8,8
Gérants majoritaires 10,9 8,6
Ensemble des non-salariés 17,2 14,5
  • Lecture : la pluriactivité concerne 32,1 % des micro-entrepreneurs du Grand Est, soit 3,1 points de plus qu’en province.
  • Champ : non-salariés.
  • Source : Insee, base non-salariés 2015.

Figure 1Près d'un tiers des micro-entrepreneurs du Grand Est sont pluriactifsPart de pluriactifs parmi les différentes catégories de non-salariés en 2015 (en %)

  • Lecture : la pluriactivité concerne 32,1 % des micro-entrepreneurs du Grand Est, soit 3,1 points de plus qu’en province.
  • Champ : non-salariés.
  • Source : Insee, base non-salariés 2015.

Une pluriactivité beaucoup plus fréquente parmi les micro-entrepreneurs

Les micro-entrepreneurs sont proportionnellement les plus nombreux à exercer en parallèle une activité salariée : 32,1 % contre 12,5 % parmi les autres non-salariés dans le Grand Est en 2015. L’accès à ce statut étant subordonné au respect d’un plafond de chiffre d’affaires, beaucoup de ceux qui en relèvent complètent leurs revenus par une activité salariée. Au sein des autres formes de non-salariat, la pluriactivité est un peu plus répandue parmi ceux qui exercent une profession libérale (15,4 %) que parmi les entrepreneurs individuels ou les gérants majoritaires (respectivement 12,0 % et 10,9 %). Bien que bénéficiant de revenus généralement plus élevés, les non-salariés en libéral travaillent souvent dans des secteurs d’activité où l’exercice parallèle d’un emploi salarié est facilité. Nombreux sont en effet les médecins libéraux à être également salariés d’une clinique ou d’un hôpital ou les professionnels du droit à mener de front carrière universitaire et travail en cabinet d’avocat.

Plus de pluriactifs dans la plaine d’Alsace et dans la Marne

Au niveau infra-régional, l’exercice d’un emploi salarié en parallèle d’une activité non salariée est particulièrement fréquent à l’est de la région, et notamment en périphérie de Strasbourg (figure 2). Dans les zones d’emploi de Saverne et de Sélestat, 22 % des non-salariés sont en effet pluriactifs, soit cinq points de plus qu’au niveau régional. Dans une moindre mesure, la pluriactivité est également assez répandue dans la Marne et la zone d’emploi de Nancy. À l’inverse, entre ces zones plus densément peuplées, les non-salariés exercent plus rarement une activité salariée en parallèle. Dans les territoires ruraux, un chômage plus élevé peut rendre plus difficile l’accès à un emploi salarié. Le fait de ne pas prendre en compte les emplois salariés exercés de l’autre côté des frontières nationales, au Luxembourg ou en Suisse, peut conduire à sous-estimer la pluriactivité dans les zones d’emploi frontalières de Longwy, Thionville ou encore Saint-Louis.

Figure 2Un non-salarié sur cinq est pluriactif dans les zones d’emploi de Sélestat, Saverne et Molsheim-ObernaiNombre de non-salariés et part de pluriactifs par zone d'emploi en 2015

Un non-salarié sur cinq est pluriactif dans les zones d’emploi de Sélestat, Saverne et Molsheim-Obernai - Lecture : 22 % des 3 600 travailleurs non-salariés de la zone d'emploi de Sélestat exercent en parallèle une activité salariée fin 2015.
Zone d'emploi Nombre de non-salariés Part de pluriactifs
4203 3 131 21,7%
4202 6 261 20,5%
4207 9 406 19,8%
4204 3642 22,0 %
4205 25 398 19,7%
4201 7 817 19,6%
4206 1 507 18,9%
2105 16 609 18,7%
2103 4 706 18,2%
4103 20 501 18,0%
4109 2 697 17,7%
4208 15 197 17,6%
2104 8 485 17,6%
4104 2 387 17,1%
4110 3 447 17,0%
4105 2 185 16,7%
4107 17 386 16,6%
2102 15 365 16,3%
4114 3 746 15,6%
4108 6 035 15,6%
4113 4 326 15,2%
4112 7 227 14,7%
2101 8 470 14,5%
2106 5 490 13,6%
4209 3 912 13,6%
2107 4 619 13,6%
4115 2 768 13,2%
4102 1 262 12,8%
4111 5 782 12,3%
4106 3 038 11,6%
4101 2 673 9,4%
  • Note : la taille des bulles est proportionnelle au nombre de travailleurs non-salariés de la zone d'emploi considérée ; leur couleur reflète le poids des pluriactifs au sein de cette population.
  • Lecture : 22 % des 3 600 travailleurs non-salariés de la zone d'emploi de Sélestat exercent en parallèle une activité salariée fin 2015.
  • Champ : non-salariés.
  • Source : Insee, base non-salariés 2015.

Figure 2Un non-salarié sur cinq est pluriactif dans les zones d’emploi de Sélestat, Saverne et Molsheim-ObernaiNombre de non-salariés et part de pluriactifs par zone d'emploi en 2015

  • Note : la taille des bulles est proportionnelle au nombre de travailleurs non-salariés de la zone d'emploi considérée ; leur couleur reflète le poids des pluriactifs au sein de cette population.
  • Lecture : 22 % des 3 600 travailleurs non-salariés de la zone d'emploi de Sélestat exercent en parallèle une activité salariée fin 2015.
  • Champ : non-salariés.
  • Source : Insee, base non-salariés 2015.

Forte augmentation du nombre de pluriactifs

Entre 2010 et 2015, le nombre de pluriactifs a progressé dans la région plus rapidement que le nombre total de non-salariés (+ 15 % contre + 9 %), dans un contexte de repli global de l’emploi (- 3 %). Bien que vigoureuse, cette croissance est la plus faible de France de province (+ 22 % en moyenne). Dans le Grand Est comme ailleurs, elle est très largement portée par l’essor des micro-entrepreneurs (+ 91 %), dont le régime est apparu en 2009. Si le nombre de pluriactifs augmente partout dans la région, c’est dans la Marne que la croissance est la plus forte. Ainsi, le nombre d’actifs cumulant activité salariée et activité non salariée progresse de plus de 22 % dans les zones d’emploi d’Épernay, de Châlons-en-Champagne et de Reims.

Pour autant, le cumul d’activités n’est guère plus fréquent parmi les non-salariés du Grand Est en 2015 qu’en 2010. Chez les micro-entrepreneurs, la pluriactivité recule de manière significative, tout en demeurant encore bien plus répandue que parmi les autres catégories de non-salariés. Ainsi, les micro-entrepreneurs de la région étaient 39 % à être pluriactifs au lendemain de la création de ce statut, contre seulement 32 % cinq ans plus tard. Dans l’ensemble, le poids des pluriactifs parmi l’ensemble des non-salariés a particulièrement progressé dans la moitié ouest de la région, alors qu’il est globalement stable, voire diminue, dans la plaine d’Alsace.

Une forte dépendance aux revenus d’origine salariale

Hors secteur agricole, les pluriactifs retirent de leur activité non salariée un revenu nettement inférieur à celui de l’ensemble des non-salariés. Dans le Grand Est, le revenu médian n’a pas dépassé 300 euros mensuels pour les premiers, pour près de 1 400 euros pour les seconds. Attestés quelle que soit la catégorie juridique considérée, ces écarts entre pluriactifs et ensemble des non-salariés sont particulièrement tangibles pour les entrepreneurs individuels et les gérants majoritaires (figure 3). Ils sont moins marqués pour les , du fait de niveaux de revenus bien plus importants.

Les revenus non salariaux perçus par les pluriactifs varient en effet sensiblement d'une catégorie juridique à l'autre. Les inégalités sont également fortes au sein même de chaque statut. Le quart des actifs percevant les plus fortes rémunérations retirent un revenu non salarié au moins six fois supérieur au quart des actifs percevant les gains les plus faibles. À l’échelle de l’ensemble des non-salariés, les écarts de revenus au sein de chaque catégorie juridique sont également importants mais bien inférieurs à ceux des seuls pluriactifs, excepté pour les micro-entrepreneurs.

La faiblesse des revenus non salariés que perçoivent la plupart des pluriactifs est toutefois pour partie compensée par leurs revenus salariés. En 2015, la moitié d’entre eux perçoivent un salaire net mensuel supérieur à 1 330 euros dans le Grand Est, pour 1 160 euros en moyenne en France de province. Près des trois quarts des pluriactifs tirent la majorité de leurs revenus de leur activité salariée, dans la région comme à l’échelle de la province. Cette dépendance vis-à-vis de leur salaire est encore plus accentuée pour les micro-entrepreneurs, dont les revenus non salariés sont particulièrement bas. Elle est à l’inverse sensiblement moins marquée pour les professions libérales, dont les émoluments sont beaucoup plus importants.

Figure 3Des revenus non salariés plus faibles pour les pluriactifsDistribution du revenu mensuel d'origine non salariale des pluriactifs et de l'ensemble des non-salariés dans le Grand Est en 2015, par catégorie juridique (en euros)

Des revenus non salariés plus faibles pour les pluriactifs - Lecture : la moitié des non-salariés du Grand Est exerçant une profession libérale perçoivent plus de 4 200 euros par mois au titre de cette activité en 2015. Le revenu non salarié mensuel médian des pluriactifs exerçant une profession libérale est quant à lui de 3 100 euros. Un quart de ces pluriactifs retirent moins de 1 100 euros de leur activité non salariée, tandis qu'un autre quart en perçoit plus de 6 900 euros.
1er quartile Médiane 3e quartile
Micro-entrepreneurs Pluriactifs 42 134 363
Micro-entrepreneurs Ensemble des non-salariés 61 215 596
Professions Libérales Pluriactifs 1 085 3 138 6 931
Professions Libérales Ensemble des non-salariés 2 263 4 172 7 395
Entrepreneurs Individuels Pluriactifs 203 562 1 340
Entrepreneurs Individuels Ensemble des non-salariés 642 1 326 2376
Gérants Majoritaires Pluriactifs 301 1 067 2567
Gérants Majoritaires Ensemble des non-salariés 1070 2 000 3403
Ensemble Pluriactifs 79 308 1276
Ensemble Ensemble des non-salariés 376 1373 3404
  • Lecture : la moitié des non-salariés du Grand Est exerçant une profession libérale perçoivent plus de 4 200 euros par mois au titre de cette activité en 2015. Le revenu non salarié mensuel médian des pluriactifs exerçant une profession libérale est quant à lui de 3 100 euros. Un quart de ces pluriactifs retirent moins de 1 100 euros de leur activité non salariée, tandis qu'un autre quart en perçoit plus de 6 900 euros.
  • Champ : non-salariés du Grand Est, hors revenus nuls, hors taxés d’office, hors agriculture.
  • Source : Insee, base non-salariés 2015.

Figure 3Des revenus non salariés plus faibles pour les pluriactifsDistribution du revenu mensuel d'origine non salariale des pluriactifs et de l'ensemble des non-salariés dans le Grand Est en 2015, par catégorie juridique (en euros)

  • Lecture : la moitié des non-salariés du Grand Est exerçant une profession libérale perçoivent plus de 4 200 euros par mois au titre de cette activité en 2015. Le revenu non salarié mensuel médian des pluriactifs exerçant une profession libérale est quant à lui de 3 100 euros. Un quart de ces pluriactifs retirent moins de 1 100 euros de leur activité non salariée, tandis qu'un autre quart en perçoit plus de 6 900 euros.
  • Champ : non-salariés du Grand Est, hors revenus nuls, hors taxés d’office, hors agriculture.
  • Source : Insee, base non-salariés 2015.

L’activité salariée n’est pas toujours le prolongement de l’activité non salariée

Certains secteurs d’activité non salariée semblent plus propices que d’autres à l’exercice d’un emploi salarié (hors secteur agricole). Ainsi, un non-salarié du Grand Est sur cinq travaillant dans les services aux particuliers, les services aux entreprises ou la santé est pluriactif (figure 4). Ce sont aussi les trois secteurs qui regroupent le plus de pluriactifs : respectivement 26 %, 22 % et 21 %. À l’inverse, moins d’un non-salarié sur dix est pluriactif dans les transports ou la construction.

Réciproquement, les pluriactifs exercent avant tout leur emploi salarié dans les services aux particuliers et la santé, dans le Grand Est comme en province. Alors que ces deux secteurs emploient seulement un quart des actifs de la région, ils rassemblent la moitié des emplois salariés des pluriactifs.

Au total, dans la région comme en province, seuls un peu plus de quatre pluriactifs sur dix exercent leur activité salariée et non salariée dans le même secteur économique. La santé est toutefois très spécifique, dans la mesure où le cumul d’emplois sous différents statuts est particulièrement répandu : 77 % des pluriactifs de ce secteur sont concernés dans la région (72 % en moyenne en province). Dans une moindre mesure, près de la moitié des pluriactifs travaillant dans les services aux particuliers exercent aussi leur emploi salarié dans ce domaine. Dans les autres secteurs d’activité, cette double activité ne concerne jamais plus d’un tiers des pluriactifs.

Figure 4Les services aux particuliers et aux entreprises comptent le plus de pluriactifsPoids des pluriactifs par secteur d'activité non-salariée et répartition selon que l'activité salariée soit exercée dans le même secteur ou non dans le Grand Est en 2015 (en %)

Les services aux particuliers et aux entreprises comptent le plus de pluriactifs - Lecture : un cinquième des non-salariés du Grand Est travaillant dans le secteur de la santé et de l'action sociale sont pluriactifs. Les trois quarts d'entre eux exercent également leur activité salariée dans ce domaine.
Secteur de l'activité non salariée Part de non-salariés exerçant un emploi salarié dans le même secteur Part de non-salariés exerçant un emploi salarié dans un secteur différent
Ensemble 7,5 9,8
Services aux particuliers 9,8 11,7
Services aux entreprises 6,4 14,6
Santé et action sociale 15,4 4,5
Industrie 4,4 13,5
Commerce 3,6 9,1
Construction 2,9 6,8
Transports 3,1 6,5
  • Lecture : un cinquième des non-salariés du Grand Est travaillant dans le secteur de la santé et de l'action sociale sont pluriactifs. Les trois quarts d'entre eux exercent également leur activité salariée dans ce domaine.
  • Champ : non-salariés du Grand Est, hors agriculture et secteurs d'activité comptant moins de 2 000 non-salariés.
  • Source : Insee, base non-salariés 2015.

Figure 4Les services aux particuliers et aux entreprises comptent le plus de pluriactifsPoids des pluriactifs par secteur d'activité non-salariée et répartition selon que l'activité salariée soit exercée dans le même secteur ou non dans le Grand Est en 2015 (en %)

  • Lecture : un cinquième des non-salariés du Grand Est travaillant dans le secteur de la santé et de l'action sociale sont pluriactifs. Les trois quarts d'entre eux exercent également leur activité salariée dans ce domaine.
  • Champ : non-salariés du Grand Est, hors agriculture et secteurs d'activité comptant moins de 2 000 non-salariés.
  • Source : Insee, base non-salariés 2015.

Davantage de jeunes et de femmes parmi les pluriactifs

Les jeunes non-salariés exercent plus souvent une activité salariée en parallèle. Hors secteur agricole, un tiers des pluriactifs du Grand Est ont moins de 35 ans, alors qu’ils ne sont qu’un sixième parmi l’ensemble des non-salariés. La pluriactivité est très fréquente avant 25 ans et décroît ensuite avec l’âge, en lien avec l’augmentation des revenus non salariés jusqu’à 60 ans et avec l’accroissement des responsabilités familiales.

La population des pluriactifs est aussi plus féminisée : 38 % des non-salariés exerçant parallèlement un emploi salarié sont des femmes, soit trois points de plus qu’au sein de l’ensemble des non-salariés. Les revenus non salariés des femmes, moins élevés que ceux de leurs homologues masculins, pourraient expliquer leur plus grande propension à la pluriactivité.

Entre 2010 et 2015, à l’instar de l’ensemble des travailleurs non salariés de la région comme de la France de province, les pluriactifs comptent davantage de femmes et sont un peu plus âgés en moyenne.

Encadré - Un non-salarié agricole sur six exerce un emploi salarié

Parmi les 41 800 non-salariés du Grand Est affiliés à la Mutualité Sociale Agricole (MSA) fin 2015, 16,6 % exercent aussi un emploi salarié en parallèle, soit une proportion supérieure à celle de toutes les autres régions de province (13,0 % en moyenne).

Cette surreprésentation des pluriactifs agricoles n’est pas en lien direct avec la taille des exploitations, dont la surface agricole utile moyenne dans le Grand Est est égale à la moyenne nationale. Cette surreprésentation fait en revanche en partie écho aux spécificités agricoles régionales. Dans le Grand Est, les non-salariés agricoles exercent en effet beaucoup plus souvent leur activité dans la viticulture et la culture des céréales que dans l’ensemble de la province, et sont au contraire bien plus rarement éleveurs laitiers. Or ces deux premiers secteurs se prêtent en règle générale davantage au cumul d’activités que l’élevage, dont les contraintes spécifiques sont souvent très chronophages. À spécialité identique, la part de pluriactifs s’avère toutefois presque systématiquement plus importante dans le Grand Est qu’en province. Terroirs de prédilection pour la viticulture et la céréaliculture, les départements alsaciens et la Marne comptent proportionnellement le plus de pluriactifs agricoles à l’échelle du Grand Est. Le Bas-Rhin est d’ailleurs de loin le département métropolitain où cette pluriactivité est la plus répandue (27,4 %).

Dans un contexte de recul du non-salariat agricole (effectifs régionaux en baisse de 2,5 % entre 2010 et 2015) et de chute globale des revenus agricoles, la pluriactivité s’est nettement développée chez les actifs agricoles, dans le Grand Est plus encore que dans l’ensemble de la province (+ 16,9 % contre + 11,3 %). L’exercice parallèle d’un emploi salarié a notamment beaucoup plus progressé chez les viticulteurs de la région que chez leurs homologues de l’ensemble de la province (+ 47 % contre + 6 %).

La plupart des pluriactifs agricoles ne retirent que de faibles revenus de leur activité non salariée : en 2015, la moitié d’entre eux seulement ont perçu une rémunération mensuelle supérieure à 900 euros, soit un revenu médian quasi deux fois inférieur à celui des monoactifs. De ce fait, à l’instar de leurs homologues du régime général, les pluriactifs du secteur agricole dépendent fortement de leurs salaires, lesquels représentent en effet dans 70 % des cas la source majoritaire de leurs revenus d’activité. En moyenne en province, les revenus d’origine non salariale des pluriactifs sont encore plus modestes, ce qui accentue d’autant leur dépendance vis-à-vis de leur activité salariale. D’un pluriactif agricole à l’autre, les situations peuvent être cependant très diverses, les écarts entre les revenus non salariaux les plus bas et les plus hauts étant particulièrement importants, que ce soit dans la région ou dans l’ensemble de la province. Les disparités de revenus sont notamment très fortes suivant le statut juridique, les entrepreneurs individuels en situation de pluriactivité percevant un revenu non salarié médian deux fois moindre que celui des gérants majoritaires. Les premiers sont d’ailleurs nettement plus souvent pluriactifs que les seconds (+ 10 points), alors que les deux statuts ont un poids presque égal au sein de l’ensemble des non-salariés agricoles.

Dans le Grand Est, deux pluriactifs agricoles sur trois exercent leur emploi salarié dans les services aux entreprises, l’agriculture, l’industrie ou le commerce. En France de province, le poids de l’agriculture et de l’industrie est moindre, et les secteurs dans lesquels les pluriactifs agricoles exercent leur emploi salarié sont globalement plus diversifiés. La durée de l’activité salariée ne diffère en revanche pas entre le Grand Est et la province : dans près de deux cas sur trois, celle-ci est exercée à temps complet.

Enfin, alors que les non-salariés affiliés à la MSA sont aux trois quarts des hommes, dont beaucoup ont plus de 50 ans, les pluriactifs agricoles comptent plus de femmes et de jeunes générations, à l’image de leurs homologues du régime général.

Encadré Partenariat

L’étude a été réalisée dans le cadre d’un partenariat entre la Direction régionale de l’Insee Grand Est et la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte).

Pour comprendre

Cette étude repose sur l’exploitation de la base non-salariés (BNS), proposant une mesure administrative de l’emploi non salarié. La BNS est en effet issue de deux sources administratives, gérées par les organismes en charge de la collecte des cotisations sociales des non-salariés : l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) et la caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA). Dans le Grand Est, 81 % des non-salariés relèvent de l’Acoss et 19 % de la CCMSA.

Définitions

Depuis 2009, le statut d’auto-entrepreneur est venu s’ajouter à ces catégories juridiques, remplacé en 2014 par celui de micro-entrepreneur. Ce nouveau régime permet à des actifs de développer une activité non salariée de taille modeste dans un cadre administratif et fiscal simplifié. Il n’est toutefois pas ouvert aux non-salariés du secteur agricole, lesquels bénéficient en revanche depuis 2016 du régime du micro-bénéfice agricole.

Un non-salarié est qualifié de pluriactif dès lors qu’il a exercé un emploi salarié en parallèle pendant la dernière semaine de l’année considérée.

Les non-salariés correspondent dans cette étude aux actifs affiliés à l’Acoss ou à la CCMSA l’année considérée, que leur activité soit exercée à titre secondaire ou ait cessé en cours d’année. Ils peuvent exercer une profession libérale, être à la tête d’une entreprise individuelle ou gérer une société dont ils possèdent la majorité des parts

Les professions libérales sont quant à elles définies en fonction du périmètre retenu par la Direction générale des entreprises (DGE), construit sur des critères sectoriels (pour les activités réglementées telles que les activités d’architecture, de géomètre, juridiques, de santé) et juridiques (pour des activités non réglementées, telles que les activités d’expertise et de conseil ou d’enseignement).

Le revenu d’activité des non-salariés correspond à la rémunération associée à l’activité non salariée, déduction faite des cotisations sociales payées dans l’année, mais pas des contributions sociales (CSG, CRDS). Ce revenu est rapporté à la durée d’affiliation dans l’année. Il peut correspondre à une durée de travail très variable d’un non-salarié à l’autre. Les non-salariés ne déclarant pas leur revenu sont taxés d’office par l’Acoss pour le recouvrement des cotisations. En cas d’exercice déficitaire, les revenus d’activité non salariés sont considérés comme nuls. Les revenus nuls et taxés d’office ne sont pas pris en compte dans les indicateurs de dispersion des revenus. En revanche, les indépendants non salariés aux revenus nuls ou taxés d’office sont comptés dans les effectifs.

Pour en savoir plus

Ducharne T., Eichwald E., « Les travailleurs indépendants du Grand Est plus nombreux dans la plupart des activités », Insee Analyses Grand Est n° 100, octobre 2019.

Théron G., « Un non-salarié sur quatre travaille aussi en tant que salarié », Insee Première n° 1785, décembre 2019.

Le Boëtté I., « Les indépendants : le rebond annoncé dans les années 2000 se poursuit en 2016 », Insee Première n° 1768, août 2019.

Babet D., « Un travailleur indépendant sur cinq dépend économiquement d’une autre entité », Insee Première n° 1748, avril 2019.