Travailler tout en étant retraité : un complément de revenus, mais pas seulement

La France est l’un des rares pays où le niveau de vie moyen des retraités est supérieur à celui de l’ensemble de la population. En 2015, il s’élève à 24 540 euros par an, soit un montant supérieur de 4,7 % à celui de l’ensemble des habitants. Entre 2010 et 2015, le niveau de vie moyen des retraités augmente de 0,5 % et baisse de 1,7 % pour l’ensemble de la population française, les pensions n’étant pas impactées par les aléas de la conjoncture économique contrairement aux revenus d’activité. Pourtant, le récent mouvement des gilets jaunes a mis en lumière les difficultés que rencontrent certains retraités à faire face aux dépenses courantes. Sur les dix premiers mois de 2018, alors que le pouvoir d’achat des ménages en emploi progresse légèrement de 0,2 %, celui des ménages de retraités diminue de 2,0 % en moyenne, en raison notamment de plusieurs mesures sociales et fiscales défavorables aux retraités. Certains d’entre eux se voient alors dans l’obligation de travailler tout en étant retraités.

Si les premiers départs en retraite commencent à apparaître entre 50 et 55 ans dans le cadre de départs progressifs, de carrières longues ou de régimes spéciaux pour certaines professions (militaires, policiers...), les départs massifs débutent à partir de 60 ans et montent en puissance jusqu’à 65 ans. En Occitanie, comme en moyenne dans les autres régions métropolitaines hors Île-de-France, la part des retraités passe ainsi de 4 % chez les personnes âgées de 55 ans à 33 % à 60 ans, 89 % à 65 ans et atteint le palier de 95 % à partir de 75 ans (encadré 1).

En 2015, dans la région, 858 900 personnes âgées de 55 à 74 ans se déclarent retraitées lorsqu’on les interroge dans le cadre du recensement de la population. Mais parmi elles, 25 500 sont également actives, car elles continuent à travailler ou recherchent un emploi (figure 1) : la moitié sont âgées de 55 à 64 ans, l’autre moitié de 65 à 74 ans.

La part de ces retraités actifs parmi l’ensemble des retraités est identique en Occitanie à celle observée en France métropolitaine (3,0 %). Selon les régions, cette part varie dans une fourchette serrée de 2,2 % à 3,3 % à l’exception de l’Île-de-France qui culmine à 4,3 %.

Le cumul activité-retraite est plus fréquent chez les jeunes retraités de moins de 65 ans où il concerne 4,5 % d’entre eux en Occitanie, soit 12 400 personnes (encadré 2). Entre 65 et 74 ans, la part des retraités actifs est de 2,3 %, soit 13 100 seniors.

Bien qu’encore relativement rares, ces situations de cumul activité-retraite après 65 ans, soit au-delà de l’âge légal de départ à la retraite, se développent fortement depuis quelques années : le nombre de retraités âgés de 65 à 74 ans qui ont un emploi ou en recherche un, a pratiquement doublé entre 2010 et 2015 (+ 72 % en Occitanie et + 83 % en France métropolitaine). Le caractère hors norme de ces situations justifie de s’interroger sur qui sont ces retraités actifs et quelles sont leurs motivations. Neuf fois sur dix, ces retraités exercent une activité professionnelle, les dix pour cent restants recherchant un emploi.

Contrairement aux retraités inactifs du même âge, les retraités actifs de 65 à 74 ans sont en majorité des hommes (6 sur 10) (figure 2). Si, comme les retraités inactifs, ils vivent majoritairement en couple, les retraités actifs sont plus souvent des personnes seules. Lorsqu’ils vivent en couple, 12 % ont encore des enfants au domicile, contre 8 % des retraités inactifs. Des contraintes financières pourraient ainsi justifier le cumul activité-retraite après 65 ans, notamment pour payer les poursuites d’études des enfants encore au foyer.

Néanmoins, la raison financière ne semble pas être la seule justifiant d’exercer une activité tout en étant retraité. En effet, les diplômés du supérieur, qui bénéficient certainement de meilleures pensions, sont bien plus nombreux parmi les retraités actifs (32 % contre 20 % des retraités inactifs), de même que les non-salariés, en particulier les professions libérales. A contrario, les non-diplômés, les salariés (hors cadres) cumulent moins souvent retraite et activité. La pénibilité du travail pour certaines de ces professions, notamment d’employés ou ouvriers, qui peut induire une moins bonne santé peut compliquer une poursuite de l’activité au-delà d’un certain âge.

En matière de cadre de vie, les retraités actifs de 65 à 74 ans vivent plus souvent que les retraités inactifs dans les villes-centres, là où se concentrent les emplois à haut niveau d’expertise, et dans les communes rurales où les emplois non salariés, notamment d’artisans, de commerçants et de chefs d’entreprise, sont plus fréquents.

Les multiples visages des retraités actifs dessinent autant de motivations différentes à poursuivre une activité professionnelle après 65 ans. Parmi les retraités actifs âgés de 65 à 74 ans, le profil majoritaire (54 % d’entre eux) est celui du salarié non cadre, en contrat à durée indéterminée mais travaillant le plus souvent à temps partiel. Il comprend essentiellement des femmes, des non-diplômés et des personnes seules. Au regard de ces caractéristiques, la principale raison au cumul emploi-retraite pourrait être d’ordre financier : complément de revenu ou de trimestres cotisés.

Le profil suivant le plus fréquent (25 % des retraités actifs) est celui du non-salarié hors profession libérale, plus souvent titulaire d’un diplôme de niveau intermédiaire que le profil précédent et travaillant plutôt à temps complet, même si le temps partiel est là aussi majoritaire. Il pourrait s’agir, pour certains d’entre eux, de chefs d’entreprise qui poursuivent leur activité notamment faute de repreneur.

Le dernier profil correspond au retraité actif diplômé du supérieur. Il comprend principalement des cadres salariés (12 % des retraités actifs) et des professions libérales (9 %), plutôt des hommes, des personnes vivant en couple et travaillant à temps partiel. Pour ces retraités, les motivations seraient plutôt extra-financières : poursuivre une activité à haut niveau d’expertise (médecins, enseignants, professions intellectuelles supérieures…) tout en valorisant une expérience professionnelle et en maintenant une certaine utilité sociale.

Parmi les personnes âgées de 65 à 74 ans, certaines n’ont pas encore fait valoir leurs droits à la retraite et sont toujours actives. En Occitanie, cette situation concerne 13 500 personnes en 2015, soit 2,2 % des personnes de cette tranche d’âge. Seules différences notables par rapport aux retraités actifs aux mêmes âges, les actifs non retraités sont quasi tous en emploi et travaillent bien plus souvent à temps complet que les actifs retraités (73 % contre 30 %).

Sinon, leurs profils sont dans l’ensemble assez comparables, mais les caractéristiques sont parfois plus accentuées (figure 3). Les non-salariés sont encore plus nombreux parmi les actifs non retraités, notamment les professions libérales et les agriculteurs qui semblent ainsi retarder le moment de prendre leur retraite, peut-être en raison de pensions ou de trimestres insuffisants ou de motivations extra-financières. Les actifs non retraités sont aussi dans l’ensemble encore plus diplômés que les retraités actifs des mêmes âges.

Par ailleurs, les femmes sont un peu plus présentes parmi les actifs de 65 à 74 ans non retraités. Des carrières plus courtes ou incomplètes avec plus d’interruptions et de temps partiel, sont autant de raisons qui peuvent les conduire à prolonger leur activité dans le but de percevoir une pension suffisante, à défaut d’une retraite à taux plein.