L’industrie textile en France : une production mondialisée, sauf pour les produits de luxe et les textiles techniques
L’industrie textile représente aujourd’hui 2 % de la valeur ajoutée de l’industrie manufacturière en France et emploie 103 000 salariés. En vingt ans, elle a perdu les deux tiers de ses effectifs et plus de la moitié de sa production. Désormais, la France importe massivement des produits « textiles », surtout des vêtements et des chaussures, dont la moitié provient d’Asie et un tiers d’Europe. La production française s’organise principalement autour de groupes textiles de 250 salariés ou plus, surtout des multinationales. Ces groupes sont spécialisés dans l’élaboration d’articles de luxe, comme ceux de la maroquinerie, ou dans la production en propre de textiles à forte valeur ajoutée, comme les textiles techniques utilisés notamment dans l’aéronautique et l’automobile. Dans l’habillement, l’activité industrielle restant en France est majoritairement celle de donneurs d’ordre industriels vers des sous-traitants étrangers.
- Les produits français : traditionnels, mais aussi innovants
- Des échanges extérieurs dominés par l’importation de vêtements et de chaussures en provenance d’Asie
- Sous-traitance : généralisée et internationale dans l’habillement, marginale pour les textiles techniques
- Un tissu économique composé de PME organisées en groupe
- Un autre facteur d’internationalisation : le poids des multinationales
- Des modèles productifs différenciés
- Encadré 1 – Des unités légales aux groupes
- Encadré 2 – Modèle de production de biens « sans usine »
Les produits français : traditionnels, mais aussi innovants
L’industrie textile – industries de l’habillement, de la fabrication textile, du cuir et de la chaussure – génère une valeur ajoutée de 5,2 milliards d’euros en 2015. Elle représente 2,3 % de la valeur ajoutée de l’industrie manufacturière en France et emploie 103 000 salariés. Entre 1996 et 2015, elle perd 51 % de sa production, 40 % de sa valeur ajoutée, et 66 % de ses effectifs salariés (bibliographie). Ce repli n’est pas spécifique à la France, même s’il y est plus marqué que chez ses partenaires européens : – 25 % en valeur ajoutée en Allemagne, – 14 % en Espagne et – 8 % en Italie. Par ailleurs, les importations françaises de produits textiles ont doublé sur la période tandis que les exportations n’ont crû que de 62 % (figure 1).
En 2015, la valeur de la production textile s’élève à 16,4 milliards d’euros. Cinq catégories de produits se partagent les deux tiers de cette production : les vêtements (19 %), la maroquinerie (18 %), les articles textiles confectionnés à l’exclusion des vêtements (10 %), les « textiles techniques et industriels » (9 %) et les tissus (8 %). Les articles traditionnels, emblématiques d’un savoir-faire haut de gamme comme celui de la maroquinerie, côtoient des produits industriels de haute technologie tels que les textiles techniques et industriels utilisés notamment comme textiles renforcés et ultrarésistants dans l’aéronautique ou l’automobile.
tableauFigure 1 - Le textile en France depuis 1990 : effectifs, production et commerce extérieur
1990 | 1991 | 1992 | 1993 | 1994 | 1995 | 1996 | 1997 | 1998 | 1999 | 2000 | 2001 | 2002 | 2003 | 2004 | 2005 | 2006 | 2007 | 2008 | 2009 | 2010 | 2011 | 2012 | 2013 | 2014 | 2015 | |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Importations | 14,1 | 14,9 | 15,7 | 16,0 | 17,1 | 17,5 | 18,0 | 19,5 | 21,1 | 22,2 | 24,9 | 26,3 | 26,4 | 26,1 | 27,9 | 29,5 | 31,2 | 32,9 | 32,5 | 30,3 | 33,2 | 33,9 | 32,5 | 33,3 | 35,4 | 36,5 |
Production | 38,3 | 37,5 | 37,2 | 34,7 | 34,9 | 35,3 | 33,1 | 32,5 | 33,5 | 32,9 | 32,4 | 32,4 | 31,4 | 28,8 | 27,4 | 26,1 | 23,5 | 23,4 | 21,7 | 16,5 | 17,2 | 17,5 | 16,9 | 16,3 | 16,0 | 16,4 |
Exportations | 10,1 | 10,8 | 11,6 | 11,9 | 13,1 | 13,6 | 13,4 | 14,5 | 15,3 | 15,6 | 17,4 | 17,9 | 17,9 | 16,8 | 17,9 | 18,4 | 19,6 | 20,3 | 19,6 | 17,4 | 18,6 | 20,0 | 20,1 | 20,3 | 20,5 | 22,0 |
Effectifs salariés | 425 | 398 | 373 | 344 | 332 | 321 | 302 | 293 | 283 | 263 | 251 | 237 | 222 | 202 | 183 | 166 | 155 | 146 | 135 | 122 | 116 | 113 | 110 | 107 | 105 | 103 |
- Lecture : en 2015, en France, 103 000 salariés sont employés dans l'industrie textile ; la production d'articles textiles s'élève à 16,4 milliards d'euros, les importations à 36,5 milliards et les exportations à 22,0 milliards.
- Champ : branches de la fabrication textile, de l'industrie de l'habillement et de l'industrie du cuir et de la chaussure.
- Source : Insee, comptes nationaux.
graphiqueFigure 1 - Le textile en France depuis 1990 : effectifs, production et commerce extérieur
Des échanges extérieurs dominés par l’importation de vêtements et de chaussures en provenance d’Asie
En 2015, la France importe pour 36,5 milliards d’euros de produits textiles (figure 2). Les trois principaux types de produits importés sont les vêtements de dessus (7,7 milliards), les chaussures (6,5 milliards) et les vêtements de dessous (5,7 milliards). Plus de la moitié des importations provient d’Asie, principalement de Chine et plus marginalement du Bangladesh, du Vietnam et d’Inde. Par ailleurs, un tiers des importations vient de l’Union européenne (UE), surtout d’Europe du Sud ; l’Italie représente à elle seule 38 % des importations textiles intracommunautaires de la France (surtout des chaussures, mais aussi de la maroquinerie et des vêtements de dessus).
La France exporte pour 22,0 milliards d’euros de produits textiles, principalement de la maroquinerie et des articles de voyage (5,5 milliards d’euros) et, dans une moindre mesure, des vêtements de dessus (3,0 milliards), des chaussures (2,7 milliards) et des vêtements de dessous (2,2 milliards). Elle exporte ces produits majoritairement vers des pays de l’UE ; il s’agit alors pour moitié de produits de l’habillement. Elle exporte aussi vers l’Asie (20 % ; principalement vers Hong Kong et le Japon) et vers l’Amérique du Nord (9 %) ; ce sont majoritairement des produits de la maroquinerie.
tableauFigure 2 - Production et commerce extérieur de la France en produits textiles en 2015
Produits de la fabrication textile | Produits de l'habillement | Produits en cuir et chaussures | Ensemble des produits textiles | |
---|---|---|---|---|
Production | 6,8 | 5,4 | 4,2 | 16,4 |
Importations, dont : | 6,1 | 20,5 | 9,9 | 36,5 |
importations venant d'Asie | 2,3 | 12,6 | 5,4 | 20,3 |
importations venant de l'UE | 3,1 | 4,3 | 3,8 | 11,2 |
Exportations, dont : | 3,9 | 9,5 | 8,6 | 22,0 |
exportations vers l'Asie | 0,4 | 1,5 | 2,6 | 4,5 |
exportations vers l'UE | 2,2 | 6,0 | 3,9 | 12,1 |
- Lecture : en 2015, la France produit pour 4,2 milliards d'euros de produits en cuir et de chaussures. Elle en importe pour 9,9 millards et en exporte pour 8,6 millards.
- Champ : unités légales résidentes.
- Sources : Douanes ; Insee, comptes nationaux.
graphiqueFigure 2 - Production et commerce extérieur de la France en produits textiles en 2015
Sous-traitance : généralisée et internationale dans l’habillement, marginale pour les textiles techniques
Le recours à la sous-traitance est important, y compris au-delà des frontières. De la fabrication des matières premières à la confection des produits, les activités textiles se prêtent à la division des tâches. En moyenne, en 2015, 40 % de la production textile française a été confiée à un sous-traitant. L’intensité du recours à la sous-traitance diffère très fortement selon le type d’activité, voire selon les articles produits. Quasi inexistante pour les produits de la fabrication textile, la sous-traitance représente 42 % des facturations de la production d’articles en cuir et de chaussures et en atteint près des trois quarts dans l’industrie de l’habillement (figure 3).
Dans la fabrication textile, l’activité est centrée sur la production en propre des produits les plus techniques. Sur une production de 6,8 milliards d’euros, 88 % des articles de la fabrication textile ont été produits en propre. Deux catégories de produits nécessitent une plus forte technicité : les textiles techniques et industriels (surtout les tissus enduits) et les textiles confectionnés (tout particulièrement des stores extérieurs et des bâches de protection haut de gamme). Ils concentrent près de la moitié des facturations de la fabrication textile et sont très peu sous-traités (moins de 6 % des montants facturés).
Dans l’industrie du cuir et de la chaussure, le recours à la sous-traitance est important (42 %), mais cette production sous-traitée reste majoritairement française. D’une valeur de 4,2 milliards d’euros, la production s’oriente essentiellement vers les articles de maroquinerie (3,0 milliards), principalement les sacs à main. Viennent ensuite les chaussures (0,7 milliard). Les sacs à main sont, pour moitié, produits en sous-traitance. Cette sous-traitance est majoritairement effectuée en France, puisque l’industrie importe, en valeur, quatre fois moins de sacs à main qu’elle n’en produit sur le territoire. Pour les chaussures, 30 % de la production est confiée en sous-traitance.
Pour les productions de l’habillement (5,4 milliards d’euros), les trois quarts sont confiés en sous-traitance. Cette proportion est encore plus élevée pour les articles les plus généralistes : 80 % pour les T-shirts et 95 % pour la lingerie féminine. La sous-traitance internationale est prépondérante, la production nationale d’habillement étant bien inférieure aux importations de ces mêmes articles par les unités industrielles de cette branche. Seuls des produits spécifiques du point de vue des matières employées ou des usages (articles chaussants à maille, vêtements en cuir) sont majoritairement produits en propre.
tableauFigure 3 - Sous-traitance et importations par type de produits textiles en 2015
Origine des produits | Mode de production | |||||
---|---|---|---|---|---|---|
Production nationale | Produits importés | Total | Production en propre | Production sous-traitée | Total | |
Fabrication textile | 81 | 19 | 100 | 88 | 12 | 100 |
Habillement | 47 | 53 | 100 | 27 | 73 | 100 |
Cuir et chaussures | 71 | 29 | 100 | 58 | 42 | 100 |
Ensemble du textile | 71 | 29 | 100 | 60 | 40 | 100 |
- Lecture : dans l'habillement, sur l'ensemble des produits de cette activité en ressources des unités productrices (productions ou importations), les montants importés représentent 53 %. Dans le même temps, sur l'ensemble des productions, en propre ou sous-traitées, ces dernières représentent 73 %.
- Champ : unités productrices, y compris donneuses d'ordre, respectivement pour les produits textiles considérés.
- Sources : Insee, enquête annuelle de production (EAP) 2015 ; Douanes 2015.
graphiqueFigure 3 - Sous-traitance et importations par type de produits textiles en 2015
Un tissu économique composé de PME organisées en groupe
En France, 90 % des textiles sont produits par des unités légales ; encadré 1) dont l’activité principale est textile. Dans l’habillement, le reste est notamment réalisé par des unités commerciales (2 % des productions) et dans la fabrication textile, par d’autres unités industrielles (4 % des productions), relevant de la fabrication de pneumatiques, de matières plastiques pour la construction, d’équipements automobiles et de la construction aéronautique et spatiale…
Si neuf unités légales textiles sur dix ont moins de 10 salariés, elles ne représentent cependant que 10 % des résultats et des effectifs salariés du secteur. Par rapport à l’ensemble de l’industrie manufacturière, le secteur textile est plus atomisé. Il est dominé par des unités légales petites ou moyennes, ayant entre 10 et 250 salariés. Ces dernières emploient près de 60 % des effectifs salariés du secteur et concentrent 50 % de la valeur ajoutée, soit 20 points de plus que dans l’ensemble de l’industrie manufacturière. Les unités légales de 250 salariés ou plus regroupent 29 % des effectifs et génèrent 40 % de la valeur ajoutée du secteur.
Bien que composé très majoritairement d’unités légales indépendantes de moins de 10 salariés, le secteur textile est dominé économiquement par des unités appartenant à des groupes. Cette forme d’organisation plus complexe concerne les deux tiers des unités de 10 à 250 salariés et la totalité des unités de taille intermédiaire et supérieure. Ainsi, l’essentiel des effectifs et des résultats du secteur textile se trouve concentré dans des groupes (80 % des effectifs et 85 % de la valeur ajoutée). La majorité de ces filiales textiles appartient à des groupes dont l’activité principale est également textile. Les autres appartiennent principalement à des groupes du commerce (8 %) ou à des groupes de l’industrie du luxe qui tirent l’essentiel de leurs résultats des activités de parfumerie-cosmétique (2 %).
Un autre facteur d’internationalisation : le poids des multinationales
Un groupe textile sur cinq est une multinationale française. Acteurs de premier plan du secteur en France, ces multinationales en regroupent 39 % des effectifs ; elles en génèrent 50 % de la valeur ajoutée et 56 % du chiffre d’affaires à l’exportation (figure 4).
À l’international, les multinationales françaises du textile bénéficient d’un important déploiement commercial. Un quart des effectifs mondiaux des 54 plus importantes d’entre elles est employé dans des filiales commerciales, essentiellement à l’étranger (figure 5), dans des aires géographiques où les niveaux de vie sont relativement élevés, en Europe de l’Ouest (37 % des effectifs commerciaux à l’étranger), mais aussi en Asie de l’Est (29 %) et aux États-Unis (13 %).
Côté production, ces multinationales adoptent une double stratégie : produire en partie dans les pays à bas coûts tout en privilégiant une relative proximité géographique avec les principales aires commerciales. Ainsi, 45 % des effectifs mondiaux de leurs filiales productives textiles sont employés par des filiales localisées à l’étranger, principalement au Maghreb (40 %), en Asie du Sud (12 %) ou en Chine (11 %). Les 55 % restant sont employés en France. Ce chiffre masque de fortes disparités entre les sous-secteurs d’activité. Les multinationales de l’industrie du cuir et de la chaussure concentrent 76 % de leurs effectifs productifs en France contre 50 % pour celles de l’habillement et 39 % pour celles de la fabrication textile.
Dans les multinationales de l’habillement, 29 % des effectifs productifs mondiaux sont employés dans des filiales de fabrication textile qui interviennent en amont de l’industrie de l’habillement. Les effectifs de ces unités-ci se situent quasi intégralement à l’étranger (98 %), tandis que les effectifs des filiales de l’habillement restent majoritairement en France (69 %).
tableauFigure 4 - Le secteur de l'industrie textile en France en 2015 : principales caractéristiques selon le type de contrôle
Type d'unité | Effectifs salariés (en milliers d'équivalents temps plein) | Chiffre d'affaires (en milliards d'euros) | Chiffre d'affaires à l'exportation (en milliards d'euros) | Valeur ajoutée (en milliards d'euros) |
---|---|---|---|---|
Unités indépendantes | 18,4 | 3,0 | 0,9 | 0,9 |
Multinationales étrangères | 14,3 | 1,3 | 1,8 | 1,1 |
Groupes franco-français | 22,9 | 4,0 | 0,9 | 1,2 |
Multinationales françaises | 35,7 | 9,9 | 4,7 | 3,2 |
Ensemble du textile | 91,3 | 18,2 | 8,3 | 6,4 |
- Note : les données du tableau sont sectorielles. En particulier, on représente ici la valeur ajoutée du secteur (6,4 milliards d'euros) et non celle de la branche (5,2 milliards d'euros).
- Lecture : les unités indépendantes emploient 18 400 salariés en équivalent temps plein dans le secteur textile en France ; elles réalisent 3,0 milliards d'euros de chiffre d'affaires dont 0,9 milliard à l'export et elles génèrent 0,9 milliard d'euros de valeur ajoutée.
- Champ : secteurs de la fabrication textile, de l'industrie de l'habillement et de l'industrie du cuir et de la chaussure.
- Source : Insee, Ésane 2015 (données individuelles) et Lifi 2015.
graphiqueFigure 4 - Le secteur de l'industrie textile en France en 2015 : principales caractéristiques selon le type de contrôle
tableauFigure 5 - Répartition des effectifs mondiaux des principales multinationales textiles françaises en 2015
Maghreb | Asie du Sud + Chine | Europe de l'Ouest | Asie de l'Est + Chine | États-Unis | Autres aires géographiques | Total | ||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Effectifs des filiales textiles | En France | 18,7 | 18,7 | |||||
À l'étranger | 6,0 | 3,5 | 5,8 | 15,3 | ||||
Effectifs des filiales commerciales | En France | 2,2 | 2,2 | |||||
À l'étranger | 3,9 | 3,1 | 1,4 | 2,1 | 10,5 |
- Note : on étudie ici les 54 multinationales ayant répondu à l’enquête européenne sur l'activité des filiales étrangères des groupes français (Ofats) de 2015.
- Lecture : les filiales textiles des multinationales textiles françaises emploient 18 700 salariés en équivalent temps plein en France et 15 300 à l'étranger dont 6 000 au Maghreb et 3 500 en Asie du Sud et en Chine.
- Champ : filiales des 54 principales multinationales françaises des secteurs de la fabrication textile, de l'industrie de l'habillement et de l'industrie du cuir et de la chaussure.
- Source : Insee, Ofats, Lifi et Ésane (données individuelles) 2015.
graphiqueFigure 5 - Répartition des effectifs mondiaux des principales multinationales textiles françaises en 2015
Des modèles productifs différenciés
Le maintien en France d’emplois dans l’industrie textile par les multinationales peut concerner des filiales qui produisent peu en propre. À taille et secteur donnés, une filiale d’un groupe multinational a un risque double par rapport à une unité indépendante ou une filiale d’un groupe franco-français de recourir à la sous-traitance. De plus, lorsqu’il a lieu, le recours à la sous-traitance concerne une part importante de la production. Dans les filiales en France des multinationales françaises, 79 % de la production n’est pas effectuée en propre dans l’industrie de l’habillement et 61 % dans l’industrie du cuir et de la chaussure.
Le recours à la sous-traitance internationale et/ou à la délocalisation de la production pour les groupes multinationaux peut aboutir, en France, à un modèle de producteurs de biens « sans usine » (factoryless goods producing firms). L’habillement est une des activités industrielles les plus concernées par ce phénomène à travers le monde (bibliographie ; encadré 2).
En revanche, les filiales des groupes de fabrication textile produisent essentiellement en propre (88 %). Ces groupes investissent également davantage dans l’appareil productif (taux d’investissement de 14 % contre 6-7 % dans les autres groupes textiles). C’est tout particulièrement le cas de l’industrie des textiles techniques et industriels. La production en propre permet de maîtriser le processus de production, de préserver la technologie et de garantir la qualité technique.
Encadré 1 – Des unités légales aux groupes
Acteurs incontournables de l’industrie textile en France, les groupes textiles sont spécialisés sur ces activités et s’organisent autour de leurs filiales textiles. Si la moitié de leurs filiales exercent en effet leur activité principale dans ce secteur, elles concentrent 83 % des effectifs de ces groupes et en génèrent la part essentielle de la valeur ajoutée. Les filiales non textiles relèvent d’activités auxiliaires, surtout dans la finance et dans le commerce.
Avec la prise en compte de ces groupes et de l’ensemble de leurs filiales en France, le secteur textile – bien que composé à 92 % de micro-entreprises indépendantes – est économiquement dominé par les groupes. Les 916 groupes textiles présents sur le territoire pèsent pour plus de 80 % de l’économie du secteur en matière de valeur ajoutée et d’emploi : ils génèrent 5,5 milliards d’euros de valeur ajoutée et emploient 73 000 salariés en équivalent temps plein. 52 % des groupes textiles exercent leur activité principale dans le sous-secteur de la fabrication textile, 33 % dans l’industrie de l’habillement et 15 % dans l’industrie du cuir et de la chaussure. Par rapport à une approche en unité légale, l’approche en entreprise accroît le poids des entreprises de taille intermédiaire. La part des entités de 250 salariés ou plus est rehaussée de plus de 10 points sur les principaux résultats. Ainsi, les entreprises de 250 salariés ou plus concentrent la majorité des résultats (54 % de la valeur ajoutée) et 43 % des effectifs salariés en équivalent temps plein.
Encadré 2 – Modèle de production de biens « sans usine »
Dans ce modèle, l’unité se spécialise dans la conception (design, modèles), les plans de production et la commercialisation des produits. Elle achète les matières premières et en confie la transformation à d’autres unités (filiales ou autres sous-traitants) pour l’élaboration d’articles d’habillement dont elle conserve in fine la propriété industrielle.
Ainsi, les proportions d’ouvriers des unités de l’habillement non donneuses d’ordre sont assez proches (60-70 %) de celles de la fabrication textile ou de l’industrie du cuir et de la chaussure (figure). En revanche, cette proportion est moitié moindre dans les unités donneuses d’ordre et réduite au quart dans les unités donneuses d’ordre à 100 %. Ces dernières mobilisent en revanche dix fois plus d’employés commerciaux et plus de professions intermédiaires administratives et commerciales. De plus, à un niveau plus fin des professions, les concepteurs des arts graphiques et de mode se trouvent sur-représentés.
tableau Répartition des effectifs salariés dans les secteurs textiles par profession et catégorie socioprofessionnelle en 2015
Fabrication textile | Cuir et chaussure | Habillement, dont : | non donneurs d'ordre | donneurs d'ordre | dont donneurs d'ordre à 100 % | |
---|---|---|---|---|---|---|
Professions intermédiaires administratives et commerciales des entreprises | 3 | 3 | 11 | 6 | 13 | 17 |
Employés de commerce | 1 | 2 | 13 | 3 | 19 | 31 |
Ouvriers qualifiés de type artisanal | 32 | 35 | 23 | 38 | 15 | 8 |
Ouvriers qualifiés de type industriel | 3 | 9 | 2 | 3 | 1 | 1 |
Ouvriers non qualifiés de type industriel | 22 | 26 | 15 | 22 | 11 | 4 |
Autres | 39 | 25 | 36 | 28 | 41 | 39 |
Total | 100 | 100 | 100 | 100 | 100 | 100 |
- Note : ne sont représentées ici que les principales professions et catégories socioprofessionnelles. Les autres sont essentiellement des cadres (techniques ou commerciaux) et des employés d'entreprises.
- Lecture : la proportion d'ouvriers qualifiés de type artisanal est de 23 % dans les unités légales de l'habillement. Parmi ces dernières, la proportion est de 38 % lorsque l'unité n'est pas donneuse d'ordre, de 15 % lorsqu'elle est donneuse d'ordre et de 8 % lorsqu'elle est donneuse d'ordre à 100 % de sa production.
- Champ : secteurs de la fabrication textile, de l'industrie de l'habillement et de l'industrie du cuir et de la chaussure.
- Source : Insee, déclarations annuelles de données sociales (DADS) 2015.
graphique Répartition des effectifs salariés dans les secteurs textiles par profession et catégorie socioprofessionnelle en 2015
Sources
Les données sur la branche textile en France sont issues des comptes nationaux 2015.
Les données sectorielles proviennent des données individuelles du fichier Ésane 2015.
Les données sur les produits textiles et la sous-traitance sont issues de l’enquête annuelle de production (EAP) de 2015.
Les groupes textiles opérant en France sont identifiés grâce à l’enquête sur les liaisons financières (Lifi) de 2015.
Les données d’implantations et d’effectifs à l’étranger sont issues de l’enquête européenne sur l'activité des filiales étrangères des groupes français (Ofats) de 2015.
Les montants du commerce extérieur proviennent des comptes nationaux ; les répartitions (produits, pays) sont calculées à partir des données 2015 de la Direction générale des douanes et droits indirects.
Les données sur les professions et les catégories socio-professionnelles (PCS) sont fournies par les déclarations annuelles de données sociales (DADS) de 2015.
Définitions
L’industrie « textile » comprend, dans cette étude, les industries de l’habillement (vêtements ; accessoires : ceintures, gants, chapeaux...), de la fabrication textile (fils, tissus, étoffes à mailles, textiles techniques et industriels...), du cuir et de la chaussure (maroquinerie, chaussures...).
Le concept de production : est producteur celui qui possède les intrants et les produits en sortie du processus, qu’il ait réalisé lui-même l’acte de transformation (production en propre) ou qu’il ait confié cet acte à un sous-traitant auquel il a fourni gratuitement les intrants (production en tant que donneur d’ordre industriel).
L’unité légale est l’unité principale enregistrée dans le répertoire Sirene.
Firme multinationale : groupe ayant au moins une unité légale à l’étranger et une en France.
Firme multinationale sous contrôle français (étranger) : firme multinationale dont le centre de décision est français (étranger).
L’entreprise est, selon la loi de modernisation de l’économie (LME) de 2008, la plus petite combinaison d’unités légales qui constitue une unité organisationnelle de production de biens et services jouissant d’une certaine autonomie de décision, notamment pour l’affectation de ses ressources courantes.
Pour en savoir plus
Rignols É., « L’industrie manufacturière en Europe de 1995 à 2015 – Sa part dans l’économie recule, sauf en Allemagne », Insee Première n° 1637, mars 2017.
Bernard A. et Fort T., « Ouvrir dans un nouvel ongletFactoryless Goods Producing Firms », American Economic Review (pp. 518-523), may 2015.
Laurent J., « L’industrie manufacturière en 2017 - Des créations d’emploi malgré une croissance en demi-teinte », Insee Première n° 1706, juillet 2018.
Bougon S., « Le sac à main, produit phare de la maroquinerie française », Insee Focus n° 122, juillet 2018.