Insee PremièreLes créateurs d’entreprises : la frontière entre salariat et entrepreneuriat s’atténue

Damien Richet, pôle Démographie des entreprises et des établissements, Nicolas Bignon et Henri Mariotte, division Infrastructures et répertoire statistiques, Insee

Parmi les créateurs d’entreprises de 2014, sept profils-types se distinguent, dont la plupart ont déjà été mis en évidence parmi les créateurs de 2010. Le profil des « jeunes créateurs diplômés » s’étoffe en 2014 (8 % des créateurs). Leur entrée sur le marché du travail par la création d’entreprises, en majorité sous le régime de l’auto-entrepreneur, semble se confirmer comme une alternative au salariat.

Trois profils correspondent principalement à la recherche d’une activité et d’un revenu de complément. Ils se répartissent entre les « salariés en activité de complément », les « retraités » et les « créatrices de l’enseignement et de la santé » (31 % des créateurs).

Beaucoup d’entrepreneurs cherchent principalement à créer leur propre emploi. Deux profils sont particulièrement concernés : les « chômeurs » et les « créateurs éloignés de l’emploi » (40 % des créateurs).

Enfin, les « créateurs expérimentés » (21 % des créateurs), qui ont déjà une expérience dans la création ou la direction d’une entreprise, créent surtout des sociétés, avec des moyens plus importants et des perspectives de développement plus favorables.

Damien Richet, pôle Démographie des entreprises et des établissements, Nicolas Bignon et Henri Mariotte, division Infrastructures et répertoire statistiques, Insee
Insee Première No 1701- Juin 2018

Quatre grandes catégories de créateurs

En 2014, 551 000 immatriculations d’entreprises ont été enregistrées, dont 283 000 sous le . Ce régime, créé en 2009, a fortement stimulé la création d’entreprises et entraîné l’apparition de nouveaux profils-types d’entrepreneurs dès sa création (encadré 1). Les enquêtes du dispositif Sine de 2014 (sources) montrent leur installation dans la durée dans le paysage de la création d’entreprises. Les créateurs d’entreprises de 2014 peuvent ainsi être décrits selon sept profils-types appartenant à quatre grandes catégories (figures 1 et 2 ; encadré 2) : les jeunes diplômés qui entrent sur le marché du travail (8 % des créateurs), les entrepreneurs qui recherchent une activité de complément (31 %), les entrepreneurs qui veulent créer leur propre emploi (40 %) et les créateurs expérimentés (21 %).

L’enquête de 2014 confirme une certaine porosité entre le salariat et l’entrepreneuriat. D’une part, les créateurs salariés qui développent une activité de complément deviennent à la fois salariés et entrepreneurs. D’autre part, pour les personnes exclues du marché du travail ou les jeunes qui y entrent, le régime de l’auto-entrepreneur offre une possibilité d’accéder à une activité rémunérée, qui a les traits de l’entrepreneuriat classique mais peut s’accompagner d’un lien de dépendance proche du salariat.

Figure 1 - Représentation des profils-types des créateurs d'entreprises dans le plan de caractérisation optimale des créateurs d’entreprises de 2014

Figure 1 - Représentation des profils-types des créateurs d'entreprises dans le plan de caractérisation optimale des créateurs d’entreprises de 2014 ( ) - Lecture : les différents profils-types sont représentés dans le plan défini par les deux premiers axes de l'analyse factorielle donnant la caractérisation optimale des créateurs de 2014 (encadré 1). Le profil-type des « jeunes diplômés » a pour coordonnées (-0,26 ; 0,56) dans ce plan. Ce profil est proche de la caractéristique « étudiant ou scolaire » de la variable « statut avant la création ».
Caractéristique Axe 1 Axe 2 Effectif
Auto-entrepreneur en activité de complément -0,50 0,04 0,1
Auto-entrepreneur en activité principale 0,14 0,28 0,1
Société 0,20 -0,36 0,1
A déjà créé une entreprise -0,01 -0,24 0,1
Aucun moyen -0,34 0,16 0,1
Moyens financiers au démarrage de 16 000 euros ou plus 0,25 -0,37 0,1
Chef d'entreprise salarié -0,07 -0,66 0,1
Salarié du secteur privé -0,13 -0,08 0,1
Au chômage depuis moins d'un an 0,40 0,17 0,1
Étudiant ou scolaire -0,33 0,58 0,1
Sans activité professionnelle 0,04 0,27 0,1
Retraité -0,40 -0,32 0,1
Indemnités de chômage 0,37 0,12 0,1
Ni prestations ni indemnités -0,20 -0,11 0,1
Moins de 30 ans -0,07 0,34 0,1
50 ans ou plus -0,07 -0,26 0,1
Aide à la création 0,32 0,18 0,1
Pas d’aide à la création -0,21 -0,12 0,1
Autre activité à temps complet -0,37 -0,13 0,1
Autre activité à temps partiel -0,29 0,04 0,1
Pas d’autre activité rémunérée 0,14 0,03 0,1
Femme -0,08 0,15 0,1
Homme 0,04 -0,08 0,1
Salariés en activité de complément -0,43 0,01 19,4
Créateurs expérimentés 0,03 -0,51 20,6
Chômeurs 0,45 0,10 27,2
Créatrices de l'enseignement et de la santé -0,34 0,08 8,5
Retraités -0,40 -0,32 3,5
Créateurs éloignés de l’emploi 0,12 0,29 13,3
Jeunes diplômés -0,26 0,56 7,6
  • Lecture : les différents profils-types sont représentés dans le plan défini par les deux premiers axes de l'analyse factorielle donnant la caractérisation optimale des créateurs de 2014 (encadré 1). Le profil-type des « jeunes diplômés » a pour coordonnées (-0,26 ; 0,56) dans ce plan. Ce profil est proche de la caractéristique « étudiant ou scolaire » de la variable « statut avant la création ».
  • Source : Insee, dispositif Sine, enquêtes Sine et auto-entrepreneurs 2014.

Figure 1 - Représentation des profils-types des créateurs d'entreprises dans le plan de caractérisation optimale des créateurs d’entreprises de 2014

  • Note : la surface des disques représentant les profils-types est proportionnelle à leur part dans l'ensemble des créateurs d'entreprises.
  • Lecture : les différents profils-types sont représentés dans le plan défini par les deux premiers axes de l'analyse factorielle donnant la caractérisation optimale des créateurs de 2014 (encadré 1). Le profil-type des « jeunes diplômés » a pour coordonnées (-0,26 ; 0,56) dans ce plan. Ce profil est proche de la caractéristique « étudiant ou scolaire »  de la variable « statut avant la création ».
  • Source : Insee, dispositif Sine, enquêtes Sine et auto-entrepreneurs 2014.

Figure 2 - Caractéristiques principales des profils de créateurs d'entreprises de 2014

en %
Figure 2 - Caractéristiques principales des profils de créateurs d'entreprises de 2014 (en %) - Lecture : 16 % des entrepreneurs du profil « jeunes créateurs diplômés » sont auto-entrepreneurs en activité de complément.
Jeunes diplômés Salariés en activité de complément Retraités Créatrices de l'enseignement et de la santé Chômeurs Créateurs éloignés de l’emploi Créateurs expérimentés Ensemble
Effectifs (%) 8 19 4 8 27 13 21 100
Type d'entreprise Auto-entrepreneurs en activité de complément 16 39 40 34 3 4 1 15
Auto-entrepreneurs en activité principale 25 6 14 11 24 36 5 17
Auto-entrepreneurs n'ayant pas démarré 26 48 21 12 11 32 3 21
Entreprises individuelles hors auto-entrepreneurs 23 3 11 37 28 19 12 19
Sociétés 11 4 15 5 33 9 78 29
Ensemble 100 100 100 100 100 100 100 100
Situation avant la création Indépendant ou à son compte 2 2 0 9 1 3 38 10
Chef d'entreprise salarié, PDG 0 2 0 1 0 1 24 6
Agent de la fonction publique 0 8 0 39 0 0 1 5
Salarié du secteur privé 11 69 2 30 25 5 30 31
Intérimaire, en CDD, intermittent 6 8 0 8 6 3 1 5
Au chômage depuis moins d'un an 9 5 0 4 44 4 2 15
Au chômage depuis un an ou plus 3 5 0 6 23 30 2 12
Étudiant ou scolaire 66 0 0 1 0 0 0 5
Sans activité professionnelle 2 1 0 3 0 53 2 8
Retraité 0 0 97 0 0 0 0 3
Ensemble 100 100 100 100 100 100 100 100
  • Lecture : 16 % des entrepreneurs du profil « jeunes créateurs diplômés » sont auto-entrepreneurs en activité de complément.
  • Source : Insee, dispositif Sine, enquêtes Sine et auto-entrepreneurs 2014.

Débuter sur le marché du travail pour les jeunes diplômés

Les « jeunes créateurs diplômés » rassemblent 8 % des créateurs d’entreprises en 2014. Neuf sur dix ont moins de 30 ans. Pour la plupart, il s’agit de leur première expérience dans la création, en grande majorité sous le régime de l’auto-entrepreneur, qui participe à leur insertion sur le marché du travail. En effet, les deux tiers étaient étudiants avant de créer leur entreprise. Ils sont en général porteurs de projets modestes, à l’image des créateurs recherchant principalement une activité de complément. Cependant, la proportion d’auto-entrepreneurs en activité de complément est plutôt faible parmi eux (16 %). Créer leur propre emploi est leur motivation première (54 %).

Leur niveau de formation est élevé : 54 % ont un diplôme de niveau bac + 3 ou plus et 30 % ont été sensibilisés à la création durant leurs études. Ils optent dans trois cas sur quatre pour un métier concordant avec leurs études et sont surreprésentés dans les activités spécialisées scientifiques et techniques (notamment en conseil pour les affaires et autres conseils de gestion) et l’information-communication (notamment en programmation informatique). La proportion de femmes y est importante (42 % contre 33 % pour l’ensemble des créateurs). Ce profil-type est surreprésenté en Île-de-France, où 39 % de ces créateurs s’immatriculent.

À la recherche d’une activité et d’un revenu de complément

L’auto-entrepreneuriat permet de lancer facilement une activité d’appoint dans un cadre légal simplifié. Depuis le lancement de ce régime en 2009, trois profils sont apparus et relèvent de cette logique.

Les « salariés en activité de complément » (19 % des créateurs) sont principalement des salariés du secteur privé. Ils sont quasiment tous auto-entrepreneurs en activité de complément et les deux tiers n’auraient pas créé d’entreprise sans ce régime. Les trois quarts conservent en parallèle une activité rémunérée dans une autre entreprise. La moitié souhaitent augmenter leurs revenus grâce à ce complément d’activité, c’est deux fois plus que pour l’ensemble des créateurs.

Dans ce profil-type, 71 % des créateurs exercent une activité qui ne correspond pas à leur métier principal. Les activités spécialisées scientifiques et techniques y sont surreprésentées (20 %), notamment le conseil pour les affaires et autres conseils de gestion. Leurs projets sont modestes : 77 % sont lancés avec moins de 1 000 euros d’investissement. La plupart de ces créateurs ont monté leur projet seuls.

Les « retraités » (4 % des créateurs) privilégient le régime de l’auto-entrepreneur en activité de complément et 57 % n’auraient pas créé d’entreprise sans ce régime. Ils souhaitent principalement augmenter leurs revenus (45 % d’entre eux) et aussi conserver une activité intellectuelle (42 %).

Leur investissement initial est faible (72 % investissent moins de 1 000 euros) et ils montent leur projet seuls dans 66 % des cas. Le secteur le plus prisé est celui des activités spécialisées, scientifiques et techniques, qui regroupe 27 % des créations, notamment dans le conseil pour les affaires et autres conseils de gestion.

Le profil-type des « créatrices de l’enseignement et de la santé » (8 % des créateurs) concentre principalement des entrepreneurs de l’enseignement (par exemple dans la formation continue) et de la santé humaine et de l’action sociale (par exemple, des infirmières et des sages-femmes). Il est de loin le plus féminisé, avec 69 % de femmes. Il est aussi celui où le niveau de formation est le plus élevé, avec 82 % de diplômés du supérieur. Il est partagé entre des entrepreneurs qui souhaitent augmenter leurs revenus (43 %) et ceux qui souhaitent créer leur propre emploi (54 %). Dans l’enseignement, 86 % choisissent le régime de l’auto-entrepreneur, majoritairement en activité de complément. Ils sont 60 % à exercer une activité rémunérée en parallèle. Leur motivation première est l’augmentation des revenus (46 %). Dans la santé humaine et l’action sociale, 64 % créent une entreprise classique, quasi exclusivement sous forme d’entreprise individuelle. Seuls 39 % gardent un autre emploi rémunéré. Leur motivation première est cette fois la création de leur emploi (71 %).

Créer son entreprise pour assurer son propre emploi

Créer son propre emploi est la principale motivation des créateurs de 2014, citée par 55 % d’entre eux. Pour certaines personnes sans emploi, créer sa propre entreprise est en effet une solution pour trouver une activité rémunérée. Deux profils relèvent clairement de cette logique.

Le profil-type des « chômeurs » (27 % des créateurs) regroupe essentiellement des chômeurs au moment de la création, dont un tiers de longue durée. Sept sur dix créent une entreprise pour créer leur propre emploi et six sur dix soulignent leur désir d’indépendance ou de créer leur propre entreprise. Ils privilégient la création d’entreprises classiques : 33 % de sociétés et 28 % d’entreprises individuelles. Les auto-entrepreneurs y sont essentiellement en activité principale.

Ces créateurs sont souvent accompagnés dans leurs démarches. Beaucoup ont bénéficié de l’appui d’une structure dédiée (37 %) et/ou d’une formation pour la réalisation de leur projet (40 %). La plupart ont bénéficié de l’aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d’entreprises (Accre ; 77 %) ou de l’aide à la reprise ou à la création d’entreprises (Arce ; 19 %). Les moyens engagés sont plus élevés que pour les créateurs en activité de complément : 30 % investissent entre 4 000 et 16 000 euros, et 21 % plus de 16 000 euros.

La majorité (62 %) exercent leur métier principal, dans lequel ils sont généralement très expérimentés. La plupart n’ont pas de diplôme du supérieur : 27 % ont un CAP ou BEP, 22 % un baccalauréat et 16 % n’ont pas de diplôme qualifiant.

Les « créateurs éloignés de l’emploi » réunissent 13 % des créateurs : 53 % n’ont pas d’activité professionnelle au moment de créer leur entreprise (personnes au foyer, chômeurs n’ayant jamais travaillé…) et 30 % sont des chômeurs de longue durée. 70 % sont motivés par la création de leur propre emploi. Ils privilégient massivement l’auto-entrepreneuriat en activité principale quand ils démarrent une activité. Cependant, 32 % ne sont toujours pas économiquement actifs fin 2014, soit trois fois plus que pour le profil-type des « chômeurs ». Ceci montre une difficulté à démarrer leur projet et à revenir sur le marché du travail.

Contrairement au profil précédent, ils sont très peu accompagnés dans leurs démarches. Seuls 40 % reçoivent un appui, dont la moitié en provenance d’une structure dédiée (par exemple les Chambres de commerce et d’industrie). Seuls 19 % ont suivi une formation particulière pour la réalisation de leur projet. Ils sont moins nombreux également à avoir bénéficié d’un dispositif d’aide à la création (45 %). Ils sont souvent en situation précaire : 69 % touchaient au moins une prestation sociale, le plus souvent le RSA, avant de lancer leur projet, contre 38 % pour l’ensemble des créateurs tous profils confondus.

Ces créateurs sont très peu diplômés : 40 % n’ont pas de diplôme qualifiant et 20 % ont un CAP ou BEP. Le secteur du commerce est privilégié par 32 % des créateurs de ce profil, en majorité dans le commerce de détail.

Créer une entreprise classique

Les « créateurs expérimentés » (21 % des créateurs) constituent le dernier profil-type ; il est stable dans le temps, car il est peu affecté par la mise en place du régime de l’auto-entrepreneur. La moitié d’entre eux a déjà créé une entreprise. Parmi eux, un sur cinq la dirige encore. En effet, avant la création, la majorité étaient indépendants ou chefs d’entreprises. Leur nouvelle entreprise correspond le plus souvent à leur métier principal (64 %) et leur permet de créer leur propre emploi (59 %). Leur âge médian est relativement élevé : 44 ans contre 37 ans pour l’ensemble des créateurs. C’est le profil-type le moins féminisé avec seulement 19 % de femmes. La société est la forme juridique privilégiée par 78 % de ces créateurs.

Les moyens mobilisés au démarrage sont élevés : 42 % investissent plus de 16 000 euros et 26 % entre 4 000 et 16 000 euros. Ce profil-type semble associé à de plus fortes perspectives de croissance et d’emploi : 25 % de ces créateurs comptent embaucher à l’avenir (trois fois plus que dans les autres profils).

Quelques mutations dans l’entrepreneuriat entre 2010 et 2014

Les profils des créateurs d’entreprises de la cohorte 2014 présentent de nombreuses similitudes avec ceux de la cohorte 2010. L’apparition des trois profils-types de créateurs recherchant principalement une activité de complément est liée au régime de l’auto-entrepreneur. Ils sont présents dans les deux générations dans des proportions similaires.

Les profils-types des « créateurs expérimentés », des « chômeurs » et des « créateurs éloignés de l’emploi » sont également présents en 2010 et en 2014. Cependant, les profils des entrepreneurs qui veulent avant tout créer leur propre emploi se sont légèrement recomposés entre les deux générations. En 2010, ils étaient fortement définis par leur secteur d’activité et leur niveau de formation, alors que pour la génération 2014, ils sont déterminés avant tout par le statut antérieur à la création. Le profil « créateurs de la construction » de 2010 est ainsi réparti entre les profils « chômeurs » et « créateurs expérimentés ». Les « consultants en Île-de-France » de 2010 se partagent entre les « chômeurs », les « créateurs expérimentés » et les « jeunes diplômés », où ils sont rejoints par les « étudiants ». Le profil des « jeunes créateurs diplômés », en essor, met en évidence une nouvelle façon d’entrer sur le marché du travail.

Méthode de classification des créateurs d’entreprises

Les profils-types de créateurs présentés dans cette étude sont issus d’une méthode statistique de classification. Dans un premier temps, une analyse des correspondances multiples (ACM) a été réalisée sur 16 variables (comportant 67 modalités) caractérisant les créateurs (sexe, âge, diplôme, statut professionnel avant la création, etc.) et leur projet (statut ou régime juridique, secteur d’activité, investissement initial, etc.). Elle permet de déterminer les principaux axes de caractérisation des créateurs d’entreprises de 2014 et met en évidence les variables qui y contribuent le plus. À partir de ces axes, une classification ascendante hiérarchique (CAH) regroupe deux à deux les individus les plus proches selon un processus itératif jusqu’à former des classes très différentes les unes des autres, mais à l’intérieur desquelles les individus sont les plus ressemblants possible. On obtient ainsi sept classes qui montrent autant de profils-types de créateurs d’entreprises.

Les deux premiers axes de l’ACM sont ceux qui contribuent le plus à la création de ces profils-types. Il est possible de représenter ces derniers en les positionnant sur un graphique réalisé à partir de ces deux axes (figure 1).

De manière très schématique, sur le premier axe, les projets dotés d’un investissement initial plutôt élevé (à droite) sont opposés aux projets sans investissement initial (à gauche). Les créations sous forme d’entreprise classique (à droite) sont opposées aux auto-entrepreneurs en activité de complément (à gauche). Les chômeurs (à droite) sont opposés aux salariés et aux retraités (à gauche).

Sur le deuxième axe, les créateurs expérimentés dans la création d’entreprises (en bas) sont opposés aux primo-créateurs (en haut). Les créateurs plus âgés (en bas) sont opposés aux plus jeunes (en haut). Les anciens chefs d’entreprise et les indépendants (en bas) sont opposés aux étudiants et aux créateurs sans activité professionnelle (en haut). Les créateurs de sociétés (en bas) sont opposés aux auto-entrepreneurs en activité principale (en haut).

Sept profils-types de créateurs répartis en quatre catégories

Les noms retenus pour désigner chaque profil s’appuient sur les caractéristiques des créateurs qui y sont fortement représentées, même si tous les créateurs du profil ne partagent pas ces caractéristiques.

Débuter sur le marché du travail

Les « jeunes diplômés » (8 % des créateurs) : ce profil concentre quasiment tous les créateurs qui étaient étudiants ou scolaires avant de créer leur entreprise. Ils représentent 66 % de ce profil. Ils sont le plus souvent auto-entrepreneurs (66 %) et surreprésentés dans les activités spécialisées, scientifiques et techniques (25 %) ou l’information-communication (14 %). Les moyens engagés sont faibles avec moins de 1 000 euros pour 69 % d’entre eux.

Rechercher une activité de complément

Les « salariés en activité de complément » (19 %) : il s’agit surtout de salariés du privé (69 %). Ils sont très présents dans les services aux entreprises (29 %). Leur investissement initial est faible : 56 % n’ont rien investi et 21 % ont investi moins de 1 000 euros.

Les « retraités » (4 %) : ce profil concentre quasiment tous les créateurs qui étaient retraités lors de la création. 73 % ont 60 ans ou plus. Ils sont très majoritairement auto-entrepreneurs (74 %) pour exercer une activité en complément de leur retraite (75 % parmi les auto-entrepreneurs ayant démarré). Les services aux entreprises sont privilégiés (36 %). 52 % des projets démarrent sans apport et 20 % avec un apport inférieur à 1 000 euros.

Les « créatrices de l’enseignement et de la santé » (8 %) : c’est un profil dominé par les entrepreneurs individuels classiques (37 %) et les auto-entrepreneurs en activité de complément (34 %). La forte féminisation de ce profil (69 %) est liée à l’orientation très marquée vers la santé humaine et l’action sociale (42 %) et l’enseignement (25 %). Les agents de la fonction publique sont fortement surreprésentés dans ce profil (40 %).

Assurer son propre emploi

Les « chômeurs » (27 %) : ce sont avant tout des chômeurs de courte (44 %) ou de longue durée (23 %). Ils privilégient la création d’entreprises classiques (61 %). Ils sont surreprésentés dans la construction (24 %). Les moyens investis sont assez élevés : plus de la moitié engagent au moins 4 000 euros au démarrage.

Les « créateurs éloignés de l’emploi » (13 %) : il s’agit surtout de chômeurs de longue durée (30 %) ou de personnes sans activité professionnelle (53 %), en majorité avec un niveau de diplôme inférieur au baccalauréat (60 %). La plupart sont auto-entrepreneurs (72 %). Ils sont surreprésentés dans le commerce (32 %). Les moyens engagés au démarrage sont faibles, avec moins de 1 000 euros pour 59 % d’entre eux.

Créer une entreprise classique sous forme sociétaire

Les « créateurs expérimentés » (21 %) : 38 % sont d’anciens travailleurs indépendants et 24 % d’anciens chefs d’entreprise salariés. Ils sont plutôt expérimentés : 60 % ont au moins trois ans d’expérience dans le métier de leur nouvelle entreprise et 52 % ont déjà créé une entreprise. Ils créent majoritairement des sociétés (78 %). Leur répartition par secteur d’activité est proche de celle de l’ensemble des créations. Les moyens engagés au démarrage sont élevés : 68 % investissent plus de 4 000 euros.

Sources

Le système d’information sur les nouvelles entreprises (Sine) est un dispositif permanent d’observation des nouvelles entreprises. Une nouvelle génération est interrogée tous les quatre ans.

Cette étude concerne la génération des entreprises créées au premier semestre 2014. La création d’entreprises est définie comme la mise en œuvre de nouveaux moyens de production, conformément au concept européen harmonisé. Parmi les 285 000 immatriculations d’entreprises enregistrées au premier semestre 2014, 46 000 créateurs d’entreprises classiques et 40 000 créateurs d’entreprises sous le régime de l’auto-entrepreneur ont été interrogés.

La nomenclature utilisée est la NAF rév. 2 au niveau A21. L’intitulé du poste « Commerce, réparation d’automobiles et de motocycles » a été remplacé par « Commerce », plus explicite.

Définitions

Régime de l’auto-entrepreneur : ce régime, renommé micro-entrepreneur à partir du 19 décembre 2014, a été mis en place par la loi de modernisation de l’économie (LME) d’août 2008 et est entré en vigueur au 1er janvier 2009. Il offre des formalités de création d’entreprises allégées ainsi qu’un mode simplifié de calcul et de paiement des cotisations sociales et de l’impôt sur le revenu.

De nouvelles dispositions, définies par la loi Pinel du 18 juin 2014, s’appliquent depuis le 19 décembre 2014.

Pour en savoir plus

Beziau J., Rousseau S. et Mariotte H., « Auto-entrepreneurs immatriculés en 2014 : 54 % de ceux qui démarrent en font leur activité principale », Insee Première n° 1615, septembre 2016. 

Richet D. et Thomas S., « Les créateurs d’entreprises en 2014 : moins de chômeurs et des projets plus modestes qu'en 2010 », Insee Première n° 1600, juin 2016. 

Barruel F., Filatriau O., Mariotte H., Thomas S., « Créateurs d’entreprises : avec l’auto-entrepreneuriat, de nouveaux profils », Insee Première n° 1487, févier 2014.