Insee Flash Ile-de-France2010-2015 : en Île-de-France, les tensions sur le logement freinent la décohabitation

Nadia Boussad et Odile Wolber

Entre 2010 et 2015, avant le rebond de la construction en Île-de-France, le parc de logements a faiblement progressé : + 4,0 % contre + 5,5 % au niveau national. Au cours de cette période, les difficultés d’accès au logement se sont accentuées sous l’effet conjugué du faible rythme de construction et de l’essor des résidences secondaires et logements vacants. En raison de ces tensions, la taille moyenne des ménages a cessé de diminuer.

Nadia Boussad et Odile Wolber
Insee Flash Ile-de-France No 32- Juin 2018

Un objectif de 70 000 logements par an en Île-de-France

La loi relative au Grand Paris du 3 juin 2016 a fixé l’objectif de 70 000 logements par an construits en Île-de-France. Depuis, sur la période 2016-2017, près de 150 000 logements ont été construits, soit 18,7 % du total national. Ce rythme soutenu tranche avec la période 2010-2015, marquée par un faible rythme de construction ayant généré des tensions sur le marché du logement francilien.

Une progression modérée du parc immobilier à Paris

Au 1er janvier 2015, les 5 674 000 logements d’Île-de-France représentent 16,5 % du parc national. Entre 2010 et 2015, le nombre de logements a progressé de 4 % seulement, soit 1,5 point de moins qu’au niveau national. Pendant la période, 44 000 logements ont été construits chaque année. Le parc a augmenté en moyenne de 0,8 % par an (1,6 fois plus rapidement que la population), une variation annuelle parmi les plus faibles de France métropolitaine.

La croissance du parc de logements épouse la croissance démographique, particulièrement en Essonne. Au cœur de l’agglomération parisienne, la rareté de l’espace et le niveau des prix limitent la croissance du parc de logements et celle de la population. L’évolution du parc est ainsi très faible à Paris (+ 0,8 %) où la population diminue. En revanche, elle est plus élevée dans les Hauts-de-Seine (+ 3,2 %) où les démolitions de maisons permettent la construction de nouveaux immeubles. La Seine-Saint-Denis est le seul département de petite couronne conjuguant forte croissance du nombre de logements (+ 5,5 %) et forte croissance démographique (+ 4,6 %).

Coup d’arrêt à la décohabitation des ménages

À l’échelle régionale, d’autres indicateurs témoignent des tensions sur le logement au cours de la période 2010-2015.

Ainsi, la croissance démographique est le principal moteur de l’augmentation du parc immobilier. Sa contribution à l’évolution du parc (59 %) est la plus forte des régions de France métropolitaine (figure 1). Les autres moteurs traditionnels, évolution des résidences non principales et décohabitation des ménages (), jouent un rôle moindre en Île-de-France. Ce phénomène de décohabitation influe peu sur l’évolution du nombre de résidences principales : 5 % sur la période 2010-2015 contre 27 % au niveau national. Compte tenu des tensions sur le logement, les possibilités de décohabitation sont en effet moindres dans la région. Si la taille moyenne des ménages français diminue, celle des ménages franciliens se stabilise à 2,3 personnes depuis 2010 et devient supérieure à celle de la France métropolitaine (2,2). Toutefois, la décohabitation est encore significative dans certains départements de grande couronne, en premier lieu dans les Yvelines où les logements restent abordables en comparaison du niveau de revenu médian des habitants. À Paris et dans quelques villes de petite couronne, démographie et décohabitation ne contribuent plus à la croissance du parc immobilier. L’essor des résidences secondaires et des logements vacants mobilise davantage le parc de logements, tout en limitant l’offre disponible pour un usage d’habitation en résidence principale.

Dans l’ensemble de la région, 90 % des logements restent cependant occupés à titre de résidence principale, proportion nettement plus élevée qu’en France métropolitaine (82 %).

Figure 1En grande couronne, la décohabitation influe sur la hausse du nombre de résidences principales Contribution des facteurs à l'évolution du parc de logements entre 2010 et 2015 (en points)

En grande couronne, la décohabitation influe sur la hausse du nombre de résidences principales
Résidences principales : Croissance démographique Résidences principales : Décohabitation Logements vacants Résidences secondaires
Paris -1,3 -0,2 0,7 1,6
Hauts-de-Seine 1,8 0,0 0,8 0,6
Seine-Saint-Denis 4,6 -0,1 0,8 0,2
Val-de-Marne 3,2 0,1 0,5 0,3
Seine-et-Marne 4,5 1,4 1,0 0,1
Yvelines 1,3 1,6 1,0 0,5
Essonne 4,7 1,1 1,2 0,2
Val-d'Oise 3,6 0,7 0,9 0,1
Ensemble Île-de-France 2,4 0,2 0,8 0,6
France métropolitaine 2,1 1,5 1,3 0,6
  • Source : Insee, recensements de la population 2010 et 2015.

Figure 1En grande couronne, la décohabitation influe sur la hausse du nombre de résidences principales Contribution des facteurs à l'évolution du parc de logements entre 2010 et 2015 (en points)

  • Source : Insee, recensements de la population 2010 et 2015.

Davantage de résidences secondaires dans la capitale et les Hauts-de-Seine

En 2015, l’Île-de-France compte 198 300 résidences secondaires et logements occasionnels (3,5 % du parc de logements) contre 163 500 (3,0 %) en 2010. Entre 2010 et 2015, le parc de résidences secondaires augmente plus rapidement (+ 21 %) qu’en France métropolitaine (+ 6 %).

À Paris, les résidences secondaires représentent 8,2 % des logements (figure 2), un taux nettement plus élevé que les autres départements de la région (2,0 % en moyenne). Entre 1990 et 2015, le poids de Paris dans l’ensemble du parc secondaire francilien est passé de 45 % à 57 %. Cette croissance s’explique par une demande pour des usages non permanents, notamment touristiques.

En petite couronne, plusieurs communes de plus de 10 000 habitants suivent la même évolution, telles Courbevoie (8,8 % du parc immobilier en résidences secondaires en 2015), Neuilly-sur-Seine (7,9 %) et Boulogne-Billancourt (4,9 %).

Figure 2Paris regroupe plus de la moitié des résidences secondaires et le tiers des logements vacants d’Île-de-France

Paris regroupe plus de la moitié des résidences secondaires et le tiers des logements vacants d’Île-de-France
Nombre total de logements en 2015 Nombre de logements vacants Taux de vacance (en %) Nombre de résidences secondaires Part des résidences secondaires (en %)
Paris 1 366 400 110 900 8,1 112 600 8,2
Hauts-de-Seine 783 300 52 800 6,7 24 400 3,1
Seine-Saint-Denis 652 700 37 100 5,7 5 700 0,9
Val-de-Marne 619 000 34 100 5,5 9 400 1,5
Seine-et-Marne 597 800 39 800 6,7 17 400 2,9
Yvelines 621 000 36 800 5,9 15 100 2,4
Essonne 541 800 32 900 6,1 8 100 1,5
Val-d'Oise 491 600 27 500 5,6 5 600 1,1
Île-de-France 5 673 600 371 900 6,6 198 300 3,5
France métropolitaine 34 306 700 2 718 300 7,9 3 308 300 9,6
  • Source : Insee, recensement de la population 2015.

Une vacance plus faible qu’au niveau national mais en augmentation

En 2015, le nombre de logements vacants s’élève à 372 000 en Île-de-France, représentant 6,6 % du parc de logements. Cette part, inférieure au niveau national (7,9 %) et parmi les plus faibles de France métropolitaine, atteste d’un marché tendu bien que la vacance augmente de 14 % par rapport à 2010.

La ville de Paris concentre à elle seule 30 % des logements vacants de la région, pour près d’un quart du parc total de logements. La vacance concerne 8,1 % des logements parisiens contre 7,9 % pour l’ensemble de la France métropolitaine. La Seine-et-Marne et les Hauts-de-Seine sont également concernés par une vacance élevée, notamment dans certaines villes (12,9 % à Fontainebleau, 12,1 % à Provins, 9,9 % à Montereau-Fault-Yonne, 9,3 % à Neuilly-sur-Seine). Dans les autres départements, cette part est inférieure à 6 %.

Une majorité des logements vacants sont des logements proposés à la vente ou à la location. À Paris principalement, cette vacance frictionnelle est généralement de courte durée.

La vacance structurelle est plus faible. On la trouve notamment dans l’ancien, lequel se concentre aussi à Paris, où 56 % des résidences construites avant 2015 sont antérieures à 1946, contre 27 % en Île-de-France et 26 % en France métropolitaine.

Décomposition de la croissance de logements

L’évolution du nombre de logements d’un territoire dépend de l’évolution du nombre de résidences principales, du nombre de logements vacants et de résidences secondaires ou occasionnelles. L’évolution des résidences principales est décomposée en deux effets. Un effet dû à la croissance démographique qui permet de savoir quel aurait été le nombre de logements supplémentaires nécessaires pour loger les nouveaux habitants si la taille moyenne des ménages était restée inchangée. Un effet dû aux évolutions des comportements de cohabitation qui permet de savoir quel serait le volume de logements supplémentaires nécessaires pour absorber la baisse de la taille moyenne des ménages à nombre d’habitants constant.

Définitions

Décohabitation : processus par lequel un individu quitte le logement qu’il partageait avec d’autres personnes (parent(s), conjoint...).

Taille moyenne des ménages : rapport entre la population des ménages et le nombre de ménages.

Un logement ou logement ordinaire, est défini du point de vue de son utilisation. C'est un local utilisé pour l'habitation qui doit être :

  • séparé, c'est-à-dire complètement fermé par des murs et cloisons, sans communication avec un autre local si ce n'est par les parties communes de l'immeuble (couloir, escalier, vestibule, etc.) ;
  • indépendant, à savoir ayant une entrée d'où l'on a directement accès sur l'extérieur ou les parties communes de l'immeuble, sans devoir traverser un autre local.

Certains logements ayant des caractéristiques particulières, font aussi partie des logements au sens de l'Insee : les logements-foyers pour personnes âgées, les chambres meublées, les habitations précaires ou de fortune (caravanes, mobile home, etc.). Les locaux d'habitation (résidences offrant des services spécifiques) relevant d'une même autorité gestionnaire et dont les habitants partagent à titre habituel un mode de vie commun (résidences pour personnes âgées, pour étudiants, de tourisme, à vocation sociale, pour personnes handicapées, etc.) ne sont pas considérés comme des logements ordinaires.

Résidence principale : logement occupé de façon habituelle et à titre principal par une ou plusieurs personnes qui constituent un ménage.

Logement vacant : logement inoccupé se trouvant dans l'un des cas suivants :

  • proposé à la vente ou à la location ;
  • déjà attribué à un acheteur ou un locataire et en attente d'occupation ;
  • en attente de règlement de succession ;
  • gardé vacant et sans affectation précise par le propriétaire (logement très vétuste, etc).

Résidence secondaire : logement utilisé pour les week-ends, les loisirs ou les vacances. Sont aussi comptabilisés les logements meublés (et ayant une cuisine) ouvert à la location pour des séjours touristiques, situés dans les résidences hôtelières et plus rarement dans les gîtes, ainsi que les mobile- homes fixes dans les campings ouverts à l’année.

Logement occasionnel : logement ordinaire utilisé occasionnellement pour des raisons professionnelles (par exemple, un pied-à-terre professionnel d'une personne qui ne rentre qu'en fin de semaine auprès de sa famille). La distinction entre logements occasionnels et résidences secondaires est parfois difficile à établir, c'est pourquoi, les deux catégories sont souvent regroupées.

Unité urbaine : commune ou ensemble de communes présentant une zone de bâti continu qui compte au moins 2 000 habitants.

Aire urbaine ou grande aire urbaine : ensemble de communes, d'un seul tenant et sans enclave, constitué par un grand pôle, et par des communes rurales ou unités urbaines dont au moins 40 % de la population résidente ayant un emploi travaille dans le pôle ou dans des communes attirées par celui-ci.

Grand pôle : unité urbaine de 10 000 emplois ou plus qui anime une grande aire urbaine suivant le zonage en aire urbaine de 2010. Les communes qui le composent sont soit ville-centre, soit banlieue. On distingue également des moyens pôles (unités urbaines de 5 000 à moins de 10 000 emplois) et des petits pôles (unités urbaines de 1 500 à moins de 5 000 emplois).

Ville-centre : unité urbaine multicommunale (ou agglomération multicommunale). Si une commune abrite plus de 50 % de la population de l’unité urbaine, elle est seule ville-centre. Sinon, toutes les communes dont la population dépasse de 50 % celle de la commune la plus peuplée, ainsi que cette dernière, sont villes-centre. Les communes urbaines qui ne sont pas villes-centre constituent la banlieue de l’agglomération multicommunale.

Couronnes des grands pôles : elles correspondent aux communes rurales ou unités urbaines non comprises dans les grands pôles, dont au moins 40 % de la population résidente ayant un emploi travaille dans une ou plusieurs grandes aires urbaines. Les autres couronnes regroupent les communes ne faisant pas partie des couronnes des grands pôles dont au moins 40 % des actifs ayant un emploi travaillent dans une ou plusieurs aires.

Communes isolées hors influence des pôles : communes n’appartenant pas à un pôle ou à une couronne.

Zone tendue : fixées par le décret n° 2013-392 du 10 mai 2013, les zones tendues sont les unités urbaines de plus de 50 000 habitants où il existe un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d'accès au logement sur l'ensemble du parc résidentiel existant. Elles regroupent 28 unités urbaines de métropole : Ajaccio, Annecy, Arles, Bastia, Bayonne, Beauvais, Bordeaux, Draguignan, Fréjus, Genève-Annemasse, Grenoble, La Rochelle, La Teste-de-Buch – Arcachon, Lille, Lyon, Marseille – Aix-en-Provence, Meaux, Menton, Montpellier, Nantes, Nice, Paris, Saint-Nazaire, Sète, Strasbourg, Thonon-les-Bains, Toulon, Toulouse.

Pour en savoir plus

Vallès V., « 374 000 logements supplémentaires chaque année entre 2010 et 2015 - La vacance résidentielle s'accentue », Insee Première n° 1700, juin 2018.

Chometon É., Couleaud N., Louchart P., Poncelet T., Virot P., « La taille moyenne des ménages franciliens est désormais supérieure à celle de la province », Insee Analyses Île-de-France n° 41, octobre 2016.

Decondé C., « Première baisse significative de la vacance en Île-de- France depuis plusieurs décennies », Insee Île-de-France à la page n° 381, janvier 2012.