La filière Champagne : des taux de marge importants et des salariés bien rémunérés
En 2012, la filière Champagne contribue davantage à la richesse de la région Grand Est qu’à l’emploi régional. Les performances de ses activités se répercutent sur les salariés, mieux rémunérés dans la filière.
Près de 70 % du chiffre d’affaires réalisé par les entreprises non agricoles de la filière provient de l’élaboration du vin de Champagne, dont les ventes sont largement soutenues par les exportations. Le prestige associé au produit permet à cette activité de dégager un taux de marge important. Néanmoins, sa rentabilité économique est limitée par les moyens d’exploitation et le maintien de stocks élevés, caractéristiques de sa production, très réglementée.
Localement, la filière Champagne a aussi une incidence sur les niveaux de vie, en moyenne plus élevés dans les espaces isolés ou périurbains concernés par la production de Champagne. La répartition des revenus y est plus inégale, en raison de la présence de hauts revenus perçus dans les activités liées au Champagne.
- Plus de 3 milliards d’euros de richesse dégagée par la filière
- Des salariés mieux rémunérés
- Près de 70 % du chiffre d’affaires des entreprises de la filière réalisé par l'élaboration du Champagne
- Un taux de marge important dégagé par les entreprises élaborant du Champagne...
- ... mais une rentabilité économique limitée
- Une structure d’exploitation peu propice à l’investissement
- Des niveaux de vie élevés dans les espaces isolés et périurbains situés sur l’aire AOC Champagne
- Des inégalités marquées, liées aux très hauts revenus perçus par les activités liées au Champagne
- Des performances économiques plus faibles pour les petits fabricants de Champagne
- Encadré partenariat
De la récolte du raisin à la mise en vente des bouteilles, la filière Champagne comprend l’ensemble des établissements de la région Grand Est intervenant dans le processus d’élaboration du vin de Champagne. Elle s’accompagne d’activités diverses mais repose essentiellement sur deux secteurs : la viticulture et l’élaboration du vin de Champagne.
Plus de 3 milliards d’euros de richesse dégagée par la filière
Mesurable en termes d’emplois locaux, la contribution de la filière Champagne à l’économie du Grand Est s’évalue aussi en valeur, en termes de richesse dégagée par les établissements (définitions). En 2012, avec plus de 3 milliards d’euros de richesse dégagée, la filière Champagne est davantage créatrice de richesse que d’emploi dans la région Grand Est : elle représente 5 % de la richesse produite pour 2 % de l’emploi salarié marchand régional (figure 1). Cet écart tient surtout à l’élaboration du vin de Champagne, à plus forte valeur ajoutée que la moyenne, ainsi qu’aux activités viticoles dans une moindre mesure. En 2012, la viticulture champenoise génère 1,7 milliard d’euros et compte ainsi pour 38 % de la valeur ajoutée agricole régionale. En parallèle, les autres activités de la filière Champagne produisent plus de 1,5 milliard d’euros de richesse. L’essentiel provient des établissements qui produisent du Champagne : cette activité pèse plus de 1,2 milliards d’euros et représente ainsi plus d’un quart de la richesse produite dans le secteur de l’agroalimentaire de la région Grand Est en 2012. Le montant et la contribution de l’élaboration du vin de Champagne sont bien plus élevés que ceux induits par la production de vin dans les autres grandes régions vinicoles. En Occitanie et Nouvelle-Aquitaine par exemple, l’élaboration de vin dégage respectivement 220 et 140 millions d’euros en 2012, soit 10 % et 4 % de la richesse dégagée par l’industrie agroalimentaire dans ces régions.
Les autres activités intervenant en support à la récolte du vignoble et à l’élaboration du Champagne produisent 334 millions d’euros de richesse. Près des deux tiers proviennent d’activités industrielles intervenant en amont de la réalisation de la bouteille de Champagne prête à être expédiée. Les activités tertiaires dégageant de la richesse au sein de la filière correspondent essentiellement à du commerce de gros de matériel agricole.
tableauFigure 1 – Le Champagne : un quart de la richesse pour un dixième de l'emploi salarié de l'industrie agroalimentaire du Grand EstRichesse dégagée par les activités de la filière Champagne et poids dans la valeur ajoutée régionale
Salariés (en équivalent temps plein) | Richesse dégagée | |||
---|---|---|---|---|
Effectifs | Poids dans la région (en %) | Millions d'euros | Poids dans la région (en %) | |
Agriculture * | 8 490 | 35 | 1 740 | 38 |
Industrie | 8 000 | 3 | 1 430 | 6 |
dont : | ||||
Industrie agroalimentaire | 5 240 | 10 | 1 220 | 26 |
Fabrication d'équipements électriques, électroniques, informatiques ; fabrication de machines | 890 | 2 | 60 | 2 |
Fabrication d'autres produits industriels | 1 870 | 1 | 150 | 1 |
Tertiaire marchand | 1 710 | 0 | 120 | 0 |
dont : | ||||
Commerce | 1 630 | 1 | 120 | 1 |
Ensemble des secteurs marchands | 18 200 | 2 | 3 290 | 5 |
- * Estimation de la valeur ajoutée des exploitations du vignoble de Champagne à partir du recensement agricole 2010 et du Réseau d’Information Comptable Agricole (RICA) 2013.
- Champ : secteurs marchands.
- Sources : Insee, fichier économique enrichi 2012, DRAAF, recensement agricole 2010 et RICA 2013.
Des salariés mieux rémunérés
Outre la richesse produite par la filière Champagne dans la région Grand Est, les performances de ses entreprises se répercutent aussi sur les rémunérations des salariés. Celles-ci varient selon la taille ou le secteur d’activité des établissements, mais également selon les caractéristiques des salariés telles que la qualification professionnelle, les conditions d’emploi mais aussi l’âge ou le sexe. L’ensemble de ces facteurs permet d’expliquer 60 % des rémunérations versées aux salariés (hors agriculteurs) de la région Grand Est en 2012. Le restant tient de caractéristiques non observables, parmi lesquelles l’expérience ou encore le mérite.
En prenant en compte l’ensemble des caractéristiques observables, les salariés de la filière Champagne perçoivent une rémunération brute de 14 % supérieure à celle de l’ensemble des salariés de la région Grand Est. Cet écart de rémunération se retrouve pour toutes les catégories socioprofessionnelles, mais est plus important pour les cadres, les professions intellectuelles supérieures et les chefs d’entreprise. En effet, ces derniers ont un salaire brut de 24 % plus élevé s’ils exercent leur activité au sein d’un établissement de la filière. Pour les ouvriers, qui composent la majeure partie des salariés de la filière, ainsi que pour les employés, l’écart de rémunération est aussi plus élevé (+ 15 % chacun).
Des écarts varient également selon le secteur d’activité. Les salariés du secteur agroalimentaire ont une rémunération de 34 % supérieure s’ils sont employés par un établissement de la filière. L’écart est également positif dans l’agriculture (+ 16 %), le commerce (+ 15 %) ou bien la fabrication d’autres produits industriels (+ 11 %). Seuls les salariés travaillant dans la fabrication d’équipements et de machines sont moins bien rémunérés (- 11 %). L’explication vient du fait qu’au sein de la filière ce secteur recouvre surtout la fabrication de machines agricoles, tandis qu’en région il comprend d’autres industries à forte technicité telle que la fabrication de produits informatiques, électroniques ou optiques.
Près de 70 % du chiffre d’affaires des entreprises de la filière réalisé par l'élaboration du Champagne
Les données financières, issues des déclarations fiscales, ne sont disponibles qu’au niveau des entreprises et non au niveau de chacun de leurs établissements. Leur exploitation au niveau régional nécessite donc de se limiter aux entreprises implantées majoritairement dans la région Grand Est. Par ailleurs, ces données se limitent aux secteurs marchands non agricoles.
En 2012, 860 entreprises marchandes et non agricoles exercent une activité au sein de la filière Champagne (figure 2). La majorité d’entre elles élaborent du Champagne tandis que les autres exercent soit une autre activité industrielle (fabrication de machines et d’équipements, d’étiquettes, d’emballage ou de capsules entre autres) soit une activité tertiaire, essentiellement dans le commerce de gros de machines viticoles ou vinicoles. L’élaboration du vin de Champagne représente près de 70 % du chiffre d’affaires et plus de 80 % de la valeur ajoutée produite par ces entreprises (définitions). Les ventes des producteurs de Champagne sont largement soutenues par l’export : en 2012, près de la moitié de leur chiffre d’affaires est réalisée à l’étranger, soit un taux d’exportation bien supérieur à celui des autres entreprises de la filière (5 % en moyenne) qui, par définition, échangent surtout avec les producteurs de Champagne. Parmi ces derniers, seules une minorité de grandes entreprises ont une activité d’exportation. Les plus petites entreprises, ne disposant pas de la notoriété et du volume de production des plus grandes maisons de Champagne, sont peu nombreuses à valoriser leurs produits à l’étranger (encadré).
tableauFigure 2 – Une majorité de fabricants de Champagne parmi les entreprises non agricoles de la filière Principales caractéristiques économiques des entreprises non agricoles de la filière Champagne
Nombre d'entreprises | Effectifs salariés (en ETP) | Chiffre d'affaires hors taxes (en millions d'euros) | Valeur ajoutée hors taxes (en millions d'euros) | |
---|---|---|---|---|
Fabrication de boissons | 453 | 5 580 | 4 250 | 1 370 |
Autres industries | 195 | 1 960 | 470 | 140 |
dont : | ||||
Industrie du papier et du carton | 5 | 290 | 40 | 20 |
Industrie chimique | 8 | 240 | 100 | 20 |
Fabrication de produits métalliques (hors machines et équipements) | 4 | 250 | 60 | 30 |
Fabrication de machines et équipements | 49 | 830 | 200 | 60 |
Commerce de gros (hors automobiles et motocycles) | 152 | 1 570 | 1 290 | 120 |
Autres activités tertiaires | 137 | 210 | 150 | 30 |
Ensemble | 856 | 9 320 | 6 160 | 1 660 |
- Champ : entreprises régionales des secteurs marchands non agricoles du Grand Est.
- Source : Insee, Clap 2012, Fare 2012.
Un taux de marge important dégagé par les entreprises élaborant du Champagne...
Une partie de la valeur ajoutée des entreprises sert à rémunérer les travailleurs, au travers des frais de personnel (salaires et charges sociales). L’autre partie, mesurée par le taux de marge, correspond à ce qu’il reste à l’entreprise pour investir, épargner ou rémunérer ses apporteurs de capitaux. Le taux de marge varie fortement entre les entreprises, en fonction de leur masse salariale d’une part, mais aussi de leur secteur d’activité.
Au regard de la valeur ajoutée produite par les entreprises élaborant du Champagne, celles-ci dégagent un taux de marge de 70 % contre 44 % pour les autres entreprises régionales de fabrication de boissons (figure 3). Malgré des salariés mieux rémunérés, les frais de personnel restent limités par la taille des entreprises : les producteurs de Champagne emploient en moyenne deux fois moins de salariés que les autres fabricants de boissons de la région. Par ailleurs, leur productivité est plus importante : en moyenne, la valeur ajoutée par salarié s’élève à 245 000 euros dans l’élaboration de Champagne, soit 1,7 fois plus que dans les autres activités de fabrication de boissons (figure 4). Ces performances sont propres à l’activité, dont le prestige associé au produit assure une forte valeur ajoutée. Les autres entreprises de la filière ont des taux de marge moins importants. Toutefois, celui des entreprises industrielles de soutien est supérieur à celui des autres entreprises régionales du même secteur (32 % contre 25 %). À l’inverse, dans le commerce de gros, le taux de marge est plus faible pour les entreprises de la filière que pour les autres entreprises régionales (24 % contre 31 %). L’écart s’explique en partie par leur taille : dans le commerce de gros, les frais de personnel pèsent plus lourd pour les entreprises relevant de la filière qui emploient en moyenne deux fois plus de main-d’œuvre.
tableauFigure 3 – La rentabilité économique des fabricants de Champagne proche de celle des autres entreprisesTaux de marge et taux de rentabilité économique des entreprises régionales du Grand Est
Taux de marge | Taux de rentabilité économique | |
---|---|---|
Fabrication de boissons - Filière | 70,3 | 11,8 |
Fabrication de boissons - Hors filière | 43,6 | 7,4 |
Autres industries (hors fabrication de boissons) - Filière | 31,8 | 12,1 |
Autres industries (hors fabrication de boissons) - Hors filière | 24,8 | 7,0 |
Commerce de gros - Filière | 23,8 | 7,9 |
Commerce de gros - Hors filière | 30,7 | 13,8 |
- Champ : entreprises régionales des secteurs marchands non agricoles du Grand Est.
- Source : Insee, Clap 2012, Fare 2012.
graphiqueFigure 3 – La rentabilité économique des fabricants de Champagne proche de celle des autres entreprisesTaux de marge et taux de rentabilité économique des entreprises régionales du Grand Est
graphiqueFigure 4 – Un taux de marge nettement plus élevé pour les entreprises élaborant du ChampagneTaux de marge et taux de rentabilité économique des entreprises régionales du Grand Est
... mais une rentabilité économique limitée
Au-delà du taux de marge, les performances des entreprises peuvent être évaluées au travers de leur rentabilité économique, mesurant la rentabilité d’exploitation indépendamment du mode de financement de l’entreprise. Pour les élaborateurs de vin de Champagne, le taux de marge plus élevé ne se traduit pas par une meilleure rentabilité économique : celle-ci s’élève à 12 %, soit un taux similaire aux autres activités industrielles de la filière (figure 3). Cette rentabilité modérée est caractéristique de la production vinicole, qui nécessite d’importants moyens de production, mesuré par le rapport entre les immobilisations et le volume de travail utilisés (intensité capitalistique). Pour les entreprises élaborant du Champagne, l’intensité capitalistique est deux fois plus importante que dans les autres activités de fabrication de boissons de la région (figure 4). Par ailleurs, la valeur de leurs stocks est près de 10 fois supérieure à celle des autres fabricants de boissons régionaux. Il s’agit de caractéristiques propres à l’élaboration du vin de Champagne, qui s’expliquent par les moyens de production réglementés (utilisation de pressoirs spécifiques par exemple) et des temps de fermentation et de maturation longs : de 15 mois minimum pour un Champagne brut sans année et de trois ans minimum pour un Champagne millésimé.
Pour les entreprises industrielles intervenant en soutien à la filière, à plus faible intensité capitalistique, la rentabilité économique est supérieure à celle des autres entreprises régionales de même secteur (12 % contre 7 %). À l’inverse, le commerce de gros de matériel viticole ou vinicole nécessite plus de capital que les autres entreprises régionales de même secteur, expliquant une rentabilité inférieure.
Une structure d’exploitation peu propice à l’investissement
Cette forte valeur ajoutée dégagée associée à une intensité capitalistique importante, permet aux entreprises élaborant du vin de Champagne de disposer d’une forte capacité d’autofinancement. Une partie sert à renouveler leurs investissements : en 2012, ceux-ci comptent pour 10 % de la valeur ajoutée des entreprises productrices de Champagne. Ce taux d’investissement est plus faible que dans les autres entreprises de fabrication de boissons de la région (13 %) (figure 4). L’écart s’explique en partie par la nature des moyens d’exploitation : pour l’élaboration du Champagne, 44 % des actifs physiques nécessaires à la production correspondent à des biens rapidement renouvelables (installations techniques, matériel et outillage industriel) contre 60 % pour les autres entreprises de fabrication de boissons de la région.
Les autres entreprises de la filière ont également des taux d’investissement plus faibles que les autres entreprises régionales de secteurs identiques. Cela peut s’expliquer par l’âge des entreprises de la filière, en moyenne plus anciennes que les autres entreprises régionales, qui doivent plus souvent investir pour lancer leur activité.
Des niveaux de vie élevés dans les espaces isolés et périurbains situés sur l’aire AOC Champagne
La richesse dégagée par l’activité productive de la filière Champagne et les rémunérations plus élevées de ses salariés ont une incidence locale, sur les niveaux de vie.
Le territoire de la filière Champagne est principalement circonscrit à son aire géographique d’appellation d’origine contrôlée (AOC). Dans les communes de l’aire géographique où la production de Champagne contribue le plus à l’activité économique, les niveaux de vie médians par unité de consommation (définitions) sont parmi les plus élevés de la région Grand Est (figure 5). Il s’agit pour la plupart de petites communes, isolées de l’influence des aires urbaines ou situées dans les couronnes périurbaines de Reims et d’Épernay. Parmi l’ensemble des communes isolées de la région Grand Est, celles situées sur l’aire AOC ont un niveau de vie médian de 20 810 euros, soit 1 560 euros de plus que dans les autres (+ 8 %). Le taux de pauvreté (définitions) y est également plus faible : 7 % des personnes contre 13 %. L’incidence de la filière Champagne sur les niveaux de vie se retrouve également dans les espaces périurbains du Grand Est, mais de façon plus Modérée : 1 340 euros séparent le niveau de vie médian des communes périurbaines situées dans l’aire AOC et celui des autres espaces périurbains de la région (soit + 6 %). Les taux de pauvreté y sont également plus faibles (respectivement 6 % et 9 %). Épernay, Reims et dans une moindre mesure Troyes et Châlons-en-Champagne sont les principaux pôles urbains où la filière Champagne est implantée. Dans ces pôles, à l’activité économique diversifiée, la filière contribue moins à l’emploi et les niveaux de vie médians n’y sont pas supérieurs à ceux des autres pôles urbains de la région (respectivement 18 230 pour 18 820 euros).
Les écarts de niveaux de vie des ménages résidant sur l’aire AOC Champagne s’expliquent moins par les rémunérations plus élevées perçues par les salariés de la filière que par les revenus d’activités non salariées, liés à l’exploitation du vignoble. En effet, dans les espaces isolés ou périurbains situés sur la zone AOC, les salaires, traitements ou indemnités chômage représentent une plus faible part du niveau de vie médian des ménages que dans les autres espaces isolés ou périurbains de la région.
graphiqueFigure 5 – Des niveaux de vie élevés en zone ChampagneNiveaux de vie médian par unité de consommation dans la région Grand Est en 2012
Des inégalités marquées, liées aux très hauts revenus perçus par les activités liées au Champagne
Les niveaux de vie médians peuvent masquer des inégalités de revenus plus ou moins fortes entre les ménages les plus modestes et les plus aisés. Au niveau régional comme au niveau métropolitain, les inégalités sont particulièrement marquées dans les pôles urbains, qui abritent à la fois de riches actifs et les populations les plus vulnérables. Sur le territoire de l’aire géographique AOC Champagne, les inégalités les plus fortes sont situées dans les communes isolées de l’influence des aires urbaines : dans ces communes, les 10 % des ménages les plus aisés ont un niveau de vie 3,9 fois plus élevé que les 10 % des ménages les plus modestes, contre 3,1 dans les espaces périurbains et 3,5 dans les pôles urbains situés sur l’aire (niveau de vie). Le rapport d’inégalité est également plus marqué que dans les autres communes isolées de la région, où les plus riches ont un niveau de vie trois fois plus élevé que les plus modestes. Ceci peut s’expliquer par la présence de très hauts revenus perçus par les activités liées au Champagne. En effet, le niveau de vie des ménages les plus riches est nettement plus élevé dans les communes isolées situées sur l’aire AOC que dans les autres espaces isolés de la région (+ 12 590 euros, soit + 38 %). Pour les ménages les plus modestes, cet écart reste positif mais est bien moins important (+ 585 euros, soit + 5 %) (figure 6). Dans les espaces périurbains du Grand Est, les ménages les plus aisés disposent d’un revenu de 12 % supérieur s’ils résident sur l’aire AOC, soit un écart proche de celui des ménages les plus modestes (9 %). Le rapport entre le niveau de vie des plus riches et des plus pauvres est ainsi légèrement supérieur dans les communes périurbaines situées sur l’aire géographique que dans les autres espaces périurbains de la région (rapport de 3,1 contre 3,0).
tableauFigure 6 – Des revenus disponibles très élevés dans les communes isolées de l'aire ChampagneÉcart de revenus entre les communes de la filière et les autres communes de la région
décile | Communes isolées | Communes périurbaines | Communes appartenant à un pôle urbain |
---|---|---|---|
1er | 585 | 1 149 | -13 |
2e | 827 | 1 188 | -120 |
3e | 1 067 | 1 207 | -257 |
4e | 1 292 | 1 262 | -415 |
5e | 1 561 | 1 332 | -589 |
6e | 2 102 | 1 479 | -801 |
7e | 3 165 | 1 779 | -1 031 |
8e | 5 937 | 2 614 | -1 388 |
9e | 12 594 | 4 507 | -1 802 |
- Lecture : en 2012, dans les communes isolées situées sur l'aire AOC Champagne, les ménages disposent d'un revenu médian (5e décile) de 1 560 euros supérieur à celui des ménages résidant dans les autres communes isolées de la région Grand Est. Pour les 10 % de ménages les plus aisés (9e décile), cet écart est de 12 590 euros.
- Source : Insee, Clap 2012, Filosofi 2012.
graphiqueFigure 6 – Des revenus disponibles très élevés dans les communes isolées de l'aire ChampagneÉcart de revenus entre les communes de la filière et les autres communes de la région
Des performances économiques plus faibles pour les petits fabricants de Champagne
Les performances économiques de l’activité d’élaboration du Champagne sont largement soutenues par les plus grandes entreprises, qui correspondent généralement à de grandes Maisons de Champagne. Les petits producteurs (10 salariés ou moins) connaissent plus de difficultés : leur volume de vente est plus faible et peu d’entre eux ont la capacité de valoriser leur production à l’export. En 2012, leur taux d’exportation est ainsi quatre fois inférieur à celui des élaborateurs de Champagne de plus de 10 salariés (12 % contre 53 %).
Le prestige et la rareté associés au Champagne assure une marge importante aux petits producteurs comme aux plus grands : leur taux de marge s’établit à respectivement 58 % et 71 %. Néanmoins, la rentabilité économique des petits élaborateurs de Champagne est près de trois fois plus faible que celle des fabricants de plus grande taille (5 % contre 13 %). Le mode de production réglementé du Champagne entraîne une charge financière particulièrement importante pour les petits producteurs. Pour y faire face, ils ont davantage recours au financement bancaire.
Encadré partenariat
L’étude a été réalisée dans le cadre d’un partenariat entre la Direction régionale de l’Insee du Grand Est et la préfecture de la région Grand Est.
Sources
Le champ des établissements appartenant à la filière Champagne est déterminé à partir du répertoire d’établissements de la source Connaissance Localisée de l’Appareil Productif (Clap) de 2012. Seuls les établissements « exploitants ou participants au système productif » localisés dans le Grand Est sont retenus.
Ces données sur les établissements ont été enrichis de sources Insee de l’année 2012, à savoir :
- le Fichier économique enrichi (FEE) pour l’estimation de la richesse dégagée des établissements des secteurs marchands non agricole ;
- la source Déclarations Annuelles de Données Sociales (DADS) pour les rémunérations des salariés, hors exploitants agricoles ;
- le Fichier approché des résultats Esane (Fare) pour les indicateurs financiers des entreprises des secteurs marchands non agricole majoritairement localisées dans le Grand Est ;
- le Fichier localisé social et fiscal (Filosofi) pour les niveaux de vie communaux.
Définitions
La richesse dégagée est une notion économique estimée par l’Insee qui permet d’évaluer l’importance de l’activité économique dans une zone à travers sa valeur ajoutée. La richesse dégagée par un établissement correspond à la valeur ajoutée de l’entreprise, répartie entre ses établissements au prorata de la masse salariale.
La valeur ajoutée des entreprises est le solde de leur compte de production. Elle est égale à la valeur de la production diminuée de la consommation intermédiaire nécessaire à cette production. Deux versions de valeur ajoutée sont mobilisées pour le calcul des ratios. D’abord, la valeur ajoutée hors taxes (VAHT) qui reflète mieux la productivité de l’entreprise. Ensuite, la valeur ajoutée au coût des facteurs (VACF) qui est égale à la VAHT à laquelle sont retranchés les impôts sur la production nets des subventions d’exploitation. Elle correspond exactement à la somme de la rémunération du travail et de l’excédent brut d’exploitation.
Le niveau de vie est égal au revenu disponible du ménage divisé par le nombre d'unités de consommation (UC). Le niveau de vie est donc le même pour tous les individus d'un même ménage.
Le niveau de vie correspond à ce qu’Eurostat nomme « revenu disponible équivalent ».
Les unités de consommation sont généralement calculées selon l'échelle d'équivalence dite de l'OCDE modifiée qui attribue 1 UC au premier adulte du ménage, 0,5 UC aux autres personnes de 14 ans ou plus et 0,3 UC aux enfants de moins de 14 ans.
Le taux de pauvreté monétaire correspond à la proportion d'individus (ou de ménages) étant en situation de pauvreté monétaire.
Les rapports interdéciles des revenus sont utilisés pour mettre en évidence les disparités (ou écarts) entre les plus riches et les plus pauvres.
niveau de vie
Taux de pauvreté
Rapports interdéciles des revenus
Pour en savoir plus
Emorine M., Lambin R., Wallaert A., « 16 000 établissements et 26 820 emplois dans la filière Champagne », Insee Analyses Grand Est n° 41, mars 2017.
« Ouvrir dans un nouvel ongletLes entreprises agroalimentaires en 2014 », Observatoire financier des Entreprises Agroalimentaires, études économiques crédit-agricole n° 5, novembre 2015.
« Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine : Ouvrir dans un nouvel ongletLa viticulture », Agreste Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine, fiche n° 5, mars 2015.
Lu V., Saliou M., « Niveaux de vie en Champagne-Ardenne : D’importantes disparités entre les villes et leur périphérie », Insee Analyses Champagne-Ardenne n° 9, juin 2015.