Insee Analyses Hauts-de-FranceFilière viande : plus d’un tiers des exploitations régionales ont un atelier d’élevage viande

Catherine Dizy, Sophie Éblé, Draaf

La région Nord-Pas-de-Calais-Picardie compte 9 945 exploitations qui participent à la production de viande. 91 % de ces exploitations ne possèdent qu'un seul atelier d'élevage. L'élevage bovin viande exclusif est le plus répandu (70 % des exploitations), loin devant les ovins, les volailles ou lapins ou encore les porcins. L’élevage viande, historiquement très présent dans la région, se concentre dans plus de 6 exploitations sur 10 de Thiérache, du Boulonnais, ou du Haut Pays d’Artois. 80 % de la main-d’œuvre est familiale dans les exploitations régionales de la filière viande. L'activité d'élevage nécessite généralement plus de main-d’œuvre que les productions végétales. Les élevages porcins sont les plus demandeurs d'emplois. Dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie, la viande est souvent complémentaire à d’autres productions. Ainsi, certains agriculteurs ajoutent à leurs productions végétales un atelier d’engraissement de bovins pour valoriser les surfaces fourragères.

Dans une agriculture régionale très majoritairement et de plus en plus spécialisée dans les grandes cultures, l'élevage demeure une composante essentielle de l'économie agricole régionale. Outre la main d’œuvre nécessaire à la conduite de ces productions, la filière est source d'emplois dans l'industrie agroalimentaire.

Insee Analyses Hauts-de-France
No 16
Paru le :Paru le31/05/2016
Catherine Dizy, Sophie Éblé, Draaf
Insee Analyses Hauts-de-France No 16- Mai 2016

L'espace agricole de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie est majoritairement constitué de zones de cultures à bon potentiel mais l’élevage permet de valoriser des terres difficilement labourables ou à potentiel limité. La grande disponibilité en paille et en surface d’épandage sont des atouts qui encouragent le développement de la filière viande.

À travers les différentes politiques publiques, notamment la mise en œuvre de la PAC, le maintien d'exploitations d'élevages viables sur le territoire a ainsi toujours fait partie des priorités. 9 945 exploitations1 participent à la production de viande dans la région.

Figure 19 945 élevages viande dans la région en 2010

9 945 élevages viande dans la région en 2010
Nombre d'élevages et d'animaux de la fiière viande en Nord - Pas-de-Calais Picardie et part dans la France en 2010
Nord-Pas-de-Calais – Picardie Part région/France (%)
Nombre total d'élevages 9 945 5,6
Elevages bovins viande 7 769 6,0
Elevages ovins 1 353 3,7
Elevages porcins 787 6,2
Elevages volailles et lapins 1 010 4,8
Animaux (en milliers de têtes)
Bovins 964,3 6,1
dont vaches allaitantes 139,4 3,4
Ovins 144,7 2,5
dont brebis mères 102,7 2,5
Porcins 628,3 4,6
dont truies-mères 52,1 4,7
Volailles 9 695,2 4,4
Lapines mères 44,5 6,1
  • Source : Agreste - Recensement agricole 2010

Cela représente 6 % des élevages nationaux et un peu plus d’un tiers des 27 312 exploitations régionales recensées en 2010. Les productions animales sont largement dominées par l’élevage bovin viande : on recense 7 770 ateliers bovins viande pour 1 355 ateliers ovins, 1 010 ateliers de volailles de chair ou de lapins et 790 ateliers porcins. Les exploitations cumulent parfois plusieurs ateliers mais cela reste plutôt marginal : 91 % des exploitations de la filière viande en Nord-Pas-de-Calais-Picardie ne réalisent qu’un seul type de production de viande. La région est donc un peu plus spécialisée qu’en moyenne en France (88 %). L’élevage bovin viande est de loin la spécialisation la plus répandue, elle concerne 70 % des exploitations, loin devant l’élevage ovin (10 %). Lorsque deux types d’élevage sont pratiqués, il s’agit presque toujours d’un élevage bovin combiné à un autre type d’élevage (ovin, porcin ou volailles ou lapins). La part d’exploitations qui ne produisent que de la viande porcine est plus importante dans le département du Nord (10 % contre 5 % sur l’ensemble régional).

L’élevage viande est bien ancré dans le paysage du Nord et du Pas-de-Calais

Le poids de l’élevage est historiquement plus important dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais : il représente plus de 40 % des exploitations soit environ 10 % de plus que dans les autres départements. L’élevage viande est présent dans plus de 6 exploitations sur 10 dans la petite région de la Thiérache (partagée entre le Nord et l’Aisne) ainsi que dans le Boulonnais et le Haut Pays d’Artois à l’ouest de la région. Le Nord et le Pas-de-Calais regroupent par ailleurs 55 % des ateliers bovins viande et le taux grimpe jusqu’à 80 % pour les ateliers porcins et 70 % pour les ateliers de volailles ou lapins. Les élevages ovins sont répartis plus uniformément sur le territoire régional (taux compris entre 23 % dans l’Aisne et 17 % dans l’Oise).

Figure 2À l’ouest, l’élevage viande s’est développé du Boulonnais au Pays de Bray et à l’est du Hainaut à la Thiérache

  • Sources : Agreste, Recensement agricole 2010

L’Oise est le département où l’élevage viande est le moins répandu. Dans les petites régions agricoles comme le Vexin, limitrophes de l’Île-de-France, il a un poids très faible et représente parfois moins de 10 % des exploitations de la zone. Limitrophe de la Normandie, le pays de Bray se démarque : 60 % des exploitations de cette petite région s’intègrent dans la filière viande.

Une main-d’œuvre surtout familiale

Les exploitations de la filière viande emploient 17 5002 UTA (unités de travail annuel) soit 38 % des effectifs agricoles de la région. La main-d’œuvre y est très majoritairement familiale (plus de 80 %) alors qu’elle n’est que de 70 % pour l’ensemble des exploitations et de 63 % pour les exploitations qui ne possèdent pas d’élevage viande. Le recours aux salariés est encore plus faible dans les élevages bovins viande où près de 85% de la main-d’œuvre est familiale. Il est plus important dans les élevages porcins (74 % d’actifs familiaux).

L’activité d’élevage nécessite généralement plus de main-d’œuvre que les productions végétales : 1,8 unité de travail annuel sont mobilisées en moyenne dans les élevages viande contre 1,7 pour l’ensemble des exploitations et 1,5 dans les exploitations spécialisées en grandes cultures. Les élevages porcins sont les plus demandeurs d’emploi avec en moyenne 2,2 UTA. Dans l’Aisne, ce chiffre grimpe à 3 UTA.

La restructuration a favorisé le développement des élevages allaitants au détriment des laitiers

Au cours des 40 dernières années, les élevages bovins se sont réorganisés : la restructuration a favorisé le développement des élevages allaitants au détriment des laitiers.

Figure 3L'élevage allaitant s'est fortement développé entre 1970 et 1988

  • Sources : Agreste, Recensements agricoles 1970 à 2010, BDNI 2010 à 2015

Figure 4Après un essor considérable puis une relative stabilité, le cheptel allaitant est en hausse sur les dernières années

  • Sources : Agreste, Recensements agricoles 1970 à 2010, BDNI 2010 à 2015

Une forte incitation à la cessation d’activité laitière et l’instauration des quotas laitiers en 1984 aboutissent à une baisse considérable du nombre d’exploitations et du cheptel laitiers. Ainsi, depuis 1970, le nombre d’exploitations laitières3 a été divisé par 8, passant de 44 900 exploitations en 1970 à 5 350 exploitations en 2015.

Entre 1970 et 2012, le nombre de vaches laitières a été divisé par un peu plus de 2. En 2013 et en 2014, la chute a été stoppée par anticipation de la fin proche des quotas : les éleveurs réduisent les abattages et conservent plus d’animaux de remplacement. Le déclin des ateliers de production de lait s’est effectué au profit de la production de viande. Dans de nombreuses exploitations en réorientation, l’élevage allaitant s’est présenté comme une alternative à la production laitière. Il a permis d’y maintenir des bovins mais aussi de valoriser les prairies épargnées par la poussée des grandes cultures et les prairies non retournables. Le nombre d’exploitations ayant au moins 5 vaches allaitantes a ainsi évolué de manière inverse au nombre d’exploitations laitières. Les années 1970 à 1988 se caractérisent par une hausse importante du nombre d’élevages bovins viande. Il est multiplié par trois et passe de 2 000 à 6 000 exploitations. Depuis 1988, ce nombre a un peu fléchi mais est resté à un niveau proche de 5 500 exploitations.

Dans le même temps, entre 1970 et 2000, le nombre de vaches allaitantes a presque quintuplé en passant de 28 500 à plus de 140 000 têtes.

Il est resté relativement stable dans la période récente (2000-2015) avec une légère tendance haussière au cours des trois dernières années. Ainsi la taille moyenne des ateliers bovins viande n’a cessé d’augmenter. De 14 vaches allaitantes en 1970, on est passé à 30 en 2015 soit 2 fois plus. Le troupeau régional reste cependant moins grand qu’en France où on compte 40 vaches allaitantes en moyenne. La taille moyenne des troupeaux est historiquement plus importante dans l’Aisne (38 vaches allaitantes en 2015). Ce département regroupe 18 % des élevages régionaux mais 22 % du cheptel. Le Nord et le Pas-de-Calais détiennent une plus grande part des exploitations (28 % chacun) et des vaches (26 % chacun) mais leurs unités sont de taille plus modeste (28 vaches en moyenne).

Les ateliers porcins, de moins en moins nombreux, s’agrandissent

En 2010, avec un effectif de 630 milliers de porcs présents dans 790 élevages, le Nord-Pas-de-Calais-Picardie est un important bassin d’élevage porcin même si la Bretagne, les Pays de la Loire ou la Normandie dominent la filière. La région compte 6 % des élevages porcins nationaux et détient 5 % du cheptel. Le Nord regroupe à lui seul un peu plus de la moitié du cheptel porcin régional. Le Pas-de-Calais en rassemble un quart. Les unités de production sont de plus grande taille dans le Nord : 132 truies reproductrices en moyenne par élevage contre seulement 88 dans le Pas-de-Calais. L’Aisne et la Somme ont un plus faible poids dans la région (respectivement 8 % et 13 % du cheptel) mais les structures qui s’y trouvent sont de taille relativement importante : respectivement 187 et 134 truies-mères par élevage. Limitrophe de la Belgique où de nombreux porcs partent pour être abattus, la petite région agricole Flandre Intérieure devance très largement les autres zones par son nombre d’élevages et son cheptel porcins. Elle concentre à elle seule 36 % des élevages porcins et des truies-mères de la région, loin devant la zone voisine de la Plaine de la Lys et le plateau picard (7 % chacun).

L’élevage est souvent une activité complémentaire d’autres productions

Dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie, grande région de cultures, la viande est souvent complémentaire d’autres productions plus importantes économiquement.

Figure 5L’élevage de bovins viande, une activité secondaire à l’échelle de l’exploitation

  • Source : Agreste - Recensement agricole 2010

La concurrence avec les cultures est forte. Cela est particulièrement vrai pour l’élevage de bovins viande. Certains agriculteurs ajoutent à leurs productions végétales un atelier d’engraissement de bovins pour valoriser les surfaces fourragères. Ainsi, plus de la moitié des élevages bovins viande ont une orientation technico-économique en polyculture-polyélevage ou en grandes cultures. Ils détiennent 45 % du cheptel. Seules 10 % des exploitations sont spécialisées « bovins élevage et viande » et élèvent 8 % des bovins de la filière. C’est quatre fois moins que le niveau national.

Dans les autres filières de production (porcine, ovine ou avicole), les structures ont un peu plus tendance à se spécialiser. Dans l’élevage ovin, l’orientation technico-économique la plus répandue reste « Ovins, caprins et autres herbivores » (38 %). La spécialisation en grandes cultures arrive en deuxième position (26 %). Les élevages porcins ont une spécialisation plus partagée entre la polyculture-polyélevage (46 %) et l’élevage hors sol (42 %) tandis que dans les ateliers de volailles ou de lapins, l’élevage hors sol se distingue comme spécialisation dominante (48 %) avant la polyculture-polyélevage (37 %).

Par ailleurs, la moitié des exploitations pratiquant l’élevage allaitant le fait en parallèle d’un atelier laitier d’au moins 5 vaches laitières. Il s’agit d’une spécificité régionale puisqu’au niveau national, la part d’élevages mixtes (viande-lait) est inférieure à 30 %. Tous les départements de la région dépassent ce pourcentage mais avec plus ou moins d’écart. Ainsi, le Pas-de-Calais compte 55 % d’exploitations mixtes tandis que l’Aisne et l’Oise sont tout juste au-delà des 40 %.

économique en élevage et viande. La production de viande, contrairement à la production laitière est donc bien plus souvent une activité secondaire, largement associée aux grandes cultures (48 % de spécialisation dans ce domaine, soit 5 fois plus que la moyenne française).

La région combine les activités de naissage et d’engraissage

Dans les exploitations régionales, les ressources fourragères pour assurer l’engraissement sont facilement disponibles. Ainsi, près des deux tiers des éleveurs de la filière bovine sont à la fois naisseurs et engraisseurs. Ils détiennent 61 % du cheptel bovin. Les éleveurs restants sont quasi-exclusivement des engraisseurs.

Une implication contrastée dans la vente par circuits courts

Les éleveurs qui produisent de la viande utilisent moins fréquemment les circuits courts que les exploitants ayant des surfaces en légumes par exemple. Les produits animaux (hors produits laitiers, œufs et volailles) sont en effet plus contraignants en terme de transformation et de conservation –surtout pour les gros animaux - et sont donc plus rarement commercialisés de cette manière. La commercialisation via les circuits courts est moins répandue dans la filière bovin viande (5% des exploitations bovins viande) que dans la filière porcine (11%), ovine (19%) ou parmi les éleveurs de lapins (19%). Les élevages de volailles ont davantage recours à ce type de commercialisation pour écouler leur production, plus d’une exploitation sur trois est concernée.

Seuls 22% des éleveurs de bovins viande pratiquant la commercialisation via les circuits courts réalisent de cette façon plus de la moitié de leur chiffre d’affaires relatif aux produits animaux. C’est moins que dans l’élevage porcin (27%) et de volailles (37%). La part est plus élevée dans l’élevage ovin (45%).

Sources

Sources Recensements agricoles : enquêtes exhaustives auprès des exploitations agricoles réalisées en 1970, 1979, 1988, 2000 et 2010. BDNI : Base de Données Nationale d'Identification des animaux pour l’espèce bovine. Le ministère chargé de l’agriculture est maître d’ouvrage et maître d’œuvre de l’identification des animaux au niveau national. Les EdE et EIE (établissements départementaux ou interdépartementaux de l'élevage) sont maîtres d'ouvrage de l’identification au niveau local dans le cadre de la mission de service public. À ce titre, ils sont responsables de l'enregistrement des détenteurs et des exploitations, conformément à la réglementation en vigueur. Dans cette publication, les données proviennent de l'exploitation statistique de cette base pour les données des "exploitations d'élevages" et des "établissements d'abattage" pour l'espèce bovine.

Définitions

Vache allaitante : vache qui nourrit son veau jusqu’au sevrage de celui-ci (environ 9 mois).

Unité de travail annuel (UTA) : équivalent du temps de travail d’une personne à temps complet pendant un an.

Production brute standard (PBS) : il s’agit d’une unité statistique. Les surfaces agricoles et les cheptels sont valorisés selon des coefficients permettant le calcul de la PBS. Ces coefficients résultent des valeurs moyennes sur la période 2005 à 2009. La PBS décrit un potentiel de production des exploitations et permet de les classer selon leur taille : les petites ont une PBS inférieure à 25 000 euros, les moyennes une PBS comprise entre 25 000 et moins de 100 000 euros, les grandes atteignent ou dépassent 100 000 euros.

Otex : la contribution des différentes productions à la PBS d’une exploitation permet de

déterminer l’orientation technico-économique (Otex) de cette dernière. Une exploitation est

dite spécialisée dans une production au sens de la statistique agricole si sa PBS résulte pour au moins deux tiers de cette production.

Circuit court : mode de commercialisation qui s’exerce par la vente directe au consommateur ou avec un seul intermédiaire. Ne sont concernés que les produits issus de l’exploitation et destiné à l’alimentation humaine. Dans cette publication, les résultats sont issus du recensement 2010.

Méthodologie

Les résultats de cette publication sont issus en majorité du recensement agricole de 2010. Pour les besoins de l’étude, le champ a été restreint aux exploitations ayant une activité significative pour la filière viande. Les élevages considérés comme professionnels sont sélectionnés lorsqu’ils dépassent certains seuils de production dans le recensement agricole de 2010.

Élevage bovin viande : au moins 5 vaches allaitantes ou au moins 5 veaux ou au moins 10 mâles castrés ou non de un an ou plus ou au moins 10 autres femelles de un an ou plus et au moins 10 places de stabulation de bovins à l’engraissement

Élevage ovin : au moins 20 brebis mères ou capacité d’au moins 20 places d’agneaux à

l’engraissement

Élevage porcin : au moins 10 truies reproductrices ou capacité d’au moins 50 places de porcs à l’engraissement ou au moins 50 places en post-sevrage

Élevage de volailles (chair) : au moins 100 volailles de chair ou, une superficie d’au moins 20m² pour les bâtiments en vide sanitaire (partiel ou total)

Élevage de lapins : au moins 100 lapines-mères ou au moins 1000 places de lapins à l’engraissement

Pour en savoir plus

Dizy C., Éblé S., « Filière viande : La viande bovine en tête des volumes abattus », Insee Flash Nord-Pas-de-Calais -Picardie, n° 7 , juin 2016

Arnaud Bourdon, Martial Maillard, Virginie Tapin, « Filière viande : les activités en aval de l'élevage génèrent 8 800 emplois », Insee Analyses Nord-Pas-de-Calais n° 17 juin 2016

Antoine P., Éblé S., « L’agriculture en Picardie : prépondérante dans les communes peu denses, de proximité dans les territoires densément peuplés », Insee Analyses Picardie n° 19, novembre 2015

Antoine P., « Densité de peuplement et valorisation agricole des départements de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie », Insee Flash Picardie n° 10, novembre 2015