Insee AnalysesLe bonus/malus écologique : éléments d'évaluation

Pauline Givord et Xavier d'Haultfoeuille, division Marchés et stratégies d'entreprise, Insee

Le bonus/malus écologique, système original de taxation des véhicules neufs, a été instauré en janvier 2008. En offrant une prime à l'achat des véhicules neufs les moins émetteurs de CO2 et en taxant les achats de véhicules les plus polluants, son objectif est de contribuer à de moindres émissions de CO2

L'incitation à l'achat de véhicules moins polluants a produit rapidement ses effets puisque la part des nouveaux véhicules émettant moins de 120 grammes de CO2 au kilomètre a doublé en quelques mois. L'observation de ce seul phénomène ne suffit cependant pas pour évaluer la capacité de la mesure à diminuer les émissions totales de CO2. La taille du parc automobile, sa composition et le kilométrage par voiture sont ainsi des paramètres essentiels. L'effet sur les ventes de véhicules neufs doit également être pris en compte, car leur production est très émettrice de CO2.

Les données d'immatriculations de véhicules neufs et l'enquête Transport ont été utilisées pour produire une première estimation de ces effets. À court terme, le bonus/malus, dans la formule mise en place en 2008, aurait augmenté les émissions totales de CO2 de près de 170 kilotonnes par trimestre, soit une hausse de 1,2 %. Ce résultat s'explique essentiellement par le surcroît de ventes de véhicules neufs, dont la production augmente les émissions.

L'estimation de l'impact à long terme est plus délicate. Tout d'abord le maintien du barème de 2008 sur longue période est devenu un pur cas d'école puisque le dispositif a été progressivement durci après 2009. Ensuite, le chiffrage est très dépendant des hypothèses retenues sur la taille du parc automobile et des comportements de conduite. Si le barème de 2008 avait été maintenu et en supposant que la « réponse » de 2008 se prolonge indéfiniment, le bilan à long terme aurait été très négatif, en raison de la hausse de la taille du parc induite par la baisse du prix des modèles d'entrée de gamme. Avec un barème moins avantageux et les mêmes comportements de réponse qu'en 2008, on obtient un bilan plus équilibré, proche de la neutralité en termes d'émissions de CO2.

D'autres facteurs devraient être pris en compte pour effectuer un bilan plus complet à long terme, mais ils sont difficiles à quantifier. Le bonus/malus pourrait en effet inciter les constructeurs à produire davantage de modèles moins polluants. Il est par ailleurs possible que les acheteurs aient en partie sur-réagi en 2008, en pensant que la mesure ne serait pas pérenne.

Cet exercice montre la diversité des canaux par lesquels un système de bonus/malus affecte les émissions de CO2 et la difficulté à les évaluer de manière exhaustive. Il montre également combien il est utile de savoir anticiper l'effet de l'incitation (ou la désincitation) financière sur les ventes, pour définir le calibrage le plus adapté d'un tel outil, en fonction des objectifs retenus.

Ce texte s'appuie sur une étude conduite par Xavier D'Haultfœuille, Pauline Givord et Xavier Boutin de la division « Marchés et Stratégies d'Entreprise » de l'Insee. Elle a été publiée sous forme de document de travail de la Direction des Études et Synthèses Économiques (n° G2011/14)

Insee Analyses
No 3
Paru le :Paru le24/01/2012
Pauline Givord et Xavier d'Haultfoeuille, division Marchés et stratégies d'entreprise, Insee
Insee Analyses No 3- Janvier 2012

Le bonus/malus écologique : une mesure incitative originale

Le bonus/malus écologique figure parmi les mesures importantes du Grenelle Environnement. Depuis sa mise en place en janvier 2008, les acheteurs de véhicules neufs les moins polluants bénéficient ainsi d'une réduction à l'achat (le bonus) tandis que ceux qui choisissent des modèles plus polluants doivent s'acquitter d'une taxe (le malus) (tableau 1). L'objectif de cette mesure était d'orienter les choix des consommateurs vers les véhicules les plus propres et, ce faisant, d'encourager les constructeurs automobiles à développer des technologies pour rendre les véhicules moins polluants.

L'incitation à l'achat de véhicules moins polluants a produit rapidement des effets. Ainsi, les véhicules de classe B, émettant moins de 120 grammes de CO2 (en général de petites citadines), sont passés de 20 % des ventes de voitures neuves aux particuliers fin 2007 à 32 % en janvier 2008, mois d'introduction du bonus. Les véhicules de classe E (en général des voitures « routières » ou familiales), dont le prix de vente était majoré au 1er janvier 2008 de 750 euros, ont connu une évolution inverse. Alors qu'ils représentaient près de 15 % des ventes de véhicules neufs aux particuliers fin 2007, leur part a été divisée par deux en quelques mois. Les véhicules neufs achetés en 2008 avaient donc, en moyenne, des émissions de CO2 au kilomètre en forte baisse par rapport à ceux achetés en 2007 (graphique).

Sur cette même période, on a assisté à une progression du flux d'immatriculation de véhicules neufs pour les particuliers. Il a augmenté de 7,4 % entre octobre 2007 et mars 2008, hors variations saisonnières, alors même que la dégradation de la situation économique et la hausse du prix du pétrole auraient laissé attendre une baisse des ventes. Globalement, l'impact de la mesure semble avoir dépassé les attentes des pouvoirs publics. En effet, calibrée pour être fiscalement neutre, la mesure aurait finalement coûté, en ne prenant en compte que les seuls achats des particuliers, plus de 200 millions d'euros en 2008. Dans le souci de revenir à une neutralité budgétaire, le barème a été révisé en janvier 2010, 2011 puis 2012 (tableau 1, dernière colonne).

GraphiqueÉmissions de CO2 des véhicules neufs (en g/km)

  • Lecture : l'émission moyenne de CO2 au kilomètre des voitures neuves des particuliers était orientée à la baisse avant la mise en place du bonus/malus en janvier 2008. L'annonce de la mesure se traduit par une augmentation ponctuelle liée aux achats anticipés des véhicules les plus polluants en décembre 2007 (le malus ne s'appliquant qu'à partir de janvier). Dès janvier 2008, on constate cependant une diminution brutale du CO2 moyen au kilomètre par rapport à ce qu'on aurait observé si on était resté sur la même tendance.
  • Source : CCFA, calculs des auteurs

Tableau 1Le barème du bonus/malus en 2008 et 2012

Le barème du bonus/malus en 2008 et 2012
Barème 2008 Barème 2012
Seuils en grammes de CO2 Montants en euros Seuils en grammes de CO2 Montants en euros
<50 5 000
<60 (A+) 5 000 51-60 3 500
61-100 (A-) 1 000 61-90 400
91-105 100
101-120 (B) 700
106-140 0
121-130 (C+) 200
131-140 (C-) 0
141-160 (D) 0 141-150 -200
151-155 -500
156-180 -750
161-165 (E+) -200
166-200 (E-) -750
180-191 -1 300
191-230 -2 300
201-250 (F) -1 600
>230 -3 600
>250 (G) -2 600
  • Source : Journal Officiel

L'évaluation de la mesure doit tenir compte de multiples facteurs

Dresser le bilan de la mesure est une opération complexe. Le critère principal est naturellement d'examiner à terme la capacité de la mesure à faire diminuer le volume total des émissions de CO2, par rapport au niveau qui aurait prévalu en son absence.

Entrent ainsi en jeu non seulement l'efficacité énergétique des véhicules, mais aussi l'usage qui en est fait : si les acheteurs qui se tournent vers des véhicules plus économes utilisent peu leur voiture, alors la réduction des émissions sera plus faible que s'ils roulent beaucoup. Or les usages de la voiture diffèrent sensiblement selon les caractéristiques de son propriétaire. Les personnes équipées d'un véhicule particulier et ayant une activité professionnelle parcourent par exemple de plus grandes distances que celles qui n'en ont pas (ou plus) ; celles résidant dans un pôle urbain roulent moins que celles en zone rurale.

Les comportements peuvent ensuite se déformer, , sous l'effet même du dispositif. Ceci concerne à la fois le volume des achats et le comportement de conduite. Le bonus peut inciter davantage de personnes à acheter un véhicule neuf, que ce soit une nouvelle acquisition ou le renouvellement d'un véhicule ancien, tandis que le malus peut en dissuader certaines. Par ailleurs, certains ménages ayant acheté un véhicule plus économe en carburant peuvent avoir tendance à l'utiliser plus souvent qu'auparavant (« effet rebond »).

Pour pouvoir apprécier l'impact de la mesure, il est important d'évaluer ces différents effets. Ainsi, à court terme, dans le cas où l'effet sur les ventes totales est positif, l'accroissement induit de la production de véhicules augmentera les émissions de CO2. En effet, la construction de voitures est fortement émettrice de CO2. D'après les estimations de l'Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) , la production de véhicules occasionne l'émission de 5,5 tonnes de CO2 par tonne de véhicules. Si par ailleurs le parc automobile augmente, le surcroît de véhicules en circulation entraîne mécaniquement davantage d'émissions.

À court terme, le barème de 2008 aurait accru les émissions de CO2, en stimulant la production et la vente de véhicules neufs

L'évaluation de la mesure repose sur un modèle de choix d'un véhicule et du kilométrage associé. Les préférences des consommateurs pour tel ou tel type de véhicule dépendent de plusieurs critères, dont le prix n'est qu'une composante plus ou moins importante. L'incitation (ou la désincitation) financière provoquée par le système de bonus/malus n'aura donc pas le même impact selon les conducteurs.

Une première étape consiste ainsi à évaluer la sensibilité des ventes de voitures neuves au montant du bonus/malus écologique, à la fois pour les différents modèles de véhicules et pour les différentes catégories de consommateurs. Cette évaluation repose sur les données d'immatriculations de véhicules neufs observées entre fin 2007 et début 2008. On suppose implicitement que les constructeurs n'ont pas immédiatement adapté leur offre (en diminuant les émissions de CO2 des modèles proposés) sur ce laps de temps. Cette hypothèse semble vraisemblable compte tenu de la rapidité de mise en œuvre de la mesure. Les données de l'enquête Transport sont ensuite utilisées pour estimer comment varie le kilométrage en fonction des caractéristiques du conducteur et de son véhicule. On tente en particulier d'évaluer comment l'usage s'ajuste au coût du kilomètre du véhicule pour calibrer l'effet d'augmentation du kilométrage, en supposant implicitement des réactions parallèles pour tous les conducteurs.

Ces premières estimations conduisent à un résultat qui peut paraître surprenant. Bien que le report d'achat vers des classes de véhicules bénéficiant du bonus/malus ait été massif, les émissions de CO2 auraient cependant augmenté à court terme de 168 kilotonnes de CO2 par trimestre, soit une hausse de 1,2 % (tableau 2, colonne 1).

Ce résultat s'explique avant tout par l'impact de la mesure sur la production de nouveaux véhicules, très émettrice de CO2. Le bonus aurait en effet dopé les ventes de véhicules neufs aux particuliers : toutes choses égales par ailleurs, le volume global des ventes aurait été début 2008 supérieur de 13 % environ à celui qui aurait été attendu en l'absence de la mesure. Ceci se traduit par une augmentation de 232 kilotonnes de CO2 par trimestre liée à la production de nouveaux véhicules. Deux autres effets traduisent une utilisation plus intensive des véhicules moins « gourmands », même si leurs évaluations sont plus fragiles. Tel que mesuré, l'effet rebond contribuerait pour 6 kilotonnes de CO2. L'effet taille du parc, en supposant ici que le surcroît de véhicules neufs n'est pas lié à un déclassement accéléré d'anciens véhicules, aurait par ailleurs joué pour 10 kilotonnes de CO2. Inversement, le report des achats vers des véhicules moins polluants aurait conduit à une diminution de 80 kilotonnes de CO2 par trimestre.

Tableau 2Décomposition des effets du bonus / malus (kt de CO2 par trimestre)

Décomposition des effets du bonus / malus (kt de CO2 par trimestre)
Court terme, barème 2008 Long terme, barème 2008 Long terme, barème durci
Scénario 1 Scénario 2 Scénario 1 Scénario 2
Effet de composition (verdissement du parc) -80,4 -895 -155
Effet « rebond » (augmentation du kilométrage par véhicule) 6,1 496 73
Émissions dues à la construction de véhicules supplémentaires 232,1 232,1 29
Taille du parc automobile en circulation 10,4 1 691,0 1 196,0 210,5 9,5
Total en kt 168,2 1 524,1 1 029,1 157,1 -43,8
Total en % des émissions (actuelles ou projetées) 1,2 13,7 9,3 1,4 -0,4
  • Source : Calcul des auteurs

L'évaluation de l'effet à long terme est plus dépendante des hypothèses retenues

L'estimation des effets à long terme est plus délicate car elle dépend fortement d'un certain nombre d'hypothèses. Plusieurs variantes ont donc été estimées.

Dans un premier temps, on a projeté ce qu'aurait donné la prolongation indéfinie du barème et du type de réponse observés en 2008. On calcule ainsi comment les effets de court terme se seraient diffusés progressivement à l'ensemble du parc. Chaque trimestre, il se vend moins de 500 000 véhicules neufs, pour un parc automobile estimé à plus de 30 millions de véhicules de moins de quinze ans. Il faut attendre le renouvellement complet du parc pour que la mesure produise ses pleins effets. À un tel horizon, on retrouve les mêmes facteurs que pour les effets de court terme, mais avec une ampleur accrue. Le renouvellement progressif du parc automobile en faveur de véhicules moins polluants est susceptible d'amplifier l'effet favorable de la mesure. Les effets rebond et volume, qui jouent en sens inverse, s'accroissent également, d'une manière plus ou moins importante suivant les hypothèses retenues. À variation donnée de flux d'achat, on peut avoir un effet plus ou moins important sur la taille du parc, selon l'évolution de la durée de vie des véhicules.

Comme il n'existe pas de suivi régulier du nombre de véhicules en circulation pour déterminer si l'augmentation des ventes découle d'un surcroît de véhicules en circulation ou d'un renouvellement plus rapide des véhicules, on a considéré deux scénarios (). Tous deux conduisent à une augmentation à long terme des émissions de CO2, de respectivement 1524 et 1 029 kilotonnes de CO2 par trimestre (tableau 2, colonnes 2 et 3).

On a ensuite reproduit l'exercice, avec les mêmes comportements de réponse, mais en tenant compte du fait que le barème de 2008 a été profondément révisé, l'effet à long terme du barème de 2008 n'étant plus qu'un cas d'école. La méthode d'estimation développée ne permet pas de simuler des changements complexes du barème touchant à la fois les classes de véhicules et les montants de taxes ou de primes. On ne simule donc qu'un scénario de durcissement du bonus à classes d'émission inchangées (). Ce barème moins avantageux, n'entraînerait plus de hausse des émissions de CO2. L'estimation obtenue correspond en effet à une faible réduction des émissions, de l'ordre de 43 kilotonnes par trimestre, même si elle ne va pas au-delà de l'incertitude statistique entourant ce type de chiffrage (tableau 2, colonne 5). Ce bilan proche de l'équilibre résulte à la fois de moindres effets volume mais aussi d'un affaiblissement de l'effet de composition du parc.

D'autres facteurs devraient être pris en compte pour dresser un bilan plus complet à long terme mais ils sont plus difficilement quantifiables à partir des données existantes.

D'une part, ces évaluations font l'hypothèse que les constructeurs n'ont pas réagi à la mesure en adaptant l'offre des véhicules. Or, l'un des effets possibles du bonus/malus est d'accélérer l'innovation en faveur de la construction de véhicules moins polluants.

D'autre part, en revenant du côté de la demande, les comportements analysés sur 2007-2008 peuvent donner une image déformée de la véritable réaction de long terme. Par exemple, il est possible que le volume des achats ait « sur-réagi » à la première version du bonus, particulièrement avantageuse, les consommateurs anticipant qu'elle pouvait ne pas durer : dans ce cas, les effets volumes à long terme sont à revoir à la baisse. Il se peut aussi que le verdissement de la structure des ventes n'ait pas résulté que d'effets prix, mais également d'un déplacement des préférences dans un sens plus soucieux de l'environnement (Durrmeyer et al., 2011). Dans ce cas, le retour à un barème moins incitatif ne s'accompagne pas forcément d'un retour des acheteurs vers des véhicules plus polluants. Malheureusement, la période qui a suivi la mise en place du bonus/malus ne permet pas de se prononcer sur la validité de ces hypothèses car cette période a été très perturbée, avec l'irruption de la crise économique et la mise en place de la prime à la casse.

Comme tout exercice d'évaluation, ces résultats sont sensibles aux hypothèses retenues. C'est particulièrement vrai de la projection des effets de long terme. L'exercice permet néanmoins d'illustrer la complexité des canaux par lesquels une politique d'incitations financières peut affecter les comportements et les difficultés qui en découlent pour son calibrage, tant environnemental que budgétaire.

Sources

Le bonus/malus

La mesure du bonus/malus écologique a été décidée suite au Grenelle Environnement. Cet ensemble de rencontres visait à proposer des mesures de long terme en matière de protection de l'environnement et de développement durable. En pratique, tout acheteur d'un véhicule neuf émettant moins de 130 g de CO2 au kilomètre a bénéficié d'une remise immédiate sur le prix de vente, tandis que les acheteurs de véhicules émettant plus de 160 g au kilomètre ont dû s'acquitter d'un malus. La mesure est entrée en application dès décembre 2007 pour les voitures bénéficiant d'un bonus, et en janvier 2008 pour les voitures soumises à un malus. En 2008, le bonus était accompagné d'une prime de 300 euros pour la mise à la casse des véhicules de plus de quinze ans. Ce « super-bonus » n'a concerné que 5 % des véhicules ayant bénéficié d'un bonus en 2008. Les montants du bonus, ainsi que les seuils de CO2 définissant les classes, ont été abaissés en 2010, 2011, puis 2012.

Données

À la différence d'autres évaluations mettant l'accent sur la composition des immatriculations (voir par exemple Teissier et Meunier, 2010), la présente étude tente un bilan CO2 global intégrant les émissions liées à la construction de nouveaux véhicules ainsi que les effets rebond et taille du parc. Ces effets sont évalués par une analyse microéconométrique qui s'appuie sur deux sources principales.

La première est le fichier central des automobiles, issu du fichier national des immatriculations et géré par l'AAA (Association auxiliaire de l'automobile) . Il recense les véhicules immatriculés en France et fournit des informations détaillées sur leurs caractéristiques techniques. Sont par exemple disponibles la marque, le modèle, la puissance fiscale ou le taux d'émission de CO2 au kilomètre (qui conditionne le montant du bonus/malus). Lorsque le véhicule appartient à un particulier, des informations sur le propriétaire (commune de résidence, âge, activité professionnelle) sont également indiquées. Seules les immatriculations de véhicules neufs des particuliers sont considérées. En utilisant les caractéristiques des véhicules et des propriétaires, on peut calculer les parts de marché des différents modèles pour plusieurs sous-populations définies par leur lieu d'habitation (pôle urbain ou zone rurale), le fait d'avoir une activité professionnelle ou non et le revenu médian de leur commune, regroupé en cinq classes. On utilise pour l'évaluation les données couvrant la période de septembre à novembre 2007, d'une part, et celle de mars à mai 2008, d'autre part. Les mois de décembre 2007, janvier et février 2008 sont exclus de l'analyse car ils captent des phénomènes transitoires que l'on ne cherche pas ici à mesurer. Pour ne pas s'acquitter du malus, bon nombre de personnes ont en effet acheté un véhicule neuf de classe E, F ou G en décembre 2007. Les ventes de ces classes se sont ensuite logiquement effondrées en janvier et février, avant de se stabiliser à partir de mars 2008 (graphique).

La deuxième source utilisée est l'enquête Transport, menée en partenariat par l'Insee, le SOeS (Service de l'observation et des statistiques du Commissariat général au développement durable) et l'Inrets (Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité) en 2007. Celle-ci fournit des informations sur les personnes équipées d'un véhicule, sur ce véhicule ainsi que sur leur pratique de conduite (kilométrage annuel). Les données permettent d'associer des kilométrages aux caractéristiques des conducteurs et de leur véhicule. Elles sont utilisées pour estimer la sensibilité de ces kilométrages au coût au kilomètre (effet rebond). Ce dernier calcul comporte des limites dans la mesure où il se fonde sur une élasticité-prix moyenne pour l'ensemble des conducteurs alors qu'il a été établi des différences de sensibilité de la consommation à une variation de prix suivant les caractéristiques des ménages (en particulier l'utilisation du véhicule ou non pour les trajets domicile-travail).

Hypothèses et variantes pour la simulation des effets de long terme

L'extrapolation des effets de la mesure à long terme à partir des données observées à court terme est un exercice plus délicat dans la mesure où il est très dépendant des hypothèses retenues.

Pour évaluer l'impact qu'aurait eu à long terme le barème de 2008, il faut en effet caractériser la hausse des ventes constatée à court terme, qui peut provenir d'une modification des taux de renouvellement des véhicules ou d'une augmentation du parc. En l'absence de données précises et régulières sur ces deux éléments, les estimations ne peuvent que reposer sur des hypothèses. Deux scénarios ont été envisagés. Dans le premier (scénario 1), les effets sur le taux de renouvellement sont ignorés, et les variations des ventes de véhicules neufs se répercutent intégralement à long terme sur le parc. Dans ce scénario extrême, la mesure conduit à augmenter de 1 524,1 kilotonnes de CO2 les émissions à long terme (tableau 2), soit une hausse de 13,7 % des émissions de CO2. Dans le deuxième scénario (scénario 2), les individus ajustent le moment du remplacement de leur véhicule aux variations de prix induites par le bonus/malus : ceux ayant une préférence pour les véhicules soumis à un malus retardent leur achat, tandis que les acheteurs de modèles moins polluants les renouvellent plus souvent. Avec cette hypothèse sur la réponse des taux de remplacement, la hausse du parc est plus faible et l'augmentation des émissions de CO2 redescend à 1 029,1 kilotonnes, soit une augmentation de 9,3 % du niveau d'émissions par rapport au niveau qui aurait prévalu en l'absence de la mesure.

Le barème a été progressivement durci depuis 2009. Malheureusement, il est difficile de mener le même type d'estimation sur les années postérieures ; l'effet de surprise étant absent, les entreprises ont eu le temps d'adapter leur offre aux mesures fiscales qui, en outre, ont été accompagnées d'autres mesures telles que la prime à la casse. Par ailleurs, le modèle estimé sur 2007-2008 ne peut pas servir à simuler l'intégralité des changements qui ont suivi : ce modèle raisonne à classes d'émission données, or celles-ci ont été modifiées. On a donc procédé de manière approchée, en simulant un barème fictif décalant les montants des bonus à la tranche inférieure (700 euros pour la classe A au lieu de 1 000 euros, 200 euros pour la classe B au lieu de 700 euros et aucun bonus pour la classe C au lieu de 200 euros). Dans cette variante, les émissions à long terme sont proches de la neutralité : elles augmentent de 1,4 % dans le scénario 1 et diminuent de 0,4 % dans le scénario 2.