Courrier des statistiques N6 - 2021

Dans cette sixième édition, le Courrier des statistiques explore quatre sources, deux méthodes, une institution, tout en veillant à rester ouvert sur l’extérieur, en France comme à l’étranger.

Avec la refonte de 2021, l’enquête Emploi modernise ses modes de collecte et s’harmonise avec les exigences européennes. Fidéli, fichier démographique sur les logements et les individus, est devenu incontournable, notamment comme pivot des études sociales. L’échantillon démographique permanent, aux possibilités étendues, apporte une profondeur temporelle aux analyses de trajectoires individuelles. Enfin, le RGCU, gigantesque base de données sur les carrières professionnelles, conçue par la Cnav, promet de devenir une source précieuse pour les chercheurs.

Mais comment apparier des fichiers, sans identifiant commun ? La Depp nous présente sa méthode, à travers son système d’information sur l’insertion des jeunes. En amont, comment améliorer les bases de données administratives ? À cette fin, la Belgique a institutionnalisé et mis en œuvre une démarche, privilégiant des méthodes préventives, fondées sur l’analyse des anomalies.

Le numéro se conclut en illustrant comment le Cnis organise la concertation entre utilisateurs et producteurs de statistiques publiques, pour garantir la pertinence des productions et les améliorer.

Courrier des statistiques
Paru le :Paru le08/07/2021
Christian Sureau, directeur du programme RGCU, et Richard Merlen, directeur du programme RGCU pour le régime général, Cnav
Courrier des statistiques- Juillet 2021
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Le Répertoire de gestion des carrières unique (RGCU) Un nouveau référentiel ouvrant des perspectives pour l’analyse sociale

Christian Sureau, directeur du programme RGCU, et Richard Merlen, directeur du programme RGCU pour le régime général, Cnav

Le système de retraite français est composé de régimes par grands types de professions : ils gèrent les informations relatives à la carrière de leurs assurés pour, au moment de la retraite, calculer leurs droits et ensuite verser leurs pensions. En 2010, il a été décidé de construire un référentiel unique contenant le détail des carrières de l’ensemble de la population française. Le Répertoire de gestion des carrières unique (RGCU) doit permettre à terme d’optimiser les processus de gestion, en centralisant les données et en améliorant leur complétude et leur qualité.

Constituer un référentiel impose d’abord de structurer les données, quelle qu’en soit l’origine, avec des concepts et une sémantique uniques. L’automatisation des flux d’alimentation constitue ensuite un atout majeur pour l’amélioration continue de la qualité du répertoire.

Le RGCU contiendra alors une information très détaillée sur la carrière des assurés, avec les périodes et les revenus d’activité salariée, ou d’inactivité liée au chômage et à la maladie. Une telle richesse des données en largeur (ensemble de la population) comme en profondeur (totalité de la carrière détaillée en périodes et revenus depuis l’origine des régimes), devrait amener le RGCU à devenir une source précieuse pour des études sociales.

Le répertoire de gestion des carrières unique : une volonté d’amélioration du service retraite

La vieillesse a longtemps été considérée comme un risque : celui, devenant trop vieux, de ne plus pouvoir subvenir à ses besoins. Si quelques dispositifs pour des catégories professionnelles particulières existaient depuis longtemps, c’est en 1945, avec la création de la Sécurité sociale, que l’ambition a alors été d’apporter une protection à l’ensemble de la population (Damon et Ferras, 2020). L’existence préalable de dispositifs de pensions pour une partie de la population et le souhait des non-salariés de conserver leur organisation propre ont amené à construire un système basé selon les catégories professionnelles. .

Au moment où l’assuré prend sa retraite, les doivent disposer d’une vision complète et détaillée de la carrière de la personne depuis son tout premier emploi, ainsi que de l’ensemble des informations permettant d’appliquer les différentes règles et de déterminer le montant de la pension à verser.

Or chaque régime dispose de son propre système d’information, avec ses assurés, le détail de leur carrière et les modules permettant de calculer leurs droits. Cette multiplicité complexifie pour l’assuré la visualisation de sa carrière ou l’estimation de ses droits, mais aussi les démarches à faire au moment de préparer sa retraite, puisqu’il devra prendre contact avec les différents organismes auprès desquels il aura cotisé. Enfin, cette diversité ne facilite pas la mise en œuvre de réformes de retraite.

Aussi, en 2010, a instauré le Répertoire de gestion des carrières unique (RGCU) et prévu qu’il soit alimenté par les différents régimes de base. Le RGCU a ensuite été étendu en 2014, toujours par la loi, aux régimes complémentaires. La construction de ce référentiel a été confiée à la Cnav (Caisse nationale d’assurance vieillesse).

Le RGCU doit apporter des progrès significatifs dans au moins quatre directions. Il permet tout d’abord d’accroître la performance de la gestion, avec notamment l’amélioration de la complétude et la vérification de la cohérence des carrières au fil de l’eau, la réduction des échanges entre régimes et avec l’assuré, la réduction des délais de reconstitution des carrières et la maîtrise des risques. Il renforce ensuite l’efficience du processus de liquidation de la retraite, grâce à des carrières plus fiables, des informations mieux partagées entre régimes, et une réduction de la durée du cycle de liquidation. Avec ce nouveau dispositif, les démarches de l’assuré et son dialogue avec les régimes se simplifient, grâce au développement d’offres de service innovantes. Enfin, le RGCU permet de construire une brique commune qui facilitera l’intégration des évolutions réglementaires et la mise en œuvre des futures réformes.

Le terme de RGCU désigne aussi le projet informatique qui a conçu le dispositif et le met progressivement en œuvre : celui-ci possède les caractéristiques des « grands programmes », compte-tenu des enjeux, de la charge en hommes jours et du nombre d’acteurs impactés (encadré). Entamée en juillet 2019 avec un , la mise en production a été étendue en mai 2020 au régime général. Le RGCU contient aujourd’hui les carrières de 80 millions d’assurés, actifs ou déjà retraités.

Un référentiel au service de l’assuré dès son entrée dans la vie active…

Le « métier » de la retraite, celui exercé par les « régimes de retraite », s’organise toujours autour de tout un historique concernant l’assuré. En simplifiant, on peut considérer qu’il y a cinq événements fondamentaux qui déterminent les périodes de cet historique : la naissance, le début d’activité professionnelle, la demande de retraite, la liquidation de la retraite et le décès.

  1. ne requiert, pour l’essentiel, pas d’activité particulière de la branche retraite, excepté bien sûr l’immatriculation de l’individu par l’Insee au répertoire national d’identification des personnes physiques (RNIPP), qui l’amène à devenir un assuré et donc un utilisateur futur des services offerts par le RGCU.
  2. La vie active va du premier emploi à la retraite : outre le recueil des revenus, l’appel des cotisations et le recouvrement pour les organismes concernés, la mission du régime de retraite durant cette période est d’enregistrer, de façon aussi fiable et complète que possible, les éléments relatifs à la carrière, de gérer les événements afférents, et d’informer l’assuré.
  3. Le passage à la retraite s’étend de la demande de retraite à la liquidation : dans ce bref laps de temps, qui pour de nombreux régimes concentre le cœur du métier, l’organisme complète et vérifie les éléments de la carrière de l’assuré, pour ensuite les traduire en attribution de droits, puis en montants de pensions. Pour ce faire, il échange des informations avec l’assuré et les autres régimes, sur les pièces justificatives reçues et sur le paiement de cotisations, puis il applique les règles de droit.
  4. La retraite, période plus ou moins longue, va se dérouler ensuite jusqu’au décès : la mission du régime de retraite est de procéder au paiement régulier des pensions, en temps et heure et en cohérence avec le droit, tout en gérant les événements afférents.
  5. Dans la période qui suit le décès, le service de la retraite s’arrête pour le décédé, mais peut aussi se poursuivre, immédiatement ou plus tard, à la suite d’une demande du conjoint survivant, par le versement d’une pension de réversion ; le traitement administratif nécessaire peut être assez complexe du fait de la coordination entre régimes à établir.

Bien entendu cette vision est simplificatrice, car les périodes se recouvrent : ainsi, on peut avoir une vie active après la retraite, et opérer un cumul emploi – retraite. Par ailleurs, des révisions sont toujours possibles pendant la période de retraite.

… mais aussi des services pour les organismes concernés

Le référentiel contient, bien sûr, les informations relatives à la carrière de l’assuré. Mais il fournit également un ensemble de services pour les régimes ou les autres organismes de protection sociale : il leur permet d’alimenter le RGCU et de contrôler les flux d’alimentation, de restituer les carrières, de les consulter, les saisir, ou de calculer les données nécessaires à l’application des droits de l’assuré.

Durant la vie de l’assuré, les « alimentations » du référentiel sont effectuées soit par les entreprises qui l’emploient, pendant ses périodes salariées, soit par les organismes de protection sociale, tels que Pôle Emploi pour les périodes de chômage ou la Cnam (Caisse nationale d’assurance maladie) pour les périodes de maladie. Le programme RGCU a défini les processus d’alimentation et de contrôle permettant de garantir la qualité des flux de données.

Pendant cette période, mais surtout au moment où l’assuré prend sa retraite, le régime, en lien avec l’assuré, va compléter la carrière et la valider au moyen de services ou d’applications de consultation et de saisie « clé en mains ».

Lors de la validation de la carrière, le régime de retraite va déterminer les droits de l’assuré avec l’application dédiée au calcul des durées d’assurance ou de points et celle effectuant le calcul du salaire annuel moyen nécessaire au (figure 1).

Auparavant, pour pouvoir utiliser les données et les services du RGCU, le régime qui intègre le dispositif devra alimenter le référentiel avec son stock de données. C’est le processus de migration. Un premier service lui est alors proposé : le « kit de migration » va appliquer les contrôles de structure et de cohérence avant de charger les données dans le répertoire. Ainsi, le régime fournit le fichier de déchargement de sa base sous un même format « pivot » commun à tous.

 

Figure 1. Un référentiel et des services, tout au long de la vie active de l’assuré

 

 

Encadré. Quelques chiffres sur le RGCU

  • 80 millions d’assurés
  • 7 milliards d’éléments de carrières (périodes et revenus des activités salariées, de chômage, de maladie, etc.)
  • Plus de 130 000 jours de travail
  • 3 100 unités de calcul (CPU), 850 serveurs
  • Première mise en production en 2019

Une structure de données unifiée, pour accueillir des éléments d’origines diverses

La structure des données du référentiel doit permettre de disposer des éléments qui retracent la continuité de la carrière de l’assuré, quels que soient sa profession et le régime de retraite auquel il est affilié pendant ses périodes dites « travaillées ». Elle doit aussi être adaptée aux périodes de chômage, de maladie, ou aux périodes de vie ne donnant pas de droits à la retraite mais qui complètent la carrière depuis le début de sa vie professionnelle.

L’organisation retenue dans le RGCU comprend trois niveaux (figure 2).

  • La carrière brute est composée des éléments détaillés de la carrière avec, pour chacun d’eux, la période concernée et les éléments de revenu, voire de cotisation pour certains régimes. L’information sur les périodes travaillées provient des entreprises ou d’. La carrière brute recouvre aussi les périodes de chômage, de maladie, de maternité, d’invalidité, de service national, de formation, d’apprentissage, de garde d’enfants, etc. (figure 3). Certaines informations peuvent être spécifiques au type de période ou au régime auquel l’assuré est affilié. Les données sur l’état de validation de la donnée, sa traçabilité, les résultats de l’analyse de la carrière (anomalies, incohérences, etc.) complètent aussi la carrière brute.
  • La carrière étendue comprend, au-delà de la carrière brute, les périodes de vie qui ne donnent pas lieu à des droits mais permettent de s’assurer qu’il n’y a pas de « trous » dans le parcours d’un assuré (année sabbatique par exemple). Elle comprend aussi les événements qui peuvent donner droit à des majorations de durée d’assurance (trimestres supplémentaires suite à éducation des enfants par exemple). Le concept de carrière étendue retrace ainsi intégralement le parcours professionnel et non professionnel de la vie d’un assuré, depuis son premier emploi salarié jusqu’à sa retraite.
  • La carrière élargie apporte des informations complémentaires sur les enfants (données déclaratives) ou les affiliations de l’assuré aux différents régimes et les dates de liquidation par régime de retraite. La carrière élargie contiendra aussi les informations de « valorisation » : elles restituent les différentes durées d’assurance par régime et tous régimes confondus (nombre de trimestres par an).

 

Figure 2. Une structure des données à trois niveaux

 

 

Figure 3. Un exemple de carrière retracée dans le RGCU

 

 

Le contenu d’une carrière va ainsi présenter l’ensemble des activités d’un assuré avec par exemple ses emplois d’été ou de stagiaire lorsqu’il était étudiant, ses périodes d’activité professionnelle, avec le salaire, l’, l’origine de l’information, mais aussi les périodes de chômage ou de maladie.

Pour chaque nouvelle mise à jour d’un élément existant, un nouvel élément est créé en historisant le précédent. Ainsi, le RGCU contient l’historique de mise à jour de toutes les carrières.

Au-delà d’un objectif de complétude, le RGCU vise à disposer de données précises relatives aux principaux types de période.

  • Les périodes professionnelles concernent les activités des salariés du secteur privé, mais également des fonctionnaires civils et militaires, les stages de formation professionnelle, l’apprentissage, les emplois à domicile ou les activités intermittentes, et enfin, bien sûr, des périodes d’activité indemnisées ou pas. Pour ces types de période, le référentiel renseigne les dates de début et de fin de période, l’exercice juridique, le statut catégoriel (cadre, non cadre, etc.), la profession ou catégorie socio-professionnelle des emplois salariés des secteurs privés et publics (selon la nomenclature de l’Insee), le nombre de jours ou d’heures travaillés, le revenu, le taux cotisé, etc.
  • Les périodes assimilées, par exemple le service national, les périodes de chômage (indemnisé ou pas) ou de maladie, disposent aussi des dates de début et de fin de période et du revenu perçu. Les périodes de maladie détaillent la typologie (congé maladie, accident du travail, invalidité, etc.), les catégories d’invalidité (totale, partielle, etc.) et l’origine de l’invalidité (par accident du travail ou autre).
  • Pour les périodes informatives qui permettent de compléter la carrière de l’assuré mais ne sont pas prises en compte dans le calcul des droits, les informations disponibles sont les dates de début et de fin ainsi que quelques données spécifiques.

Une normalisation des concepts pour l’ensemble des alimentations

Le RGCU ayant un caractère de référentiel, une attention particulière doit être apportée à la modélisation des objets métiers, leur sémantique et les nomenclatures utilisées par les régimes qui intègrent le dispositif.

Le travail de définition du modèle d’objets a été mené et validé avec tous les régimes de retraite. Il apparaissait en effet essentiel de disposer d’objets métiers avec une sémantique parfaitement définie et stable. Sur cette base, lorsqu’un nouveau régime de retraite intègre le RGCU, chaque type de donnée est soumis à une analyse sémantique, afin de l’intégrer dans l’objet correspondant du référentiel. Ce faisant, on s’assure de stocker les données relatives aux mêmes concepts dans les mêmes objets.

Le RGCU fait l’objet d’une norme d’échange qui a été construite autant pour alimenter le référentiel que pour en restituer les données. Cette norme s’appuie sur :

  • le modèle de données « de la norme », avec l’ensemble des objets et de leurs cardinalités ;
  • les modèles de message pour alimenter ou restituer les données du RGCU ;
  • la définition des données, qu’il s’agisse de données métier ou données de gestion, afin de partager leur sémantique ;
  • les contrôles à appliquer lors de l’alimentation du RGCU, contrôles de structure et de cohérence (voir infra) ;
  • une documentation précisant la structure des données, les messages et les règles de contrôle qui leur sont appliquées ;
  • et une gestion des versions : mode de maintenance de la norme, plan du versionnage, du contenu et de la date d’effet de chaque version. Pour cela, la Cnav a développé un outil générique de gestion de norme, , permettant de définir la norme et de générer automatiquement documentations et outils de contrôle pour chaque version.

La rigueur appliquée à la définition des concepts, aux objets et aux données du RGCU doit aussi concerner les nomenclatures. Ces dernières sont des listes de valeurs (par exemple les natures d’emploi) qui se caractérisent par un code et un libellé. La base « carrière » partagée doit disposer d’une nomenclature « unifiée » qui ne doit pas être une addition des nomenclatures issues de chaque régime de retraite.

Les nomenclatures se basent autant que possible sur celles existant chez les partenaires gérant les risques concernés (DSN, etc.). Toutefois, pour tenir compte de spécificités de certains régimes, elles peuvent avoir été complétées de nouvelles valeurs.

Un processus et des outils qui permettent de garantir la qualité d’alimentation

Une fois les concepts des objets et nomenclatures normalisés, les processus d’alimentation doivent ensuite garantir la qualité des informations qui intègrent le référentiel. Les processus de contrôle de la qualité interviennent à trois moments (figure 4) :

  • tout au long de l’alimentation de la carrière, avec les différents contrôles associés à la norme évoquée supra ;
  • lors de l’analyse de la carrière par un technicien à l’initiative d’un régime ou suite à des demandes de l’assuré ;
  • de manière périodique, par une cellule spécifique en charge d’analyser les indicateurs de qualité du référentiel et de définir les plans d’actions pour améliorer les données a posteriori.

Lors de l’alimentation, des contrôles bloquants et des contrôles d’habilitations sont réalisés pour déterminer si les données peuvent être intégrées dans le RGCU.

Les contrôles bloquants sont appliqués directement sur le flux d’alimentation. Ils permettent de vérifier le respect de la structure du flux avec les règles syntaxiques ou sémantiques des données qu’il transporte. Voici deux exemples de règles :

  • (Contrôle de structure) Si la rubrique Type de Prestation en montant est égale à « Complément indemnités journalières maladie », alors les rubriques suivantes sont obligatoires : Salaire soumis à cotisation et Salaire brut ;
  • (Contrôle de cohérence) La rubrique Date de fin d’activité non salariée doit être postérieure ou égale à la rubrique Date de début d’activité non salariée.

Les contrôles d’habilitation vérifient les droits de l’« alimenteur » de créer, modifier, supprimer chaque type d’élément de carrière. Par exemple, un régime ne pourra pas supprimer ou modifier un élément alimenté par un autre organisme si celui-ci ne l’y a pas autorisé.

Lors du processus d’alimentation de la carrière, après l’écriture dans le RGCU ou lors d’opérations spécifiques d’analyse de la carrière, des contrôles non bloquants sont appliqués et leurs résultats stockés dans le référentiel. Les contrôles non bloquants n’empêchent donc pas l’alimentation des données dans le RGCU : ils signalent des incohérences potentielles. Ils relèvent de trois types :

  • les contrôles métiers que l’on peut appliquer sur un élément de carrière, sans avoir à analyser sa cohérence avec la totalité de la carrière existante. Ils interviennent sur le flux d’alimentation ou bien sur le stock a posteriori. On y trouve des contrôles de validité de la date (par exemple, la date de début de l’élément de carrière doit être strictement postérieure au 01/01/1946). Cet ensemble recouvre aussi des contrôles faisant intervenir des référentiels autres que le RGCU (par exemple, s’assurer que la date de début d’un élément de carrière est postérieure à la date de naissance de l’assuré nécessite de récupérer des données du référentiel identification (fichier miroir du RNIPP)) ;
  • les contrôles de cohérence référentielle consistent à vérifier la cohérence entre des éléments de carrière transmis et la carrière déjà présente dans le RGCU pour le même assuré. C’est typiquement le cas des contrôles de non-chevauchement entre périodes : par exemple, on transmet dans le flux des périodes d’activité, et on va vérifier que ces périodes ne se superposent pas avec d’autres périodes existantes. La spécificité des contrôles de cohérence référentielle (qui les différencient des contrôles métier), est qu’ils font intervenir au moins deux éléments de carrière ;
  • les contrôles d’atypie ont une portée globale et concernent l’ensemble de la carrière de l’assuré. Ils en vérifient la conformité relativement à une situation que l’on prend comme référence. Une atypie est un élément intrinsèquement juste mais atypique par rapport à ceux qui l’entourent (exemple d’un salaire anormalement élevé par rapport aux autres sur une période donnée).

Les signalements issus des contrôles métiers et des contrôles de cohérence référentielle ont une portée qui dépasse la seule gestion des données : ils empêchent l’attribution de droits de retraite à l’assuré pour les éléments de vie concernés. Ils nécessitent donc d’être corrigés avant la liquidation de la carrière.

En complément des contrôles automatisés, il a été créé au sein de la Cnav, appelée « Cellule d’administration du référentiel », qui définit, produit et analyse des tableaux de bord. En fonction du niveau des indicateurs (sur le pourcentage d’éléments rejetés sur les flux par exemple), des plans d’actions sont mis en œuvre avec les différentes parties prenantes (les organismes qui alimentent le RGCU, l’équipe du programme RGCU, etc.). La cellule participe ainsi à la boucle qui permet de garantir une amélioration continue de la qualité du référentiel.

 

Figure 4. Des contrôles menés sur l’ensemble du processus

 

 

Une richesse d’informations pour les assurés et pour les régimes de retraite

Ce qui fait la « richesse » des informations du RGCU, c’est d’abord le nombre d’assurés que le référentiel couvre : 80 millions d’individus y figurent, actifs ou déjà retraités. Le détail des données et la profondeur historique apportés par l’ensemble des « alimenteurs » (Liste des professions et des régimes associés prévus à terme) constituent également des atouts. Or la qualité de ces données, notamment leur complétude, dépendent de facteurs bien identifiés :

  • le nombre de régimes de retraite qui ont migré leurs carrières sur le RGCU ;
  • la qualité de leur stock de données au moment de la migration ;
  • la complétude et la qualité des flux d’alimentation ;
  • et enfin le statut de l’assuré, retraité ou non.

Depuis 2020, 80 millions d’assurés ont donc été « chargés » dans le RGCU avec les données détaillées de trois régimes : le régime général, le régime des clercs et employés de notaire, le régime des métiers du culte, et le régime complémentaire AGIRC-ARRCO. Le RGCU contient aussi le nombre annuel de trimestres cotisés pour les régimes dits de base, et le revenu annuel pour les salariés agricoles et les travailleurs indépendants. Au total, environ 50 % des éléments de carrière détaillés tous régimes confondus sont déjà intégrés dans le RGCU, ce qui représente maintenant 7 milliards d’éléments.

Le champ des assurés et leurs éléments de carrière seront complétés lors des opérations de migration des autres régimes de retraite, selon un calendrier prédéfini (figure 5). Tant qu’un régime n’a pas encore effectué la migration de ses données vers le RGCU, le référentiel n’intègre que des sur les éléments qu’il couvre. Celles-ci seront remplacées par les données détaillées lors de la migration.

Comme indiqué supra, durant la vie de l’assuré, la grande majorité des informations de la carrière sont intégrés sous forme de flux informatiques, , de Pôle Emploi pour les périodes de chômage, de la Cnam pour les périodes de maladie, de la , de l’ et enfin des régimes de retraite eux-mêmes. La plupart des flux émis par ces organismes sont intégrés au RGCU, le reliquat ne concernant qu’un nombre limité de cas (chômage non indemnisé involontaire, etc.).

A contrario, les autres périodes de vie (congé sabbatique, etc.) peuvent ne pas être intégrées au moment où elles se produisent. C’est lors de la liquidation de la retraite que l’échange va avoir lieu entre le régime de retraite et l’assuré, pour vérifier sa carrière et la compléter au besoin avec la fourniture des justificatifs manquants.

Après cette dernière étape, la carrière de l’assuré sera complète et vérifiée, et donc totalement fiable pour le calcul des droits à la retraite.

 

Figure 5. Une montée en charge progressive sur les 5 années à venir

 

 

L’histoire et l’informatisation des flux, facteurs déterminants de la qualité des données

La complétude et le niveau de détail des données du RGCU sont très largement le fruit de l’histoire de la Sécurité sociale et de l’informatisation de la transmission des données sociales.

Pour les entreprises de droit privé, par exemple, les premières informations sur les périodes travaillées datent de 1930 : jusqu’en 1935, elles étaient saisies par les techniciens des régimes lorsque les assurés souhaitaient prendre leur retraite. Pour ces années, une seule période a été définie, contenant l’ensemble des cotisations. Ensuite, de 1936 à 1947, les cotisations ont été saisies année par année. À partir de 1947, ce sont les salaires (et non plus les cotisations) qui seront saisis par année.

Les données contenues dans le RGCU, pour ce qui relève du stock, sont issues des migrations successives de systèmes d’informations précédents. Les données du RGCU sont ainsi issues du SNGC (Système national de gestion des carrières) créé en 1998, lui-même successeur du FNCI (Fichier national des comptes individuels) construit au début des années 1980.

Dans le FNCI, toutes les carrières avant 1970 ont fait l’objet de saisies à partir des informations communiquées par les sans notion de période détaillée. Pour ces années, les salaires sont intégrés année par année, mais sans distinguer les employeurs. Les salaires après 1970 et jusqu’en 2000 sont ensuite reportés par année et par employeur. C’est à partir de l’année 2000 que les périodes ont été alimentées de date à date avec les salaires associés. Pour les années précédentes, les périodes ont été interprétées pour avoir la même structure de date à date (figure 6).

Le SNGC contenait les données détaillées des différentes périodes pour les employés des entreprises de droit privé relevant du régime général et pour les métiers du culte. Les informations pour les autres régimes de base étaient fournies en trimestre par année. Depuis 2016, les deux régimes de retraite pour les agriculteurs et pour les travailleurs indépendants alimentaient le SNGC avec leurs revenus par année, pour répondre à la mise en œuvre du dispositif . Les données des autres régimes que le régime général et celui des métiers du culte seront détaillées au fur et à mesure de leur intégration dans le RGCU.

Les périodes militaires ont fait l’objet d’une reprise du passé en 2007, grâce aux informations fournies par le Bureau central des archives administratives militaires (BCAAM).

En complément des périodes travaillées, les périodes assimilées correspondent à des périodes non travaillées pouvant donner des droits à la retraite (voir supra). Elles ont été reportées dans le FNCI puis dans le SNGC, sous forme de trimestres acquis par année. Ce n’est qu’en 2001 pour le chômage, et en 2008 pour les périodes de maladie, invalidité et de rentes AT (arrêt de travail), que ces périodes assimilées ont été reportées de date à date dans le SNGC. Plus récemment, certaines dispositions nouvelles ont été prises en compte, comme les périodes assimilées pour les sportifs de haut niveau (2013) ou les points pénibilité (2016). Et pour ajouter à la complexité, certaines informations ne peuvent encore aujourd’hui être alimentées qu’en montants forfaitaires année par année (comme les Avpf, assurance vieillesse pour les parents au foyer).

Pour pouvoir assurer sa mission, le RGCU doit également s’adapter à l’évolution de la législation, nécessitant des informations complémentaires et parfois plus détaillées pour la bonne application des textes de loi.

 

Figure 6. Du SNGC au RCGU

 

 

Une volonté d’ouverture pour la mise à disposition des données du RGCU

Le RGCU est en production depuis 2019. Il contient aujourd’hui les carrières détaillées des salariés du privé, du régime spécial des clercs et employés de notaire et les métiers des cultes, pour 80 millions d’assurés actifs ou déjà partis à la retraite. Il va être complété d’ici le début de l’année 2022 avec les salariés agricoles et les travailleurs indépendants.

C’est une source de données d’une extraordinaire richesse par le nombre de personnes concernées et par le détail, la complétude et la profondeur des informations contenues. À terme, toutes les personnes ayant commencé leur vie professionnelle seront intégrées dans le RGCU quelles que soient leurs professions. L’ensemble de la carrière de ces individus y est détaillé avec les périodes d’activité, les employeurs, les revenus, mais aussi les périodes de chômage, de maladie, etc. ainsi que les périodes sans activité.

Le RGCU constitue de ce fait une photo très détaillée de l’activité de l’ensemble de la population, mais il contient surtout le « film » : pour chaque individu depuis le début de la vie professionnelle jusqu’à la date de retraite.

Le RGCU offre ainsi de nombreuses pistes d’analyse, qu’il s’agisse de l’évolution des revenus, des activités exercées, des accidents de parcours selon les types de profession, et ce non pas sur un échantillon de population mais sur son ensemble, et en pouvant raisonner sur une longue période. Il représente potentiellement une mine d’informations nouvelle et prometteuse pour des études sociales.

C’est la raison pour laquelle, au-delà de l’apport sur l’efficience générale apportée à la gestion de la retraite, la Cnav et la direction de la Sécurité sociale souhaitent ouvrir l’utilisation du référentiel aux travaux de recherche. Ces données seront mises à disposition via le CASD (), de manière totalement pseudonymisée, d’ici le début de l’année 2022.

Fondements juridiques

Ouvrir dans un nouvel ongletDécret n° 2018-154 du 1er mars 2018 relatif au répertoire de gestion des carrières unique. In : site de Légifrance. [en ligne]. [Consulté le 31 mai 2021].

Ouvrir dans un nouvel ongletLoi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites. In : site de Légifrance. [en ligne]. Mise à jour le 22 janvier 2014. [Consulté le 31 mai 2021].

Ouvrir dans un nouvel ongletLoi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites. In : site de Légifrance. [en ligne]. Mise à jour le 25 décembre 2016. [Consulté le 31 mai 2021].

[N.D.L.R.] Cette variété des systèmes de retraite français a été également abordée dans de précédents articles du Courrier des statistiques, voir (Bellanger et Goujon, 2020) et (Cheloudko et Martin, 2020).

Le terme de « régime » désigne, en toute rigueur, un dispositif réglementaire de retraite applicable à une certaine population. Dans la suite de l’article, il désignera les organismes en charge de sa mise en œuvre : recouvrement des cotisations, calcul et paiement de la pension. De même le terme de « carrière » désigne le plus souvent la manière dont la carrière professionnelle d’un assuré est enregistrée dans les systèmes d’information.

Article 9 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites. Voir les éférences juridiques en fin d’article.

La CRPCEN, Caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires, qui compte 240 000 assurés.

Ou période assimilée, comme le service national, voir infra.

Dans le dispositif français des retraites en vigueur depuis 1945, les modalités de calcul des pensions ont évolué, mais nécessitent encore à ce jour, pour les salariés du secteur privé, de s’appuyer sur un salaire annuel moyen.

Acoss/Urssaf (Agence centrale des organismes de sécurité sociale/Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales) pour les Cesu (chèque emploi service universel) par exemple.

Numéro Siret d’inscription au répertoire Sirene.

Saturne est utilisé de la même manière pour la norme de la DSN dans toutes ses versions, voir (Cnav, 2021 ; Ouvrir dans un nouvel ongletnet-entreprise.fr, 2021).

La cellule compte de 5 à 6 personnes en 2021.

Selon les régimes, il s’agit de trimestres ou de revenus par année (voir supra).

Via les DADS-U (Déclaration des Données Sociales Unifiées) qui cèdent maintenant majoritairement la place aux DSN (Déclarations Sociales Nominatives) pour les entreprises du secteur privé (Humbert-Bottin, 2018).

Caisse nationale d’allocations familiales, pour les prestations d’Avpf (assurance vieillesse du parent au foyer).

Anciennement Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), pour les chèques emplois services et les prestations d’accueil du jeune enfant (PAJE).

Les caisses régionales d’assurance maladie (CRAM) dont les activités s’exerçaient surtout dans l’assurance vieillesse et les risques professionnels. En 2010, la loi les transforme en caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT), sauf en Alsace et dans le département de la Moselle, ainsi qu’en Île-de-France.

Liquidation unique des régimes alignés, permettant aux assurés de ces régimes de faire une seule demande de retraite et de ne percevoir qu’une seule pension.

Voir (Gadouche, 2019) pour plus de détails sur le fonctionnement du CASD.

Pour en savoir plus

BELLANGER, Bryan et GOUJON, Samuel, 2020. Prisme, du régime général au régime universel, la microsimulation comme outil d’aide à la décision. In : Courrier des statistiques. [en ligne]. 31 décembre 2020. N° N5, pp. 95-113. [Consulté le 31 mai 2021].

CHELOUDKO, Pierre et MARTIN, Henri, 2020. Une décennie de modélisation du système de retraite. La genèse du modèle de microsimulation TRAJECTOiRE. In : Courrier des statistiques. [en ligne]. 29 juin 2020. N° N4, pp. 23-41. [Consulté le 31 mai 2021].

CNAV, 2021. RGCU – Cahier technique de la norme R. 4 mai 2021. Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse − MOA Normes. Version 3.21.06.

DAMON, Julien et FERRAS, Benjamin, 2020. La Sécurité sociale. 16 septembre 2020. Collection Que sais-je ? Tome n° 4035. ISBN 978-2-7154-0431-1.

GADOUCHE, Kamel, 2019. Le Centre d’accès sécurisé aux données (CASD), un service pour la data science et la recherche scientifique. In : Courrier des statistiques. [en ligne]. 19 décembre 2019. Insee. N° N3, pp. 76-92. [Consulté le 31 mai 2021].

HUMBERT-BOTTIN, Élisabeth, 2018. La déclaration sociale nominative. Nouvelle référence pour les échanges de données sociales des entreprises vers les administrations. In : Courrier des statistiques. [en ligne]. 6 décembre 2018. Insee. N° N1, pp. 25-34. [Consulté le 31 mai 2021].

NET-ENTREPRISES. FR, 2021. Ouvrir dans un nouvel ongletNorme DSN (NEODeS) et documentation technique. [en ligne]. [Consulté le 31 mai 2021].