Séances 2007-2008 du séminaire inégalités

L'Insee et la statistique publique
Dernière mise à jour le : 26/06/2015

Les hauts revenus en France (1998-2006) : une explosion des inégalités ? - 12 octobre 2007

Présentation par : Camille Landais (École d'économie de Paris)

Discutant : Pascal Chevalier (Insee, division Revenus)

Résumé :

Cette étude analyse l'évolution des hauts revenus à partir de sources fiscales exhaustives. Reprenant et réactualisant les séries (1901-1998) de Piketty pour la période récente (1998-2005), ce travail révèle un fort accroissement des inégalités de revenus depuis 8 ans, du fait d'une augmentation très forte des revenus des foyers les plus riches depuis 1998, tandis que les revenus moyen et médian croissent très modestement sur la période. Cette explosion des hauts revenus est essentiellement concentrée au niveau des foyers du dernier centile, qui voient leur part dans les revenus totaux considérablement augmenter entre 1998 et 2005. En particulier, les 0,01 % des foyers les plus riches ont vu leur revenu réel croître de 42,6 % sur la période, contre 4,6 % pour les 90 % des foyers les moins riches. La forte croissance des revenus du patrimoine est en partie responsable de ces évolutions, les foyers à hauts revenus étant plus que les autres composés de ce type de rémunérations. Néanmoins, et c'est un fait nouveau, la très rapide augmentation des inégalités de salaires a également fortement participé à cette augmentation des inégalités de revenus. De ce point de vue, la France rompt avec 25 ans de grande stabilité de la hiérarchie des salaires. Tout en restant un pays plus égalitaire que les pays anglo-saxons en termes de distribution des revenus primaires, la tendance actuelle n'exclut pas que la France puisse converger vers les modèles anglo-saxons. Tous les éléments disponibles pour 2006-2007 laissent d'ailleurs penser que la tendance de croissance des hauts revenus et des hauts salaires se poursuit, voire s'amplifie.

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Inégalités des chances en santé : Quelles influences de l'origine sociale et de l'état de santé des parents sur la santé à l'âge adulte ? - 30 novembre 2007

Présentation par : Marion Devaux (Irdes), Florence Jusot (Legos-Irdes)

Discutant : Mireille Elbaum (Cnam)

Résumé :

Parmi les facteurs explicatifs proposés pour expliquer les inégalités sociales de santé, plusieurs travaux ont récemment mis en avant l'influence du milieu social d'origine sur l'état de santé à l'âge adulte, cette influence résultant à la fois d'un effet direct des conditions de vie dans l'enfance sur la santé et d'un effet indirect passant par la détermination du statut socioéconomique futur du descendant. Par ailleurs, on peut supposer une corrélation intergénérationnelle des états de santé, s'expliquant non seulement par un patrimoine génétique commun mais aussi par une transmission des comportements liés à la santé. Le milieu social d'origine et l'état de santé des parents constituant des circonstances indépendantes de la responsabilité individuelle, ces dimensions peuvent donc être à l'origine d'inégalités des chances en santé.

Cette recherche propose d'explorer ces hypothèses en France à partir d'une exploitation de l'enquête SHARE, en étudiant à l'aide d'une approche paramétrique et non paramétrique, le rôle sur l'état de santé perçu de descendants âgés de 50 ans et plus de la profession de leurs parents et de l'état de santé de ces derniers, apprécié par leur longévité relative.

Les résultats montrent que l'état de santé des descendants reste influencé à l'âge adulte par l'état de santé de leurs parents et leur origine sociale, la profession du père jouant principalement par la détermination de la profession du descendant, la profession de la mère semblant en outre avoir un effet direct sur la santé. Ces résultats suggèrent donc l'existence d'inégalités intergenérationnelles des chances en santé.

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Quelles sont les inégalités considérées comme injustes... et justes ? - 18 janvier 2008

Présentation par : François Dubet (Université de Bordeaux 2)

Discutant : Michel Gollac (Crest)

Résumé :

Le thème des inégalités appelle deux types de réflexions. Le premier concerne la mesure objective des inégalités selon un certain nombre d'indicateurs. Le second concerne les inégalités retenues comme justes ou injustes par les acteurs. Il peut y avoir une certaine distance entre ces deux types d'approche. Certaines inégalités sont objectivement faibles et semblent cependant vécues comme intolérables. De même les comparaisons internationales montrent que de manière globale le sentiment d'injustice des inégalités n'est pas le simple reflet de leur répartition objective. François Dubet s'efforcera de mettre en évidence les mécanismes normatifs et sociaux qui définissent les inégalités perçues comme injustes en montrant comment celles-ci renvoient d'un côté à des expériences de travail immédiates, de l'autre à une représentation générale de la société, sans que ces deux registres de jugement soient nécessairement associés.

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Processus d'intégration des immigrés et barrières d'accès à l'emploi - 15 février 2008

Présentation par : Mirna Safi (Crest)

Discutant : Patrick Simon (Ined)

Résumé :

Dès lors qu'on parle d'intégration des immigrés, les représentations politiques et sociales mais aussi parfois la recherche en sciences sociales retiennent principalement des considérations culturelles (identité, appartenance, acculturation). Néanmoins, le bilan des travaux américains sur l'immigration, fort de près d'un siècle de recherche sur ce sujet, montre que ce sont par-dessus tout des mécanismes structurels d'inégalités qui conduisent à l'infériorisation chronique de certains groupes d'immigrés. Cette communication a exposé ces mécanismes tels qu'ils se reflètent sur le marché de travail en France en s'appuyant sur les données de l'Échantillon Démographique Permanent (EDP).

L'analyse a commencé par un exposé de l'évolution des inégalités dans l'accès à l'emploi entre les immigrés et les natifs sur une période de trente ans (1968-1999). Les résultats montrent que la détérioration de la conjoncture économique caractéristique de la période a creusé les écarts sur le marché du travail entre les immigrés et les natifs, même après contrôle des principales caractéristiques sociodémographiques. D'autres dimensions de l'intégration (naturalisation, inter-mariage) semblent pouvoir réduire ces inégalités ethniques face à l'emploi. La mesure de l'effet de la naturalisation ou de l'inter-mariage sur l'accès à l'emploi suggère que l'intégration des immigrés est plus un processus de levée graduelle de barrières à l'intégration parmi lesquelles celles qui s'exercent sur le marché du travail occupent une place centrale.

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Les politiques sociales à l'épreuve du libéralisme : quelles transformations dans le traitement de l'inégalité ? - 14 mars 2008

Présentation par : Laurent Thévenot (Crest)

Discutant : Alain Desrosières (Insee, Centre Alexandre Koyré)

Résumé :

Les politiques sociales, ou plus largement celles qui sont gouvernées par la conception civique d'un État social ayant vocation à redresser des inégalités par des mesures solidaires, sont aujourd'hui mises en question. La critique vise leur paternalisme et met en avant l'impératif d'autonomie, de responsabilisation individuelle et de choix des personnes qui en bénéficient. Laurent Thévenot tâchera de lier cette critique aux caractères d'une construction libérale de la communauté, en considérant les différences qui en résultent dans le traitement jugé souhaitable de l'inégalité. Il s'appuiera sur la confrontation de recherches éclairant la mise en place de ces nouvelles politiques en France, Italie et États-Unis. Il s'interrogera aussi sur les conséquences de transformations qui défont le lien fort existant antérieurement entre politiques sociales et statistiques sociales.

Surpoids et obésité : des inégalités sociales qui s'affichent sur les corps ? - 23 mai 2008

Présentation par : Thibaut de Saint Pol (Insee, division Conditions de Vie des Ménages ; Crest)

Discutant : Claude Fischler, CETSAH (Centre d'Études Transdisciplinaires Sociologie, Anthropologie, Histoire)

Résumé :

La corpulence des individus pourrait apparaître à première vue comme un caractère naturel ayant peu d'intérêt pour l'étude des inégalités sociales. Du point de vue médical, la prise de poids provient principalement d'un déséquilibre entre les apports alimentaires et les dépenses énergétiques, c'est-à-dire entre les calories qu'un individu ingère et son activité physique. Des facteurs génétiques jouent dans la prise de poids, mais la place des facteurs sociaux et environnementaux n'en est pas moins déterminante. De nos jours, les plus pauvres et les moins diplômés sont les plus corpulents. En France, 15 % des individus ayant au plus le brevet des collèges sont obèses, contre seulement 5 % des diplômés du supérieur. Or l'obésité a des conséquences directes sur la santé (diabète, hypertension,...) et renforce les inégalités économiques qui touchent les populations les plus défavorisées. Mais l'obésité a également des conséquences sur l'apparence des individus et la manière dont ils se perçoivent. Les préoccupations de santé se mêlent à des préoccupations esthétiques. Ainsi, parce qu'elle participe à la construction sociale des identités, la corpulence représente aussi un enjeu pour les individus. Le genre, l'âge mais aussi le revenu et le niveau d'éducation impliquent selon les individus des variations sur leur corpulence, et par conséquent sur la façon dont ils sont perçus par les autres. La corpulence n'est pas neutre.

Les différences de corpulence entre individus peuvent être appréhendées au moyen de l'Indice de masse corporelle (IMC), calculé comme le rapport du poids sur le carré de la taille. L'IMC fournit un indicateur de la corpulence, utilisé par ailleurs par l'OMS pour définir l'obésité. Au cours de la dernière décennie, Eurostat a conduit des enquêtes qui fournissent des informations biométriques sur la population des États membres. Les dernières vagues du panel européen des ménages (ECHP) en particulier et plusieurs Eurobaromètres permettent d'étudier le lien entre la corpulence et les caractéristiques sociales. Les enquêtes décennales Santé réalisées par l'Insee permettent de préciser ces résultats pour la France et d'analyser l'évolution de ces disparités. La communication livrera d'abord une description synthétique de la corpulence et de l'obésité en France et en Europe, et étudiera ensuite leurs liens avec les inégalités sociales, en montrant comment les différences de pratiques et de valorisations de la silhouette selon les milieux sociaux se doublent d'un effet de genre.

L'obésité en France : les écarts entre catégories sociales s'accroissent, Insee Première n° 1123 - Février 2007

Inégalités de consommation : quelles évolutions sur 20 ans ? Quelles évolutions récentes ? - 12 septembre 2008

Présentation par : Maël Theulière (Insee, Conditions de vie des ménages)

Résumé :

La structure de consommation s'est déplacée depuis 1980 des produits alimentaires, de l'habillement et des dépenses d'intérieur vers les dépenses de logement, de transports et de communication et loisirs. Sur la première moitié de la décennie, c'est l'augmentation de la part du logement et du poste communication qui est frappante. Ces évolutions traduisent de fortes disparités par niveau de vie, qui ont induit un déplacement des inégalités de consommation de l'alimentation vers le logement. Parallèlement, si les taux d'équipement pour les principaux biens durables ont tendance à se rapprocher, les disparités demeurent sur les fréquences d'achat et les gammes. Pour les automobiles, les différences mesurées avec le niveau de vie s'expliquent quasi exclusivement par une plus grande fréquence d'achat pour les voitures neuves, et le choix de modèles d'occasion plus récents, pour les ménages les plus aisés.

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