Insee Analyses Normandie · Juin 2025 · n° 142

La moitié des deux millions de tonnes de déchets ménagers et assimilés est valorisée en Normandie

La gestion des déchets est au cœur de la transition écologique et un enjeu majeur pour la préservation des ressources naturelles et de la biodiversité. Dans cette optique, la loi de transition énergétique pour la croissance verte de 2015 avait fixé trois principaux objectifs à l’horizon 2020 : la réduction de la production de déchets ménagers et assimilés (DMA) de 10 % par rapport à 2010, un taux de valorisation d’au moins 55 % de ces DMA et l’extension de la tarification incitative à 30 % de la population.

En 2021, 2,13 millions de tonnes de déchets ménagers et assimilés, hors déblais et gravats, ont été collectés en Normandie, soit 5,8 % du total métropolitain, une part légèrement supérieure à son poids démographique (5,1 %). Avec 639 kg par an par habitant, la Normandie se place parmi les régions les plus productrices de DMA (figure 1), loin derrière la Corse (722 kg/hab.) mais au niveau des Hauts-de-France (640 kg/hab.), de Provence-Alpes-Côte d’Azur (638 kg/hab.) et de la Bretagne (623 kg/hab.). Même si le poids du tourisme est en Normandie moins élevé que dans ces régions, elle attire aussi de nombreux touristes et avec sa longue façade littorale des propriétaires de résidences secondaires. Ces usagers, non résidents, contribuent à augmenter la quantité de déchets produite sur le territoire régional.

La quantité plus élevée de déchets par habitant en Normandie qu’au niveau métropolitain (91 kg de plus) est principalement due aux déchets verts et biodéchets (+68 kg par an par rapport à la moyenne nationale) et aux encombrants (+24 kg). La Normandie se classe ainsi au deuxième rang des régions pour ces deux types de déchets, derrière la Bretagne et la Corse respectivement. Les différences entre régions en termes de quantité de déchets et de répartition par type peuvent être dues à de nombreux facteurs : nature des logements, niveau de vie, poids du tourisme, etc. Ainsi, l’importante quantité de déchets verts en Normandie peut s’expliquer, en partie, par la proportion de maisons individuelles (66 % des logements en Normandie contre 55 % en France métropolitaine), souvent dotées d’un jardin, et plus globalement par la forte présence de surfaces enherbées [FranceAgriMer, 2015 ; pour en savoir plus (4)]. Malgré une quantité importante de DMA par habitant, après tri celle des ordures ménagères résiduelles (OMR) se situe dans la moyenne nationale (242 kg/hab contre 245 kg).

En Normandie, la quantité de déchets ménagers et assimilés (DMA) collectés par habitant a augmenté de 6 % en dix ans, plus qu’au niveau national (+3 %, alors que l’objectif visait une réduction de 10 % entre 2010 et 2020) ; une hausse constatée également dans toutes les autres régions métropolitaines, hormis le Grand Est. En revanche, sur la même période, la quantité d’ordures ménagères résiduelles (OMR) a fortement baissé (figure 2) : −15 % en Normandie et −14 % au niveau national. Les OMR ne représentent plus que 38 % des déchets collectés en Normandie en 2021 (44 % au niveau national). Ce résultat a été rendu possible grâce à l’amélioration du tri. Les quantités recueillies en collectes séparées ou déposées en déchèterie ont ainsi nettement progressé sur la période (encadré).

En dix ans, les quantités de déchets verts ou biodéchets collectées par habitant ont augmenté de 20 % en Normandie (+18 % en France métropolitaine), avec 152 kg/hab. collectés en 2021 ; celles de matériaux recyclables de 22 % (+17 % au niveau national), soit 132 kg/hab. en 2021. Les quantités d’encombrants (101 kg/hab. en 2021) ont progressé à un rythme bien plus rapide, en Normandie (+53 %) comme au niveau métropolitain (+34 %), peut-être en lien avec une meilleure gestion de leur collecte et moins de dépôts sauvages. Le développement du tri a été encouragé par les campagnes de sensibilisation, le renforcement des consignes de tri, l’amélioration des infrastructures de collecte, la multiplication des points d’apports et l’aggravation des sanctions contre les dépôts illégaux.

La valorisation des déchets, qui s’oppose à l’élimination ou l’incinération, désigne deux types de procédés : la valorisation matière qui consiste à utiliser la matière du déchet pour un nouveau processus de production et la valorisation organique qui repose sur le compostage et la méthanisation. En Normandie, 50 % des déchets ménagers et assimilés, hors déblais et gravats, ont été valorisés en 2021 (figure 3), un taux proche de la moyenne nationale (48 %). Les déchets non valorisés sont principalement incinérés avec récupération d’énergie (32 %) ou dirigés vers une installation de stockage (18 %), souvent sous forme d’enfouissement. L’objectif de valorisation d’au moins 55 % des déchets ménagers fixé par la loi de 2015 n’est atteint, en 2021, que dans trois régions métropolitaines (Nouvelle-Aquitaine, Bretagne et Pays de la Loire).

Les matériaux recyclables (papiers, cartons, verre, métaux, plastiques, textiles, etc.) sont presque totalement valorisés (92 % des quantités collectées). Il s’agit quasi exclusivement d’une valorisation qui permet d’intégrer les matières contenues dans les déchets dans un processus industriel pour fabriquer de nouveaux objets ou emballages. Le reste des matériaux recyclables non valorisés est incinéré. La totalité des déchets verts et biodéchets est valorisée, essentiellement pour être transformée en compost ou méthanisée pour produire de l'énergie renouvelable. Les encombrants sont plus difficilement valorisables et le sont moins bien en Normandie qu’au niveau national (26 % des tonnages collectés contre 39 %). Un quart est incinéré avec récupération d'énergie et la moitié restante est stockée. Les ordures ménagères résiduelles, souvent récupérées en mélange dans les poubelles classiques (les « poubelles grises »), sont difficiles à valoriser en raison de leur absence de tri préalable. Moins de 5 % de ces déchets sont valorisés. Ils sont principalement incinérés (68 %) et le reste est stocké (27 %).

Depuis 2015, les opérations de collecte et traitement des déchets des ménages relèvent de la compétence obligatoire des établissements publics à coopération intercommunale (EPCI) qui peuvent transférer totalement ou en partie cette compétence à un syndicat mixte. La quantité de déchets ménagers par habitant varie fortement d’une intercommunalité à l’autre, du simple au double en Normandie : de 420 kg par an par habitant dans la communauté de communes (CC) Isigny-Omaha Intercom à 960 kg/hab. dans la CC Terre d’Auge (figure 4). Elle est faible dans les communautés urbaines, comme celles d’Alençon (450 kg/hab.), de Caen la Mer (540 kg/hab.) et du Havre Seine Métropole (570 kg/hab.) ainsi que dans la Métropole Rouen Normandie (540 kg/hab.). Cela s’explique notamment par la moindre présence de maisons individuelles et donc une production plus faible de déchets verts dans ces zones urbaines.

Les quantités de déchets ménagers par habitant sont élevées dans un certain nombre d’intercommunalités situées sur le littoral, présentant souvent un caractère touristique. En effet, sur ces territoires, la quantité de déchets rapportée à la population résidente est élevée en raison d’une population présentielle (comprenant aussi les touristes, bi-résidentiels ou encore propriétaires de résidence secondaire) parfois importante. Ainsi, le taux de fonction touristique (c’est-à-dire le nombre de lits touristiques pour 100 habitants) est élevé et la quantité de déchets importante dans plusieurs communautés de communes (CC) littorales du Calvados : Terre d'Auge (960 kg/hab.), Normandie-Cabourg-Pays d'Auge (910 kg/hab.), Cœur de Nacre (850 kg/hab.) et Bayeux Intercom (800 kg/hab.). C’est aussi le cas dans la Manche dans les CC de Coutances Mer et Bocage (740 kg/hab.) et de Granville, Terre et Mer (730 kg/hab.) ainsi qu’en Seine-Maritime dans la Communauté d'agglomération Fécamp Caux Littoral Agglomération (890 kg/hab.) et dans les CC Villes Sœurs (880 kg/hab.) et Côte d'Albâtre (860 kg/hab.).

D’autres facteurs peuvent aussi influer sur la production de déchets [Ménard, Sztrakoniczky, Verdu, 2025 ; pour en savoir plus (1)]. « Toutes choses égales par ailleurs », plus le niveau de vie des populations aisées (mesuré par le neuvième décile) est élevé, plus les quantités de déchets ménagers collectés par habitant tendent à augmenter. De même, les quantités collectées par habitant augmentent avec la part des ménages composés d’une seule personne. Ainsi, au-delà de son caractère touristique, la CC Granville, Terre et Mer se distingue par une forte proportion de personnes seules et un niveau de vie parmi les plus élevés de la région. De même, en plus de leur caractère touristique, la CC Cœur de Nacre présente un niveau de vie des populations aisées élevé, tandis que l’intercommunalité de Bayeux Intercom se caractérise par une forte proportion de personnes seules.

En dehors de la CC d’Isigny-Omaha Intercom (420 kg/hab.), les intercommunalités ayant les quantités de déchets ménagers par habitant les plus faibles de la région sont les communautés de communes Sources de l’Orne (450 kg/hab.), limitrophe de la CU d'Alençon, Pays de Conches (460 kg/hab.) au centre de l’Eure et Inter-Caux-Vexin (480 kg/hab.) à l’est de la Seine-Maritime. Dans ces intercommunalités, la part de résidences secondaires est plutôt faible.