Insee Flash Bourgogne-Franche-Comté ·
Novembre 2024 · n° 208Les frontaliers : de plus en plus loin de leur travail
Près de 48 000 actifs résidant en Bourgogne-Franche-Comté traversent la frontière pour rejoindre leur lieu de travail en Suisse. Leur nombre a fortement augmenté depuis une dizaine d’années, stimulé par des emplois mieux rémunérés. Près de la moitié travaille dans l’industrie, principalement comme ouvriers. Leur temps moyen de trajet domicile-travail est plus élevé que celui des frontaliers des autres régions, car leurs emplois en Suisse sont loin de la frontière.
Forte croissance du nombre de frontaliers
Début 2024, l’Office fédéral de la statistique suisse dénombre 47 900 frontaliers, effectivement actifs en Suisse et résidant en Bourgogne-Franche-Comté. En 2021, ils représentent 3 % de la population active de la région. Ces frontaliers bourguignons-francs-comtois sont aussi nombreux que ceux résidant en Grand Est, mais trois fois moins qu’en Auvergne-Rhône-Alpes. Leur nombre croît dans ces 3 régions respectivement de 50 %, 54 % et 17 % entre 2010 et 2021.
Le marché du travail suisse est dynamique, fortement demandeur de main-d’œuvre en raison du vieillissement de ses actifs. Il permet aux frontaliers de bénéficier de salaires élevés. Ces rémunérations sont encore plus attractives avec l’appréciation du franc suisse face à l’euro, +20 % entre 2010 et 2021. De plus, en habitant en France, les frontaliers bénéficient d’un coût de la vie plus modéré. Le revers de la médaille est pour ces frontaliers des déplacements de plus en plus longs.
Un profil lié aux emplois industriels qu’ils occupent
Plus d’un frontalier de la région sur deux travaille dans l’industrie, notamment en raison de la proximité des entreprises de l’horlogerie suisse. Cette proportion est bien plus faible dans le Grand Est (32 %) et en Auvergne-Rhône-Alpes (12 %). Les frontaliers bourguignons-francs-comtois ont donc des profils typiques du secteur industriel. Ils sont ouvriers pour la moitié, très souvent qualifiés, contre moins du tiers dans les autres régions jouxtant la Suisse. 31 % sont diplômés d’un CAP ou BEP. Ils sont par ailleurs plus jeunes, près de la moitié d’entre eux a moins de 40 ans. Enfin, environ six frontaliers sur dix sont des hommes.
Un travail relativement éloigné
En 2021, les frontaliers de la région parcourent en moyenne 43 km pour se rendre sur leur lieu de travail, c’est 8 km de plus que ceux de Grand Est et 15 km de plus que ceux d’Auvergne-Rhône-Alpes (figure 1). En 11 ans, le trajet moyen s’est allongé de 4 km et la part des trajets de plus de 50 km est passée de 24 % à 31 %.
Cet éloignement aux pôles d’emploi suisses peut expliquer que peu de frontaliers de nationalité suisse résident en Bourgogne-Franche-Comté, alors qu’ils sont plus nombreux en Grand Est près de Bâle, et en Auvergne-Rhône-Alpes aux abords de Genève.
tableauFigure 1 – Distance domicile-travail des frontaliers vers la Suisse, selon leur région de résidence
Région | Distance moyenne domicile-travail fait en France en 2021 (en km) | Distance moyenne domicile-travail fait en Suisse en 2021 (en km) | Écart distance moyenne domicile-travail fait en en France entre 2010 et 2021 (en km) | Écart distance moyenne domicile-travail fait en en Suisse entre 2010 et 2021 (en km) |
---|---|---|---|---|
Bourgogne-Franche-Comté | 21 | 22 | +1,5 | +2,5 |
Grand Est | 22 | 13 | –0,2 | +2,0 |
Auvergne-Rhône-Alpes | 16 | 12 | +1,6 | +1,2 |
- Lecture : Les frontaliers de Bourgogne-Franche-Comté parcourent en moyenne 43 km pour rejoindre leur lieu de travail, 21 km en France puis 22 km en Suisse. Entre 2010 et 2021, leur trajet s’est allongé de 1,5 km en France et 2,5 km en Suisse.
- Sources : Insee, recensements de la population 2010 et 2021 ; distancier Metric-OSRM d’OpenStreetMap.
graphiqueFigure 1 – Distance domicile-travail des frontaliers vers la Suisse, selon leur région de résidence
Une résidence conditionnée par l’accessibilité aux emplois suisses
Les frontaliers bourguignons-francs-comtois résident de manière dispersée aux abords des 230 km de frontière avec la Suisse, dans des territoires souvent montagneux (figure 2). La majorité habite dans la zone d’emploi de Pontarlier où le nombre de frontaliers augmente de manière importante, +6 900 entre 2010 et 2021. Les autres frontaliers résident dans les zones d’emploi de Saint-Claude, Montbéliard et Belfort où leurs effectifs augmentent également fortement, jusqu’à +76 % dans les deux dernières zones citées.
La croissance du nombre de frontaliers augmente la saturation aux points de passage, peu nombreux, en raison de l’aspect montagneux. Le flux de frontaliers passant par la commune frontalière de Villers-le-Lac, dans la zone d’emploi de Pontarlier, atteindrait quotidiennement 8 300 individus en 2021, contre 6 100 en 2010. Plus au sud, il serait de 7 600 au col de Jougne, contre 4 500 auparavant. En raison de sa forte progression dans les zones de Belfort et Montbéliard, le nombre de frontaliers au point de passage de Delle a plus que doublé sur la même période.
Les pôles d’emploi suisses sont relativement peu nombreux à proximité immédiate de la frontière, et d’importance limitée. Ainsi, les frontaliers de Bourgogne-Franche-Comté doivent parcourir en moyenne 22 km de trajet en Suisse pour rejoindre leur travail, soit deux fois plus que les frontaliers d’Auvergne-Rhône-Alpes et Grand Est. Ces derniers peuvent en effet travailler à Genève et Bâle et habiter moins loin, dans leurs couronnes périurbaines situées en France.
Près de la moitié des frontaliers de la zone d’emploi de Pontarlier travaille dans le canton de Neuchâtel (12 000 individus) et plus du tiers dans celui de Vaud (8 700). D’autres, de plus en plus nombreux, occupent des emplois dans des pôles helvètes plus éloignés. Ainsi, la distance domicile-travail moyenne des frontaliers résidant dans la zone de Pontarlier augmente, +8 % entre 2010 et 2021.
Les frontaliers des zones de Belfort et Montbéliard font les plus longs trajets côté suisse. En effet, le canton helvète du Jura est desservi par une autoroute permettant de parcourir rapidement de longues distances.
graphiqueFigure 2 – Part des frontaliers dans la population active
Les frontaliers de Bourgogne-Franche-Comté émettent plus de CO2
97 % des frontaliers de la région utilisent la voiture pour se rendre en Suisse. La topographie montagneuse n’étant pas favorable aux transports collectifs, ils sont peu développés. L’usage de la voiture est également très majoritaire pour les frontaliers d’Auvergne-Rhône-Alpes, mais il est en baisse ces dernières années grâce à une utilisation accrue des transports collectifs et des modes doux dans la couronne périurbaine de Genève.
Parce qu’ils parcourent, en voiture, de plus longues distances, les frontaliers de Bourgogne-Franche-Comté émettraient chaque année plus de 2,1 tonnes en équivalent CO2 , davantage que ceux d’Auvergne-Rhône-Alpes, 1,1 tonne.
Le parc automobile n’apparaît pas plus polluant. La part des véhicules émettant plus de 150 g/km se limiterait même à 14 % dans la zone d’emploi de Pontarlier, un peu moins que dans l’ensemble des autres zones frontalières avec la Suisse, 16 %.
Pour atténuer les émissions de CO2, le développement du télétravail pourrait constituer un levier. Mais son impact ne serait que marginal, en effet les frontaliers de Bourgogne-Franche-Comté étant surtout des ouvriers de l’industrie, leurs emplois ne sont généralement pas télétravaillables. Le covoiturage, encouragé par les pouvoirs publics, est également un moyen de réduire l’empreinte carbone des trajets transfrontaliers.
Sources
Les recensements de la population de 2021 et de 2010 sont les principales sources utilisées. Celui de 2017 permet en plus, avec sa géolocalisation des lieux de résidence et de travail, d’améliorer la précision des trajets. Ceux-ci ont été déterminés par le distancier routier Metric-OSRM de l’Insee. Les émissions de gaz à effet de serre correspondantes ont été estimées avec le Service des données et études statistiques du Ministère de la Transition écologique. Elles sont imputées à partir de plusieurs sources, notamment l’enquête Mobilité des personnes (EMP 2018-2019) et l’enquête Emploi 2021. Le Répertoire Statistique des Véhicules Routiers permet de connaître les caractéristiques de ce parc.
Définitions
Dans cette étude, un frontalier est une personne qui réside en France et qui déclare travailler en Suisse à moins de 150 km de son lieu d’habitation. Ils sont 39 500 selon le recensement de la population de 2021 (concept différent de la mesure réalisée par l’Office fédéral de la statistique suisse).
Une zone d’emploi est un espace géographique à l'intérieur duquel la plupart des actifs résident et travaillent.
L’équivalent CO2 d’une émission de gaz à effet de serre est la quantité de dioxyde de carbone (CO2) qui aurait le même potentiel de réchauffement global.
La part de véhicules émettant plus de 150 g/km est estimée en retenant les catégories de véhicules particuliers dont les rejets moyens sont au dessus de ce seuil, c’est-à-dire les vignettes Crit’Air 4, 5 et NC ainsi que les véhicules à essence de vignette Crit’Air 3.
Pour en savoir plus
(1) Retrouvez davantage de données à cette publication en téléchargement.
(2) Ast D., Bichler G., Manuaud Q., Schmidt O., « Un travailleur frontalier sur cinq parcourt plus de 50 km pour aller travailler », Insee Première no 2027, novembre 2024.
(3) OSTAJ, « Ouvrir dans un nouvel ongletPortraits des territoires de l’Arc jurassien : un espace économique structuré autour du travail frontalier », décembre 2022.
(4) Pilarski C., René Y., « Déplacements domicile-travail en Bourgogne-Franche-Comté, les trajets s’allongent et l’automobile reste reine », Insee Analyses Bourgogne-Franche-Comté no 81, décembre 2020.