Insee Analyses Hauts-de-France · Novembre 2024 · n° 179

Travailleurs frontaliers vers la Belgique : Des trajets domicile-travail presque 3 fois plus longs que ceux des autres actifs

En 2021, environ 36 000 personnes résident dans les Hauts-de-France et travaillent en Belgique, quatre fois plus que dans l’autre sens (8 700 salariés) (Pour en savoir plus). Ces travailleurs frontaliers représentent 1,6 % des actifs en emploi de la région, soit la proportion la plus faible des régions frontalières, loin derrière Grand Est (9 %) et Auvergne-Rhône-Alpes (4 %).

Dans la suite, l’étude se concentre sur les 34 700 travailleurs frontaliers (96 % du total) qui résident dans l’une des 10 zones d’emploi les plus proches de la frontière et ont des trajets de moins de 150 km, ce qui correspond le plus souvent à des trajets réalisés de façon régulière voire quotidienne. Les actifs résidant dans la zone d’étude et travaillant en France sont dits « non-frontaliers » (Champ).

En 2021, quatre zones d’emploi de la région Hauts-de-France rassemblent chacune plus de 6 000 navetteurs vers la Belgique : Roubaix-Tourcoing (10 500), Valenciennes (6 700), Lille (6 600) et Maubeuge (6 200). À elles seules, elles concentrent 80 % des travailleurs frontaliers des Hauts-de-France vers la Belgique. La zone de Maubeuge a la particularité de concentrer la plus forte part d’actifs travaillant à l’étranger (7,8 %), suivie de Roubaix-Tourcoing (7,2 %) (figure 1).

Côté belge, quatre arrondissements reçoivent les deux tiers des flux de navetteurs en provenance des Hauts-de-France. Il s’agit des arrondissements de Tournai-Mouscron (11 300 soit près d’un frontalier entrant sur trois), Courtrai (4 800), Mons (4 700) et Ypres (2 700).

Entre 2010 et 2021, 7800 personnes supplémentaires ont choisi d’occuper un emploi en Belgique, soit une hausse de 30 % sur la période. Les flux se sont intensifiés essentiellement dans les zones d’emploi qui concentrent beaucoup de navetteurs : +2 200 à Roubaix-Tourcoing, +1 800 à Valenciennes, +1 700 à Lille ou encore + 1 200 à Maubeuge.

En 2021, les navetteurs frontaliers parcourent en moyenne 39 km pour se rendre sur leur lieu de travail contre 15 km pour les non-frontaliers, soit un trajet 2,6 fois plus long. Ce rapport entre la distance des frontaliers et celle des non-frontaliers des Hauts-de-France est proche de celui constaté en moyenne pour les régions métropolitaines frontalières du champ de l’étude (2,5) (Champ). Les frontaliers effectuent plus souvent de longs trajets. En effet, un quart d’entre eux effectue plus de 50 km pour aller travailler (24 % contre 4 % des non-frontaliers) (figure 2). À l’inverse, les trajets courts, ceux de moins de 10 km, ne concernent que 4 % des frontaliers contre 53 % des non-frontaliers.

Naturellement, les zones d’emploi frontalières affichent les distances moyennes les plus faibles. C’est particulièrement le cas de la zone d’emploi de Roubaix-Tourcoing (24 km en moyenne). Celle-ci est fortement connectée à l’arrondissement limitrophe de Tournai-Mouscron avec près d’un frontalier sur deux qui y travaille. Et seuls 7 % effectuent de longs trajets.

La voiture est le mode de déplacement privilégié des travailleurs frontaliers (96 % contre 80 % pour les non-frontaliers). Parmi ceux qui résident dans les communes le long de la frontière belge, la faiblesse de l’offre en transport en commun, ou même la difficulté à relier cette offre quand elle existe, oblige la grande majorité d’entre eux à utiliser leur véhicule pour travailler outre-Quiévrain. Ce choix est par ailleurs facilité par le bon maillage routier et autoroutier (figure 3). Quant aux travailleurs les plus éloignés de la frontière, du fait des trajets qui s’allongent (plus de 50 km), la voiture devient pour beaucoup d’entre eux la seule modalité de transport viable.

Les caractéristiques sociodémographiques des frontaliers peuvent également expliquer en partie ce recours plus important à la voiture. Les navetteurs sont souvent ouvriers (53 % contre 23 % pour les non-frontaliers) (figure 4). Or, les emplois des ouvriers, plus souvent en horaires décalés, se prêtent moins aux trajets en bus, train, tramway ou métro. De plus, les usines sont pour beaucoup d’entre elles situées en périphérie des villes et sont par conséquent moins bien desservies par les réseaux de transports en commun.

Ces trajets plus longs des frontaliers ainsi que leur utilisation quasi exclusive de la voiture se traduisent par des émissions de CO₂ bien plus importantes que celles des non-frontaliers (encadré).

De façon générale, les cadres et les employés utilisent davantage les transports en commun (respectivement 8 % et 5 % contre 3 % en moyenne pour l’ensemble des travailleurs frontaliers) (figure 5) car ils travaillent plus souvent en centre-ville, généralement mieux desservis.

Les cadres frontaliers résident essentiellement dans les zones d’emploi de Lille (1 300), Valenciennes (700), Roubaix-Tourcoing et Maubeuge (600 chacun). À Lille, l’existence des lignes TER « Lille-Tournai » et « Lille-Mouscron-Courtrai » ainsi que du TGV entre Lille et Bruxelles a pour conséquence qu’un cadre frontalier lillois sur six (17 %) prend les transports en commun pour se rendre au travail. Cette proportion est seulement de 5 % chez les cadres résidant à Roubaix-Tourcoing et de 4 % chez les cadres valenciennois. Enfin, à Maubeuge, la quasi-totalité des cadres relient la Belgique en voiture.

Le champ de l’étude est constitué des actifs en emploi de 15 ans ou plus résidant dans les 45 zones d’emploi de France métropolitaine les plus concernées par le travail frontalier (au moins 150 travailleurs frontaliers) vers les cinq pays de destination principaux (Suisse, Luxembourg, Allemagne, Belgique et Monaco), qui déclarent se déplacer pour se rendre à leur travail et qui parcourent des trajets de 150 km maximum. Sur ce champ, les travailleurs frontaliers sont comparés aux actifs qui travaillent en France.