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Insee Analyses Guyane · Novembre 2024 · n° 73
Insee Analyses GuyaneEn Guyane quatre adultes sur dix sont en difficulté face à l’écrit

Bénédicte Chanteur, Fernando Zavala (Insee)

En Guyane, en 2022, 41 % des adultes âgés de 18 à 64 ans rencontrent des difficultés face à l’écrit, dont 39 % des difficultés jugées fortes. Les difficultés en calcul concernent 39 % de la population guyanaise. Les personnes ayant des difficultés fortes à l’écrit sont plus souvent allophones : pour les trois quarts d’entre-eux, le français n’est pas leur langue maternelle. Les personnes ayant été scolarisées intégralement en France présentent moins de difficultés que celles n’y ayant suivi qu’une partie. De plus, les personnes peu ou pas diplômées rencontrent plus souvent des difficultés à l’écrit et en calcul que celles ayant des diplômes plus élevés. Les jeunes adultes guyanais maîtrisent mieux l’écrit et le calcul que leurs aînés. Cependant, les difficultés restent plus fréquentes qu’en France métropolitaine, quel que soit l’âge. Par ailleurs, des compétences limitées freinent l’accès à l’emploi : trois quarts des personnes en difficulté à l’écrit et en calcul n’ont pas d’emploi. Les personnes en difficulté à l’écrit sont aussi celles qui utilisent le moins internet.

Insee Analyses Guyane
No 73
Paru le :Paru le07/11/2024
Insee - Guyane : résultats de l’enquête Formation tout au long de la vie
Publication rédigée par :Bénédicte Chanteur, Fernando Zavala (Insee)

39 % des guyanais entre 18 et 64 ans sont en difficulté forte face à l’écrit

En Guyane routière (sources), 41 % de la population âgée de 18 à 64 ans, éprouve des . Ainsi 56 000 personnes réussissent moins de 80 % des exercices qui leur sont proposés dans au moins un des  : la lecture de mots, l’écriture de mots et la compréhension d’un texte simple. Ces compétences sont pourtant jugées essentielles pour la vie quotidienne (figure 1).

Les difficultés en lecture concernent 26 % des adultes en Guyane contre 4 % en France métropolitaine. Plus fréquentes, les difficultés d’écriture touchent 39 % des adultes en Guyane alors que cette part est de 8 % en France hexagonale. Enfin, les difficultés en compréhension concernent 40 % des adultes guyanais et 10 % des adultes dans l’Hexagone.

Plus précisément, 39 % des personnes âgées de 18 à 64 ans ont des difficultés fortes face à l’écrit, les 2 % restant rencontrant des difficultés modérées. Les adultes considérés en difficulté forte sont ceux qui soit n’ont pas pu passer les épreuves à cause d’une maîtrise insuffisante de la lecture ou du français (18 %), soit ont réussi moins de 60 % des exercices dans au moins un des trois domaines fondamentaux de l’écrit (21 %).

En Guyane, 39 % des personnes éprouvent des . Elles obtiennent moins de 60 % de réussite aux tests de numératie proposés (figure 2). Ce groupe inclut notamment les 18 % d’adultes qui n'ont pas pu faire les exercices faute d'une maîtrise suffisante du français. Dans l’Hexagone, la part des personnes en difficulté en calcul est nettement moins élevée (11 %), en lien notamment avec une part d’adultes beaucoup plus réduite n’ayant pu effectuer les tests en raison d’une faible maîtrise de la langue française (2 %).

Près de la moitié des adultes guyanais (48 %) réussissent entre 60 et 80 % des épreuves de calcul, un résultat similaire à leurs homologues métropolitains (49 %). À l’inverse, la part des personnes ayant au moins 80 % de réussite est trois fois moins élevée en Guyane (13 %) qu’en France hexagonale (40 %).

Les personnes éprouvant en difficulté à l’écrit éprouvent souvent (76 %) des difficultés en calcul. Au total en Guyane, 31 % des adultes cumulent les difficultés en littératie et en numératie, contre 6 % en France hexagonale.

Figure 1Compétences des adultes à l’écrit

(en %)
Compétences des adultes à l’écrit ((en %)) - Lecture : En Guyane, 22 % des personnes ont des difficultés fortes en lecture de mots (cela inclut 18 % de personnes qui n'ont pu passer les exercices, du fait de trop grandes difficultés en lecture ou en français). Cette part est de 34 % en production de mots écrits et 35 % en compréhension. Au total, 39 % des personnes ont des difficultés fortes pour au moins l'un de ces trois domaines.
Niveau de compétence à l’écrit Guyane France métropolitaine
Lecture de mots Production de mots écrits Compréhension d’un texte simple Difficultés dans au moins un des trois domaines fondamentaux Lecture de mots Production de mots écrits Compréhension d’un texte simple Difficultés dans au moins un des trois domaines fondamentaux
En difficulté 26 39 40 41 4 8 10 10
Difficultés fortes 22 34 35 39 3 6 7 8
Dont ne passe pas les épreuves 18 18 18 18 2 2 2 2
Dont moins de 60 % de réussite 4 16 17 21 1 4 5 6
Difficultés modérées (de 60 % à 80 % de réussite) 4 5 5 2 1 2 3 2
Pas de difficulté 74 61 60 59 96 92 90 90
Ensemble 100 100 100 100 100 100 100 100
  • Note : Une personne a des difficultés fortes dans un domaine lorsqu’elle n’a pas pu passer les épreuves en raison d’une maîtrise insuffisante de la lecture ou du français ou quand elle a passé les épreuves et obtenu moins de 60 % de réussite dans ce domaine (voir sources et méthodes).
  • Lecture : En Guyane, 22 % des personnes ont des difficultés fortes en lecture de mots (cela inclut 18 % de personnes qui n'ont pu passer les exercices, du fait de trop grandes difficultés en lecture ou en français). Cette part est de 34 % en production de mots écrits et 35 % en compréhension. Au total, 39 % des personnes ont des difficultés fortes pour au moins l'un de ces trois domaines.
  • Champ : Guyane routière et France métropolitaine, personnes âgées de 18 à 64 ans.
  • Source : Insee-ANLCI, module "compétences" de l'enquête sur la formation tout au long de la vie, 2022-2023.

Figure 2Compétences des adultes en calcul

(en %)
Compétences des adultes en calcul ((en %)) - Lecture : 39 % des personnes ont des difficultés en calcul (18 % n’ont pas pu passer les tests et 21 % ont réussi moins de 60 % des questions), 76 % des personnes en difficulté à l'écrit ont également des difficultés en calcul.
Niveau de compétence en calcul Guyane France métropolitaine
Ensemble des 18-64 ans Personnes en difficulté à l’écrit Ensemble des 18-64 ans Personnes en difficulté à l’écrit
En difficulté 39 76 11 60
Dont ne passe pas les épreuves 18 43 2 23
Dont moins de 60 % de réussite 21 33 9 37
Pas de difficulté 61 24 89 40
Dont 60 % à moins de 80 % de réussite 48 23 49 34
Dont au moins 80 % de réussite 13 1 40 6
Ensemble 100 100 100 100
  • Note : Une personne est en difficulté à l'écrit quand elle a moins de 80 % de réussite dans au moins un des trois domaines de l'écrit.
  • Lecture : 39 % des personnes ont des difficultés en calcul (18 % n’ont pas pu passer les tests et 21 % ont réussi moins de 60 % des questions), 76 % des personnes en difficulté à l'écrit ont également des difficultés en calcul.
  • Champ : Guyane routière et France métropolitaine, personnes âgées de 18 à 64 ans.
  • Source : Insee-ANLCI, module "compétences" de l'enquête sur la formation tout au long de la vie, 2022-2023.

Sept adultes sur dix en difficulté forte face à l’écrit n’ont pas le français comme langue maternelle

Les influent sur le niveau de compétences en littératie et en numératie (figure 3). La maîtrise de la langue française représente un enjeu majeur en Guyane. En effet, la structure de la population explique en partie un niveau de difficulté plus élevé qu’en France métropolitaine : 43 % de la population régionale est née à l’étranger contre 14 % dans l’hexagone. De plus, 44 % des résidents de Guyane n’ont pas le français comme langue maternelle. Ainsi, 63 % des éprouvent des difficultés fortes face à l’écrit, contre 20 % de ceux dont le français est l’une des langues maternelles. Dans l’Hexagone, cette différence est plus marquée : 33 % des allophones, contre 4 % des personnes ayant le français en langue maternelle éprouvent des difficultés fortes face à l’écrits. Ainsi, en Guyane, parmi les adultes en difficulté forte face à l’écrit, sept sur dix n’ont pas le français comme langue maternelle.

Le lieu de naissance influence aussi fortement les difficultés. Pour les personnes nées en France résidant en Guyane, la part de celles ayant des difficultés fortes face à l’écrit est de 49 % pour celles qui n’ont pas le français en langue maternelle et de 15 % pour celles qui ont parlé le français à la maison dans leur enfance. Ces difficultés sont plus fréquentes parmi les personnes nées à l’étranger : 68 % pour celles qui n’ont pas le français en langue maternelle et 43 % pour celles qui ont parlé le français à la maison durant leur enfance.

Les difficultés en calcul se manifestent également différemment selon le lieu de naissance et la langue maternelle. En Guyane, 24 % des personnes nées en France ont des difficultés en calcul, contre 59 % des personnes nées à l’étranger. Parmi les personnes nées en France et n’ayant pas le français en langue maternelle, la part de celles ayant des difficultés en calcul est de 55 %. Tandis que la part de celles qui ont parlé le français à la maison sans que ce soit leur langue maternelle s’élève à 16 %. En Guyane, les difficultés en calcul sont également plus fréquentes pour les personnes nées à l’étranger. Elles s’élèvent en effet à 65 % des personnes qui n’ont pas le français en langue maternelle et 43 % pour celles qui l’ont parlé à la maison durant leur enfance.

Figure 3Difficultés à l'écrit et en calcul selon les caractéristiques individuelles

(en %)
Difficultés à l'écrit et en calcul selon les caractéristiques individuelles ((en %)) - Lecture : 24 % des personnes scolarisées en France dès le début sont en difficulté face à l’écrit, 21 % ont des difficultés fortes ; 25 % ont des difficultés en calcul.
Caractéristiques des personnes Personnes en difficulté à l'écrit Dont difficultés fortes Personnes en difficulté en calcul
Le Français en langue maternelle
Oui 23 20 21
Non 64 63 62
Résidence en zone QPV*
Oui 54 51 52
Non 28 27 26
Pays de scolarisation
Scolarisé en France dès le début 24 21 25
Scolarisé en France en cours d'études 25 25 23
Scolarisé ailleurs qu’en France 72 70 64
Jamais scolarisé 93 92 88
Sexe
Femmes 43 41 45
Hommes 39 36 32
Âge
18 - 24 ans 31 30 34
25 - 34 ans 35 31 37
35 - 44 ans 41 40 42
45 - 54 ans 50 48 40
55 - 64 ans 51 51 43
Plus haut diplôme
Aucun diplôme, brevet des collèges 67 64 60
CAP, BEP ou équivalent 44 42 42
Baccalauréat (ou équivalent) ou plus 10 8 13
Plus haut diplôme des parents
Aucun diplôme, brevet des collèges 53 51 51
CAP, BEP ou équivalent 28 23 20
Baccalauréat (ou équivalent) ou plus 8 8 9
Ensemble 41 39 39
  • * QPV : Quartier prioritaire de la politique de la ville.
  • Note : Une personne est en difficulté à l'écrit quand elle a moins de 80 % de réussite dans au moins un des trois domaines de l'écrit ; en difficulté forte à l'écrit avec moins de 60 %. Elle est en difficulté en calcul quand elle a moins de 60 % de réussite en calcul.
  • Lecture : 24 % des personnes scolarisées en France dès le début sont en difficulté face à l’écrit, 21 % ont des difficultés fortes ; 25 % ont des difficultés en calcul.
  • Champ : Guyane routière, personnes âgées de 18 à 64 ans.
  • Source : Insee-ANLCI, module "compétences" de l'enquête sur la formation tout au long de la vie, 2022-2023.

Débuter ou suivre sa scolarité en France réduit les difficultés à l’écrit et en calcul

Le niveau de compétence des adultes dans la maîtrise de l’écrit en français est fortement lié à la scolarisation, et en particulier la scolarisation en France. En effet, les adultes ayant débuté leur scolarité en France se trouvent moins souvent en difficulté forte face à l’écrit (21 %) que ceux qui n’y ont effectué qu’une partie de leur scolarité (25 %). La différence est plus marquée pour les personnes qui ont été scolarisés mais pas en France (70 %) et nettement plus encore pour celles n’ayant jamais été scolarisées (92 %).

Le niveau de difficulté en calcul suit la même tendance : 25 % d’adultes éprouvent des difficultés en calcul parmi ceux ayant débuté leur scolarité en France, 23 % parmi ceux qui n’y ont suivi qu’une partie de leur scolarité, 64 % parmi ceux qui ont été scolarisés mais jamais en France, et 88 % parmi les adultes n’ayant jamais été scolarisés.

Les personnes résidant dans les rencontrent plus fréquemment des difficultés à l'écrit et en calcul que celles résidant hors QPV, avec des taux respectifs de 54 % contre 28 % pour l'écrit et 52 % contre 26 % pour le calcul. Ces différences s’expliquent par une plus grande concentration de personnes peu diplômées et de personnes n’ayant pas le français comme langue maternelle dans ces quartiers (55 % d’allophones en QPV contre 32 % hors QPV). En effet, 54 % des résidents de ces quartiers sont peu ou pas diplômés contre 34 % en dehors. De plus, parmi les adultes qui ont débuté leur scolarité en France, 67 % d’entre eux ont le français comme langue maternelle dans les QPV contre 81 % hors QPV.

La situation économique des quartiers prioritaires est moins favorable que celle des zones urbaines environnantes. Ces quartiers sont marqués par des taux plus élevés de pauvreté, de chômage et de précarité [Clarenc, 2020 ; pour en savoir plus (2)], ce qui peut restreindre l’accès à des ressources éducatives de qualité et à un environnement favorable à l’apprentissage.

A diplôme équivalent, les difficultés sont plus fréquentes en Guyane

À l’écrit comme en calcul, les difficultés sont moins fréquentes quand le niveau de diplôme s’élève. En outre, à diplôme équivalent, les difficultés sont plus répandues en Guyane que dans l’Hexagone. Ainsi, en Guyane, 67 % des personnes peu ou pas diplômées (détenant au maximum le brevet des collèges) éprouvent des difficultés face à l’écrit et 60 % en calcul contre respectivement 34 % et 33 % en France métropolitaine.

Les personnes titulaires d’un CAP ou d’un BEP sont relativement moins souvent en difficulté que les peu ou pas diplômées : 44 % rencontrent des difficultés face à l’écrit et 42 % en calcul en Guyane, contre respectivement 12 % et 14 % en France hexagonale.

Les détenteurs du baccalauréat et des diplômes supérieurs sont les moins affectés : 10 % d’entre eux rencontrent des difficultés à l’écrit et 13 % en calcul, une part qui reste plus élevée que dans l’Hexagone (respectivement 3 % et 5 %).

Les difficultés cumulées à l’écrit et en calcul concernent 6 % des personnes les plus diplômées (au moins titulaires du baccalauréat), contre 55 % chez les personnes peu ou pas diplômées. En France métropolitaine, ces proportions sont respectivement de 2 % et 24 %.

Le niveau de diplôme, en moyenne moins élevé en Guyane, avec une part de personnes peu ou pas diplômées nettement supérieure (44 %) qu’en France métropolitaine (16 %), explique en partie les écarts de difficultés entre les deux territoires.

Le diplôme des parents influence aussi le fait de rencontrer ou non des difficultés à l’écrit ou en calcul. Parmi les personnes dont les parents sont peu ou pas diplômés (aucun diplôme, études primaires ou brevet), 53 % éprouvent des difficultés à l’écrit et 51 % en calcul. Pour celles dont les parents ont un BEP ou un CAP, 28 % rencontrent des difficultés à l’écrit et 20 % en calcul. Enfin, les personnes dont les parents sont titulaires du baccalauréat ou de diplômes supérieurs sont 8 % à avoir des difficultés face à l’écrit et 9 % en calcul. Cela témoigne d’une certaine inertie sociale et éducative : les parents plus diplômés transmettent des ressources ou un environnement, qui favorisent l’apprentissage de leurs enfants. En revanche, les enfants de parents peu diplômés bénéficient moins de cet avantage.

L’écart de compétences entre femmes et hommes est plus marqué en calcul qu’à l’écrit

En Guyane, l’écart de compétences entre les femmes et les hommes est marqué en calcul et à l’écrit. Près de 45 % des femmes éprouvent des difficultés en calcul, contre 32 % des hommes. Les garçons choisissent plus fréquemment des filières scientifiques et mathématiques que les filles [Gautier-Touzo, 2024 ; pour en savoir plus (3)], ce qui peut expliquer en partie leurs meilleurs résultats en calcul. En outre, seulement 9 % des femmes ne rencontrent aucune difficulté en calcul (au moins 80 % de réussite aux exercices), une part deux fois moins élevée que les hommes (18 %). Quant aux compétences à l’écrit, la proportion des hommes en difficulté est inférieure à celle des femmes (respectivement 39 % et 43 %). L’écart des difficultés entre les hommes et les femmes s’explique en partie par une différence de niveau de diplôme. En effet, celui-ci est en moyenne plus faible pour les femmes en Guyane que pour les hommes : 49 % des femmes n’ont pas ou peu de diplômes, contre 37 % des hommes. Ces écarts de niveau de diplôme et de compétences à l’écrit entre les sexes sont particuliers à la Guyane. Dans le reste de la France, ce sont les hommes qui rencontrent davantage de difficultés à l’écrit. Cette situation en Guyane s’explique en partie par un effet d’immigration, car la population de migrants y est moins diplômée qu’ailleurs.

Les jeunes maîtrisent mieux l’écrit et le calcul que leurs aînés

En Guyane, les jeunes adultes maîtrisent mieux l’écrit que leurs aînés : parmi les jeunes âgés de 18 à 24 ans, 31 % éprouvent des difficultés à l’écrit, tandis que cette proportion atteint jusqu’à 51 % chez les 55-64 ans. La part des personnes en difficulté reste toutefois plus élevée qu’en France métropolitaine quel que soit l’âge. Dans l’Hexagone, ces proportions varient de 6 % pour les plus jeunes à 13 % pour les plus âgés.

En calcul également, les plus jeunes ont moins de difficultés que leurs aînés. L’écart est toutefois moins prononcé qu’à l’écrit. La part des Guyanais en difficulté en calcul varie de 34 % parmi les 18-24 ans, jusqu’à 43 % parmi les 55-64. En France métropolitaine, l’écart est nettement plus restreint : de 10 % pour les 18 à 24 ans à 14 % pour les personnes âgées de 55 à 64 ans.

Ces différences s’expliquent en partie par des effets générationnels : les générations les plus jeunes ont des scolarités plus longues et sont plus diplômées que les plus anciennes. En 2022, 57 % des 18-24 ans en Guyane avaient au moins le baccalauréat, un CAP ou BEP contre 45 % des 55-64 ans. Néanmoins, malgré un niveau de diplôme plus élevé, 20 % des 18-24 ans ayant au moins le baccalauréat, un CAP ou BEP ont des difficultés fortes face à l’écrit.

Trois quarts des personnes en difficulté à l’écrit et en calcul n’ont pas d’emploi

Les difficultés à l’écrit et en calcul constituent des freins à l’emploi. En effet, trois quarts des adultes en difficulté dans les deux domaines en Guyane ne sont pas en emploi. Ces compétences de base sont indispensables pour exercer une activité professionnelle, notamment, au niveau de la gestion de l’information (par exemple : lire et interpréter une notice technique, communiquer avec un fournisseur ou un client) et l’exécution des tâches (par exemple : respecter le mode d’emploi d’une machine, calculer des côtes). Elles sont également nécessaires pour développer les compétences techniques via la formation et accéder à une mobilité ou à une reconversion professionnelle. Les personnes ayant des difficultés dans ces domaines peuvent donc rencontrer des obstacles importants à l'accès et au maintien d'un emploi. Ainsi, la part de personnes en difficulté est plus élevée parmi les adultes qui ne sont pas en emploi (54 % à l’écrit et 55 % en calcul), que parmi ceux qui le sont (respectivement 27 % et 22 %). Dans une moindre mesure, le même constat est fait dans l’Hexagone.Parmis les personnes qui ne sont pas en emplois 16 % rencontrent des difficultés à l’écrit et 17 % en calcul contre respectivement 7 % et 9 % parmis celles en emploi.

Les difficultés en calcul ou à l’écrit sont également liées au niveau de revenu. Cela peut s’expliquer par un accès à de meilleures opportunités éducatives ou d’apprentissage pour les personnes au niveau de revenu le plus élevé. En Guyane, parmi les personnes vivant dans les 20 % de ménages les plus modestes, la part de celles éprouvant des difficultés à l’écrit s'élève à 59 % (et à 56 % pour le calcul), tandis qu'elle se limite à 5 % (et 4 % pour le calcul) chez celles résidant parmi les 20 % de ménages les plus aisés. Le niveau de difficulté des personnes résidant dans les ménages les plus aisés en Guyane est proche de celui des mêmes ménages dans l’Hexagone (3 % en calcul et 5 % à l’écrit), alors qu’il est deux fois plus élevé en Guyane qu’en France métropolitaine concernant les ménages les plus modestes (26 % en calcul et 27 % à l’écrit).

Comme dans l’Hexagone, les personnes en difficulté utilisent moins internet

Des compétences limitées dans ces domaines fondamentaux que sont l’écrit et le calcul, peuvent nuire à la capacité de s’informer, de faire valoir ses droits et peuvent contribuer à une plus grande précarisation. Alors qu’internet peut être un vecteur de développement de compétences, les plus en difficulté sont ceux qui l’utilisent le moins. En effet, en Guyane 18 % des personnes en difficulté à l’écrit n’ont pas utilisé internet au cours des trois derniers mois, contre 1 % des personnes qui ne rencontrent pas de telles difficultés (figure 4). Ce constat est similaire en France hexagonale (respectivement 16 % contre 2 %). Cette différence s’observe à tous les âges mais augmente particulièrement pour les adultes les plus âgés.

Les personnes en difficulté à l’écrit entreprennent également moins de démarches administratives elles-mêmes : 44 % d’entre elles ont effectué une démarche administrative par leurs propres moyens au cours des douze mois précédant l’enquête, contre 61 % dans l’ensemble de la population guyanaise, sans que rien ne laisse penser qu’elles en éprouvent moins le besoin. Qu’ils éprouvent des difficultés ou non, les adultes guyanais entreprennent moins de démarches administratives par leurs propres moyens que leurs homologues métropolitains (62 % pour ceux en difficulté à l’écrit et 86 % pour les autres).

Parmi l’ensemble des Guyanais, 53 % ont réalisé eux-mêmes leurs démarches administratives sur internet. Cette proportion tombe à 31 % pour les personnes en difficulté à l’écrit.

Quant à la perception de l’utilité d’internet, un quart des utilisateurs en difficulté face à l’écrit, et un sur cinq de ceux en difficulté en calcul, considèrent qu’internet complique les démarches administratives. Sur l’ensemble de la population des utilisateurs guyanais, ils sont 15 % à avoir le même avis.

Figure 4Usage d'Internet et démarches administratives selon les difficultés

(en %)
Usage d'Internet et démarches administratives selon les difficultés ((en %)) - Lecture : 8 % des personnes n’ont jamais utilisé Internet au cours des 3 derniers mois ; 17 % des personnes en difficulté à l’écrit n’ont jamais utilisé Internet au cours des 3 derniers mois.
Usage d'Internet et démarches administratives Ensemble En difficulté à l'écrit En difficulté en calcul
Fréquence de l’usage d’Internet au cours des 3 derniers mois
Tous les jours ou presque 78 60 62
Pas tous les jours mais au moins une fois par semaine 9 15 13
Moins d'une fois par semaine 5 8 8
Jamais au cours des 3 derniers mois 8 17 17
A effectué une démarche administrative personnellement au cours des 12 derniers mois 61 44 44
Dont au moins une démarche entreprise sur Internet 53 31 32
Opinion sur l'utilité d'Internet dans les démarches administratives pour les personnes utilisant Internet
Facilite ses démarches 66 48 49
Complique ses démarches administratives 16 29 25
Ne change rien 18 23 26
Ensemble 100 100 100
  • Lecture : 8 % des personnes n’ont jamais utilisé Internet au cours des 3 derniers mois ; 17 % des personnes en difficulté à l’écrit n’ont jamais utilisé Internet au cours des 3 derniers mois.
  • Champ : Guyane routière, personnes âgées de 18 à 64 ans.
  • Source : Insee-ANLCI, module "compétences" de l'enquête sur la formation tout au long de la vie, 2022-2023.

Encadre 1 - La part des personnes en situation d’illettrisme est cinq fois plus élevée en Guyane qu’en France hexagonale

Par convention, la définition d’illettrisme est applicable aux personnes qui ont débuté leur scolarité en France et qui ont des difficultés fortes face à l’écrit. En 2022 en Guyane routière, 18 000 personnes sont en situation d’illettrisme, soit un taux de 21 %. En France métropolitaine ce taux s’élève à 4 %.

En Guyane, l’illettrisme concerne plus fréquemment les hommes que les femmes : 24 % des hommes se trouvent en situation d’illettrisme contre 19 % des femmes. La part de personnes en situation d’illettrisme est plus élevée dans les QPV (32 %) qu’en dehors (14 %).

Encadré 2 - Des comparaisons entre territoires mais pas de comparaison temporelle

Les indicateurs de difficulté, et en particulier le taux d’illettrisme régional, calculés par le passé par le biais de l’enquête Information et vie quotidienne (IVQ) (la dernière en Guyane date de 2011) ne sont pas comparables aux indicateurs mesurés dans l’enquête Formation tout au long de la vie (FLV) de 2022. Tout d’abord, le champ n’est pas le même : les personnes de 16 et 17 ans et de 65 ans ne sont pas interrogées en 2022, contrairement à 2011. Par ailleurs, le protocole de questionnement a été modifié, en adossant notamment le module « compétences » à un volet sur la formation et en positionnant ces questions à la fin de l’enquête (sources). De plus, afin de limiter le temps d’interrogation, deux questions ont été retirées des exercices de calcul en 2022. Tous ces changements dans le protocole induisent des effets difficiles à mesurer et rendent ainsi toute comparaison temporelle inopportune. En revanche, la simultanéité des enquêtes ainsi que leur protocole identique permet des comparaisons entre territoires. Ainsi il est possible de comparer le taux de difficulté à l’écrit ou en calcul de la population guyanaise à celui de la France métropolitaine ou des autres régions ultramarines.

Publication rédigée par :Bénédicte Chanteur, Fernando Zavala (Insee)
Publication rédigée par :Bénédicte Chanteur, Fernando Zavala (Insee)

Sources

En Guyane, l’enquête Formation tout au long de la vie (FLV) a été réalisée en face-à-face de septembre 2022 à avril 2023 par les enquêteurs de l’Insee auprès des personnes résidant dans les communes desservies par la route (Guyane routière), à l’exclusion des communes Awala-Yalimapo, Iracoubo, Regina. Sont couvertes par l’enquête les communes suivantes : Apatou, Cayenne, Kourou, Macouria, Matoury, Mana, Montsinéry-Tonnegrande, Remire-Montjoly, Roura, Saint-Georges, Saint-Laurent du Maroni et Sinnamary.

L’enquête se compose de deux parties. Un premier volet, « formation », constitue la version française de l’enquête européenne Adult Education Survey (AES), visant à quantifier la participation des personnes en âge de travailler à la formation tout au long de la vie. Elle se concentre sur les études ou formations formelles suivies au cours des douze derniers mois, le parcours scolaire, les autres formations suivies, les difficultés pour suivre des formations, les apprentissages informels, la connaissance des droits en matière de formation, les langues et les origines géographiques, et l’état de santé de l’enquêté. Le second volet, « compétences », s’attache avant tout à évaluer les compétences en lecture et en écriture dans les gestes courants de la vie personnelle et professionnelle. Il permet notamment de mesurer l’illettrisme et comporte aussi un module sur l’usage d’Internet.

Le volet « compétences » de l’enquête FLV a été réalisé auprès d’un échantillon de 916 adultes répondants, âgés de 18 à 64 ans et il est composé d’exercices issus de l’enquête Information et Vie Quotidienne (IVQ) menée au niveau national en 2004 et 2011 [Degorre, Murat, 2010 ; pour en savoir plus (6)]. Ce module de l’enquête a été réalisé avec l’appui de l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme (ANLCI) et de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp) du ministère de l’Éducation nationale.

Le questionnement a été simplifié par rapport aux éditions précédentes d’IVQ. Chaque personne réalise un exercice d’orientation, portant sur une page d’un programme de télévision, qui permet d’évaluer la capacité à lire des mots isolés et à comprendre un texte simple (figure 5). Si les résultats à l’exercice d’orientation sont faibles, l’enquêté passe un test pour affiner le diagnostic sur ses difficultés : outre des questions sur la lecture de mots et la compréhension de textes courts, ce test évalue les capacités à produire des mots écrits (dictée d’une liste de courses).

Figure 5Le questionnement pour évaluer les compétences à l’écrit en 2022

Le questionnement pour évaluer les compétences à l’écrit en 2022
Exercices d’orientation Exercices complémentaires Évaluation des compétences à l’écrit
Réussite /// Pas de difficultés
Échec partiel ou total Réussite Pas de difficultés
60 – 80 % de réussite Difficultés modérées
0 – 60 % de réussite Difficultés fortes
Maîtrise insuffisante de la lecture ou du français pour passer les épreuves /// Difficultés fortes
  • /// : Absence de résultat due à la nature des choses.
  • Source : Insee-ANLCI, module "compétences" de l'enquête sur la formation tout au long de la vie, 2022-2023.

Figure 5Le questionnement pour évaluer les compétences à l’écrit en 2022

  • /// : Absence de résultat due à la nature des choses.
  • Source : Insee-ANLCI, module "compétences" de l'enquête sur la formation tout au long de la vie, 2022-2023.

Définitions

Difficultés face à l’écrit :

Une personne a des difficultés face à l’écrit lorsqu’elle a eu moins de 80 % de réussite à l’un des trois exercices portant sur les compétences fondamentales à l’écrit : lecture de mots, écriture de mots, compréhension de textes simples. Ces difficultés sont dites fortes lorsque le taux de réussite est de moins 60 % dans un exercice.

Difficultés en calcul :

Une personne a des difficultés en calcul lorsqu’elle a eu moins de 60 % de réussite aux questions de calculs (plus difficiles que celles à l’écrit).

Langue maternelle :

Le terme langue maternelle employé dans cette étude fait référence aux différentes langues parlées dans l’enfance à la maison. Lorsque le français n’en fait pas partie, la personne est qualifiée d’allophone.

Pour en savoir plus

(1) Retrouvez davantage de données associées à cette publication en téléchargement.

(2) Clarenc P., « Concentration des difficultés dans les quartiers urbains périphériques et à Saint-Laurent-du-Maroni », Insee Analyses Guyane no 48, décembre 2020.

(3) Gautier-Touzo M., Brouillaud A., Burricand C., Dauphin L., Monso O., 2024, « Ouvrir dans un nouvel ongletLes différences d’orientation entre les filles et les garçons à l’entrée de l’enseignement supérieur », Note d'Information, no 24.20, DEPP.

(4) Andreu S., Bret A., Lacroix A., Vourc’h R., 2023, « Ouvrir dans un nouvel ongletLes filles moins confiantes que les garçons concernant l’année à venir et sur leurs performances, notamment en mathématiques », Note d'Information, no 23.24, DEPP.

(5) Bentoudja L., Murat F., « En 2022, un adulte sur dix rencontre des difficultés à l’écrit », Insee Première no 1993, avril 2024.

(6) Degorre A., Murat F., « La mesure des compétences des adultes, un nouvel enjeu pour la statistique publique », Economie et Statistique no 424-425, février 2010.