Point de conjoncture du 9 septembre 2024

 

Au printemps 2024, l’économie française a continué de croître sur un rythme modéré (+0,2 %), portée par le commerce extérieur et les dépenses publiques. Parallèlement, l’investissement privé se replie et la consommation peine à redémarrer, malgré les gains de pouvoir d’achat permis par la désinflation. En Europe, l’Allemagne reste engluée dans la stagnation et les industriels y déplorent des carnets de commandes dégarnis, tandis que l’économie espagnole caracole. En France, le climat des affaires a connu un été agité, les anticipations des entreprises fluctuant nettement au gré des incertitudes politiques. D’ici la fin de l’année, la consommation des ménages reprendrait un peu d’élan et leurs dépenses immobilières cesseraient de baisser après trois années de repli continu. À l’inverse, les entreprises continueraient de freiner leurs investissements. Dans ce contexte, la croissance française, soutenue ponctuellement par les Jeux Olympiques et Paralympiques à l’été, resterait modeste d’ici décembre et s’établirait à +1,1 % sur l’ensemble de l’année 2024.

Point de conjoncture
Paru le :Paru le09/09/2024
 
Point de conjoncture- Septembre 2024

Au printemps 2024, l’activité économique en France a continué de progresser

L’activité économique française a progressé de +0,2 % au deuxième trimestre 2024 (figure 1). La demande intérieure est à l’arrêt pour le troisième trimestre consécutif : la consommation des ménages est restée atone (+0,1 %), tandis que l’investissement a reculé, pour les entreprises (-0,5 %) comme pour les ménages (-1,1 %). Les dépenses publiques constituent la seule source de dynamisme de la demande intérieure. Le commerce extérieur a, quant à lui, continué de soutenir l’activité : les exportations ont progressé modérément (+0,4 %) tandis que les importations se sont stabilisées (+0,1 %), après trois trimestres de repli. Au total, l’acquis de croissance pour 2024 à mi-année est de +0,9 %, pour l’essentiel porté par le commerce extérieur. Pour sa part, l’emploi salarié a marqué le pas au printemps (figure 2) : l’emploi a légèrement diminué dans le secteur privé, notamment dans l’intérim et la construction, mais a poursuivi sa hausse dans la fonction publique.

Figure 1Variations trimestrielles du PIB et contributions des principaux postes de la demande(en %)

  • Lecture : au deuxième trimestre 2024, le PIB a augmenté de +0,2 % par rapport au trimestre précédent ; les échanges extérieurs y ont contribué pour +0,1 point.
  • Source : Insee.

Figure 2Climat de l’emploi et évolution de l’emploi salarié marchand(glissement annuel en %, échelle de gauche ; moyenne de longue période 100, échelle de droite)

  • Lecture : en août 2024, le climat de l’emploi s’établit à 98 points, légèrement en dessous de sa moyenne de longue période. Au deuxième trimestre 2024, l’emploi salarié marchand non agricole augmente de 0,2 % sur un an.
  • Dernier point : août 2024 pour le climat de l’emploi ; deuxième trimestre 2024 pour l’emploi salarié marchand non agricole.
  • Source : Insee.

La croissance américaine demeure solide, l’Allemagne reste engluée

Aux États-Unis, l’activité n’a pas faibli : le PIB a progressé de +0,7 % au printemps et l’acquis de croissance pour 2024 s’établit déjà à +2,3 % à mi-année. Les enquêtes de conjoncture ont toutefois légèrement fléchi à l’été, laissant présager un second semestre un peu moins dynamique. Les effets des premières baisses de taux directeurs de la Réserve fédérale, attendues à partir de septembre, se diffuseraient lentement.

Dans la zone euro, où l’activité a connu cinq trimestres de stagnation entre l’été 2022 et l’automne 2023, la croissance est revenue depuis début 2024 : le PIB y a augmenté de +0,3 % au premier comme au deuxième trimestre. Cette reprise est portée par le commerce extérieur, alors que la demande intérieure reste atone, et masque toujours d’importantes disparités (figure 3). Encore une fois, l’activité en Espagne s’est montrée vigoureuse (+0,8 % au deuxième trimestre, soit un acquis de croissance pour 2024 de +2,4 % à mi-année), tandis que l’économie allemande reste à l’arrêt (-0,1 %, soit un acquis de croissance nul pour 2024). En Italie, la croissance est restée modérée (+0,2 %, soit un acquis de croissance pour 2024 de +0,6 %). Pour le second semestre, les réponses des entreprises aux enquêtes de conjoncture indiquent que ce décalage entre les différentes économies du Vieux Continent se maintiendrait : les industriels allemands demeurent très pessimistes, tandis qu’en Espagne, les perspectives d’activité apparaissent nettement plus favorables. L’inflation a toutefois nettement reflué à 2,2 % en août (après 2,6 % en juillet) ce qui alimente des gains de pouvoir d’achat dans tous les pays de la zone.

Figure 3Indicateurs de climat des affaires en zone euro(climat centré réduit)

  • Lecture : en Espagne, en août 2024, le climat général des affaires se situe 0,7 écart-type au-dessus de son niveau moyen de long terme.
  • Dernier point : août 2024.
  • Source : Enquêtes DG ECFIN, calculs Insee.

L’inflation poursuivrait sa décrue d’ici la fin de l’année

En France aussi, la désinflation se poursuit, à un rythme plus rapide que prévu (figure 4) : l’inflation s’est établie à +1,9 % en août 2024 (selon l’estimation provisoire) après +2,3 % en juillet. C’est la première fois depuis trois ans que l’inflation passe sous le seuil des 2 %.

Figure 4Inflation d’ensemble et contributions par poste(glissement annuel en % et contribution en points)

  • Note : pour août 2024, l’inflation d’ensemble constitue une estimation provisoire, l’inflation sous-jacente une prévision.
  • Lecture : en août 2024, l’indice des prix à la consommation a augmenté de 1,9 % sur un an, selon l’estimation provisoire. Les services ont contribué pour 1,6 point à cette hausse.
  • Source : Insee.

Malgré les tensions persistantes au Proche-Orient, les cours du pétrole sont orientés à la baisse depuis la mi-juillet, en raison d’une demande intérieure atone en Chine : en prévision, le baril s’établirait à 78 $ jusqu’à la fin de l’année, soit 71 € le baril. À l’inverse, le prix du gaz en Europe augmente tendanciellement depuis plusieurs mois, compte tenu de l’évolution du conflit russo-ukrainien. Sous ces hypothèses, la progression sur un an des prix de l’énergie resterait contenue et s’établirait à +0,9 % en décembre 2024.

L’inflation alimentaire, principale contributrice à l’inflation d’ensemble entre septembre 2022 et septembre 2023, s’est établie en août 2024 à +0,5 % sur un an, et garderait un rythme comparable d’ici la fin décembre 2024. Les prix des produits manufacturés ont également ralenti depuis le début de l’année : en août, leur évolution sur un an est de -0,1 %. Ce rythme s’élèverait un peu d’ici la fin 2024, sous l’effet de la hausse des coûts du fret, sans toutefois que celle-ci contribue significativement à l’inflation d’ensemble. Côté services, les entreprises répercutent les hausses de salaires passées et les prix continueraient de progresser : en août 2024, ils sont en hausse de +3,1 % sur un an, soutenus temporairement par le relèvement des tarifs des transports en Île-de-France ; ce rythme ralentirait à +2,4 % en décembre.

Au total, l’inflation resterait inférieure à +2,0 % d’ici la fin de l’année, et s'établirait à +1,6 % sur un an en décembre 2024. L'inflation sous-jacente aurait un rythme comparable. Sous ces hypothèses, une revalorisation automatique du Smic d’ici la fin de l’année apparaît très incertaine.

Les anticipations des entreprises secouées par les incertitudes politiques

Alors que les indicateurs synthétiques issus des enquêtes de conjoncture sont restés relativement stables et proches de leur moyenne de long terme tout au long du printemps (figure 5), ces derniers ont connu un été agité : le climat des affaires, qui synthétise les réponses des chefs d’entreprises collectées majoritairement avant le second tour des élections législatives, a brusquement reculé en juillet pour s’établir à 94, puis a rebondi au mois d’août, à 97. Si l’indicateur synthétique a retrouvé son niveau de juin dans l’industrie et la construction, il ne s’est que partiellement redressé dans les services. En outre, les derniers indicateurs conjoncturels signalent un été morose, en particulier dans l’industrie où la production a fortement reculé en juillet. Alors que l’industrie butait principalement sur des contraintes d’offre jusqu’en avril, les difficultés de demande ressurgissent et sont désormais aussi souvent citées (figure 6) : elles sont notamment prééminentes dans l’automobile. À l’inverse, les carnets de commandes, notamment étrangers, sont jugés très garnis dans l’aéronautique et la production y est surtout limitée par des contraintes d’offre.

Figure 5Indicateurs de climat des affaires en France(normalisé de moyenne 100 et d’écart-type 10)

  • Lecture : en août 2024, le climat des affaires en France s’élève à 97, au-dessous de sa moyenne de longue période (100).
  • Dernier point : août 2024.
  • Source : Insee, enquêtes de conjoncture auprès des entreprises.

Figure 6Difficultés d’offre et de demande dans l’industrie(en %)

  • Lecture : en août 2024, 24  % des industriels ont rencontré des difficultés d’offre seulement, 28 % des difficultés de demande seulement.
  • Dernier point : août 2024.
  • Source : Insee , enquête de conjoncture dans l’industrie.

L’amélioration du pouvoir d’achat se traduirait par une reprise modérée de la consommation

Du côté de la demande, la consommation des ménages a été atone au printemps 2024 (figure 7). Par produit, les achats alimentaires ont reculé une nouvelle fois (-1,6 %). À l’inverse, la consommation d’énergie du logement a nettement rebondi (+3,0 %). Du côté des services, la consommation a gardé un rythme plus tendanciel (+0,5 %).

Figure 7Consommation des ménages(variations trimestrielles en % et contributions en points)

  • Note : la correction territoriale désigne les achats faits par les résidents français à l’étranger (comptabilisés également en importations) nets des achats des non-résidents réalisés en France (comptabilisés en exportations).
  • Lecture : au deuxième trimestre 2024, la consommation des ménages a augmenté de +0,1 % par rapport au trimestre précédent. La consommation en énergie, eau, déchets a contribué à hauteur de +0,1 point à l’évolution de la consommation.
  • Source : Insee.

Pour la fin d’année 2024, la consommation des ménages augmenterait franchement à l’été, sous l’effet des dépenses liées aux Jeux Olympiques et Paralympiques, du fait principalement des achats de billets pour les épreuves, enregistrés en comptabilité nationale au moment de la tenue de ces dernières, et, dans une moindre mesure, des dépenses additionnelles dans l’hôtellerie-restauration et les transports franciliens (Note de conjoncture de juillet 2024). Par contrecoup, la consommation des ménages marquerait le pas en fin d’année.

Au-delà de ce profil heurté, le rythme moyen de la consommation des ménages s’élèverait un peu en cette fin d’année. Des gains de pouvoir d’achat ont été engrangés par les ménages fin 2023 et début 2024 notamment du fait de la revalorisation des prestations sociales sur l’inflation passée, mais ils n’ont pas été dépensés : le taux d’épargne se situe, en effet, encore largement au-dessus de son niveau d’avant crise (17,9 % au deuxième trimestre 2024 contre 14,6 % en moyenne en 2019). Pour la fin d’année, les indicateurs avancés suggèrent une légère embellie sur le front de la consommation (figure 8) : la confiance des ménages, bien que toujours en deçà de sa moyenne de long terme, se redresse depuis mi-2022, le climat des affaires dans l’industrie agro-alimentaire s’améliore nettement, signe d’une reprise possible de la consommation alimentaire, et les entrepreneurs de l’hébergement-restauration sont optimistes sur leurs perspectives de demande. Seule ombre au tableau, le climat des affaires dans le commerce de détail demeure bien en dessous de sa moyenne de long terme, le léger redressement en août n’ayant pas rattrapé sa nette dégradation de juillet.

Figure 8Climat des affaires dans le commerce de détail, dans l’industrie agroalimentaire, dans l’hébergement-restauration et confiance des ménages(normalisé de moyenne 100 et d’écart-type 10)

  • Lecture : en août 2024, la confiance des ménages s’élève à 92 points, au-dessous de sa moyenne de longue période (100).
  • Dernier point : août 2024.
  • Source : Insee, enquêtes de conjoncture.

L’investissement des entreprises en repli, celui des ménages en voie de stabilisation

L’investissement des entreprises a continué de reculer au printemps, pour le troisième trimestre consécutif. D’ici la fin de l’année, il resterait pénalisé par les conditions de financement, par le redémarrage entravé de la demande dans la zone euro et par l’incertitude politique. L’assouplissement monétaire engagé ne produirait pas encore ses effets d’ici la fin de l’année. Les signaux conjoncturels les plus récents sont mal orientés (figure 9) : dans l’industrie des biens d’équipement, le climat des affaires s’est établi à 94 en août, son plus bas niveau depuis la pandémie. De plus, la tendance prévue des investissements recule dans les services. En particulier, dans le secteur de l’information-communication, le climat des affaires est passé en dessous de sa moyenne de long terme en juillet 2024, pour la première fois depuis le printemps 2021 : alors qu’ils constituaient un soutien constant de la croissance française depuis la crise sanitaire, les investissements des entreprises françaises en logiciels semblent se gripper.

Figure 9Climat des affaires dans l’information-communication et dans l’industrie des biens d’équipement(normalisé de moyenne 100 et d’écart-type 10)

  • Dernier point : août 2024.
  • Source : Insee, enquêtes de conjoncture.

Du côté des ménages, l’investissement s’est replié au printemps pour le douzième trimestre consécutif (-1,1 %). Au second semestre, il se stabiliserait : leur investissement en logement neuf cesserait de reculer (traduisant avec retard la dynamique des mises en chantier), tandis que leur investissement en services, qui comprend les frais d’achat de logements anciens, se reprendrait un peu, porté par le rebond de la part des ménages ayant l’intention d’acheter un logement en juillet 2024 (figure 10). Dans ce secteur, la baisse des taux d’intérêt se diffuserait rapidement et favoriserait une timide reprise du marché immobilier.

Figure 10Part des ménages ayant l’intention d’acheter un logement et nombre de transactions immobilières(données non CVS)

  • Dernier point : août 2024 pour la part de ménages ayant l’intention d’acheter un logement ; juin 2024 pour le nombre de transactions immobilières.
  • Source : Insee, enquête mensuelle de conjoncture auprès des ménages (Camme) ; Inspection générale de l’environnement et du développement durable.

Croissance fragilisée

Au total, l’activité progresserait de +0,4 % cet été, soutenue par la tenue des Jeux Olympiques et Paralympiques dont l’impact sur la croissance du trimestre est estimé à 0,3 point (Note de conjoncture de juillet 2024), avant de se replier de -0,1 % par contrecoup à l’automne (figure 11). Sur l’ensemble de l’année 2024, la croissance atteindrait +1,1 %, comme en 2023. L’élan pour 2025 serait faible : l’acquis de croissance fin 2024 s’élèverait à +0,2 %.

Figure 11Activité économique (PIB) passée et prévue

(variations trimestrielles et annuelles en %)
Activité économique (PIB) passée et prévue ((variations trimestrielles et annuelles en %))
2022 2023 2024 2022 2023 2024
(p)
T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3
(p)
T4
(p)
Produit intérieur brut (PIB) -0,2 0,4 0,5 0,1 0,0 0,7 0,1 0,4 0,3 0,2 0,4 -0,1 2,6 1,1 1,1
  • (p) Prévision.
  • Lecture : au deuxième trimestre 2024, le PIB a progressé de +0,2 %. Il augmenterait de 0,4 % au troisième trimestre 2024.
  • Source : Insee.

Plusieurs aléas sont susceptibles d’affecter ce scénario, à la hausse comme à la baisse. Sur le plan extérieur, la reprise de l’économie allemande ne cesse d’être repoussée : une sortie de l’ornière apporterait un soutien bienvenu, tandis qu’une entrée en récession franche freinerait les exportations françaises. En France, alors que la croissance est principalement portée par le commerce extérieur et les dépenses publiques depuis trois trimestres, la situation politique reste un facteur important d’incertitude. Sur le plan budgétaire, l’orientation à court terme reste à préciser. Le contexte est également susceptible d’affecter le comportements des agents privés : du côté des ménages, les récents gains de pouvoir d’achat n’ont pas encore été consommés et les signaux conjoncturels témoignent pour l’heure d’une reprise modérée de la consommation ; quant aux entreprises, un attentisme relatif semble de mise mais les récentes fluctuations du climat des affaires attestent que les anticipations peuvent s’ajuster rapidement.