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Insee Analyses · Septembre 2024 · n° 96
Insee AnalysesLes effets du mois de naissance sur la réussite scolaire à 15 ans : une comparaison internationale

Pauline Givord (Insee)

Les enfants n’entrent pas tous à l’école ni au même âge ni avec le même degré de maturité. La date de rentrée scolaire en CP étant la même pour tous les enfants nés une même année civile, un élève né en janvier a presque un an de plus qu’un élève né en décembre, ce qui peut constituer un avantage pour les apprentissages.

D’après les résultats au test PISA analysés dans une quinzaine de pays dont la France, les effets de l’âge à l’entrée à l'école sont durables : en moyenne, être plus jeune d’un an à l’entrée à l’école baisse d’environ 20 points les performances à 15 ans en mathématiques, sciences et lecture. Dans plusieurs pays, être plus jeune à l’entrée à l’école augmente également le risque de redoubler au cours de sa scolarité et d’être exposé au harcèlement. Les élèves les plus jeunes expriment des compétences sociales et émotionnelles plus faibles, et ont moins confiance dans leurs capacités. Ils sont par exemple moins nombreux à envisager de faire des études supérieures.

L’ampleur de ces effets est cependant variable selon les pays. Des études montrent que certaines pratiques scolaires (comme des journées plus longues, des classes plus chargées) pourraient amplifier les effets de l’âge d’entrée à l’école.

Des différences de maturité selon le mois de naissance, marquées en début de scolarité

Cela fait-il une différence dans la vie d’être né en janvier plutôt qu’en décembre ? Aussi étrange que cela puisse sembler, la réponse est en partie oui dans de nombreux domaines. Au départ, ces effets proviennent des règles administratives entourant la scolarisation : l’année scolaire commence à une date fixe, alors que les naissances s’étalent sur l’ensemble de l’année. Par exemple, en France, les élèves entrent en principe au CP l’année de leurs 6 ans, mais les élèves nés en décembre ont onze mois de moins que ceux nés en janvier, soit un écart d’âge de 20 %. Pour atténuer ces écarts, des assouplissements sont parfois possibles, notamment à la demande des parents. En Italie par exemple, il est possible d’anticiper l’entrée à l’école pour les enfants nés de janvier à avril, qui seraient sinon les plus âgés de leur classe et donc potentiellement moins « stimulés » que dans la classe supérieure. À l’inverse, il est fréquent dans certains pays anglo-saxons ou en Allemagne de retarder l’entrée à l’école des élèves les plus jeunes d’une cohorte scolaire, quand ils ne sont pas jugés prêts pour rentrer à l’école.

Attendus dans les premières années de scolarité, ces écarts ne se résorbent pas toujours au cours du temps. Sur données françaises, Ouvrir dans un nouvel ongletGrenet (2010) met ainsi en évidence des effets sur la réussite scolaire. Ces effets persistants du mois de naissance sur la réussite dépassent le cadre scolaire : des études l’observent parmi les footballeurs professionnels de l’équipe de France, parmi les sénateurs aux États-Unis ainsi que parmi les dirigeants des grandes entreprises américaines (voir Givord (2024) pour une revue). Cette persistance peut s’expliquer par des effets cumulatifs : une réussite scolaire précoce crée une dynamique positive qui s'auto-alimente au fil de la scolarité. À l’inverse, les élèves les plus jeunes peuvent avoir des résultats décevants en début de scolarité et être étiquetés en difficulté, fragilisant leur estime de soi et leur motivation. La persistance de l’effet sur la réussite scolaire de l’âge à l’entrée à l’école questionne la capacité du système éducatif à gérer l’hétérogénéité des élèves. Il est en effet très peu probable que ces écarts persistants selon l’âge à l’entrée à l’école proviennent de pratiques familiales variables en fonction du mois de naissance.

Être plus âgé à l’entrée à l'école augmente la réussite scolaire à 15 ans

Les données du Programme international de suivi des acquis des élèves (PISA) permettent de mesurer les effets de l’ sur les performances à 15 ans, et de les comparer entre plusieurs pays (sources). Dans la quinzaine de pays étudiés, le fait d’être plus âgé que ses pairs à l’entrée à l’école augmente significativement les performances dans les matières scolaires mesurées (lecture, mathématiques et sciences). En moyenne sur l’ensemble de ces pays et sur les trois dernières vagues de l’enquête (2015, 2018 et 2022), être plus âgé d’un an à l’entrée à l’école augmente la performance de 21 points en lecture (soit 0,21 écart-type), de 18 points en mathématiques et en sciences (figure 1). À titre de comparaison, ces écarts sont du même ordre que la progression constatée lors d’une année d’études, telle qu’estimée dans les pays sur lesquels cette évaluation est possible (méthodes). Ces variations restent néanmoins bien plus réduites que les inégalités de performance liées à l’origine sociale : en moyenne dans l’OCDE, le quart des élèves les plus défavorisés en matière d’origine sociale, telle que mesurée par l’, a obtenu un score en mathématiques inférieur de 92 points à celui du quart le plus favorisé (et de 112,5 points en France [Ouvrir dans un nouvel ongletBernigole et al., 2023]).

Figure 1 – Effet d’être plus âgé d’un an à l’entrée à l’école sur la performance des élèves à 15 ans

en points
Figure 1 – Effet d’être plus âgé d’un an à l’entrée à l’école sur la performance des élèves à 15 ans (en points) - Lecture : En France, le fait d’être plus âgé d’un an à l’entrée à l’école en CP augmente de 18,4 points en moyenne le score en lecture à 15 ans, en moyenne sur les trois dernières vagues PISA.
Pays Lecture Mathématiques Sciences
Effet estimé Bornes à 95 % Effet estimé Bornes à 95 % Effet estimé Bornes à 95 %
Angleterre et Pays de Galles 21,7 [9,9 ; 33,5] 19,0 [7,7 ; 30,4] 12,9 [0,2 ; 25,5]
Autriche 17,0 [0,1 ; 34,0] 15,8 [0,5 ; 31,1] 13,5 [-1,4 ; 28,5]
Belgique 15,7 [9,0 ; 22,4] 15,3 [9,5 ; 21,1] 18,2 [11,6 ; 24,7]
Corée du Sud 12,6 [7,0 ; 18,1] 15,7 [10,2 ; 21,1] 13,8 [8,8 ; 18,9]
Danemark 10,5 [5,2 ; 15,7] 12,2 [7,6 ; 16,8] 13,2 [8,3 ; 18,1]
Espagne 16,9 [11,6 ; 22,2] 17,3 [12,8 ; 21,8] 16,3 [11,9 ; 20,7]
Estonie 10,5 [4,9 ; 16,0] 10,3 [5,6 ; 15,1] 12,6 [7,8 ; 17,5]
Finlande 18,1 [11,0 ; 25,1] 10,3 [4,9 ; 15,7] 14,9 [8,1 ; 21,8]
France 18,4 [12,5 ; 24,3] 13,8 [8,1 ; 19,5] 16,9 [10,9 ; 22,9]
Italie 28,6 [21,4 ; 35,8] 29,3 [21,0 ; 37,6] 26,8 [17,9 ; 35,7]
Japon 23,4 [13,8 ; 33,0] 19,3 [10,2 ; 28,4] 21,2 [12,0 ; 30,3]
Mexique 20,8 [14,4 ; 27,2] 16,9 [11,3 ; 22,4] 17,8 [12,6 ; 22,9]
Norvège 18,7 [8,1 ; 29,3] 15,7 [6,0 ; 25,4] 19,6 [10,7 ; 28,4]
Pays-Bas 11,1 [1,9 ; 20,2] 9,0 [1,3 ; 16,8] 13,4 [4,9 ; 21,8]
Pologne 15,1 [8,2 ; 22,0] 14,7 [8,7 ; 20,7] 13,4 [6,4 ; 20,3]
Singapour 10,6 [5,4 ; 15,9] 13,5 [8,2 ; 18,9] 14,1 [8,3 ; 19,9]
Ensemble des 16 pays 20,6 [17,6 ; 23,5] 18,2 [15,5 ; 20,9] 18,4 [15,6 ; 21,1]
  • Lecture : En France, le fait d’être plus âgé d’un an à l’entrée à l’école en CP augmente de 18,4 points en moyenne le score en lecture à 15 ans, en moyenne sur les trois dernières vagues PISA.
  • Champ : Élèves âgés de 15 ans.
  • Source : OCDE, PISA 2015, 2018 et 2022; calculs des auteurs.

Ces effets sont cependant d’ampleur variable selon les pays : être plus âgé que ses pairs d’un an à l’entrée à l’école augmente de 29 points le score en mathématiques en Italie, contre 10 points en Estonie et en Finlande et 9 points aux Pays-Bas. En France, l’effet est de 14 points en mathématiques, de 17 points en sciences, et de 18 points en lecture.

Les plus jeunes à l’entrée à l’école ont plus de risques de redoubler

Ces écarts de réussite se reflètent dans les parcours scolaires. Ainsi, les élèves les plus jeunes à l’entrée à l’école déclarent nettement plus souvent que les autres avoir redoublé au cours de leur scolarité. La pratique du redoublement varie fortement selon les pays. Elle est très marginale dans de nombreux pays, moins de 3 % des élèves de 15 ans déclarent avoir redoublé auparavant en Estonie, en Corée du Sud et en Finlande, alors qu’en Belgique et en Espagne, c’est le cas de 22 % des élèves en 2022. En France, cette part est de 10 %, deux fois moins qu’en 2015. Toutefois, dans les pays où le redoublement est fréquent, le fait d’être plus vieux d’un an à l’entrée à l’école réduit de plus de 10 points la probabilité de redoubler à l'école élémentaire (figure 2). En revanche, l’effet est beaucoup plus modeste sur le redoublement dans le secondaire, les écarts de maturité relative se réduisant avec l’âge. L’effet de l’âge à l’entrée à l’école sur le risque de redoublement est amplifié par l’origine sociale des élèves : en Belgique, en France et en Espagne, le fait d’entrer tôt à l’école augmente de plus de 15 points la probabilité de redoubler lorsque l’élève fait partie du quart le plus défavorisé en matière d’origine sociale, contre moins de 5 points de pourcentage quand il fait partie du quart des élèves les plus favorisés. Il est probable que les familles favorisées disposent de davantage de ressources pour compenser les difficultés ressenties par leurs enfants quand ils entrent plus jeunes à l’école.

Figure 2 – Effet d’être plus âgé d’un an à l’entrée à l’école sur la probabilité d’avoir redoublé à l'école élémentaire, selon l’origine économique, sociale, et culturelle des élèves de 15 ans

en points
Figure 2 – Effet d’être plus âgé d’un an à l’entrée à l’école sur la probabilité d’avoir redoublé à l'école élémentaire, selon l’origine économique, sociale, et culturelle des élèves de 15 ans (en points) - Lecture : En France, le fait d’être plus âgé d’un an à l’entrée à l’école réduit la probabilité d’avoir redoublé à l'école élémentaire de 17 points pour les élèves de 15 ans les plus défavorisés (premier quart de la distribution de l’indice PISA de statut économique, social et culturel), en moyenne sur les trois dernières vagues PISA.
Pays Probabilité de redoubler (en %) Premier quart Deuxième quart Troisième quart Quatrième quart Ensemble
Effet estimé Bornes à 95 % Effet estimé Bornes à 95 % Effet estimé Bornes à 95 % Effet estimé Bornes à 95 % Effet estimé Bornes à 95 %
Angleterre et Pays de Galles 1,8 0,06 [0,02 ; 0,10] 0,03 [0,00 ; 0,06] 0,02 [0,00 ; 0,05] -0,01 [-0,03 ; 0,01] 0,03 [0,01 ; 0,04]
Autriche 6,8 -0,05 [-0,32 ; 0,23] -0,08 [-0,24 ; 0,08] -0,16 [-0,44 ; 0,11] -0,14 [-0,41 ; 0,13] -0,11 [-0,14 ; -0,07]
Belgique 17,6 -0,17 [-0,25 ; -0,10] -0,18 [-0,24 ; -0,12] -0,11 [-0,15 ; -0,07] -0,06 [-0,09 ; -0,04] -0,13 [0,16 ; 0,10]
Corée du Sud 3,9 0,00 [-0,02 ; 0,02] 0,01 [-0,02 ; 0,03] 0,01 [-0,01 ; 0,03] 0,01 [-0,01 ; 0,03] 0,01 [-0,01 ; 0,02]
Danemark 2,9 -0,03 [-0,05 ; -0,01] -0,03 [-0,05 ; -0,01] -0,02 [-0,03 ; 0,00] -0,01 [-0,03 ; 0,00] -0,02 [-0,03 ; -0,01]
Espagne 11,4 -0,15 [-0,20 ; -0,11] -0,10 [-0,13 ; -0,07] -0,05 [-0,08 ; -0,03] -0,03 [-0,04 ; -0,01] -0,08 [-0,09 ; -0,06]
Estonie 2,4 -0,04 [-0,07 ; -0,02] -0,01 [-0,03 ; 0,00] -0,01 [-0,03 ; 0,00] -0,01 [-0,02 ; 0,01] -0,02 [-0,03 ; -0,01]
Finlande 2,6 -0,03 [-0,06 ; 0,00] -0,03 [-0,05 ; -0,01] -0,02 [-0,04 ; -0,01] -0,01 [-0,03 ; 0,00] -0,02 [-0,03 ; -0,01]
France 10,4 -0,17 [-0,23 ; -0,11] -0,11 [-0,15 ; -0,06] -0,07 [-0,10 ; -0,04] -0,03 [-0,05 ; -0,01] -0,09 [-0,11 ; -0,07]
Italie 1,3 -0,01 [-0,04 ; 0,01] -0,01 [-0,03 ; 0,01] -0,01 [-0,03 ; 0,00] -0,01 [-0,03 ; 0,01] -0,01 [-0,02 ; 0,00]
Mexique 9,7 -0,02 [-0,06 ; 0,03] -0,04 [-0,09 ; 0,01] -0,05 [-0,09 ; -0,01] -0,01 [-0,03 ; 0,01] -0,03 [-0,05 ; -0,01]
Pays-Bas 13,6 -0,07 [-0,12 ; -0,01] -0,03 [-0,08 ; 0,01] -0,06 [-0,10 ; -0,01] -0,10 [-0,14 ; -0,06] -0,06 [-0,09 ; -0,04]
Pologne 1,7 -0,05 [-0,08 ; -0,02] 0,00 [-0,01 ; 0,02] -0,02 [-0,03 ; 0,00] -0,01 [-0,02 ; 0,00] -0,02 [-0,03 ; -0,01]
Singapour 2,2 0,00 [-0,02 ; 0,02] -0,01 [-0,03 ; 0,01] 0,00 [-0,01 ; 0,01] -0,01 [-0,02 ; 0,00] -0,01 [-0,01 ; 0,00]
Ensemble des 14 pays /// -0,04 [-0,06 ; -0,02] -0,04 [-0,06 ; -0,03] -0,04 [-0,05 ; -0,03] -0,03 [-0,04 ; -0,02] -0,03 [-0,04 ; -0,03]
  • /// : absence de résultat due à la nature des choses.
  • Lecture : En France, le fait d’être plus âgé d’un an à l’entrée à l’école réduit la probabilité d’avoir redoublé à l'école élémentaire de 17 points pour les élèves de 15 ans les plus défavorisés (premier quart de la distribution de l’indice PISA de statut économique, social et culturel), en moyenne sur les trois dernières vagues PISA.
  • Champ : Élèves âgés de 15 ans.
  • Source : OCDE, PISA 2015, 2018 et 2022; calculs des auteurs.

Figure 2 – Effet d’être plus âgé d’un an à l’entrée à l’école sur la probabilité d’avoir redoublé à l'école élémentaire, selon l’origine économique, sociale, et culturelle des élèves de 15 ans

  • Lecture : En France, le fait d’être plus âgé d’un an à l’entrée à l’école réduit la probabilité d’avoir redoublé à l'école élémentaire de 17 points pour les élèves de 15 ans les plus défavorisés (premier quart de la distribution de l’indice PISA de statut économique, social et culturel), en moyenne sur les trois dernières vagues PISA.
  • Champ : Élèves âgés de 15 ans.
  • Source : OCDE, PISA 2015, 2018 et 2022; calculs des auteurs.

La plus forte probabilité de redoublement des élèves les plus jeunes à l’entrée à l’école explique en partie les écarts de performance au test PISA. Les élèves qui ont redoublé avant 15 ans sont dans une classe de niveau inférieur et ont donc bénéficié de moins d’enseignements pour réussir le test que ceux qui n’ont pas redoublé. Le redoublement peut aussi avoir un effet indirect : même si cette pratique permet aux élèves en difficulté de disposer de plus de temps pour leurs apprentissages, les résultats de la recherche montrent qu’elle ne serait au mieux efficace qu’à court terme, avec le risque sur le long terme d’entamer la confiance en eux des élèves et leurs motivations. Le redoublement n’est cependant pas le seul canal par lequel transitent les effets persistants de l’âge à l’entrée à l’école, puisque ces derniers s’observent également dans les pays où cette pratique est marginale.

Plus généralement, l’âge à l’entrée à l’école influence la qualité des relations à l’école. Les élèves les plus jeunes lors de l’entrée à l’école déclarent plus souvent que leurs pairs plus âgés qu’ils estiment être traités de manière « injuste » par leurs enseignants. Dans plusieurs pays, ils ont également plus de risques de subir une situation de harcèlement : en France et aux Pays-Bas, le fait d’être entré plus jeune à l’école augmente l’ de 0,2 écart-type, l’augmentation est en moyenne de 0,1 écart-type sur l’ensemble des pays (figure 3). Il est possible que les élèves les plus jeunes à l’entrée à l’école aient des caractéristiques physiques ou sociales, comme une plus grande timidité ou une moindre assurance, qui les exposent plus à du harcèlement.

Figure 3 – Effet d’être plus âgé d’un an à l’entrée à l’école sur l’exposition au harcèlement des élèves de 15 ans

en écart-type
Figure 3 – Effet d’être plus âgé d’un an à l’entrée à l’école sur l’exposition au harcèlement des élèves de 15 ans (en écart-type) - Lecture : En France, le fait d’être plus âgé d’un an à l’entrée à l’école réduit en moyenne l’indice de harcèlement de 0,2 écart-type à l’âge de 15 ans.
Pays Effet estimé Bornes à 95 %
Angleterre et Pays de Galle 0,02 [-0,20 ; 0,24]
Autriche -0,20 [-0,42 ; 0,01]
Belgique -0,09 [-0,18 ; 0,01]
Danemark -0,03 [-0,10 ; 0,05]
Espagne -0,04 [-0,10 ; 0,03]
Estonie -0,07 [-0,18 ; 0,03]
Finlande -0,03 [-0,14 ; 0,09]
France -0,20 [-0,32 ; -0,07]
Italie -0,18 [-0,34 ; -0,02]
Japon 0,05 [-0,12 ; 0,22]
Mexique -0,09 [-0,20 ; 0,02]
Pays-Bas -0,20 [-0,31 ; -0,08]
Pologne 0,02 [-0,13 ; 0,17]
Singapour -0,09 [-0,18 ; 0,00]
Ensemble des 16 pays -0,07 [-0,12 ; -0,02]
  • Note : Pour cet indicateur, les données ne sont pas disponibles en 2018 pour la Norvège et la Corée du Sud.
  • Lecture : En France, le fait d’être plus âgé d’un an à l’entrée à l’école réduit en moyenne l’indice de harcèlement de 0,2 écart-type à l’âge de 15 ans.
  • Champ : Élèves âgés de 15 ans.
  • Source : OCDE, PISA 2018; calculs des auteurs.

Figure 3 – Effet d’être plus âgé d’un an à l’entrée à l’école sur l’exposition au harcèlement des élèves de 15 ans

  • Note : Pour cet indicateur, les données ne sont pas disponibles en 2018 pour la Norvège et la Corée du Sud.
  • Lecture : En France, le fait d’être plus âgé d’un an à l’entrée à l’école réduit en moyenne l’indice de harcèlement de 0,2 écart-type à l’âge de 15 ans.
  • Champ : Élèves âgés de 15 ans.
  • Source : OCDE, PISA 2018; calculs des auteurs.

Au-delà des résultats scolaires, des effets sur les compétences sociales et émotionnelles

L’enquête PISA permet d’aller au-delà des seuls constats sur les résultats scolaires et permet de mesurer un large spectre de compétences sociales et émotionnelles comme la persévérance, la motivation, la confiance en soi ou l’ouverture aux autres [Ouvrir dans un nouvel ongletOCDE, 2024]. Ces traits sont valorisés sur le marché du travail, au-delà des capacités cognitives [Ouvrir dans un nouvel ongletHeckman, Kautz, 2012] et sont donc considérés comme en partie prédictifs de la réussite future. Ces compétences peuvent cependant évoluer en fonction du contexte et des expériences vécues par les enfants. En moyenne sur les seize pays étudiés, les élèves les plus âgés à l’entrée à l’école expriment un niveau plus élevé de compétences sociales et émotionnelles que les plus jeunes (figure 4). Ils ont de plus grandes compétences relationnelles : ils expriment ainsi un niveau plus élevé d’empathie, mais savent aussi mieux s’affirmer de manière positive (). Ils sont aussi plus motivés, et présentent des niveaux plus élevés de persévérance, de capacité à réguler leurs émotions et de résister au stress. Les élèves entrés plus âgés à l’école sont aussi plus nombreux à envisager à 15 ans de faire des études supérieures (+5 points de pourcentage en moyenne). Ces résultats sont cohérents avec de possibles mécanismes de renforcement positif ou négatif selon les facilités perçues en début de scolarité.

Figure 4 – Effet d’être plus âgé d’un an à l’entrée à l’école sur les compétences sociales et émotionnelles à 15 ans, en moyenne sur les 16 pays analysés

en écart-type
Figure 4 – Effet d’être plus âgé d’un an à l’entrée à l’école sur les compétences sociales et émotionnelles à 15 ans, en moyenne sur les 16 pays analysés (en écart-type) - Lecture : En moyenne sur les 16 pays étudiés, le fait d’être plus âgé d’un an à l’entrée à l’école augmente de 0,15 écart-type l’indice d’assertivité.
Compétences Effet estimé Bornes à 95 %
Goût pour la compétition 0,03 [-0,01 ; 0,07]
Résistance au stress 0,06 [0,02 ; 0,11]
Empathie 0,07 [0,03 ; 0,11]
Gestion des émotions 0,07 [0,03 ; 0,11]
Motivation à maîtriser les tâches 0,07 [0,04 ; 0,11]
Persévérance 0,08 [0,04 ; 0,12]
Curiosité 0,08 [0,04 ; 0,12]
Auto-efficacité 0,12 [0,08 ; 0,16]
Assertivité 0,15 [0,10 ; 0,19]
  • Note : Les indices mesurant le goût pour la compétition, la motivation à maîtriser les tâches, l'auto-efficacité proviennent de PISA 2018, les autres indices de PISA 2022.
  • Lecture : En moyenne sur les 16 pays étudiés, le fait d’être plus âgé d’un an à l’entrée à l’école augmente de 0,15 écart-type l’indice d’assertivité.
  • Champ : Élèves âgés de 15 ans.
  • Source : OCDE, PISA 2018 et 2022 ; calculs des auteurs.

Figure 4 – Effet d’être plus âgé d’un an à l’entrée à l’école sur les compétences sociales et émotionnelles à 15 ans, en moyenne sur les 16 pays analysés

  • Note : Les indices mesurant le goût pour la compétition, la motivation à maîtriser les tâches, l'auto-efficacité proviennent de PISA 2018, les autres indices de PISA 2022.
  • Lecture : En moyenne sur les 16 pays étudiés, le fait d’être plus âgé d’un an à l’entrée à l’école augmente de 0,15 écart-type l’indice d’assertivité.
  • Champ : Élèves âgés de 15 ans.
  • Source : OCDE, PISA 2018 et 2022 ; calculs des auteurs.

La persistance des effets de l’âge à l’entrée à l’école n’est cependant pas une fatalité, comme l’illustrent les écarts entre les systèmes scolaires, voire au cours du temps au sein de mêmes systèmes scolaires [Givord, 2024]. Les données ne sont cependant pas suffisantes pour identifier si ces différences proviennent de simples variations statistiques, ni pour isoler le cas échéant les facteurs qui pourraient permettre d’expliquer ces évolutions ou ces écarts entre pays.

Des études plus locales apportent néanmoins des pistes sur les pratiques pédagogiques qui amplifieraient ou au contraire réduiraient la persistance des différences de maturité à l’entrée à l’école. Par exemple, à partir d’observations exhaustives sur une longue période dans l’état de Floride, Ouvrir dans un nouvel ongletDhuey et al. (2019) montrent que les difficultés des élèves les plus jeunes à l’entrée à l’école sont amplifiées par des journées scolaires plus longues (sans doute parce qu’ils ont des capacités de concentration plus faibles), ou des classes à effectifs plus élevés (l’attention que les enseignants leur prêtent pouvant être réduite). Certains travaux alertent également sur les risques d’« étiquetage » précoce : les élèves jeunes à l’entrée à l’école sont surreprésentés dans les diagnostics d’hyperactivité, probablement parce qu’ils ont moins de capacités de concentration [Ouvrir dans un nouvel ongletDhuey, Lipscomb, 2010].

Bien entendu, le constat de moindre réussite des élèves plus jeunes au début de leur scolarité correspond à des effets moyens, autour desquels se distribue une grande diversité de cas individuels. De très nombreux élèves entrés plus tôt que la moyenne à l’école (soit qu’ils sont nés en fin d’année, soit qu’ils ont anticipé cette entrée) obtiennent de très bonnes performances aux tests et ont une relation positive à l’école. Les compétences mesurées dans PISA ne constituent d’ailleurs qu’une mesure à 15 ans, qu’il faudrait pouvoir compléter par des mesures ultérieures pour vérifier si ces effets sont persistants à l’âge adulte.

Publication rédigée par :Pauline Givord (Insee)
Publication rédigée par :Pauline Givord (Insee)

Sources

L’enquête PISA, menée par l’OCDE tous les trois ans, teste les compétences scolaires des élèves de 15 ans en lecture, en mathématiques et en sciences. Pour chacun de ces domaines, la compétence d’un élève est estimée par un score, à partir d’un modèle statistique fonction du taux de réponses correctes à des questions de difficulté variable. La distribution des scores est normalisée, avec une moyenne de 500 points sur l’ensemble des pays de l’OCDE et un écart-type de 100 points. Ces tests sont complétés par des questionnaires auprès des élèves, pour disposer d’informations notamment sur leur parcours (âge d’entrée à l’école, redoublement éventuel, orientation souhaitée, etc.), leur vécu scolaire (perception des enseignants, exposition au harcèlement, etc.) ainsi que pour estimer des compétences sociales et émotionnelles (persévérance, motivation, curiosité, empathie, confiance en soi, etc.). Pour mesurer ces dernières compétences, les réponses à un ensemble de questions sont converties en un index, centré autour de 0 en moyenne sur l’ensemble des pays de l’OCDE et d’écart-type 1. Selon les cycles, les compétences mesurées varient et certaines de ces compétences ne sont pas mesurées dans certains pays.

L’enquête PISA fournit également l’année et le mois de naissance des élèves enquêtés. En 2018, les dates de rentrée scolaire ainsi que le seuil utilisé pour les règles de scolarisation ont été collectés dans plusieurs pays, quand ils s’appliquent sur l’ensemble des écoles (ce qui exclut notamment les États-Unis et l’Allemagne, où ces règles varient selon les circonscriptions). Ces informations permettent de mesurer d’une part, l’âge à l’entrée à l’école, tel que déclaré par l’élève au moment de l’enquête et d’autre part, l’âge théorique d’entrée à l’école, en l’absence d’entrée anticipée ou retardée. L’analyse est restreinte à un ensemble de pays pour lesquels ces informations sont bien mesurées, soit quinze pays de l’OCDE auxquels on ajoute Singapour.

L’échantillon de PISA est constitué sur un critère d’âge et non de niveau scolaire : les élèves participant peuvent donc être scolarisés dans des classes de niveaux différents, ce qui peut en partie expliquer des écarts de niveau. Notamment, les élèves ayant redoublé sont dans des classes inférieures au moment du test.

Méthodes

L’étude mesure l’impact causal de l’âge à l’entrée à l’école sur les différentes mesures de compétences scolaires, sociales et émotionnelles. L’âge à l’entrée à l’école correspond à celui au moment de la première rentrée scolaire à l’école (niveau 1 de la classification internationale type de l'éducation, soit le CP en France), avec un niveau de précision au mois.

Un élève entré l’année de ses 6 ans en CP a 6 ans et 8 mois en septembre (soit 6,67 ans) s’il est né en janvier, mais 5 ans et 11 mois (soit 5,92 ans) s’il est né en octobre. L'âge réel d'entrée à l'école peut être différent de l’âge « théorique », par exemple si les parents choisissent d’anticiper ou de retarder l’entrée à l’école élémentaire, ce qui est possible dans plusieurs systèmes scolaires. Cette flexibilité peut biaiser la mesure de l’effet de l’âge d’entrée réel à l’école sur les performances à 15 ans, notamment si les décisions dépendent de la plus ou moins grande maturité de l’enfant par rapport à la moyenne (également susceptible d’expliquer des résultats à 15 ans). Pour corriger ce biais, on utilise la méthode économétrique dite des « variables instrumentales » : l’âge effectif d’entrée à l’école est d’abord rapproché de l’âge théorique d’entrée à l’école. Ce dernier n’est expliqué que par le mois de naissance, qu’on peut supposer sans effet direct sur la réussite scolaire, au-delà de son effet sur l’âge réel d’entrée à l’école. En outre, on contrôle par le genre et l’origine des élèves (mesurée notamment par l’indice PISA de statut économique, social et culturel).

Dans les estimations principales, les trois dernières vagues de PISA sont utilisées. Cependant, les mesures des compétences émotionnelles et sociales varient selon les vagues : les estimations pour ces dimensions sont donc menées sur des échantillons de taille plus réduite. Les résultats sont donc moins précis lorsqu’ils sont analysés pays par pays.

Les effets de l’âge d’entrée à l’école peuvent capter en partie le fait que les élèves n’ont pas tous le même âge au moment du test (même si ces effets liés à la maturité devraient être identiques selon les pays), et qu’ils sont scolarisés dans des classes différentes. Concernant ce dernier point, dans quatre pays (Autriche, Corée du Sud, Estonie et Finlande), l’échantillon de PISA comprend deux cohortes scolaires : les élèves à l’« âge normal » sont scolarisés dans deux classes de niveaux différents, même s’ils n’ont ni redoublé ni sauté de classe. Pour ces pays, on contrôle la classe où l’élève est scolarisé au moment du test (en utilisant comme instrument la classe théorique). Les estimations de l’effet de l’âge à l’entrée à l’école apparaissent peu sensibles au fait de contrôler la classe au moment du test PISA.

Définitions

L’âge à l’entrée à l’école correspond à l’âge au jour de la rentrée scolaire de la première entrée en école au niveau 1 de la CITE (par exemple en CP en France), tel que déclaré par les élèves.

L’indice PISA de statut économique, social et culturel est estimé par l’OCDE pour mesurer le statut socio-économique des élèves. Il est dérivé d’indicateurs tels que le niveau de formation et le statut professionnel de leurs parents, le patrimoine familial et les ressources éducatives dont ils disposent chez eux. Plus cet indice est élevé, plus les élèves sont issus d’un milieu social favorisé.

L’indice d’exposition au harcèlement est construit dans l’enquête PISA 2018 à partir de la fréquence des expériences vécues au cours des douze mois précédant le test, portant par exemple sur « d'autres élèves m'ont intentionnellement exclu », « j'ai été frappé ou bousculé par d'autres élèves » ou encore « d'autres élèves ont répandu de méchantes rumeurs à mon sujet ».

L’assertivité correspond à la capacité à exprimer avec assurance ses opinions, besoins et sentiments, et à exercer une influence sociale. Dans PISA 2022, elle est calculée sous la forme d’un indice, à partir des réponses à plusieurs questions comme « je prends des initiatives quand je travaille avec les autres » ou encore « je trouve difficile d’influencer les autres ».

Pour en savoir plus

Givord P., « L'influence de l'âge d'entrée à l'école sur les compétences scolaires et socioémotionnelles : une étude à partir de PISA », Documents de travail, no 2024-18, Insee, juillet 2024.

OCDE, Ouvrir dans un nouvel ongletPISA 2022 Technical Report", OECD Publishing, mars 2024.

Bernigole V., Fernandez A., Loi M., Salles F., « Ouvrir dans un nouvel ongletPISA 2022 : la France ne fait pas exception à la baisse généralisée des performances en culture mathématique dans l’OCDE », Note d'Information no 23.48, DEPP, décembre 2023.

Dhuey E., Figlio D., Karbownik K., Roth J., Ouvrir dans un nouvel ongletSchool Starting Age and Cognitive Development" , Journal of Policy Analysis and Management, John Wiley & Sons, Ltd., Vol. 38(3), pp. 538-578, avril 2019.

Heckman J., Kautz T., Ouvrir dans un nouvel ongletHard evidence on soft skills", Labour Economics, Elsevier, Vol. 19(4), pp. 451-464, août 2012.

Dhuey E., Lipscomb S., Ouvrir dans un nouvel ongletDisabled or young? Relative age and special education diagnoses in schools", Economics of Education Review, Vol. 29(5), pp. 857-872, octobre 2010.

Grenet J., « Ouvrir dans un nouvel ongletLa date de naissance influence-t-elle les trajectoires scolaires et professionnelles ? Une évaluation sur données françaises », Revue économique, Vol. 61, no 3, pp. 589-598, juin 2010.