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Insee Analyses · Juillet 2024 · n° 95
Insee AnalysesQuel est l’effet du « jour de carence » sur les absences pour maladie des personnels de l’Éducation nationale ?

Mélina Hillion (Insee)

Depuis janvier 2018, le premier jour de congé de maladie ordinaire n'est plus indemnisé dans la fonction publique française, une mesure déjà appliquée de janvier 2012 à décembre 2013. Dans le secteur de l’Éducation nationale, qui représente environ 16 % des agents de la fonction publique, cette mesure a entraîné en moyenne une diminution de 23 % de la fréquence des absences, et de 5 % du nombre cumulé de jours d'absence pour maladie ordinaire. Cet effet est principalement observé pour les absences de courte durée (moins de sept jours), et n'est pas significatif pour celles de plus de trois mois. Bien que leurs absences aient davantage diminué, les femmes et les personnes travaillant dans le réseau d’éducation prioritaire continuent de s’absenter plus fréquemment lorsque le jour de carence est appliqué, ce qui les pénalise financièrement. Les données disponibles ne permettent pas de conclure à une baisse des éventuels recours abusifs aux arrêts, puisque cette mesure peut inciter les personnes malades à se rendre au travail. L'impact du jour de carence sur la réussite scolaire des élèves n'a pas été examiné.

Une mesure qui réduit l’indemnisation des arrêts de travail

En France, comme dans la plupart des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les salariés qui doivent interrompre temporairement leur activité pour des raisons de santé bénéficient d'une indemnité ou d'un maintien de leur salaire pendant une période déterminée. Au cours des dernières décennies, de nombreux pays européens ont renforcé les contrôles et les incitations financières afin de réduire les arrêts de travail. La mesure la plus fréquemment adoptée consiste à réduire le taux de remplacement du salaire pendant tout ou partie de la période d'absence.

En France, plusieurs réformes ont successivement supprimé (1er janvier 2012), réintroduit (1er janvier 2014), puis de nouveau supprimé (1er janvier 2018) l’indemnisation du premier jour de des agents de la fonction publique (encadré). Ces mesures constituent une série d’« expériences naturelles » permettant d'évaluer l’effet du jour de carence sur la fréquence et la durée des arrêts de travail, les inégalités de revenu, la santé perçue et le recours aux soins.

Le recours aux congés de maladie ordinaire est plus élevé dans le réseau d’éducation prioritaire

Une base de données administratives exhaustive permet d’examiner l'effet de ces mesures sur les absences des personnels du secteur public de l'Éducation nationale (sources), soit environ 16 % des agents de l'ensemble de la fonction publique française (champ). Entre 2006 et 2019, près de 43 % des agents de l'Éducation nationale sont absents pour cause de maladie ordinaire au moins un jour en moyenne au cours d’une année scolaire. Un agent connaît en moyenne 0,81 épisode d'absence pour maladie ordinaire chaque année, et 6,7 jours d'absence pour maladie ordinaire par an (figure 1). Les absences de moins de 4 jours représentent 56 % des épisodes de maladie ordinaire, mais seulement 12 % des jours de CMO annuels en moyenne. À l'inverse, les absences de plus de 3 mois représentent seulement 1 % des épisodes de maladie ordinaire, mais 18 % des jours de CMO.

Figure 1 - Congés de maladie ordinaire (CMO) des personnels du secteur public de l’Éducation nationale entre 2006 et 2019

Figure 1 - Congés de maladie ordinaire (CMO) des personnels du secteur public de l’Éducation nationale entre 2006 et 2019 - Lecture : En moyenne, sur la période 2006-2019, les personnels du secteur de l'enseignement public ont moins d'un épisode d'absence pour maladie ordinaire par an (0,81). Ils sont absents en moyenne 6,7 jours par an pour cause de maladie ordinaire.
Caractéristiques Nombre d'épisodes de CMO par an et par salarié Nombre de jours de CMO par an et par salarié
Âge
Moins de 50 ans 0,84 6,4
50 ans ou plus 0,74 7,4
Sexe
Femme 0,90 7,5
Homme 0,60 4,8
Temps de travail
Temps complet 0,83 6,8
Temps partiel 0,71 6,3
Catégorie
A 0,81 6,6
B 0,77 7,5
C 0,82 8,0
Type de zone d'éducation
Éducation non prioritaire 0,79 6,6
Éducation prioritaire 0,96 7,2
Ensemble 0,81 6,7
  • Lecture : En moyenne, sur la période 2006-2019, les personnels du secteur de l'enseignement public ont moins d'un épisode d'absence pour maladie ordinaire par an (0,81). Ils sont absents en moyenne 6,7 jours par an pour cause de maladie ordinaire.
  • Champ : Personnels du secteur public de l'Éducation nationale (hors apprentis, ingénieurs et personnels techniques) exerçant en France métropolitaine, hors Corse.
  • Source : MENJ-DEPP, base statistique des congés.

La fréquence des absences diminue mais leur durée augmente avec l'âge des salariés. Les femmes sont plus souvent et plus longtemps absentes pour raison de santé. C'est également le cas de ceux qui travaillent à temps plein, de ceux qui exercent sous le statut de fonctionnaire, de ceux qui sont en contrat à durée indéterminée, ou de ceux qui exercent dans un établissement d’. Ce dernier résultat est cohérent avec la littérature montrant que les enseignants (80 % de l’échantillon) sont davantage absents dans les établissements qui accueillent des élèves issus de milieux défavorisés [Ouvrir dans un nouvel ongletClotfelter et al., 2009]. Cette situation, susceptible de refléter des conditions de travail plus difficiles, peut du reste conduire à des inégalités d'apprentissage entre élèves, car les absences de courte durée sont peu remplacées et les jours remplacés sont susceptibles d'être moins productifs que ceux assurés par l’enseignant principal [Ouvrir dans un nouvel ongletBenhenda, 2022].

Une augmentation du nombre de jours de congés de maladie ordinaire entre 2013 et 2017

Le rétablissement du jour de carence dans la fonction publique en 2018 s’inscrit dans un contexte d’augmentation continue du nombre de jours de congés de maladie ordinaire chez les personnels du secteur public de l’Éducation nationale entre 2013 et 2017 : il passe en moyenne de 6,4 jours en 2013 à 7,4 jours en 2017 (figure 2). Durant les périodes d'application du jour de carence (2012-2013 et 2018-2019), le nombre de jours de congés de maladie ordinaire est légèrement inférieur à celui des périodes sans jour de carence qui les précèdent. Le nombre d'épisodes d'absence pour maladie ordinaire est également plus bas durant les périodes d’application du jour de carence, avec environ 0,68 épisode par salarié en moyenne, contre 0,86 en dehors de ces périodes. Ces premiers résultats suggèrent que l'application du jour de carence influence la fréquence et, dans une moindre mesure, le nombre de jours cumulé de congés de maladie ordinaire. Toutefois, pour estimer précisément cet effet, il est nécessaire de corriger des évolutions temporelles dont les déterminants ne sont pas liés à l’application du jour de carence, (par exemple, l’augmentation de l’âge moyen des personnels sur la période). Les estimations doivent donc tenir compte de l’évolution des caractéristiques sociodémographiques et de la tendance générale des absences sur la période étudiée (méthodes).

Figure 2 - Nombre d'épisodes et nombre de jours de CMO par an et par salarié de l'enseignement public entre 2007 et 2019

Figure 2 - Nombre d'épisodes et nombre de jours de CMO par an et par salarié de l'enseignement public entre 2007 et 2019 - Lecture : En 2011, les salariés du secteur public de l’Éducation nationale ont eu en moyenne 0,87 épisode d’absence pour maladie ordinaire (CMO), et se sont absentés en moyenne 6,6 jours pour maladie ordinaire.
Année Nombre d'épisodes de CMO par salarié Nombre de jours de CMO par salarié
2007 0,79 6,2
2008 0,81 6,2
2009 0,89 6,7
2010 0,82 6,4
2011 0,87 6,6
2012 0,69 6,3
2013 0,67 6,5
2014 0,82 6,8
2015 0,89 7,0
2016 0,91 7,1
2017 0,92 7,4
2018 0,69 7,0
2019 0,66 7,2
  • Lecture : En 2011, les salariés du secteur public de l’Éducation nationale ont eu en moyenne 0,87 épisode d’absence pour maladie ordinaire (CMO), et se sont absentés en moyenne 6,6 jours pour maladie ordinaire.
  • Champ : Personnels du secteur public de l'Éducation nationale (hors apprentis, ingénieurs et personnels techniques) exerçant en France métropolitaine, hors Corse.
  • Source : MENJ-DEPP, base statistique des congés.

Figure 2 - Nombre d'épisodes et nombre de jours de CMO par an et par salarié de l'enseignement public entre 2007 et 2019

  • Note : Les périodes grisées sont les années (civiles) pour lesquelles le jour de carence est appliqué aux CMO du secteur public (2012-2013 et 2018-2019).
  • Lecture : En 2011, les salariés du secteur public de l’Éducation nationale ont eu en moyenne 0,87 épisode d’absence pour maladie ordinaire (CMO), et se sont absentés en moyenne 6,6 jours pour maladie ordinaire.
  • Champ : Personnels du secteur public de l'Éducation nationale (hors apprentis, ingénieurs et personnels techniques) exerçant en France métropolitaine, hors Corse.
  • Source : MENJ-DEPP, base statistique des congés.

Le jour de carence a entraîné une diminution de 23 % de la fréquence des arrêts maladie

En raison de l’introduction du jour de carence dans la fonction publique, les estimations montrent que le nombre d'épisodes de CMO est inférieur de 23 % et le nombre de jours de CMO de 5 % en moyenne pour l’ensemble des personnels du secteur public de l’Éducation nationale (figure 3). Cet écart s’explique par la diminution forte et significative de l'effet du jour de carence sur le nombre d’arrêts avec la durée de l'arrêt maladie : l’effet estimé est de -44 % pour les épisodes d’un jour, -26 % pour les épisodes de deux jours, -25 % pour les épisodes de trois jours, -12 % pour les épisodes de 4 à 7 jours, -4 % pour les épisodes de 8 à 14 jours et -1 % pour les épisodes de 15 jours à 3 mois. Il n’est pas significatif pour les épisodes de plus de 3 mois. Ces estimations confirment les prédictions théoriques et les résultats de la littérature empirique, qui suggèrent que l'effet de ce type d'incitation diminue avec la durée d’absence [Hillion, Maugendre, 2023]. L’augmentation des jours travaillés à la suite de l'application du jour de carence ne traduit pas nécessairement une réduction des absences qui seraient injustifiées. En effet, l'introduction du jour de carence peut encourager les personnes malades à travailler.

Figure 3 - Estimation de l'effet du jour de carence sur le nombre d’épisodes et le nombre de jours d’absence annuel pour maladie ordinaire

en %
Figure 3 - Estimation de l'effet du jour de carence sur le nombre d’épisodes et le nombre de jours d’absence annuel pour maladie ordinaire (en %) - Lecture : En moyenne, les épisodes de maladie ordinaire d’une durée d’un jour diminuent de 44,2 % lorsque le jour de carence est appliqué. L’incidence des épisodes de congé de maladie ordinaire (CMO) diminue de 22,6 % et le nombre de jours de CMO diminue de 5,1 % en moyenne lorsque le jour de carence est appliqué.
Congé de maladie ordinaire (CMO) Effet estimé Borne inférieure intervalle de confiance à 95 % Borne supérieure intervalle de confiance à 95 %
Épisodes de 1 jour -44,2 -45,7 -42,6
Épisodes de 2 jours -26,4 -27,5 -25,3
Épisodes de 3 jours -25,4 -27,0 -23,8
Épisodes de 4 à 7 jours -11,8 -13,1 -10,5
Épisodes de 8 à 14 jours -3,8 -4,4 -3,2
Épisodes de 15 jours à 3 mois -1,4 -2,2 -0,5
Épisodes de plus de 3 mois 2,3 0,0 4,7
Nombre d'épisodes -22,6 -23,4 -21,8
Nombre de jours -5,1 -5,7 -4,5
  • Lecture : En moyenne, les épisodes de maladie ordinaire d’une durée d’un jour diminuent de 44,2 % lorsque le jour de carence est appliqué. L’incidence des épisodes de congé de maladie ordinaire (CMO) diminue de 22,6 % et le nombre de jours de CMO diminue de 5,1 % en moyenne lorsque le jour de carence est appliqué.
  • Champ : Personnels du secteur public de l'Éducation nationale (hors apprentis, ingénieurs et personnels techniques) exerçant en France métropolitaine, hors Corse.
  • Source : MENJ-DEPP, base statistique des congés.

Figure 3 - Estimation de l'effet du jour de carence sur le nombre d’épisodes et le nombre de jours d’absence annuel pour maladie ordinaire

  • Note : Les barres verticales correspondent aux intervalles de confiance à 95 %.
  • Lecture : En moyenne, les épisodes de maladie ordinaire d’une durée d’un jour diminuent de 44,2 % lorsque le jour de carence est appliqué. L’incidence des épisodes de congé de maladie ordinaire (CMO) diminue de 22,6 % et le nombre de jours de CMO diminue de 5,1 % en moyenne lorsque le jour de carence est appliqué.
  • Champ : Personnels du secteur public de l'Éducation nationale (hors apprentis, ingénieurs et personnels techniques) exerçant en France métropolitaine, hors Corse.
  • Source : MENJ-DEPP, base statistique des congés.

Les femmes sont davantage pénalisées financièrement par l’application du jour de carence

L’application du jour de carence conduit en moyenne à une réduction des absences. Alors que les comportements d’absence pour maladie ordinaire varient distinctement en fonction des caractéristiques démographiques et professionnelles, le jour de carence pourrait conduire à réduire ces écarts.

Les résultats montrent que les femmes et les personnels travaillant dans le réseau d’éducation prioritaire réduisent effectivement davantage la fréquence de leurs absences lorsque cette mesure est appliquée, par rapport aux hommes et aux autres personnels hors réseau d'éducation prioritaire. Cependant, ces populations continuent de présenter un nombre d’épisodes d’absence pour maladie ordinaire plus élevé que les autres catégories de la population, et sont donc davantage pénalisées financièrement par l’application du jour de carence. Ces comportements d’absence peuvent refléter des disparités d'état de santé ou d'exposition à des risques professionnels qui subsistent en présence du jour de carence.

Une absence d’effet significatif à court terme du jour de carence sur la santé perçue et le recours aux soins

Les résultats sont cohérents avec la littérature, qui montre que la fréquence des absences diminue lorsque le taux de remplacement du salaire décroît. Toutefois, l'efficacité économique et sociale de ce type de mesure est a priori ambiguë. Elle dépend de son impact sur la santé publique (contagions, durées de convalescence, rechutes), les inégalités de revenus, les dépenses publiques (le montant des indemnités journalières versées mais aussi les dépenses de santé potentiellement induites) et la productivité des entreprises et des administrations.

Or, l’application du jour de carence est susceptible d’encourager les personnes malades à poursuivre leur activité professionnelle. D’une part, cette situation peut entraîner une détérioration de l’état de santé (aggravation des symptômes, du risque de rechute), ainsi qu’une hausse des dépenses publiques associées. D’autre part, les journées de travail « supplémentaires » générées par l’application du jour de carence pourraient être nettement moins productives que les journées de travail « ordinaires ». La hausse des contaminations sur le lieu de travail, en cas de maladie contagieuse, pourrait notamment entraîner une diminution de la productivité individuelle et collective [Ouvrir dans un nouvel ongletPichler, Ziebarth, 2017].

Les enquêtes Emploi de 2013 à 2019 et l'enquête Conditions de travail de 2016 appariée aux données de l'Assurance maladie sur la période 2012-2017 permettent d’examiner l’effet du jour de carence sur la santé perçue et le recours aux soins (délivrances de médicaments, visites médicales, hospitalisations). La comparaison entre les salariés du secteur public et ceux du secteur privé ne révèle pas d'effet significatif à court terme de cette réforme sur l’état de santé, tel que mesuré dans les enquêtes et les données administratives, ainsi que sur les dépenses publiques associées. Toutefois, ces estimations reposent sur des échantillons de taille modérée, ce qui réduit leur précision et signifie qu’il n’est pas possible d’exclure complètement l’existence d’un effet à court terme sur la santé et le recours aux soins.

Des données complémentaires seraient nécessaires pour évaluer l’effet de cette mesure sur la santé à plus long terme, ainsi que sur la productivité individuelle et collective, et notamment sur les performances scolaires des élèves.

Encadré – Le champ d’application de la réforme du « jour de carence » dans le secteur public

Jusqu'au 31 décembre 2011, les agents de la fonction publique, qu'ils soient fonctionnaires ou non, perçoivent 100 % de leur salaire pendant les 3 premiers mois d'absence pour maladie ordinaire, puis 50 % de leur traitement pendant les 9 mois suivants.

Entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2013, puis de nouveau depuis le 1er janvier 2018, le jour de carence dans la fonction publique s'applique aux congés de maladie ordinaire (CMO), c'est-à-dire aux arrêts de travail délivrés par un médecin en cas d'accident ou de maladie d'origine non professionnelle et (a priori) sans gravité particulière. Le taux de remplacement du premier jour d'absence pour maladie ordinaire passe donc de 100 % à 0 %, et reste égal à 100 % les jours suivants pendant une période de 3 mois.

Les femmes enceintes ne sont plus concernées par le jour de carence en cas d'absence pour maladie ordinaire depuis le 8 août 2019, en vertu de l'article 84 de la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019 (période non considérée dans cette étude).

Publication rédigée par :Mélina Hillion (Insee)

Sources

Le service statistique du ministère en charge de l'Éducation nationale (Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance – Depp) dispose d'une base de gestion exhaustive portant sur l'ensemble des agents du secteur public de l'Éducation nationale. Cette base de données individuelles fournit, pour chaque agent et pour chaque année scolaire, des informations sociodémographiques (année de naissance, sexe), géographiques (académie, département de gestion, région académique), de carrière (corps, grade, échelon, ), de statut (titulaire, stagiaire), de contrat (fonctionnaire, vacataire, CDD, CDI), de temps de travail et de mission (enseignement, encadrement, vie scolaire, administration, santé et social). La Depp dispose également d'une Ouvrir dans un nouvel ongletbase de « congés » qui recense, pour chaque agent et pour chaque année scolaire, les dates de début et de fin de chaque congé, ainsi que son motif (maladie ordinaire, longue maladie, stage de formation continue, garde d'enfant malade, etc.). Dans cette étude, les durées d'absence considérées comprennent les week-ends, les jours fériés et les vacances scolaires couverts par l'arrêt de travail.

Champ

L’étude porte sur 98,5 % des personnels du secteur public de l'Éducation nationale (hors apprentis, ingénieurs et personnels techniques de recherche et de formation) exerçant en France continentale (c’est-à-dire en France hors Corse et DOM), soit environ 880 000 individus observés en moyenne chaque année au cours de la période 2006-2019. Les enseignants représentent 79,7 % des effectifs (37,1 % d'enseignants du primaire et 42,6 % d'enseignants du secondaire), le personnel d'éducation (assistants d'éducation, conseillers d'éducation) 11,6 %, le personnel administratif 5,5 %, le personnel d'encadrement (direction des établissements, inspection pédagogique) 1,8 %, et enfin le personnel médico-social (infirmiers, médecins, psychologues, services sociaux) 1,4 %.

Méthodes

Absences

Afin d'estimer l'effet du jour de carence sur la fréquence et la durée des absences pour maladie ordinaire des personnels du secteur public de l'Éducation nationale, notre stratégie d'identification repose sur une hypothèse d'exogénéité des réformes ayant introduit (1er janvier 2012 et 2018) et supprimé (1er janvier 2014) le jour de carence dans le secteur public. En d’autres termes, la validité de l’approche suppose que le moment d’application de cette mesure n’est pas lié à une variation passée ou anticipée de la fréquence et de la durée des arrêts maladie. Notre approche principale consiste à comparer les périodes où le jour de carence est appliqué avec celles où il ne l'est pas. Cette différence simple nécessite de faire une hypothèse sur l'évolution des congés de maladie ordinaire qui aurait été observée en l'absence de réforme (situation contrefactuelle) : celle-ci est extrapolée à partir d’une estimation de la tendance temporelle telle qu’elle était observée avant la mise en œuvre de la réforme.

Dans l’estimation principale, la tendance temporelle des absences est modélisée par un polynôme de degré 3 sur la période 2006-2019. Les variables de contrôle incluent l’âge, le nombre d’enfants, le nombre de jours d'absence autre que pour raison de maladie ordinaire, la quotité de temps travaillée, le type de corps (profession et position hiérarchique), l'ancienneté, le type de contrat (vacataire, CDD, CDI, fonctionnaire), l'académie d'exercice, le type d'établissement (école élémentaire, collège, lycée général et technologique, lycée professionnel, service administratif, autres), la présence de l'établissement dans une zone d'éducation prioritaire et le taux d'incidence des épidémies saisonnières au niveau régional. L’estimation inclut des effets fixes individuels afin de neutraliser les éventuels biais d’hétérogénéité fixe inobservée.

Les résultats obtenus avec l’approche par différence simple reposent sur une hypothèse forte : elle suppose que la modélisation paramétrique retenue pour retracer l’évolution des absences sur la période étudiée permet d’inférer ce qu’aurait été la tendance en l’absence de l’application du jour de carence. Une erreur de spécification est susceptible d’introduire un biais d’estimation. Afin de tester la robustesse de ces résultats, nous estimons l'effet du jour de carence sur la fréquence et la durée des congés de maladie ordinaire au moyen d’une double différence, en restreignant la période d'analyse aux quelques semaines qui précèdent et suivent le 1er janvier de chaque année au cours de la période 2006-2019.

Cette seconde approche consiste à exploiter la discontinuité introduite par l'application ou la suppression du jour de carence lors des 1er janvier 2012, 2014 et 2018. Plus précisément, nous comparons les semaines, hors vacances scolaires, qui précèdent et suivent le 1er janvier (première différence) selon qu'une réforme a eu lieu ou non à cette date (seconde différence). Les années scolaires qui ne sont pas concernées par l'application (ou la suppression) du jour de carence au 1er janvier servent ainsi de témoins aux années scolaires concernées par une réforme. La validité de cette approche repose sur une hypothèse d’exogénéité des réformes, ainsi que sur une hypothèse dite de tendance commune, selon laquelle la fréquence et la prévalence des congés de maladie ordinaire aurait évolué chaque année de la même manière au cours des semaines qui précèdent et suivent le 1er janvier en l’absence de réforme.

Cette seconde approche produit des estimations qui sont très proches de celles obtenues par l'approche principale.

Santé perçue et recours aux soins

Les données de santé perçue, issues de l'enquête Emploi sur la période 2013-2019, et de recours aux soins (délivrances de médicaments, visites médicales, hospitalisations), issues de l'Ouvrir dans un nouvel ongletenquête Conditions de travail et risques psycho-sociaux 2016 et Ouvrir dans un nouvel ongletappariées aux données de l'Assurance maladie sur la période 2012-2017, sont disponibles mensuellement pour un échantillon de salariés du secteur public et du secteur privé.

Notre stratégie d'identification consiste à comparer les salariés du secteur public à ceux du secteur privé, pour lesquels les règles d'indemnisation en cas d'absence pour maladie ordinaire sont restées inchangées en 2012-2019. Cette comparaison est effectuée avant et après l'introduction (ou la suppression) du jour de carence, suivant une approche en double différence. Cette stratégie repose sur une hypothèse d'exogénéité des réformes ayant introduit (1er janvier 2012 et 2018) et supprimé (1er janvier 2014) le jour de carence dans le secteur public, ainsi que sur une hypothèse dite de tendance commune, selon laquelle la santé perçue et le recours aux soins auraient évolué de la même manière chez les salariés du secteur public et du secteur privé au cours de la période 2012-2019 en l’absence de réforme.

Publication rédigée par :Mélina Hillion (Insee)

Définitions

La catégorie professionnelle dans la fonction publique (A, B ou C) reflète le niveau de diplôme au moment du recrutement. Les postes de catégorie A sont accessibles aux titulaires d'un diplôme de niveau bac+3 ou plus, les postes de catégorie B aux titulaires d’un diplôme de niveau baccalauréat ou plus, tandis que les postes de catégorie C sont accessibles sans condition de diplôme. La catégorie du poste détermine également le type de fonction exercée (conception/direction, exécution, application), ainsi que la rémunération.

Le congé de maladie ordinaire (CMO) est un arrêt de travail délivré par un médecin en cas d’accident ou de maladie d’origine non professionnelle et a priori sans gravité particulière. Sa durée ne peut excéder un an. Il ne doit pas être confondu avec le congé de maternité, de paternité, d’adoption, ni avec le congé parental. Il se distingue également des autres congés pour raison de santé, non concernés par le jour de carence : le congé pour accident du travail ou maladie professionnelle, et le congé de longue maladie délivré en cas de pathologie grave et invalidante.

La politique d’éducation prioritaire a pour objectif de réduire l'effet des inégalités sociales et économiques sur la réussite scolaire des élèves. Les établissements scolaires du réseau d'éducation prioritaire bénéficient de moyens supplémentaires pour les aider à remplir leur mission éducative auprès des élèves qui résident dans les zones les plus défavorisées.

Pour en savoir plus

Hillion M., Maugendre É., « L’effet du “jour de carence” sur les absences pour maladie ordinaire, la santé perçue et le recours aux soins à court-terme », Documents de travail n° 2023-06, Insee, mars 2023.

Benhenda A., Ouvrir dans un nouvel ongletAbsence, substitutability and productivity: Evidence from teachers, Labour Economics, volume 76, 1-43, juin 2022.

Cour des comptes, « Ouvrir dans un nouvel ongletLa sécurité sociale. Chapitre III. Les indemnités journalières : des dépenses croissantes pour le risque maladie, une nécessaire maîtrise des arrêts de travail », in Rapport de la Cour des comptes sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, octobre 2019.

Cazenave-Lacroutz A., Godzinski A., Effects of the one-day waiting period for sick leave on health-related absences in the French central civil service, Documents de travail n° G2017/06, Insee, novembre 2017.

Bert T., Dolléans P., Freppel C., Knecht D., Lépine C., « Ouvrir dans un nouvel ongletL’évolution des dépenses d’indemnités journalières », Revue de dépenses, juillet 2017.

Pollak C., Ouvrir dans un nouvel ongletThe impact of a sick pay waiting period on sick leave patterns, The European Journal of Health Economics, janvier 2017.

Pichler S., Ziebarth N., Ouvrir dans un nouvel ongletThe pros and cons of sick pay schemes: Testing for contagious presenteeism and noncontagious absenteeism behavior, Journal of Public Economics, volume 156, 14-33, décembre 2017.

Clotfelter C., Ladd H., Vigdor J., Ouvrir dans un nouvel ongletAre Teacher Absences Worth Worrying About in the United States?” , Education Finance and Policy, 2009.