Insee Analyses Normandie · Mars 2024 · n° 121

La Normandie, un territoire avec une assise logistique portuaire et maritime importante

La logistique, qui assure les échanges de matières premières et de biens, est au cœur de la vie économique d’un territoire. Elle se transforme en même temps que les pratiques de production et de consommation, caractérisées, dans la période récente, par l’essor du commerce numérique et la nécessaire intégration des enjeux environnementaux.

La Normandie est dotée des deux grands ports maritimes du Havre et de Rouen, lesquels sont aujourd’hui associés au port de Paris pour constituer Haropa Port, le plus grand port de fret français. La région est traversée par le plus grand axe de transport fluvial national, la Seine, et bénéficie d’un maillage autoroutier conséquent. La Normandie est ainsi la porte d’entrée de l’espace économique et logistique majeur qu’est la Vallée de la Seine. Le réseau des ports de la façade maritime de la Manche, le tissu productif, industriel et agricole du territoire, ou encore la proximité de l’agglomération parisienne, constituent des atouts supplémentaires. Ils permettent d’inscrire la logistique comme un enjeu structurant du projet intégré au contrat de plan interrégional État – Régions (CPIER) associé, lequel est porté par un schéma de cohérence logistique pour la Normandie (pour en savoir plus).

La logistique peut être appréhendée à travers une approche sectorielle (champ), qui analyse les établissements réalisant des prestations logistiques pour le compte d’autrui. En Normandie, ils emploient près de 57 000 salariés en 2020 (figure 1). L’approche fonctionnelle examine, quant à elle, l’ensemble des personnes exerçant des métiers logistiques, quelle que soit l’activité principale de l’établissement qui les emploie. Selon cette seconde approche, près de 71 000 salariés exercent une fonction logistique en Normandie. Plus de la moitié d’entre eux (54 %) travaillent dans des établissements du secteur logistique, les autres dans des établissements dont l’activité principale est différente. Considérant les deux approches, sectorielle et fonctionnelle, près de 90 000 emplois salariés sont liés à la logistique en Normandie en 2020.

En Normandie, les 57 000 salariés travaillant dans des établissements logistiques représentent 5,3 % des salariés de la région, ce qui classe le territoire au deuxième rang des régions de France métropolitaine, derrière les Hauts-de-France (5,4 %) et devant le Centre-Val de Loire (5,2 %).

Le segment de la logistique portuaire et maritime est particulièrement présent en Normandie (figure 2). Sa part dans l’emploi salarié est près de cinq fois plus élevée que dans l’ensemble de la France métropolitaine, et sa part dans les établissements employeurs de la logistique l’est près de trois fois. La présence des deux grands ports maritimes (Le Havre et Rouen), de l’axe fluvial de la Seine et de l’ensemble des ports de la façade maritime de la Manche explique ce résultat. Autre conséquence de ces infrastructures spécifiques dédiées à des transports de très grands volumes, le segment de l’affrètement et de l’organisation des transports est près de deux fois plus représenté dans la région, aussi bien en termes de salariés qu’en termes d’établissements. Les salariés des services logistiques sont moins représentés en Normandie et ceux de la logistique aérienne, très présents dans la Vallée de la Seine, sont quasiment absents de la région.

Les établissements employeurs du conditionnement et de l’entreposage sont légèrement plus présents en Normandie, mais leur taille (en nombre de salariés) est en moyenne moindre par rapport à celles observées sur l’ensemble de la Vallée de la Seine et sur le territoire national. A contrario, ceux de la logistique terrestre et de l’affrètement et organisation des transports sont, quant à eux, légèrement plus grands que sur l’ensemble du territoire métropolitain. Les établissements normands du segment portuaire et maritime comportent près de 40 salariés en moyenne, près de deux fois plus que la moyenne nationale.

En 2020, les métiers logistiques (champ) regroupent 70 700 emplois salariés en Normandie, hors emplois intérimaires : 38 300 pour compte d’autrui et 32 400 pour compte propre (figure 3). Ils représentent 9,0 % des emplois salariés de la région, soit le deuxième rang des régions métropolitaines après les Hauts-de-France (9,6 %).

Les niveaux de qualification des emplois salariés logistiques sont très différents de ceux de l’ensemble des salariés. En Normandie, les métiers de qualification ouvrière représentent, comme au niveau national, 85 % des emplois logistiques (et 37 % de l’ensemble des emplois contre 29 % en France métropolitaine). Cinq métiers ouvriers concentrent les trois quarts des emplois logistiques dans la région : les chauffeurs routiers et grands routiers (28 %), les conducteurs livreurs coursiers (15 %), les magasiniers qualifiés (14 %), les ouvriers qualifiés de la manutention (10 %) et les ouvriers du tri, de l’emballage et de l’expédition (8 %). Ces métiers sont tous confrontés à des tensions de recrutement en 2022 en Normandie, en particulier le métier de chauffeur routier comme sur l’ensemble du territoire national.

La spécialisation de la Normandie dans la logistique portuaire et maritime, observée par le prisme des activités, trouve écho dans les métiers exercés. Les métiers de la logistique portuaire (3 500 salariés en 2020) sont, en proportion, plus nombreux en Normandie qu’en France métropolitaine. Ils représentent, en effet, 5 % des emplois logistiques régionaux, contre moins de 1 % au niveau national. En particulier, les dockers en Normandie sont dix fois plus présents dans l’emploi salarié qu’en France métropolitaine, les capitaines et matelots timoniers de la navigation fluviale huit fois plus, et les matelots de la marine marchande cinq fois plus.

En Normandie, la part des emplois logistiques exercés pour compte propre (près de 32 400 emplois, soit 46 % des emplois logistiques) est quasiment équivalente à celle observée sur l’ensemble du territoire métropolitain (48 %). Cette part s’échelonne de 45 % en Île-de-France à 58 % en Corse et varie fortement selon les métiers. À titre d’exemple, en Normandie, plus de 80 % des responsables d’entrepôts, des ouvriers du tri, de l’emballage et de l’expédition, ou encore des magasiniers qualifiés, travaillent dans un établissement dont la logistique n’est pas l’activité principale. À l’inverse, les métiers de conducteurs qualifiés d'engins de transport guidés, de capitaines et matelots timoniers de la navigation fluviale et de déménageurs sont exclusivement ou presque exercés dans des établissements du secteur logistique.

Le poids des métiers logistiques dans l’emploi salarié varie de 4,2 % dans la zone d’emploi de Cherbourg-en-Cotentin à 15,3 % dans celle de Vire Normandie (figure 4). Ce poids est supérieur à 13 % dans deux autres zones d’emploi de la région : le Havre (14,8 %) et Argentan (13,4 %). Dans les zones d’emploi de Vire Normandie et d’Argentan, l’importante activité de transport routier de fret se traduit par une forte présence des conducteurs routiers et grands routiers, ils représentent respectivement 46 % et 48 % des emplois logistiques dans ces territoires. Dans la zone d’emploi du Havre, les emplois de la logistique portuaire concernent 21 % des emplois logistiques. Logiquement, les dockers y sont particulièrement nombreux et représentent 18 % des emplois logistiques (contre 4 % en Normandie). Plus globalement, les zones d’emploi de Rouen, du Havre et de Caen rassemblent plus de la moitié des emplois logistiques de la région. Dans les zones de Rouen et de Caen, 35 % des emplois logistiques relèvent de la logistique terrestre (30 % en Normandie) et près de la moitié des postes de livreurs ou coursiers de la région sont situés dans ces deux zones.

Par ailleurs, plusieurs zones d’emploi normandes se distinguent par une importante proportion d’emplois logistiques exercés pour compte propre, notamment les zones de la Vallée de la Bresle-Vimeu (76 %) et de Dieppe-Caux maritime (74 %) au nord de la région. Cette part dépasse également 60 % dans les zones d’emploi situées le long de la façade ouest du département de la Manche, ainsi que dans deux zones d’emploi de l’Orne : Flers (66 %) et Nogent-le-Rotrou (71 %). La zone d’emploi de la Vallée de la Bresle-Vimeu est spécialisée dans la fabrication d’articles en verre, elle compte notamment des établissements du groupe Pochet du Courval qui figurent parmi les dix plus grands établissements employeurs de la zone. Ce secteur d’activité emploie plus du quart des métiers logistiques de la zone (27 %) et justifie une proportion importante d’ouvriers du tri, de l’emballage et de l’expédition non qualifiés au sein de ce territoire (46 % des emplois logistiques contre 8 % en Normandie).

Parmi les secteurs d’activité hors logistique, le commerce de gros (hors centrales d’achats) est celui qui a recours au plus grand nombre d’emplois logistiques en Normandie. Il représente 9 000 emplois (soit 13 % des emplois logistiques de la région) et recouvre une part importante des salariés logistiques dans plusieurs zones d’emplois, particulièrement dans celles de Granville (28 %), de Dieppe-Caux maritime (22 %) et d’Avranches (19 %). Dans plusieurs zones d’emploi normandes, l’importance du secteur de l’industrie alimentaire se traduit par de fortes proportions de métiers logistiques exercés pour compte propre. Ce secteur représente plus de 20 % des emplois logistiques dans les zones de Coutances et de Flers, lesquelles accueillent des établissements comme Socopa Viandes, Charal ou SNV, et plus de 10 % dans celles de Dieppe-Caux maritime et de Saint-Lô (contre 4 % en moyenne en Normandie). Dans la zone d’emploi de Nogent-le-Rotrou, c’est l’industrie automobile qui contribue à la forte proportion d’emplois logistiques pour compte propre, en regroupant 8 % des postes logistiques (contre 1 % en Normandie).