Quelles sont les motivations des changements d’employeur, plus nombreux depuis la crise sanitaire ?

Romain Bour (Insee), Tom Duquesne (Insee), Marianne Fabre (Insee), Ndeye-Penda Sokhna (Insee)

En 2023, 18,3 % des salariés du secteur privé de 2022 ont quitté leur employeur, soit 1,3 point de plus qu’en 2019, avant la crise sanitaire. La plus grande mobilité constatée sur les données en 2022 est ainsi confirmée et étaye l’hypothèse d’un changement de comportement pérenne des salariés. Elle correspond surtout à des changements d’entreprise au sein du secteur privé plus fréquents, plutôt qu’à des bascules vers le secteur public, l’inactivité, le chômage ou le non‑salariat. En particulier, les changements de secteur d’activité ou de profession sont en hausse. Les salariés sont de plus en plus nombreux à motiver leur souhait de changer d’emploi par des gains salariaux escomptés. Changer d’employeur permet dans 30 % des cas d’augmenter son temps de travail, une part stable depuis 2019. Les salariés en CDI qui changent d’entreprise subissent en général une perte salariale l’année de la mobilité. Cette baisse est toutefois plus faible en 2022 qu’avant-crise.

Insee Références
Paru le :Paru le22/07/2024
Romain Bour (Insee), Tom Duquesne (Insee), Marianne Fabre (Insee), Ndeye-Penda Sokhna (Insee)
Emploi, chômage, revenus du travail- Juillet 2024

En 2023 comme en 2022, des salariés plus mobiles qu’avant la crise sanitaire

Les salariés travaillant dans le secteur privé en 2021 ont davantage quitté leur entreprise un an après, que ceux de 2018 [Bour et al., 2023]. Cette mobilité accrue correspondait surtout à des mouvements vers d’autres entreprises privées, et le plus souvent dans un secteur d’activité différent. Elle concernait toutes les catégories de salariés, mais elle apparaissait plus marquée pour les plus jeunes et pour les salariés initialement en CDI.

Les salariés de 2022 ont, comme ceux de 2021, davantage changé d’entreprise qu’avant‑crise. En effet, d’après l’enquête Emploi (sources et méthodes), 18,3 % des salariés qui travaillaient dans le en 2022 ne sont plus dans la même entreprise en 2023 (figure 1). C’est un peu moins que les salariés de 2021 (18,8 %), mais cela reste au‑dessus du niveau d’avant la crise sanitaire, de 1,3 point. Ceci corrobore l’hypothèse d’un changement de comportement des salariés qui se pérennise plutôt qu’un rattrapage ponctuel des mobilités qui n’auraient pas pu s’effectuer pendant la pandémie.

Figure 1 – Répartition des salariés du privé depuis 2017 selon leur statut d'emploi un an après (enquête Emploi)

en %
Figure 1 – Répartition des salariés du privé depuis 2017 selon leur statut d'emploi un an après (enquête Emploi) (en %) - Lecture : Parmi les salariés du privé en 2022, 18,3 % ont quitté leur entreprise un an plus tard, 9,1 % pour une autre entreprise du privé.
Année Salariés dans la même entreprise Salariés ayant quitté leur entreprise
Ensemble Salariés dans une autre entreprise du privé Salariés dans le secteur public Indépendants Chômeurs Inactifs
2017 83,1 16,9 7,3 0,5 0,6 3,6 4,9
2018 83,0 17,0 7,3 0,6 0,6 3,3 5,1
2019 83,3 16,7 6,4 0,6 0,8 3,7 5,3
2021 81,2 18,8 9,7 0,7 0,9 2,8 4,7
2022 81,7 18,3 9,1 0,6 0,8 3,2 4,6
Évolution 2022/2018 (en points) -1,3 1,3 1,8 0,0 0,2 -0,1 -0,5
  • Note : Les transitions ne sont pas calculées pour l’année 2020 en raison de la refonte significative de l’enquête Emploi, susceptible de biaiser les évolutions constatées entre 2020 (ancienne enquête) et 2021 (nouvelle enquête) pour un même individu [sources et méthodes].
  • Lecture : Parmi les salariés du privé en 2022, 18,3 % ont quitté leur entreprise un an plus tard, 9,1 % pour une autre entreprise du privé.
  • Champ : France hors Mayotte, salariés du privé (hors agriculture et hors intérim) de 15 ans ou plus vivant en logement ordinaire.
  • Source : Insee, enquêtes Emploi 2017 à 2023.

La moitié de ces départs correspondent à des changements d’employeur : 9,1 % des salariés de 2022 ont un nouvel emploi dans une autre entreprise du privé en 2023, contre 7,3 % en 2018 (soit +1,8 point). D’autres salariés se retrouvent dans le secteur public (0,6 %) ou indépendants (0,8 %), ces parts ayant globalement peu varié. Par ailleurs, 3,2 % ont basculé dans le chômage entre 2022 et 2023, une part en hausse par rapport à l’année précédente. Si elle est presque revenue au niveau de 2018 (‑0,1 point), cette part reste à un niveau inférieur au niveau moyen d’avant‑crise en raison d’une conjoncture du marché du travail plus favorable. Enfin, 4,6 % sont sortis du marché du travail entre 2022 et 2023, notamment pour partir à la retraite, soit 0,5 point de moins qu’en 2018.

Des salariés plus mobiles pour presque toutes les catégories sociodémographiques

En 2023 comme en 2022, la plupart des grandes catégories de salariés du privé sont plus mobiles qu’avant la crise sanitaire. Notamment, la mobilité accrue par rapport à l’avant‑crise concerne de façon comparable les hommes et les femmes. La hausse des départs d’entreprise entre les salariés de 2018 et ceux de 2022 est assez proche pour les hommes (+1,5 point) et pour les femmes (+1,2 point) (figure 2). Cependant la part des femmes changeant d’entreprise augmente de 2,5 points, deux fois plus que celle des hommes (+1,2 point), ce qui est en partie compensé par de moindres bascules vers le chômage (‑0,4 point) ou dans l’inactivité (‑1,0 point). À l’inverse, les hommes ont une plus forte propension qu’avant‑crise à devenir indépendants (+0,5 point).

Figure 2 – Contributions à l'évolution entre 2018 et 2022 de la mobilité à un an des salariés, selon les caractéristiques socioéconomiques

en points
Figure 2 – Contributions à l'évolution entre 2018 et 2022 de la mobilité à un an des salariés, selon les caractéristiques socioéconomiques (en points) - Lecture : La part des hommes qui quittent leur entreprise augmente de 1,5 point entre 2018 et 2022. La part de ceux qui prennent un emploi salarié dans une autre entreprise du privé contribue pour 1,2 point à cette hausse.
Caractéristiques Salariés ayant quitté leur entreprise Salariés dans une autre entreprise du privé Salariés dans le secteur public Indépendants Chômeurs Inactifs
Sexe
Femmes 1,2 2,5 0,1 0,0 -0,4 -1,0
Hommes 1,5 1,2 -0,2 0,5 0,0 0,0
Âge
15-29 ans 0,6 0,3 0,2 0,8 0,7 -1,4
30-49 ans 1,9 2,6 -0,1 0,0 -0,2 -0,4
50 ans et plus 0,6 1,5 0,0 0,1 -0,7 -0,3
Catégorie socioprofessionnelle
Cadres 1,9 2,1 -0,2 0,0 0,5 -0,5
Professions intermédiaires 2,0 2,3 0,4 0,4 0,0 -1,0
Employés qualifiés 2,0 1,6 0,0 0,1 -0,4 0,7
Employés peu qualifiés 2,3 2,7 -0,5 0,3 0,2 -0,3
Ouvriers qualifiés 0,3 1,0 0,0 -0,1 -0,7 0,1
Ouvriers peu qualifiés -0,9 1,3 -0,3 0,9 -1,2 -1,7
Ensemble 1,3 1,8 0,0 0,2 -0,1 -0,5
  • Lecture : La part des hommes qui quittent leur entreprise augmente de 1,5 point entre 2018 et 2022. La part de ceux qui prennent un emploi salarié dans une autre entreprise du privé contribue pour 1,2 point à cette hausse.
  • Champ : France hors Mayotte, salariés du privé (hors agriculture et hors intérim) de 15 ans ou plus vivant en logement ordinaire.
  • Source : Insee, enquêtes Emploi 2017 à 2023.

Figure 2 – Contributions à l'évolution entre 2018 et 2022 de la mobilité à un an des salariés, selon les caractéristiques socioéconomiques

  • Lecture : La part des hommes qui quittent leur entreprise augmente de 1,5 point entre 2018 et 2022. La part de ceux qui prennent un emploi salarié dans une autre entreprise du privé contribue pour 1,2 point à cette hausse.
  • Champ : France hors Mayotte, salariés du privé (hors agriculture et hors intérim) de 15 ans ou plus vivant en logement ordinaire.
  • Source : Insee, enquêtes Emploi 2017 à 2023.

Si toutes les catégories d’âge sont plus mobiles qu’avant‑crise, c’est pour les salariés d’âge intermédiaire (30‑49 ans) que cette mobilité s’est le plus accrue : la part de ceux qui ont quitté leur entreprise a augmenté nettement (+1,9 point entre ceux de 2018 et ceux de 2022) comme celle de ceux qui en ont changé (+2,6 points). La part de salariés de 50 ans ou plus ayant quitté leur entreprise a également augmenté, mais dans une moindre mesure (+0,6 point), avec une mobilité accrue vers d’autres entreprises du privé (+1,5 point) mais une moindre transition vers le chômage (‑0,7 point) ou l’inactivité (‑0,3 point). Les jeunes (moins de 30 ans) ont aussi davantage quitté leur entreprise en 2023 qu’en 2019, mais de manière plus limitée que les 30‑49 ans, leur plus forte propension à devenir indépendants (+0,8 point) étant compensée par une bascule moins fréquente vers l’inactivité (‑1,4 point).

La mobilité des cadres, des professions intermédiaires et des employés est devenue plus fréquente, notamment vers une autre entreprise du privé. Les ouvriers se démarquent des autres groupes socioprofessionnels. La mobilité des ouvriers qualifiés a peu varié (+0,3 point entre les salariés de 2018 et ceux de 2022), et celle des ouvriers peu qualifiés a même baissé (‑0,9 point). Certes, la part de ceux qui ont quitté leur d’entreprise pour une autre entreprise également dans le privé a augmenté de 1,0 point pour les ouvriers qualifiés et de 1,3 point pour les peu qualifiés. Mais la part de ceux devenus chômeurs a diminué (‑0,7 point et ‑1,2 point) et les transitions vers l’inactivité des ouvriers peu qualifiés ont nettement baissé (‑1,7 point).

De plus en plus de salariés souhaitent quitter leur entreprise pour augmenter leur salaire

En 2023, 16,0 % des salariés ont déclaré souhaiter un nouvel emploi, une part proche de celle des années précédentes (entre 14,4 % et 16,6 % sur la période 2017‑2022). En revanche, le souhait de changer d’emploi s’est plus souvent concrétisé depuis la crise sanitaire : parmi les 15,5 % de salariés souhaitant en 2022 un nouvel emploi, 23,2 % ont effectué une mobilité en 2023. Ce taux, proche de 2021 (23,7 %), est nettement supérieur à l’avant‑crise (18,5 % en moyenne entre 2017 et 2019).

L’augmentation des revenus est la première motivation des salariés qui souhaitent un nouvel emploi, à égalité avec le souhait d’améliorer leurs conditions de travail. Parmi les salariés du privé qui souhaitent trouver un nouvel emploi, 26,3 % en 2023 mettent en avant la volonté d’augmenter leurs revenus (figure 3). Cette proportion a crû de 4,2 points depuis 2021. Dans un contexte de forte inflation, la mobilité professionnelle peut relever d’une stratégie des salariés pour maintenir leur pouvoir d’achat [Ouvrir dans un nouvel ongletBerson, Busson, 2023].

Figure 3 – Premières motivations des salariés du privé qui déclarent souhaiter un nouvel emploi, de 2021 à 2023

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Figure 3 – Premières motivations des salariés du privé qui déclarent souhaiter un nouvel emploi, de 2021 à 2023 (en %) - Lecture : En 2023, 26,3 % des salariés du privé souhaitant un nouvel emploi justifient ce souhait par la volonté d'augmenter leurs revenus, contre 22,1 % en 2021.
Motivation 2021 2022 2023
Souhaite un emploi plus stable 2,5 3,2 3,3
Souhaite un emploi plus intéressant 16,4 13,0 13,2
Souhaite travailler plus d’heures 1,8 2,1 2,0
Souhaite s'installer à son compte 3,0 2,5 2,4
Souhaite changer de métier, de secteur ou d’employeur 13,1 14,5 13,9
Souhaite augmenter ses revenus 22,1 25,1 26,3
Souhaite améliorer ses conditions de travail (rythme horaire, temps de transport, ambiance, etc.) 25,1 25,0 26,3
Risque de perte de l'emploi actuel 5,2 5,9 4,7
Autres raisons 10,8 8,8 8,0
Ensemble 100,0 100,0 100,0
  • Lecture : En 2023, 26,3 % des salariés du privé souhaitant un nouvel emploi justifient ce souhait par la volonté d'augmenter leurs revenus, contre 22,1 % en 2021.
  • Champ : France hors Mayotte, salariés du privé (hors agriculture et hors intérim) de 15 ans ou plus vivant en logement ordinaire.
  • Source : Insee, enquêtes Emploi 2021 à 2023.

Figure 3 – Premières motivations des salariés du privé qui déclarent souhaiter un nouvel emploi, de 2021 à 2023

  • Lecture : En 2023, 26,3 % des salariés du privé souhaitant un nouvel emploi justifient ce souhait par la volonté d'augmenter leurs revenus, contre 22,1 % en 2021.
  • Champ : France hors Mayotte, salariés du privé (hors agriculture et hors intérim) de 15 ans ou plus vivant en logement ordinaire.
  • Source : Insee, enquêtes Emploi 2021 à 2023.

Le souhait d’améliorer ses conditions de travail est aussi mis plus souvent en avant par les salariés qui souhaitent une mobilité professionnelle : 26,3 % en font état en 2023, un peu plus que les deux années précédentes (environ 25 %). Les autres motivations sont moins citées et ont peu varié en 2023. Le souhait de changer de métier, de secteur ou d’employeur est cité par 13,9 % des salariés souhaitant changer d’emploi en 2023. L’aspiration à trouver un emploi plus intéressant s’est stabilisée en 2023 à 13,2 %, après avoir baissé entre 2021 et 2022.

Une propension plus forte que par le passé à changer de secteur d’activité et de profession

Les changements de comportement des salariés peuvent aussi dépendre des caractéristiques des établissements employeurs, ce que les bases Tous salariés (BTS) et l’exploitation anticipée des déclarations sociales nominatives (DSN) permettent d’analyser (sources et méthodes). Sur un champ, des concepts et des périodes un peu différents, cette exploitation permet en 2023 de corroborer et d’étayer l’accroissement des mobilités au sein des entreprises du privé observé en 2022, par rapport aux transitions d’avant‑crise.

Ainsi, d’après cette source, 25,6 % des salariés du secteur privé en contrat la première semaine ouvrée de septembre 2022 ont quitté leur entreprise un an plus tard (figure 4). Parmi eux, 11,1 % étaient salariés d’une autre entreprise du privé en septembre 2023. Les 14,5 % autres étaient sortis de l’emploi salarié privé, sans qu’on sache s’ils sont restés en emploi (notamment dans le public ou en tant qu’indépendants) ou s’ils en sont .

Figure 4 – Répartition des salariés du privé depuis 2018 selon leur statut d'emploi un an après (bases Tous salariés)

en %
Figure 4 – Répartition des salariés du privé depuis 2018 selon leur statut d'emploi un an après (bases Tous salariés) (en %) - Lecture : Parmi les salariés du secteur privé présents au moins un jour de la première semaine ouvrée de septembre 2022, 74,4 % étaient présents dans la même entreprise au moins un jour de la première semaine ouvrée de septembre 2023, 5,8 % exerçaient la même profession dans une autre entreprise, 5,3 % exerçaient une nouvelle profession dans une autre entreprise, et 14,5 % étaient hors de l’emploi salarié privé.
Année Statut un an après
Salariés dans la même entreprise Salariés ayant quitté leur entreprise Dont :
Profession Secteur d'activité Sortis du champ
Même profession¹ Profession différente Même secteur d'activité² Secteur d'activité différent
2018 76,4 23,6 5,5 4,5 4,5 5,5 13,6
2019 77,1 22,9 4,9 4,1 4,1 4,9 14,0
2020 77,5 22,5 5,2 4,4 4,3 5,3 12,9
2021 74,6 25,4 5,9 5,5 4,8 6,6 14,0
2022 74,4 25,6 5,8 5,3 4,7 6,4 14,5
Évolution 2022/2018 (en points) -2,0 2,0 0,3 0,8 0,2 0,9 0,9
  • 1. La profession est définie par la PCS-ESE 2017 à 2 positions.
  • 2. Le secteur d’activité est défini au niveau A88.
  • Lecture : Parmi les salariés du secteur privé présents au moins un jour de la première semaine ouvrée de septembre 2022, 74,4 % étaient présents dans la même entreprise au moins un jour de la première semaine ouvrée de septembre 2023, 5,8 % exerçaient la même profession dans une autre entreprise, 5,3 % exerçaient une nouvelle profession dans une autre entreprise, et 14,5 % étaient hors de l’emploi salarié privé.
  • Champ : France hors Mayotte, salariés du privé (hors agriculture, intérim et particuliers-employeurs).
  • Source : Insee, bases Tous salariés 2018-2022, déclarations sociales nominatives 2022 et 2023, traitements provisoires.

Comme dans l’enquête Emploi, la proportion de salariés qui ont quitté leur entreprise reste plus forte qu’avant la crise sanitaire : les salariés de septembre 2022 sont 25,6 % à avoir quitté leur entreprise un an plus tard, soit 2,0 points de plus que les salariés de septembre 2018. Principale composante de cette hausse de la mobilité, la part de salariés qui ont changé d’entreprise sur un an a augmenté de 1,1 point entre 2018 et 2022. Par ailleurs, la part de salariés qui ne sont plus en emploi salarié dans le secteur privé après un an s’est aussi accrue entre 2018 et 2022 .

Parmi les salariés ayant changé d’entreprise, c’est avant tout la part de ceux qui ont aussi changé de secteur d’activité (au niveau de la nomenclature en 88 positions, A88) qui a augmenté. Ainsi, 6,4 % des salariés du secteur privé présents la première semaine ouvrée de septembre 2022 étaient, un an plus tard, encore salariés du secteur privé mais dans une entreprise et un secteur d’activité différents ; c’est 0,9 point de plus que pour les salariés de septembre 2018. La part de salariés qui travaillent dans une entreprise différente sans avoir changé de secteur d’activité a augmenté nettement moins, de 0,2 point par rapport à 2018, pour atteindre 4,7 %.

La hausse de la mobilité est aussi liée à une augmentation des changements de métier (au niveau de la nomenclature PCS à deux positions). En 2023, 5,3 % des salariés de septembre 2022 ont quitté leur entreprise pour changer de profession. Leur part a augmenté de 0,8 point alors que ceux qui ont changé d’entreprise en gardant le même métier, s’ils restent légèrement majoritaires (5,8 %), n’ont contribué à la hausse de la mobilité des salariés qu’à hauteur de +0,3 point.

L’exploitation des bases Tous salariés et des déclarations sociales nominatives confirme, comme l’enquête Emploi, que la mobilité s’est davantage accrue pour la classe d’âge intermédiaire (30‑49 ans ; +1,9 point) que pour les seniors (+1,1 point) (figure 5). En revanche, le diagnostic diverge de celui de l’enquête Emploi pour les jeunes (moins de 30 ans), le surcroît de mobilité étant un peu plus accentué qu’en moyenne dans les sources administratives (+2,1 points) mais plus modéré dans l’enquête Emploi. Cette divergence peut résulter de différents facteurs (sources et méthodes).

Figure 5 – Contributions à l'évolution entre 2018 et 2022 de la mobilité à un an des salariés, par tranche d'âge et type de contrat

en points
Figure 5 – Contributions à l'évolution entre 2018 et 2022 de la mobilité à un an des salariés, par tranche d'âge et type de contrat (en points) - Lecture : La mobilité des salariés de 29 ans ou moins a augmenté de 2,1 points entre 2018 et 2022. Les salariés changeant d'entreprise sans changer de secteur contribuent pour 0,2 point à cette hausse, ceux changeant d'entreprise et de secteur contribuent pour 1,7 point, et ceux sortant de l'emploi salarié privé pour 0,2 point.
Caractéristiques Salariés dans la même entreprise Salariés dans une entreprise différente, même secteur d'activité Salariés dans une entreprise d'un secteur différent Sortis du champ
Âge
15-29 ans 2,1 0,2 1,7 0,2
30-49 ans 1,9 0,1 0,8 1,0
50 ans ou plus 1,1 0,1 0,5 0,5
Type de contrat
CDI 2,1 0,1 0,9 1,1
CDD 1,1 0,1 0,6 0,4
Autres contrats 2,3 0,4 2,4 -0,5
Ensemble 2,0 0,1 1,0 0,9
  • CDI : contrat à durée indéterminée ; CDD : contrat à durée déterminée.
  • Lecture : La mobilité des salariés de 29 ans ou moins a augmenté de 2,1 points entre 2018 et 2022. Les salariés changeant d'entreprise sans changer de secteur contribuent pour 0,2 point à cette hausse, ceux changeant d'entreprise et de secteur contribuent pour 1,7 point, et ceux sortant de l'emploi salarié privé pour 0,2 point.
  • Champ : France hors Mayotte, salariés du privé (hors agriculture, intérim et particuliers-employeurs).
  • Source : Insee, bases Tous salariés 2018-2022, déclarations sociales nominatives 2022 et 2023, traitements provisoires.

Figure 5 – Contributions à l'évolution entre 2018 et 2022 de la mobilité à un an des salariés, par tranche d'âge et type de contrat

  • CDI : contrat à durée indéterminée ; CDD : contrat à durée déterminée.
  • Lecture : La mobilité des salariés de 29 ans ou moins a augmenté de 2,1 points entre 2018 et 2022. Les salariés changeant d'entreprise sans changer de secteur contribuent pour 0,2 point à cette hausse, ceux changeant d'entreprise et de secteur contribuent pour 1,7 point, et ceux sortant de l'emploi salarié privé pour 0,2 point.
  • Champ : France hors Mayotte, salariés du privé (hors agriculture, intérim et particuliers-employeurs).
  • Source : Insee, bases Tous salariés 2018-2022, déclarations sociales nominatives 2022 et 2023, traitements provisoires.

Une mobilité accrue surtout pour les salariés initialement en CDI

Les salariés initialement en contrat à durée indéterminée (CDI), encore ultra majoritaires (84,7 % des salariés en 2022), sont plus concernés que ceux en contrat à durée déterminée (CDD) par l’accroissement de la mobilité. La part de ceux qui ont quitté leur entreprise est en 2023 supérieure de 2,1 points à son niveau d’avant‑crise. Les salariés qui occupent un nouvel emploi dans une autre entreprise du privé contribuent pour +1,0 point à cette hausse. Si les salariés en CDD en 2022 ont aussi plus souvent changé d’entreprise en 2023 que ceux de 2018 en 2019, la hausse de la mobilité n’est que de 1,1 point. Pour eux, le changement d’emploi résulte plus rarement d’une démarche volontaire que pour les salariés en CDI.

Les salariés sous d’autres types de contrats en 2022, en majorité des contrats d’alternance (apprentissage ou contrats de professionnalisation), ont davantage été mobiles que les salariés en CDI ou CDD, principalement en changeant d’entreprise et de secteur d’activité.

L’aspiration à travailler plus d’heures est peu citée par les salariés interrogés dans l’enquête Emploi qui souhaitent un nouvel emploi. Pour les salariés à temps partiel notamment, c’est pourtant un moyen d’augmenter ses revenus, et donc une motivation à changer d’emploi. 30,2 % des salariés de 2021 qui ont changé d’entreprise ont augmenté leur temps de travail, contre seulement 5,9 % des salariés qui sont restés chez le même employeur (figure 6). Ces parts ont peu évolué depuis 2018. Si la mobilité est un moyen d’augmenter son temps de travail, ce facteur ne semble pas plus déterminant dans la décision de changer d’emploi qu’avant la crise. Toutefois, même si ces proportions ont peu varié, l’accroissement des mobilités d’ensemble a permis à davantage de salariés, notamment ceux à temps partiel, d’augmenter leur offre de travail. Cela contribue à la diminution du nombre de salariés à temps partiel subi dont fait état l’enquête Emploi depuis l’avant‑crise : sur l’ensemble des salariés, le sous‑emploi a baissé de 1,4 point entre fin 2019 et fin 2023, pour s’établir à 4,5 %.

Figure 6 – Évolution du temps de travail selon le statut un an après

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Figure 6 – Évolution du temps de travail selon le statut un an après (en %) - Lecture : Parmi les salariés du secteur privé de septembre 2021 et travaillant dans la même entreprise un an plus tard, 5,9 % occupent un poste avec un temps de travail supérieur. Parmi ceux qui ont changé d'entreprise, 30,2 % travaillent sur un poste à temps de travail supérieur.
Année Statut un an après
Salariés dans la même entreprise Salariés dans une entreprise différente
Augmentation du temps de travail Stabilité ou baisse du temps de travail Augmentation du temps de travail Stabilité ou baisse du temps de travail
2018 5,8 94,2 29,5 70,5
2019 7,3 92,7 30,1 69,9
2020 6,0 94,0 30,1 69,9
2021 5,9 94,1 30,2 69,8
  • Lecture : Parmi les salariés du secteur privé de septembre 2021 et travaillant dans la même entreprise un an plus tard, 5,9 % occupent un poste avec un temps de travail supérieur. Parmi ceux qui ont changé d'entreprise, 30,2 % travaillent sur un poste à temps de travail supérieur.
  • Champ : France hors Mayotte, salariés du privé (hors agriculture, intérim et particuliers-employeurs).
  • Source : Insee, bases Tous salariés 2018-2022.

Une évolution salariale à court terme cependant souvent moins favorable pour ceux qui changent d’entreprise

L’augmentation du salaire est la première motivation des salariés qui souhaitent un nouvel emploi. Les bases Tous salariés permettent de comparer les évolutions des salaires des personnes qui changent d’entreprise par rapport à celles qui restent dans la même. Les salaires sont analysés sur un champ excluant les alternants.

Les salariés de ce champ qui ont changé d’entreprise en 2022 (sources et méthodes) disposaient en 2022 d’un salaire net moyen en équivalent temps plein (EQTP) de 2 432 euros, contre 2 655 euros pour les salariés restés dans leur entreprise (figure 7). La situation salariale moins favorable des salariés qui changent d’entreprise est liée à de nombreuses caractéristiques sociodémographiques ou à celle des contrats et des postes. Ils sont plus nombreux parmi les jeunes, les employés et ouvriers, et les CDD. Mais cela peut aussi être un facteur motivant leur mobilité.

Figure 7 – Évolution du salaire selon le statut un an après (bases Tous salariés)

Figure 7 – Évolution du salaire selon le statut un an après (bases Tous salariés) - Lecture : Parmi les salariés hors apprentissage du secteur privé présents fin 2021, ceux qui étaient dans la même entreprise fin 2022 ont vu leur salaire augmenter de 5,7 %. Ceux qui ont changé d'entreprise ont vu leur salaire augmenter de 2,9 % dans leur nouvel emploi. Les salariés qui ont changé d'entreprise en 2022 ont perdu 2,8 points de salaire par rapport à ceux qui sont restés dans leur entreprise. Par rapport à 2019, l'écart de l'évolution salariale entre ceux qui ont changé d'entreprise et ceux qui sont restés dans la même entreprise est stable.
Caractéristiques initiales des salariés ou de leur poste Part de salariés ayant quitté leur entreprise (en %) Salariés restés dans la même entreprise (en %) Salariés ayant changé d'entreprise privée (en %) Écarts entre ceux qui ont changé d'entreprise et ceux qui sont restés dans la même entreprise (en points de %)
2022 2019 2022 2019 2022 2019 2022 entre 2019 et 2022
Salaire moyen en équivalent temps plein (en euros) /// 2 497 2 655 2 281 2 432 /// /// ///
Évolution salariale annuelle /// 3,6 5,7 0,8 2,9 -2,8 -2,8 0,0
Contrat de travail
CDI 18,3 3,9 5,7 0,5 2,9 -3,4 -2,8 0,6
CDD 56,7 7,2 7,8 14,0 13,2 6,8 5,4 -1,4
Autres contrats 14,4 0,0 9,8 -2,2 4,7 -2,2 -5,1 -2,9
Dixième de salaire
Inférieur à D1 35,9 12,3 16,0 20,9 24,4 8,6 8,4 -0,2
D1 à D2 27,2 8,0 10,1 9,4 12,6 1,4 2,5 1,1
D2 à D3 21,4 7,0 8,6 6,8 9,1 -0,2 0,5 0,7
D3 à D4 18,4 6,4 7,6 4,5 6,5 -1,9 -1,1 0,8
D4 à D5 16,4 5,8 6,9 3,5 5,2 -2,3 -1,7 0,6
D5 à D6 15,2 5,4 6,5 3,7 5,0 -1,7 -1,5 0,2
D6 à D7 14,5 5,0 6,1 4,4 5,5 -0,6 -0,6 0,0
D7 à D8 14,1 4,3 5,8 4,1 6,7 -0,2 0,9 1,1
D8 à D9 13,7 2,9 5,3 1,9 4,6 -1,0 -0,7 0,4
Supérieur à D9 13,9 -0,4 4,3 -12,4 -7,1 -12,0 -11,4 0,6
Catégorie socioprofessionnelle
Cadres 16,6 2,8 6,7 0,1 4,8 -2,6 -1,9 0,7
Professions intermédiaires 16,9 4,2 6,4 3,8 5,7 -0,5 -0,7 -0,2
Employés 24,7 4,4 6,0 4,1 6,2 -0,3 0,2 0,5
Ouvriers 19,8 4,6 5,7 0,5 1,6 -4,1 -4,1 0,1
Âge
15-29 ans, dont : 35,3 7,6 9,0 7,8 9,1 0,1 0,2 0,1
15-24 ans 45,2 8,6 10,0 10,0 10,6 1,4 0,7 -0,8
30-49 ans 18,2 4,2 6,5 0,4 3,6 -3,8 -2,9 0,9
50 ans ou plus 15,3 2,2 4,7 -7,8 -4,4 -9,9 -9,1 0,9
Sexe
Femmes 20,6 3,9 6,0 2,5 4,3 -1,3 -1,7 -0,3
Hommes 19,2 3,4 5,6 -0,2 2,2 -3,6 -3,4 0,2
  • /// : absence de résultat due à la nature des choses.
  • Lecture : Parmi les salariés hors apprentissage du secteur privé présents fin 2021, ceux qui étaient dans la même entreprise fin 2022 ont vu leur salaire augmenter de 5,7 %. Ceux qui ont changé d'entreprise ont vu leur salaire augmenter de 2,9 % dans leur nouvel emploi. Les salariés qui ont changé d'entreprise en 2022 ont perdu 2,8 points de salaire par rapport à ceux qui sont restés dans leur entreprise. Par rapport à 2019, l'écart de l'évolution salariale entre ceux qui ont changé d'entreprise et ceux qui sont restés dans la même entreprise est stable.
  • Champ : France hors Mayotte, salariés du privé (hors agriculture, alternants, salariés de l'intérim et particuliers-employeurs).
  • Source : Insee, bases Tous salariés 2018-2022.

Les salariés qui ont changé d’entreprise entre 2021 et 2022 ont bénéficié d’une hausse de leur salaire en EQTP de 2,9 % en moyenne en 2022 (en euros courants) dans leur nouvel emploi, contre +5,7 % pour ceux qui sont restés dans leur entreprise. Ainsi, les salariés mobiles ont subi une perte salariale de 2,8 points en comparaison des salariés stables. Cet écart est équivalent à celui d’avant la crise sanitaire : entre 2018 et 2019, les salaires des salariés mobiles ont légèrement augmenté (+0,8 %) quand ceux des personnes restées en place ont augmenté de 3,6 %, soit une perte comparative de 2,8 points.

Le fait que l‘évolution salariale soit moins favorable pour les salariés mobiles que pour ceux restés en place n’est donc pas nouveau. D’une part, le changement d’entreprise ne résulte pas nécessairement d’un choix mais peut aussi être subi (fin d’un contrat à durée limitée, licenciement, etc.). D’autre part, certaines primes et certains avantages sont liés à l’exercice précédent (primes d’intéressement et de participation) et ne sont donc pas versés la première année d’un nouvel emploi, ou sont corrélés à l’ancienneté (prime d’ancienneté) [Insee, 2021], même si la méthode utilisée neutralise le plus possible cet effet (on considère les contrats non terminés en fin d’année, ce qui permet notamment de neutraliser les primes légales de fin de contrat à durée déterminée). Ainsi, même pour les salariés qui le décident, changer d’entreprise n’est pas nécessairement une stratégie gagnante à court terme pour les revenus salariaux, mais cela n’exclut pas des gains salariaux à plus long terme.

Il reste que le différentiel d’évolution salariale entre salariés stables et mobiles n’a, en moyenne, pas évolué entre 2019 et 2022. La mobilité accrue des salariés par rapport à l’avant‑crise ne semble pas permettre de bénéficier à court terme d’un marché du travail devenu plus favorable aux salariés (hausse des difficultés de recrutement et baisse du chômage), bien qu’environ un quart des salariés souhaitent changer d’emploi pour augmenter leur revenu.

Une incitation salariale à la mobilité moins forte qu’avant la crise pour les salariés en CDD, plus forte pour les CDI

Ce constat est à nuancer selon les types de contrat ou les profils sociodémographiques. Les salariés en CDD bénéficient, en général, des plus fortes hausses de salaire. Une partie d’entre eux accèdent à un contrat à durée indéterminée, que ce soit en transformant leur contrat ou en changeant d’employeur : environ un quart selon Bonnet et al. (2019). Les salariés en CDD bénéficient aussi le plus d’un changement d’employeur : les salaires de ceux qui ont changé d’emploi en 2022 ont augmenté de 13,2 %, contre +7,8 % pour ceux restés dans la même entreprise. Ce gain à la mobilité (+5,4 points en 2022) est toutefois un peu plus faible que pour les salariés qui avaient changé d’employeur en 2019 (+6,8 points).

Au contraire, les salariés initialement en CDI sont légèrement pénalisés par le changement d’employeur la première année, ce qui est cohérent avec les résultats de Bonnet et al. (2019), qui montraient que, « à caractéristiques individuelles identiques, les salaires d’embauche sont plus élevés en contrats à durée limitée qu’en CDI » mais que, « au fil d’une carrière, la progression du salaire avec l’expérience est plus forte en CDI qu’en CDD : chaque année d’expérience supplémentaire est associée à une progression de salaire plus élevée lorsqu’elle est réalisée en CDI que lorsqu’elle est réalisée en contrats à durée limitée ». En 2022, la perte salariale des salariés mobiles en CDI par rapport à ceux restés en place est de ‑2,8 points, mais elle était plus forte avant la crise (‑3,4 points en 2019).

Les évolutions de salaire accompagnant les mobilités varient également selon la position initiale dans l’échelle des salaires, liée notamment au type de contrat : près de 80 % des salariés en CDD sont dans les trois premiers dixièmes. En classant les salariés selon leur salaire perçu en 2021, les salariés des trois premiers dixièmes qui ont changé d’entreprise ont bénéficié en 2022 d’une évolution de salaire plus favorable que ceux restés dans la même entreprise. Pour les salariés les moins rémunérés, changer d’entreprise peut donc permettre d’augmenter ses revenus de court terme. Aussi, les salariés du premier dixième sont bien plus nombreux à quitter leur entreprise un an après, en 2019 comme en 2022. Pour les salariés de 2021, 35,9 % du premier dixième ont quitté leur entreprise en 2022. Cette part diminue au fur et à mesure de l’échelle salariale, jusqu’à 13,9 % pour le dernier dixième. Ce sont surtout les salariés qui basculent vers la fonction publique, un statut d’indépendant ou de salarié de particuliers‑employeurs, le chômage ou l’inactivité qui expliquent ces différences. Les salariés qui changent d’entreprise y contribuent dans une moindre mesure, de 7,5 % pour le premier dixième à 4,3 % pour le dernier. La mobilité a augmenté pour chacun des dixièmes entre 2019 et 2022. Les salariés du premier dixième voient leur salaire augmenter plus fortement lorsqu’ils changent d’entreprise. Ce gain salarial a peu évolué entre 2019 et 2022 (‑0,2 point). Aux autres niveaux de salaires initiaux, l’évolution salariale à un an des salariés mobiles est souvent moins favorable que pour les salariés stables, mais comparativement meilleure en 2022 qu’en 2019.

Pour les cadres, changer d’entreprise est financièrement moins défavorable qu’avant la crise

L’évolution du salaire dépend aussi de la catégorie socioprofessionnelle. Pour les cadres de 2021, l’évolution du salaire moyen entre 2021 et 2022 est, comme pour l’ensemble des salariés, moins favorable pour ceux qui ont changé d’entreprise que pour ceux qui travaillent chez le même employeur ; mais par rapport à l’avant‑crise, l’écart s’est réduit de 0,7 point, pour atteindre -1,9 % en 2022. Pour les cadres, changer d’emploi est moins pénalisant, ce qui peut être le reflet d’un meilleur pouvoir de négociation dans un marché du travail plus tendu.

À l’inverse, l’écart de dynamique salariale entre les ouvriers mobiles et les ouvriers stables dans leur entreprise a peu évolué par rapport à 2019. Subissant probablement plus souvent le changement d’emploi, les ouvriers demeurent le groupe socioprofessionnel le plus pénalisé par le changement d’entreprise : ceux qui ont changé d’entreprise en 2022 ont eu une évolution de salaire plus faible de 4,1 points par rapport à ceux qui sont restés dans leur entreprise, un écart qui a peu évolué depuis 2019 (+0,1 point).

Les moins de 30 ans sont la seule catégorie d’âge pour laquelle le changement d’entreprise n’est pas négatif à court terme sur le salaire (+0,2 point en 2022). Ce gain salarial est quasi stable par rapport à 2019 (+0,1 point). Pour les plus jeunes d’entre eux (moins de 25 ans), le gain salarial s’est érodé de 0,8 point (+0,7 point en 2022, contre +1,4 point en 2019). Dans un contexte de marché du travail plus favorable, les entreprises sont incitées à davantage retenir leurs jeunes salariés, potentiellement plus mobiles, en leur proposant plus souvent des augmentations de salaire.

La mobilité est en général défavorable à court terme pour les salariés de plus de 30 ans et le différentiel de dynamique salariale entre ceux qui ont changé d’entreprise et les salariés restés en place s’accroît avec l’âge : en 2022, il varie de ‑2,9 points pour les 30‑49 ans à ‑9,1 points pour les 50 ans ou plus. Les salariés les plus âgés, et donc souvent les plus expérimentés dans l’entreprise, bénéficient souvent de salaires plus élevés. Le changement d’entreprise, parfois contraint, peut davantage conduire à des réductions de revenus. Cependant, ces pertes de revenu salarial sont moindres en 2022 qu’en 2019 pour toutes les tranches d’âge au‑dessus de 30 ans.

Sources et méthodes

Depuis 2017, les entreprises privées transmettent chaque mois leur déclaration sociale nominative (DSN) de façon unique et dématérialisée à un ensemble d’organismes et d’administrations, dont l’Insee qui l’exploite à des fins statistiques. La DSN remplace plusieurs déclarations, en particulier les déclarations annuelles de données sociales (DADS). La DSN permet notamment d’obtenir des informations sur l’emploi salarié et les contrats des salariés, ainsi que sur le nombre d’heures de travail ou les rémunérations associés à ces contrats.

La constitution, à partir de l’exploitation des DSN, de bases Tous salariés (BTS) annuelles permet de mettre en cohérence les données des déclarations brutes (cohérences entre rémunérations et heures déclarées, ou entre libellés d’emploi et PCS, par exemple). Le temps nécessaire à l’élaboration de ces bases pour des données pertinentes sur les salaires ne permet toutefois pas de répondre à certaines questions sur la situation de l’emploi sur l’année la plus récente, 2023 dans cette étude. Cette étude repose donc, pour l’année 2023, sur des traitements provisoires directs de la DSN, en attendant la mise à disposition de la BTS sur le millésime 2023 (prévue fin 2024). Pour des raisons de continuité temporelle, le champ de l’étude est restreint aux salariés du secteur privé entre 2018 et 2023 (alors que la DSN a été étendue à l’ensemble des employeurs de la fonction publique depuis 2022).

Plus précisément, concernant les résultats sur les effectifs, il s’agit des salariés dont un contrat est ouvert au moins un jour de la première semaine ouvrée du mois de septembre. Lorsqu’un individu occupe plusieurs postes sur cette période, le poste dont le dernier mois de rémunération est le plus récent a été retenu en priorité, puis celui ayant le plus d’heures rémunérées.

Concernant les résultats sur les salaires, seules les bases Tous salariés sont mobilisées, et les changements s’analysent sur l’année. Par ailleurs, le champ est réduit pour exclure les alternants. En effet, leurs caractéristiques d’évolutions de salaire sont très particulières. À la prise de leur premier emploi, leur salaire augmente très fortement, ce qui perturbe les résultats des catégories où ils sont très présents (jeunes, premiers dixièmes). En outre, on ne considère que les salariés présents au 31 décembre de l’année N dont le contrat n’est pas terminé. On s’assure ainsi que le salaire de l’année N ne contient pas de rémunération spécifique liée à une rupture de contrat. Pour le calcul des évolutions salariales des salariés mobiles, on considère les salariés présents dans une nouvelle entreprise au 31 décembre N+1, qui ont commencé leur contrat avant le 31 octobre de cette année N+1.

L’enquête Emploi en continu (EEC) est constituée d’un panel rotatif d’individus interrogés six trimestres consécutifs sur leur situation d’activité au sens du Bureau international du travail (BIT) durant une semaine de référence, la dimension continue de l’enquête permettant de recouvrir l’ensemble des semaines de l’année. Ainsi, il est possible de comparer pour chaque enquêté sa position sur le marché du travail une semaine de référence à celle qu’il occupe un an plus tard.

En 2021, l’enquête Emploi a été profondément rénovée, avec des modifications des concepts mesurés, du questionnaire ainsi que du protocole de collecte, risquant ainsi de biaiser les évolutions constatées entre 2020 (ancienne enquête) et 2021 (nouvelle enquête) pour un même individu. Pour cela, les transitions entre ces deux années ne sont pas étudiées [Insee, 2021].

Dans cette étude, l’analyse des mobilités se fait en référence à l’entreprise, c’est‑à‑dire sans considérer les mobilités internes dans l’entreprise.

La comparaison des résultats issus de l’EEC avec ceux provenant des BTS et de la DSN, montre quelques différences de résultats quant à la stabilité des salariés dans leur entreprise, notamment lorsqu’on affine par sous‑catégories. Cela peut provenir de différents facteurs :

  • l’enquête Emploi présente des aléas d’échantillonnage propres à toute enquête ;
  • l’échantillon de l’enquête Emploi porte sur les logements et non sur les individus ou les ménages : les personnes qui déménagent sortent donc du panel des répondants et sont exclues du champ de l’étude, leur situation un an après ne pouvant être déterminée. Or, la mobilité résidentielle est corrélée à la mobilité professionnelle [Ouvrir dans un nouvel ongletBriard, 2019 ; Delance, Vignolles, 2017] et la mise en place de pondérations longitudinales peut ne pas corriger entièrement ce biais ;
  • au cours de la période étudiée, certaines entreprises changent d’identifiant d’entreprise (numéro SIREN) sans conséquence sur leur activité économique, par exemple à l’occasion d’une réorganisation de l’entreprise ou d’un changement de statut juridique. Pour éviter de considérer ces réorganisations comme des changements d’entreprise pour les salariés, nombre de ces changements ont été corrigés dans la BTS et la DSN, mais cette correction n’a pu être exhaustive. Or, dans l’enquête Emploi, un salarié ne déclare pas forcément de changement d’entreprise si lui‑même n’a pas changé d‘emploi ;
  • l’analyse des transitions à un an des salariés du privé est réalisée dans l’enquête Emploi en moyenne annuelle sur toutes les semaines de l’année, alors que les résultats sur les effectifs provenant des BTS et DSN ont été calculés uniquement à partir de la première semaine du mois de septembre (pour limiter le volume de données à traiter et garder la comparabilité entre 2023 et les années précédentes). D’autres périodes ont été testées avec des résultats similaires.

Ces facteurs expliquent la différence de résultats entre les deux sources, notamment sur l’évolution de la part de salariés ne se retrouvant pas dans un emploi privé l’année suivante. Toutefois, au total, la relative convergence des résultats sur la hausse des mobilités en 2022 comme en 2023, par rapport à l’avant‑crise, semble attester de la robustesse de ce résultat.

Pour en savoir plus

Berson C., Busson E., « Ouvrir dans un nouvel ongletChangements d’emploi et dynamique des salaires », Bloc‑notes Éco, billet n° 313, avril 2023.

Briard K., « Ouvrir dans un nouvel ongletQuels liens entre mobilité résidentielle et situation professionnelle ? », Dares Analyses n° 15, avril 2019.

Bonnet O., Georges‑Kot S., Pora P., « Les contrats à durée limitée : trappes à précarité ou tremplins pour une carrière ? », in Emploi, chômage, revenus du travail, coll. « Insee Références », édition 2019.

Bour R., Fabre M., Brembilla L., « Davantage de salariés ont changé d’entreprise en 2022 qu’avant la crise sanitaire », in Emploi, chômage, revenus du travail, coll. « Insee Références », édition 2023.

Delance P., Vignolles B., « Ça déménage ? La mobilité résidentielle et ses déterminants », in Les conditions de logement en France, coll. « Insee Références », édition 2017.

Insee, « La structure des salaires en 2018 – Enquête sur le coût de la main‑d’œuvre et la structure des salaires (ECMOSS) », Insee Résultats, octobre 2021.

Les intérimaires sont par définition plus souvent susceptibles d’avoir changé d’entreprise l’année suivante que les autres salariés du privé. Leur comportement très spécifique explique leur exclusion du champ dans cette étude.

Les déclarations sociales nominatives (DSN) sont pour l’essentiel restreintes au champ du privé jusqu’en 2021. Elles ne permettent donc pas d’établir si les salariés sortis des déclarations sont en emploi dans la fonction publique (qui n’a totalement basculé en DSN que depuis 2022), indépendants, salariés de particuliers‑employeurs, au chômage ou inactifs. En DSN, les salariés du privé en septembre 2022 sont 0,9 % à se retrouver dans le public en septembre 2023, une part proche de celle fournie par l’enquête Emploi. En outre, les transitions vers l’emploi intérimaire ou vers le secteur de l’agriculture sont ici hors champ de l’étude.

Cette évolution diffère nettement de celle trouvée avec l’enquête Emploi, ce qui peut résulter de différents facteurs (sources et méthodes). Mais les deux sources convergent sur le diagnostic de nette hausse des mobilités des salariés, notamment via des changements d’entreprise.