Insee Analyses Grand Est · Juillet 2023 · n° 162

Dans le Grand Est, quatre travailleurs handicapés sur dix dans le secteur industriel

En 2019 en France, 3,8 % des personnes âgées de 15 à 64 ans en emploi disposent d’une reconnaissance administrative de leur handicap. Elles sont employées dans le cadre de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH) (encadré 1). Celle-ci vise à garantir l’égalité de traitement en termes d’emploi et de travail au regard du handicap. Régie par une loi de 1987, elle prévoit que chaque établissement assujetti compte 6 % de salariés ayant une reconnaissance de handicap.

Il existe différents moyens pour s’acquitter de cette obligation : emploi direct, emploi indirect (accueil de stagiaires, contrats de fournitures ou de sous-traitance ou de prestations de services) et à défaut, contribution au fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées. Cette étude traite de l’emploi direct des travailleurs handicapés.

En 2019, l’OETH concerne 36 000 salariés dans le Grand Est, hors fonction publique. Ces derniers travaillent dans les 7 700 établissements de 20 salariés ou plus assujettis de la région, employant 691 000 salariés au total. Ils représentent 29 200 unités bénéficiaires, et 26 800 équivalents temps plein (EQTP).

Dans la région, le taux d’emploi direct s’élève à 3,9 % en équivalent temps plein, soit 0,4 point de plus que celui de la France. L’Île-de-France est la région de France métropolitaine avec le taux le plus faible (2,9 %). En France de province, seules trois régions, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Pays de la Loire et Auvergne-Rhône-Alpes ont un taux d’emploi direct (3,6 %) inférieur au Grand Est et supérieur au niveau national. À l’opposé, la Nouvelle Aquitaine se distingue par le taux d’emploi le plus élevé (4,2 %) (figure 1).

Ces écarts peuvent s’expliquer par des spécificités économiques régionales et par l’influence des secteurs de l’industrie, de l’administration et du commerce. Dans le Grand Est, l’industrie est le premier employeur de salariés ; a contrario, en Île-de-France, le commerce et les activités tertiaires dominent. Composée d’établissements de grandes entreprises assujettis depuis longtemps, l’industrie remplit plus facilement les obligations. Ainsi, la région se place en quatrième position pour le taux d’emploi direct des travailleurs handicapés dans ce secteur (4,2 %), derrière les Hauts-de-France, la Nouvelle Aquitaine et la Bretagne.

Les travailleurs handicapés sont plus présents dans l’industrie et le secteur de l’administration publique, l’enseignement, la santé humaine et l’action sociale, par rapport à l’ensemble des travailleurs. Ces secteurs pèsent plus fortement dans le Grand Est qu’en France (figure 2).

À l’inverse, ils sont moins présents dans le secteur du commerce, transport, hébergement et restauration, contrairement à l’échelle nationale. Leur poids est également plus faible dans la construction. Ce dernier secteur est composé de plusieurs catégories d’emplois exigeant des conditions d’aptitude particulières (Ecap) : métiers du bâtiment et des travaux publics tels que maçons ou conducteurs d’engin. La présence de tels emplois dans un établissement permet juridiquement un allégement de son obligation, la plupart des personnes handicapées ne pouvant être recrutées sur ces postes.

Le taux d’emploi direct est aussi variable selon les départements : il s’échelonne de 3,3 % dans le Bas-Rhin, à 5,1 % dans les Ardennes (figure 3). Il est plus élevé dans les départements ruraux et peu denses : les Ardennes, la Meuse, la Haute-Marne et les Vosges. Dans ces départements, les plus de 55 ans s’avèrent proportionnellement plus nombreux ainsi que la population touchée par des limitations motrices ou organiques [Espagnacq et alii, 2023 ; pour en savoir plus (1)]. Celles-ci peuvent être à l’origine d’une reconnaissance administrative de travailleur handicapé selon l’emploi occupé. Ce sont aussi les départements dans lesquels la part des postes en EQTP dans le secteur industriel est la plus forte.

Cette imprégnation industrielle du tissu économique se retrouve logiquement dans le profil des salariés et particulièrement dans celui des bénéficiaires de l’OETH (BOETH) : des salariés masculins, plus âgés et plutôt ouvriers.

Les bénéficiaires de l’OETH sont plus âgés dans le Grand Est : plus de la moitié a 50 ans ou plus (56 % contre 54 % en France). Ils sont aussi plus âgés que l’ensemble des salariés des établissements assujettis. Le poids de cette tranche d’âge augmente entre 2011 et 2019 (de 47 % à 56 %), suivant la tendance nationale (figure 4). L’âge accroît la probabilité d’avoir eu une maladie professionnelle et la reconnaissance d’un handicap. De plus, des mesures favorisant le maintien en emploi des travailleurs handicapés seniors ont été mises en place le 1^er janvier 2015.

La proportion d’ouvriers est plus importante dans la région (49 %, soit 10 points de plus qu’en France). À l’opposé, la part de chefs d’entreprises, cadres et professions intellectuelles supérieures est faible, 5 %, soit deux fois moins qu’en France. Toutefois, cette part a légèrement progressé ces dernières années : en 2011, elle était de 4 %. Le poids des professions intermédiaires est également plus faible qu’au plan national. Le maintien de la prépondérance industrielle dans la région explique en partie cette structure professionnelle particulière.

Cette population est davantage masculine, à 55 %, soit 3 points de plus qu’en France. Néanmoins, elle se féminise de manière soutenue depuis 2011. En effet, la proportion de femmes passe de 36 % à 45 %.

Les salariés en situation de handicap sont aussi plus souvent employés à temps partiel. La part de ces salariés augmente : de 23 % en 2011 à 28 % en 2019. De plus, trois bénéficiaires sur cinq travaillent depuis au moins dix ans dans le même établissement : une petite partie des BOETH sont en effet des personnes ayant de l’ancienneté, victimes d’accidents du travail ou de maladie professionnelle, et maintenues en emploi dans l’établissement.

Cette ancienneté s’accompagne de contrats majoritairement à durée indéterminée, de façon plus fréquente que pour l’ensemble des salariés (89 % contre 85 %).

En moyenne, près de quatre bénéficiaires sur dix sont embauchés en contrat à durée indéterminée (CDI) en 2019 (figure 5), contre trois sur dix en 2011. C’est moins que pour l’ensemble des salariés des établissements assujettis.

Les nouveaux embauchés profitent aussi davantage de contrats spécifiques ou de conventions : 23 %, contre 13 % pour l’ensemble des salariés des mêmes établissements.

Ils bénéficient aussi plus fréquemment d’un CDI dans les plus petits établissements, ou dans les plus grands, conformément à la tendance nationale. Parmi les nouveaux embauchés, 46 % ont un CDI dans les établissements de 20 à 49 salariés, et 40 % dans les établissements de 500 salariés ou plus. Ils ne sont que 30 % dans les établissements de 250 à 499 salariés.

Entre 2011 et 2015, le taux d’emploi des BOETH augmente de 0,4 point dans le Grand Est, pour atteindre 4,0 %. Cette hausse est présente dans les principaux secteurs d’activité de la région : l’industrie et les activités de services.

Cette augmentation couvre tous les départements, exceptés la Meuse. En particulier, la hausse est d’au moins 0,5 point en Moselle, en Meurthe-et-Moselle et dans le Haut-Rhin, départements dans lesquels les effectifs des établissements assujettis sont parmi les plus élevés.

En Moselle et Meurthe-et-Moselle, le taux d’emploi direct dans le secteur de l’administration publique, enseignement, santé humaine et action sociale progresse de 0,7 point. En Moselle et dans le Haut-Rhin, la hausse est de 0,8 point dans l’industrie.

Entre 2015 et 2019, le taux d’emploi diminue très légèrement, tandis qu’il augmente dans les mêmes proportions en France. Il reste stable dans les activités de services, mais baisse de 0,2 point dans l’industrie, à l’inverse de la tendance nationale, où le taux d’emploi se stabilise dans l’industrie et s’accroît dans les activités de services.

Les établissements relevant de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés sont des établissements du secteur privé et des établissements publics à caractère industriel et commercial (Épic) de 20 salariés ou plus et disposant du pouvoir d’embaucher et de licencier du personnel.

Les bénéficiaires de l’OETH sont indifféremment désignés dans cette étude par BOETH ou travailleurs handicapés.