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Insee Analyses Grand Est · Juillet 2023 · n° 161
Insee Analyses Grand EstMoins d’emplois de proximité et forte spécialisation du tissu économique dans les zones d’emploi frontalières

Thibaut Martini, Sylvain Moreau, Sophie Villaume (Insee)

Entre 2008 et 2019, le travail frontalier progresse nettement dans les zones d’emploi de Thionville et de Saint-Louis, où la population augmente. À l’inverse, il diminue sur le territoire frontalier tourné vers l’Allemagne, en léger déclin démographique. À Saint-Louis, la forte croissance démographique porte celle de l’emploi lié aux besoins de la population résidente. L’emploi baisse au contraire à Thionville, malgré la hausse du nombre d’habitants ; cela accentue la faible place de la sphère présentielle, avec notamment moins d’emplois de proximité dans les commerces de détail et dans l’hébergement-restauration qu’en moyenne régionale. Sur la dernière décennie, le tissu économique de Saint-Louis renforce sa forte spécialisation autour d’activités également présentes en Suisse. L’appareil productif de Thionville ne se diversifie pas, la main-d’œuvre se dirigeant vers le travail frontalier, dans des activités commerciales ou logistiques déjà sous-représentées côté français. Dans le territoire frontalier tourné vers l’Allemagne, la désindustrialisation contribue à la moindre spécialisation d’un tissu économique orienté vers les activités productives.

Insee Analyses Grand Est
No 161
Paru le :Paru le05/07/2023
Infographie sur le tissu économique dans les zones d’emploi frontalières
Publication rédigée par :Thibaut Martini, Sylvain Moreau, Sophie Villaume (Insee)

Le Grand Est, première région pour le nombre de travailleurs frontaliers

Le Grand Est est la région qui compte le plus grand nombre de . En 2019, 183 000 habitants travaillent dans un de ses quatre pays voisins (Allemagne, Belgique, Luxembourg et Suisse), soit près de 30 000 de plus qu’en 2008. Ceux-ci résident essentiellement dans une bande frontalière comprenant 14 (encadré), dans lesquelles ils représentent plus de 2 % de la population active occupée. Cette part culmine dans les zones d’emploi de Saint-Louis et de Thionville (respectivement 47,5 % et 45,3 %), où la main-d’œuvre est attirée par les opportunités d’emploi et les rémunérations élevées des emplois suisses et luxembourgeois. L’influence frontalière est un peu plus mesurée dans le territoire frontalier tourné vers l’Allemagne (14,0 %), formé des quatre zones d’emploi de Forbach, Haguenau, Sarreguemines et Saint-Avold, au nord-est de la région. Un quatrième territoire frontalier comprend huit autres zones d’emploi, dans lesquelles la proportion de travailleurs frontaliers est comprise entre 2 % et 10 %.

Dans ces territoires, l’arrivée de nouveaux résidents attirés par le travail frontalier modifie la dynamique de population, ainsi que celle de l’emploi lié à leur consommation. Plus globalement, c’est l’ensemble du tissu économique local qui peut être modifié en se spécialisant sur certaines activités ou au contraire en gagnant en diversité.

Figure 1Régimes de croissance emploi-population des territoires frontaliers entre 2008 et 2019

Régimes de croissance emploi-population des territoires frontaliers entre 2008 et 2019 - Lecture : le territoire frontalier tourné vers l'Allemagne comporte quatre zones d’emploi : Saint-Avold, Sarreguemines, Forbach et Haguenau ; 35 600 travailleurs frontaliers résident dans ce territoire, où la déprise démographique s’accompagne d’une baisse de l’emploi.
Territoire frontalier Nombre de travailleurs frontaliers vers le Luxembourg, la Suisse, l’Allemagne et la Belgique en 2019 Régime de croissance emploi-population
ZE de Thionville 68 500 Croissance résidentielle et baisse de l’emploi
ZE de Saint-Louis 23 700 Croissance résidentielle et de l’emploi
Territoire tourné vers l'Allemagne 35 600 Déprise et baisse de l’emploi
Autres ZE Frontalières 53 200 Croissance résidentielle et baisse de l’emploi
  • Lecture : le territoire frontalier tourné vers l'Allemagne comporte quatre zones d’emploi : Saint-Avold, Sarreguemines, Forbach et Haguenau ; 35 600 travailleurs frontaliers résident dans ce territoire, où la déprise démographique s’accompagne d’une baisse de l’emploi.
  • Champ : zones d’emploi où la part de travailleurs frontaliers dans la population active occupée dépasse 2 %.
  • Source : Insee, RP 2008 et 2019, exploitations complémentaires.

Figure 1Régimes de croissance emploi-population des territoires frontaliers entre 2008 et 2019

  • Lecture : le territoire frontalier tourné vers l'Allemagne comporte quatre zones d’emploi : Saint-Avold, Sarreguemines, Forbach et Haguenau ; 35 600 travailleurs frontaliers résident dans ce territoire, où la déprise démographique s’accompagne d’une baisse de l’emploi.
  • Champ : zones d’emploi où la part de travailleurs frontaliers dans la population active occupée dépasse 2 %.
  • Source : Insee, RP 2008 et 2019, exploitations complémentaires.

L’emploi sensiblement moins dynamique que la démographie dans les territoires frontaliers

Entre 2008 et 2019, la population s’accroît dans les territoires frontaliers au rythme de 0,2 % par an, alors qu’elle stagne au niveau régional. Les évolutions démographiques sont contrastées (figure 1), avec une forte croissance dans les zones d’emploi de Saint-Louis et Thionville (+0,9 % et +0,5 % par an). L’attractivité de la Suisse s’intensifie sur la période (+1,3 % par an de frontaliers à Saint-Louis), tout comme celle du Luxembourg (+2,6 % par an à Thionville) dont l’influence s’étend à des zones d’emploi de plus en plus éloignées. Dans le territoire frontalier tourné vers l’Allemagne, la population diminue sur cette période (-0,1 % par an), tandis qu’elle augmente légèrement dans les autres zones d’emploi frontalières (+0,2 % par an).

Dans tous les territoires frontaliers, l’évolution de l’emploi sur la dernière décennie est inférieure, voire inverse, à celle de la population. En hausse à Saint-Louis (+0,6 % par an), l’emploi décroît sensiblement à Thionville (-0,8 % par an) et plus modérément dans le territoire frontalier tourné vers l’Allemagne, ainsi que dans les autres zones d’emploi frontalières. Cela résulte de la forte baisse de l’ sur la période (-0,8 % par an en moyenne dans la région). Cette baisse concerne toutes les zones d’emploi, hormis celle de Strasbourg, et s’avère la plus prononcée dans celle de Thionville (-1,9 % par an).

Le recul de l’emploi est nuancé par l’évolution de l’emploi présentiel, les emplois de proximité liés à la consommation évoluant en général comme la population résidente. L’emploi présentiel augmente même un peu plus vite que la population à Saint-Louis (+1,0 % par an). Thionville fait cependant exception : l’emploi présentiel s’y réduit de 0,3 % par an, tandis que la population s’accroît, ce qui renforce le faible développement de la sphère présentielle du territoire.

Moins d’emplois de proximité pour les résidents de Thionville et Saint-Louis

Les territoires frontaliers comptent moins d’emplois présentiels par habitant qu’en moyenne dans la région (figure 2). Thionville et Saint-Louis sont ainsi les deux zones d’emploi les moins pourvues en emplois de proximité, avec 16,4 et 16,8 emplois pour 100 habitants, contre 24,3 à l’échelle du Grand Est. Ce taux est également faible dans le territoire frontalier tourné vers l’Allemagne : 19,8.

L’écart s’explique en premier lieu par l’absence de chef-lieu de département ou de région dans ces trois territoires frontaliers. En conséquence, les emplois d’administration sont moins fréquents, ainsi que les emplois d’enseignement et de santé, qui se concentrent généralement dans les grands pôles. Par ailleurs, l’hébergement-restauration est en retrait, en lien avec un moindre développement du tourisme et une plus faible présence de la clientèle d’affaires. Les emplois dans le commerce de détail sont également un peu moins nombreux qu’en moyenne dans le Grand Est. La population résidente reporterait une partie de sa consommation dans un pôle plus grand (Metz, Mulhouse, Strasbourg) ou au plus près de son lieu de travail, à l’étranger. Malgré le coût de la vie supérieur, les consommateurs peuvent ainsi privilégier des achats dans ces pays, en raison d’une fiscalité avantageuse (essence, tabac, etc.).

Figure 2Taux d’emplois présentiels par territoire et activité en 2019

(pour 100 habitants)
Taux d’emplois présentiels par territoire et activité en 2019 ((pour 100 habitants)) - Lecture : la zone d’emploi (ZE) de Thionville compte 16,4 emplois présentiels pour 100 habitants en 2019, dont 2,3 emplois dans l’administration pour 100 habitants.
Territoire frontalier Administration Enseignement Santé, hébergement médico-social et action sociale Commerce de détail Construction spécialisée Hébergement - restauration Autres activités
ZE de Thionville 2,3 2,3 4,0 2,4 1,1 0,9 3,5
ZE de Saint-Louis 1,9 1,8 3,0 2,5 1,6 1,2 4,8
Territoire tourné vers l'Allemagne 2,6 2,2 5,5 2,6 1,8 1,0 4,0
Grand Est 3,7 2,9 6,1 2,8 1,9 1,4 5,6
  • Lecture : la zone d’emploi (ZE) de Thionville compte 16,4 emplois présentiels pour 100 habitants en 2019, dont 2,3 emplois dans l’administration pour 100 habitants.
  • Source : Insee, RP 2019, exploitation complémentaire.

Figure 2Taux d’emplois présentiels par territoire et activité en 2019

  • Lecture : la zone d’emploi (ZE) de Thionville compte 16,4 emplois présentiels pour 100 habitants en 2019, dont 2,3 emplois dans l’administration pour 100 habitants.
  • Source : Insee, RP 2019, exploitation complémentaire.

Un tissu économique plus fortement spécialisé à Saint-Louis

La zone d’emploi de Saint-Louis est le territoire frontalier dont l’économie est la plus spécialisée. Cela correspond à la présence d’activités ayant un poids sensiblement plus important qu’en moyenne dans le Grand Est (activités très spécifiques) ou moins important (activités fortement sous-représentées) (figure 3). Dans ce territoire, un emploi sur cinq appartient à l’une des neuf activités très spécifiques de la zone. L’emploi dans les transports aériens est 25 fois plus développé que dans la région, avec l’implantation de l’aéroport international de Bâle-Mulhouse-Fribourg. L’industrie pharmaceutique rassemble 5,4 % des emplois, 15 fois plus qu’en moyenne dans le Grand Est. Le territoire est également tourné vers d’autres activités industrielles (plastique, chimie, électronique et équipements électriques) ou vers des secteurs complémentaires (recherche et développement, entreposage et sécurité). À l’inverse, six activités sont fortement sous-représentées, dont deux présentielles : la santé et les activités juridiques et comptables.

En comparaison, les tissus économiques de la zone d’emploi de Thionville et du territoire frontalier tourné vers l’Allemagne sont plus diversifiés, avec un emploi sur dix dans une activité très spécifique ou fortement sous-représentée. À Thionville, l’appareil productif reste très orienté vers l’industrie malgré le déclin du secteur : la métallurgie, la production d’électricité et la réparation et installation de machines sont les activités les plus spécifiques. Le commerce de gros, l’entreposage et l’agriculture y ont au contraire un poids beaucoup plus faible qu’en moyenne. Avec six activités très spécifiques de l’industrie, le territoire frontalier tourné vers l’Allemagne a également un caractère industriel très marqué, mais aucune activité n’y est fortement sous-représentée.

Figure 3Spécialisation des appareils productifs des territoires frontaliers en 2019

Part dans l’emploi (en %)
Spécialisation des appareils productifs des territoires frontaliers en 2019 (Part dans l’emploi (en %)) - Lecture : les activités fortement sous-représentées, dont l’indice de spécificité est inférieur ou égal à 0,5, représentent 3,5 % des emplois de la zone d’emploi de Thionville en 2019.
Territoire frontalier Activités fortement sous-représentées Spécificité ≤ 0,5 Activités peu spécifiques 0,8 ≤ Spécificité ≤ 1,25 Activités très spécifiques Spécificité ≥ 2
ZE de Thionville 3,5 39,9 6,6
ZE de Saint-Louis 6,4 32,6 20,1
Territoire frontalier tourné vers l’Allemagne 0 52,5 11,4
  • Lecture : les activités fortement sous-représentées, dont l’indice de spécificité est inférieur ou égal à 0,5, représentent 3,5 % des emplois de la zone d’emploi de Thionville en 2019.
  • Champ : activités représentant plus de 1 % de l’emploi du territoire frontalier ou du Grand Est.
  • Source : Insee, RP 2019, exploitation complémentaire.

Figure 3Spécialisation des appareils productifs des territoires frontaliers en 2019

  • Lecture : les activités fortement sous-représentées, dont l’indice de spécificité est inférieur ou égal à 0,5, représentent 3,5 % des emplois de la zone d’emploi de Thionville en 2019.
  • Champ : activités représentant plus de 1 % de l’emploi du territoire frontalier ou du Grand Est.
  • Source : Insee, RP 2019, exploitation complémentaire.

Des secteurs d’activité diversement stimulés par le travail frontalier

Dans la zone d’emploi de Saint-Louis, les activités très spécifiques sont également prisées des travailleurs frontaliers (figure 4). Ainsi, le statut binational unique au monde de l’EuroAirport contribue tout à la fois à la très forte spécificité des transports aériens dans ce territoire, et à un poids élevé des frontaliers dans la main-d’œuvre de cette activité dans le secteur suisse de l’aéroport (73 %). De même, les industries pharmaceutiques et chimiques, la fabrication d’équipements électriques, informatiques, électroniques et optiques, ainsi que la recherche et développement (R&D) sont très représentées sur le territoire, même si plus d’un actif occupé sur deux a un emploi dans ces activités côté suisse. Certaines activités semblent au contraire en concurrence en raison de l’attractivité des emplois suisses pour la main-d’œuvre française : la santé, les transports terrestres et la fabrication de produits métalliques.

À Thionville, le fort attrait pour le travail frontalier et pour les emplois locaux ne concerne que la métallurgie, activité spécifique historiquement implantée sur le bassin houiller commun à la Belgique, la France et le Luxembourg. À l’inverse, le commerce de gros et l’entreposage pâtissent de l’attractivité des emplois frontaliers pour la main-d’œuvre locale, mieux rémunérés (respectivement 67 % et 57 % de frontaliers dans ces activités). Dans le territoire frontalier tourné vers l’Allemagne, seules l’industrie automobile et la fabrication plastique attirent à la fois côté français et côté allemand. Les autres secteurs très spécifiques à la zone ont une attractivité limitée côté allemand : on y compte 13 % de frontaliers, dans la moyenne des zones d’emploi frontalières.

Figure 4aPart des frontaliers dans les activités très spécifiques et fortement sous-représentées des territoires frontaliers en 2019Ensemble des territoires frontaliers

Part des frontaliers dans les activités très spécifiques et fortement sous-représentées des territoires frontaliers en 2019 - Lecture : 43,1 % des actifs occupés de la zone d’emploi de Thionville travaillent dans la métallurgie. La part de ce secteur dans l’emploi est 4,8 fois plus élevée que dans le Grand Est.
Libellé simplifié de la division Territoire frontalier Indice de spécificité en 2019 Part de frontaliers parmi les actifs occupés en 2019 (en %)
Métallurgie ZE de Thionville 4,8 43,1
Prod. Électricité ZE de Thionville 3,1 7,8
Agriculture ZE de Thionville 0,5 5,8
Commerce de gros ZE de Thionville 0,5 66,7
Entreposage ZE de Thionville 0,4 57,4
Entreposage ZE de Saint-Louis 4,3 37,9
Fab. Plastique ZE de Saint-Louis 3,6 24,0
Fab. Informat., électroniq. & opt. ZE de Saint-Louis 3,3 71,2
Chimie ZE de Saint-Louis 3,0 63,3
R & D ZE de Saint-Louis 2,8 75,4
Enquêtes et sécurité ZE de Saint-Louis 2,4 37,6
Fab. Équipements électriques ZE de Saint-Louis 2,4 54,1
Santé ZE de Saint-Louis 0,5 44,4
Transport terrest. ZE de Saint-Louis 0,4 67,0
Act. juridiques et comptables ZE de Saint-Louis 0,4 20,9
Fab. prod. Métalliq. ZE de Saint-Louis 0,4 67,6
Ind. auto ZE de Saint-Louis 0,1 22,8
Fab. Équipements électriques Territoire tourné vers l’Allemagne 3,5 8,3
Fab. aut. prod. minéraux non métalliques Territoire tourné vers l’Allemagne 2,6 14,5
Fab. Plastique Territoire tourné vers l’Allemagne 2,6 26,9
Chimie Territoire tourné vers l’Allemagne 2,4 14,1
Ind. auto Territoire tourné vers l’Allemagne 2,3 43,2
Réparation & install. Machine Territoire tourné vers l’Allemagne 2,1 13,0
  • Lecture : 43,1 % des actifs occupés de la zone d’emploi de Thionville travaillent dans la métallurgie. La part de ce secteur dans l’emploi est 4,8 fois plus élevée que dans le Grand Est.
  • Champ : activités très spécifiques (spécificité supérieure ou égale à 2) ou fortement sous-représentées (spécificité inférieure ou égale à 0,5) ayant un poids supérieur ou égal à 1 % dans l’emploi du territoire frontalier ou de la région.
  • Source : Insee, RP 2019, exploitation complémentaire.

Figure 4aPart des frontaliers dans les activités très spécifiques et fortement sous-représentées des territoires frontaliers en 2019Ensemble des territoires frontaliers

  • Lecture : 43,1 % des actifs occupés de la zone d’emploi de Thionville travaillent dans la métallurgie. La part de ce secteur dans l’emploi est 4,8 fois plus élevée que dans le Grand Est.
  • Champ : activités très spécifiques (spécificité supérieure ou égale à 2) ou fortement sous-représentées (spécificité inférieure ou égale à 0,5) ayant un poids supérieur ou égal à 1 % dans l’emploi du territoire frontalier ou de la région.
  • Source : Insee, RP 2019, exploitation complémentaire.

À Thionville, l’essor du travail frontalier ne s’accompagne pas d’une diversification de son économie

L'appareil productif de la zone d’emploi de Thionville s’est spécialisé au cours de la période 2008-2019, et des secteurs très spécifiques se maintiennent ou augmentent en spécificité. Au premier rang, la métallurgie reste une activité très spécifique, malgré la forte diminution de ses emplois (-2,7 % par an) ; celle-ci peut toutefois être nuancée, d’une part, par la contraction d’ampleur voisine dans la région et d’autre part, par le recul de l'emploi total sur le territoire. L’activité de production et distribution d'électricité bénéficie d'un dynamisme de l'emploi et renforce sa spécificité.

La décennie est aussi marquée par la forte hausse du nombre de travailleurs frontaliers, dont le poids dans la population active passe de 36,1 % à 45,3 %. L’augmentation concerne de très nombreux secteurs, à l’exception notable de la métallurgie, où les offres d’emplois baissent dans les pays voisins comme en France. Les secteurs du commerce de gros et entreposage sont en perte de vitesse : l’emploi décroît nettement sur le territoire, tandis qu’il stagne, voire progresse, dans la région. Pour ces activités, la main-d’œuvre se tourne vers le travail frontalier, en hausse sensible (respectivement +1,5 % et +2,9 % par an).

À Saint-Louis, l’emploi augmente et l’appareil productif continue de se spécialiser

La forte spécialisation du tissu productif de la zone d’emploi de Saint-Louis augmente légèrement entre 2008 et 2019. En premier lieu, l'industrie pharmaceutique accroît sa forte spécificité grâce à un emploi en forte progression (+3,1 % par an), alors qu’il est stable dans le Grand Est. Cela s’explique également par des baisses d’emploi, plus prononcées qu’en moyenne régionale, dans des activités déjà sous-représentées (activités juridiques et comptables, fabrication de produits métalliques, et transports). Mais cette hausse de la spécialisation est en partie atténuée par les baisses d’emploi sensiblement plus élevées qu’en moyenne dans la chimie et la fabrication d’équipements électriques.

La spécialisation de l’économie s’inscrit dans le contexte d’une augmentation soutenue du travail frontalier au cours des dix dernières années, à un rythme deux fois plus élevé que celui de l’emploi local du territoire. Le travail frontalier fait figure de locomotive dans une majorité de secteurs, qui, à l’instar de l’industrie pharmaceutique, de la fabrication de produits informatiques, électroniques et optiques, sont très dynamiques ; de plus, la hausse est supérieure sur le territoire comparée au niveau régional. A contrario, l’accroissement du nombre de travailleurs frontaliers semble constituer un frein pour les secteurs de la fabrication d’équipements électriques et de la R&D, qui perdent des emplois à un rythme plus soutenu qu’à l’échelle du Grand Est. Dans les transports terrestres et transport par conduites, déjà sous-représentés, l’emploi diminue, alors que les pays frontaliers attirent de plus en plus de main-d’œuvre dans ce secteur.

Dans le territoire tourné vers l’Allemagne, la spécificité industrielle s’atténue très légèrement

Dans le territoire frontalier tourné vers l'Allemagne, le tissu productif moyennement spécialisé se diversifie légèrement entre 2008 et 2019. C’est la conséquence de la forte désindustrialisation qui touche à la fois le territoire et la région. Les fortes baisses d'emplois concernent des activités très spécifiques telles que la fabrication de machines ou de produits métalliques, ainsi que la chimie, secteur le plus en recul (-2,9 % par an). Cette diversification n’est qu’en partie contrebalancée par les hausses d’emplois dans d’autres secteurs spécifiques et industriels, tels que l’industrie automobile, la fabrication d’équipements électriques et la réparation de machines ; dans ces trois secteurs, la croissance de l’emploi est plus importante localement que dans la région.

Le travail frontalier diminue, dans ce territoire, au rythme de 0,3 % par an sur la décennie, avec des réductions importantes dans la plasturgie et la fabrication de machines. Il se replie aussi dans l’industrie automobile (-0,9 % par an), contrairement à l’emploi local dans ce secteur. À l’opposé, le travail frontalier augmente dans certaines activités tertiaires (commerce, santé) ainsi que dans la construction spécialisée.

Encadré 1 - Trois territoires frontaliers sous forte influence frontalière

Le travail frontalier représente entre 2 % et 47 % de la population active occupée dans 14 des 27 zones d’emploi du Grand Est. Dans ces zones d’emploi, le flux de frontaliers est très majoritairement dirigé vers un seul pays limitrophe, sauf dans celle de Colmar, où il se partage entre l’Allemagne et la Suisse. Afin d’analyser l’influence frontalière sur la dynamique et la spécialisation de ces marchés du travail, les zones d’emploi concernées sont regroupées en territoires frontaliers, où le pays de travail est identique, et où le poids du travail frontalier dans l’offre de travail est significatif (10 % ou plus) et similaire d’une zone d’emploi à l’autre.

Un premier territoire frontalier est composé de la zone d’emploi (ZE) de Saint-Louis, où près d’un actif occupé sur deux travaille en Suisse. L’influence du Luxembourg est similaire sur la ZE de Thionville, deuxième territoire frontalier. Un troisième territoire, tourné vers l’Allemagne, est composé des ZE de Forbach, Haguenau, Sarreguemines et Saint-Avold, au nord-est de la région.

Aucun territoire tourné vers la Belgique n’est retenu, car le nombre de frontaliers (principalement concentrés dans la ZE de Sedan) est trop réduit pour une analyse par activités détaillées. Par ailleurs, les ZE de Mulhouse et Metz ne sont pas incluses dans les territoires tournés respectivement vers la Suisse et le Luxembourg, car les parts des travailleurs frontaliers, bien que proches du seuil de 10 %, sont trop éloignées de celles des ZE de Saint-Louis et Thionville.

Figure 5Part des travailleurs frontaliers parmi les actifs occupés dans les zones d’emploi du Grand Est en 2019

(en %)
Part des travailleurs frontaliers parmi les actifs occupés dans les zones d’emploi du Grand Est en 2019 ((en %)) - Lecture : 22,4 % des actifs occupés de la zone d’emploi de Forbach travaillent dans un pays étranger.
Zone d’emploi Territoire frontalier Part des frontaliers parmi les actifs occupés en 2019
Saint-Louis ZE de Saint-Louis 47,5
Thionville ZE de Thionville 45,3
Forbach Territoire tourné vers l'Allemagne 22,4
Haguenau Territoire tourné vers l'Allemagne 13,5
Sarreguemines Territoire tourné vers l'Allemagne 12,6
Saint-Avold Territoire tourné vers l'Allemagne 10,3
Sedan autres ZE frontalières 10,0
Metz autres ZE frontalières 9,6
Mulhouse autres ZE frontalières 9,5
Sélestat autres ZE frontalières 4,5
Colmar autres ZE frontalières 4,0
Verdun autres ZE frontalières 3,0
Charleville-Mézières autres ZE frontalières 2,9
Strasbourg autres ZE frontalières 2,3
  • Lecture : 22,4 % des actifs occupés de la zone d’emploi de Forbach travaillent dans un pays étranger.
  • Champ : zones d’emploi où la part de travailleurs frontaliers dans la population active occupée dépasse 2 %.
  • Source : Insee, RP 2019, exploitation complémentaire.

Figure 5Part des travailleurs frontaliers parmi les actifs occupés dans les zones d’emploi du Grand Est en 2019

  • Lecture : 22,4 % des actifs occupés de la zone d’emploi de Forbach travaillent dans un pays étranger.
  • Champ : zones d’emploi où la part de travailleurs frontaliers dans la population active occupée dépasse 2 %.
  • Source : Insee, RP 2019, exploitation complémentaire.

Encadré 2 - Partenariat

L’étude a été réalisée dans le cadre d’un partenariat entre la direction régionale de l’Insee Grand Est et l’Observatoire régional de l’emploi et de la formation du Grand Est.

Publication rédigée par :Thibaut Martini, Sylvain Moreau, Sophie Villaume (Insee)

Source

Les résultats présentés ici proviennent des recensements de la population de 2008, 2013 et 2019. Ce dernier correspond au cumul des cinq enquêtes annuelles de recensement réalisées entre 2016 et 2021. Le recensement de la population permet de disposer d’informations détaillées sur les travailleurs frontaliers, et homogènes pour l’ensemble des territoires français frontaliers (âge, sexe, catégorie socioprofessionnelle, secteur d’activité, lieu de résidence et de travail, etc.).

Publication rédigée par :Thibaut Martini, Sylvain Moreau, Sophie Villaume (Insee)

Définitions

Dans cette étude, un travailleur frontalier est une personne qui réside dans le Grand Est et qui déclare travailler dans l’un des quatre pays voisins (Allemagne, Belgique, Luxembourg, Suisse).

Une zone d’emploi est un espace géographique à l’intérieur duquel la plupart des actifs résident et travaillent, et dans lequel les établissements peuvent trouver l’essentiel de la main-d’œuvre nécessaire pour occuper les emplois offerts. Une zone d’emploi est dite frontalière, lorsque la part des travailleurs frontaliers dans la population active occupée est supérieure ou égale à 2 %.

La partition de l’économie en deux sphères économiques, présentielle et productive, permet de mieux comprendre les logiques de localisation des activités et de mettre en évidence le degré d’ouverture des systèmes productifs locaux. Les activités présentielles sont les activités mises en œuvre localement pour la production de biens et de services visant la satisfaction des besoins de personnes présentes dans la zone, qu'elles soient résidentes ou touristes. Les activités productives sont déterminées par différence.

L’indice de spécificité sectorielle permet de dégager les activités dans lesquelles le territoire frontalier est spécialisé, par comparaison de la structure sectorielle du territoire avec celle de la région Grand Est. Un indice inférieur à 1 (respectivement supérieur à 1) signifie que le secteur est sous-représenté (respectivement surreprésenté) dans le territoire par rapport au reste du Grand Est.

Pour en savoir plus