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Insee Analyses Guadeloupe · Juin 2023 · n° 70
Insee Analyses GuadeloupeEntre 2014 et 2021, la croissance économique de Saint-Martin est entravée par l’ouragan Irma et la crise sanitaire

Ali Benhaddouche, Clémentine Garandeau (Insee), Thierry Beltrand, Teddy Combet, Damien Gordon (Institut d'Emission d'Outre Mer)

Entre 2014 et 2021, le développement économique de Saint-Martin est entravé par deux phénomènes majeurs : le passage de l’ouragan Irma fin 2017 et la crise sanitaire liée à la Covid-19 à partir de 2020. Après un recul significatif de 8,0 % en moyenne en 2017 et 2018, la croissance rebondit de 6,5 % en 2019. Le coup de frein économique entraîné par la crise sanitaire, avec une récession de 12,5 % en 2020, continue de creuser l’écart avec le niveau de 2016. En 2021, la croissance rebondit timidement, (+4,9 %) et le PIB reste inférieur de 17,2 % en euros constants à celui de 2016. L’encours de crédits à la consommation des ménages suit une dynamique positive depuis 2016 alors que la population diminue suite à l’ouragan et perd 1,7 % par an entre 2014 et 2019. Le PIB par habitant s’établit à 17 800 euros en 2019. Quasiment tous les secteurs d’activité sont marqués par les crises climatique et sanitaire, à l’exception du secteur du BTP, de l’industrie et du secteur principalement non marchand. Toutefois l’encours des crédits à l’investissement est dynamique, montrant les signes d’une reconstruction en cours.

Insee Analyses Guadeloupe
No 70
Paru le :Paru le21/06/2023

Le PIB ne retrouve pas le niveau avant Irma

En 2019, le produit intérieur brut (PIB) de Saint-Martin s’élève à 582,6 millions d’euros, soit un niveau inférieur à celui observé cinq ans plus tôt en 2014 (-0,7 %). Au cours de cette période, la croissance est entravée par le passage de l’ouragan Irma fin 2017 qui ralentit fortement le développement économique du territoire (figure 1).

La population décroît de 1,7 % en moyenne par an entre 2014 et 2019. Ainsi en 2019, le PIB par habitant s’élève à 17 800 €, en hausse de 1,6 % en moyenne par an depuis 2014 (figure 2). Il est nettement inférieur à celui de la Guadeloupe (-41 %), de la Martinique (-42 %) et de Sint-Marteen (-34 %) mais reste supérieur à celui de la Guyane (+15 %) et nettement plus élevé que celui de Mayotte (+45 %). Dans la zone Caraïbe, Saint-Martin se classe dans le top 10 des PIB par habitant les plus élevés.

Figure 1Croissance de Saint-Martin entre 2015 et 2021

(en %)
Croissance de Saint-Martin entre 2015 et 2021 ((en %))
Année Saint-Martin Sint-Maarten Guadeloupe
2015 0,8 0,5 1,2
2016 4,6 0,3 1,4
2017 -7,8 -7,1 0,7
2018 -8,1 -9,4 1,7
2019 (sd) 6,5 10,5 1,9
2020 (sd) -12,5 -17,9 -5,1
2021 (prov) 4,9 4,0 1,9
  • sd : données semi-définitives ; prov : données provisoires.
  • Sources : Insee, estimation du PIB de Saint-Martin, comptes économiques définitifs et comptes rapides de la Guadeloupe ; ONU.

Figure 1Croissance de Saint-Martin entre 2015 et 2021

  • sd : données semi-définitives ; prov : données provisoires.
  • Sources : Insee, estimation du PIB de Saint-Martin, comptes économiques définitifs et comptes rapides de la Guadeloupe ; ONU.

De 2014 à 2021, la croissance économique connaît d’importantes fluctuations. Jusqu’en 2016, la croissance est soutenue (+2,7 % en moyenne par an) puis elle subit un coup d’arrêt en 2017 avec le passage d’Irma en fin d’année : le PIB recule de 8,0 % pendant deux années consécutives, en 2017 et en 2018. En 2019, la croissance rebondit (+6,5 %) mais cela ne compense pas les deux années de recul et l’écart avec le niveau atteint en 2016 reste important (-9,8 % en volume).

En 2020, avec la crise sanitaire liée à la Covid-19, des périodes de confinement strict ou allégé sont mises en place et pèsent sur la croissance de Saint-Martin. Cette dernière plonge de 12,5 %, soit une chute de plus grande ampleur que celle observée en Guadeloupe (-5,1 %) et en France entière (-7,8 %). En 2021, la croissance rebondit avec une hausse de 4,9 % (+1,9 % en Guadeloupe et +6,8 % pour la France entière), sans toutefois compenser le recul lié à la crise sanitaire. L’écart avec 2016 s’élève à 17,2 % en volume.

Figure 2PIB par habitant en 2019 à Saint-Martin, dans la Caraïbe, dans les DOM et en France

(en euros)
PIB par habitant en 2019 à Saint-Martin, dans la Caraïbe, dans les DOM et en France ((en euros))
Territoire PIB par habitant
Haiti 877
Vénézuela 2 849
Jamaïque 6 107
Suriname 7 058
St. Vincent et les Grenadines 8 668
Dominique 9 373
République Dominicaine 9 650
Mayotte 9 748
Brésil 9 838
Ste. Lucie 12 387
Grenade 12 728
Guyane 15 633
Saint-Martin 17 752
Trinidad et Tobago 18 302
La Barbade 20 208
Antigua et Barbuda 20 252
St. Kitts et Nevis 20 405
La Réunion 22 419
Guadeloupe 24 142
Martinique 24 452
Sint-Maarten 30 532
France entière 36 341
Les Bahamas 37 197
  • Sources : Insee, comptes économiques, comptes nationaux, recensement de la population; FMI.

Figure 2PIB par habitant en 2019 à Saint-Martin, dans la Caraïbe, dans les DOM et en France

  • Sources : Insee, comptes économiques, comptes nationaux, recensement de la population; FMI.

La population diminue fortement suite au passage d’Irma

Au 1er janvier 2019, la population moyenne de Saint-Martin s’établit à 32 489 habitants. Entre 1982 et 1990, la population a été multipliée par 3,5 du fait des besoins en main d’œuvre engendrés par le développement immobilier et touristique de l’île. À partir des années 1990, l’immigration massive s’estompe et la population croît à un rythme plus modéré (+1,4 % en moyenne par an entre 1990 et 2008) avant d’entamer une baisse entre 2008 et 2014 (-0,7 % par an), notamment en raison du départ des jeunes pour la poursuite d’études ou la recherche d’un emploi. Cette baisse démographique ne fait que s’accentuer suite au passage de l’ouragan. Entre 2014 et 2019, la population diminue de 1,5 % en moyenne par an.

Alors que les populations des parties françaises et néerlandaises avaient un niveau comparable en 1999 avoisinant les 30 000 habitants, la population de Sint-Marteen conserve une dynamique orientée à la hausse (+2,3 % en moyenne annuelle depuis 2014). En 2019, elle atteint 41 677 habitants, soit un niveau supérieur de 28,3 % à la partie française de l’île.

La consommation des ménages suit une dynamique positive depuis 2016

L’encours des crédits à la consommation des ménages progresse en moyenne de 9,4 % par an, entre 2015 et 2021. Toutefois, les évolutions annuelles sont irrégulières : entre 2015 et 2016, le taux de croissance annuel moyen s’établit à 1,3 %, alors qu’il dépasse les 10 % en moyenne par an de 2017 à 2021. Cette nette progression, à partir de 2017, est une des conséquences de l’ouragan Irma et des mesures exceptionnelles mises en place (suspension de remboursements de prêts, accès facilité aux crédits à la consommation, découverts exceptionnels, prêts d’urgence, etc.). En 2020, la crise sanitaire freine brutalement l’activité économique au second trimestre : l’encours des crédits à la consommation recule (-9,6 % en glissement annuel) avant un redémarrage de la demande des ménages (+10,6 % au dernier trimestre en glissement annuel). En 2021, il conserve une croissance soutenue (+9,0 % au dernier trimestre en glissement annuel), les confinements mis en place durant l’année étant moins restrictifs qu’en 2020. L’encours des crédits à la consommation s’établit à 32 millions d’euros fin 2021.

La reconstruction post-Irma dope les crédits à l’habitat des ménages et les crédits à l’investissement des entreprises

De 2015 à 2021, l’encours des crédits à l’habitat des ménages progresse de 14,1 % en moyenne par an. En retrait en 2016 (-3,7 %), l’encours des crédits à l’habitat augmente fortement en 2017 (+40,3 % sur un an). Les mesures exceptionnelles prises par les établissements de crédit, en particulier les reports d’échéances, tirent l’encours à la hausse. Cependant, les difficultés d’amorce des travaux de reconstruction à Saint-Martin entraînent l’année suivante un léger recul de l’encours des crédits à l’habitat (-1,3 % par rapport à fin 2017). En 2019, il repart à la hausse avec l’accélération des travaux de reconstruction des particuliers (+21,5 % en glissement annuel). En dépit de la crise sanitaire, la croissance de l’encours des crédits à l’habitat reste soutenue en 2020 et 2021 (respectivement +16,4 % et +15,4 %), favorisée par un niveau de taux d’intérêt historiquement bas.

Entre 2015 et 2021, les crédits d’investissement des entreprises doublent quasiment à Saint-Martin, pour s’établir à 142 millions d’euros à la fin 2021. Ils progressent en moyenne de 11,0 % chaque année. En baisse avant le passage d’Irma (-5,8 % en 2016 et -8,1 % en 2017), ils augmentent à nouveau en 2018 (+20,1 %). La dynamique se poursuit en 2019 (+37,5 % par rapport à 2017) avant de ralentir en 2020 (+7,5 %), dans le contexte de la pandémie de Covid-19. Fin 2021, les mesures sanitaires moins strictes et l’amélioration des perspectives économiques contribuent à une croissance plus élevée de l’encours des crédits d’investissement (+21,9 % sur un an).

En 2021, l’encours des crédits d’investissement des collectivités locales s’établit à 13 millions d’euros, à l’issue d’une progression moyenne de 8,9 % par an depuis 2015. Fin décembre 2017, l’encours avait atteint 22 millions d’euros, alors qu’il était de 6,8 millions d’euros seulement un an plus tôt. Cette envolée est liée aux dépenses d’investissement engagées par la Collectivité de Saint-Martin suite au passage d’Irma : travaux de reconstruction des bâtiments publics, enfouissement des réseaux, etc.

Le secteur de la construction créé des emplois, l’hôtellerie-restauration en perd

L’emploi recule de 0,7 % en moyenne par an entre 2014 et 2019, dans une moindre ampleur que la population totale, l’ouragan Irma ayant entraîné le départ de familles avec enfants. Le taux d’emploi reste stable entre 2014 et 2019 avec la moitié des personnes de 15 à 64 ans en emploi, comme en Guadeloupe mais bien en deçà de celui de l’ensemble de la France (64,2 %).

Le nombre de demandeurs d’emploi diminue de 5,8 % entre 2014 et 2019 (-247 demandeurs d’emplois), mais avec un nombre d’actifs également en recul (-5,7 %), le taux de chômage reste inchangé. Avec 5 371 chômeurs recensés en 2019 (au sens du recensement de la population), il s’établit à un tiers de la population active, comme en 2014. Il est supérieur à celui de Guadeloupe (28,7 %) et 2,5 fois plus élevé qu’en France métropolitaine (13,4 %).

Les emplois restent très concentrés dans le secteur tertiaire. En effet, en 2019, ce dernier concentre 83,3 % de l’effectif total, dont près de deux tiers dans les services marchands et un tiers dans les services principalement non marchands. Entre 2014 et 2019, le nombre d’emplois dans le secteur principalement non marchand progresse de 1,3 % par an, avec une hausse de 2,1 % pour la santé et 0,9 % pour l’éducation et l’administration publique.

L’emploi dans les services marchands est en recul (-2,8 % par an), une baisse entraînée notamment par le secteur de l’hôtellerie restauration. En cinq ans, ce dernier perd un quart de ses effectifs (-5,3 % en moyenne par an) et il représente, en 2019, 13,4 % de l’emploi total, (-3,6 points par rapport à 2014). Pour les dirigeants des structures, l’heure est à la rénovation et le nombre de touristes est fortement marqué à la baisse suite aux dégâts causés par Irma. Le commerce est également sensiblement touché, avec une baisse des emplois de 3,1 % par an entre 2014 et 2019.

À l’inverse, le nombre d’emplois augmente sensiblement dans le secteur de la construction suite au phénomène cyclonique du fait des reconstructions, avec une envolée de +7,2 % en moyenne par an entre 2014 et 2019. En 2019, le secteur représente 11,2 % des emplois totaux, soit 3,6 points de plus qu’en 2014. Le secteur primaire pour sa part reste très faiblement représenté (moins de 1 % de l’emploi total).

L’activité recule dans presque tous les secteurs d’activité

Déjà fortement affectée par l’ouragan Irma, l’activité économique ralentit encore avec la crise sanitaire de 2020. En 2019, la valeur ajoutée totale reste inférieure au niveau de 2014 (-3,3 %) et en 2021 l’écart se creuse (-6,3 %).

Le secteur du tourisme constitue un pilier essentiel de l’économie marchande. Il se répercute sur l’activité économique des secteurs de l’hébergement et restauration, le transport et le commerce. Le développement du secteur a été fortement freiné par les aléas climatiques de 2017 et la crise sanitaire de 2020. Depuis 2014, date à laquelle la fréquentation touristique atteint son plus haut niveau (2,7 millions de visiteurs accueillis, dont 78 % de croisiéristes), le nombre d’arrivées de passagers sur l’ensemble de l’île se réduit et chute fortement en 2017. En 2019, les arrivées repartent à la hausse sur les deux parties de l’île et la barre des 2 millions de visiteurs accueillis sur l’île est de nouveau franchie (+8,2 % par rapport à 2018) parmi lesquels 5,3 % débarquent en partie française. L’année 2020 marque un coup d’arrêt brutal du tourisme à Saint-Martin. En 2021, la fréquentation de l’ensemble de l’île reste encore très marquée par les effets de la crise sanitaire mais également conditionnée à la reconstruction des infrastructures. Elle ne représente plus que 23 % du niveau observé avant Irma (50 % du côté français).

Le secteur de l'hébergement et restauration, directement lié au tourisme, est le plus affecté par le passage de l’ouragan en 2017 et la crise sanitaire de 2020. La richesse créée recule considérablement pendant les deux années qui ont suivi Irma (respectivement -13,3 % en 2017 et -30,8 % en 2018) avant un rebond de +24,4 % en 2019 qui ne compense toutefois pas la perte d’activité des deux années précédentes. En 2020, les restrictions sanitaires portent un nouveau coup rude au secteur dont la valeur ajoutée perd 28,2 %, partiellement compensé par le rattrapage de 2021 (+19,3 %). L’écart entre le niveau de 2021 et celui de 2016 reste très important (-36,1 %). En conséquence, le poids de l’hébergement et restauration dans la richesse créée sur le territoire perd 2 points par rapport à 2014 pour s’établir à 4,1 % en 2021.

Entre 2014 et 2021, le secteur des activités immobilières pâtit des conséquences démographiques du passage de l’ouragan Irma. La valeur ajoutée du secteur baisse de 14,8 % en 2017 et de 18,4 % en 2018 avant d’entamer un rattrapage jusqu’en 2021 (+10,7 % en moyenne par an) sans toutefois retrouver le niveau précédent le phénomène cyclonique (-6,0 % par rapport à 2016). Cette chute de la richesse créée est en lien avec la baisse démographique liée aux nombreux départs après le passage de l’ouragan. En 2021, le secteur des activités immobilières représente 12,3 % de la valeur ajoutée totale.

En 2021, le secteur du commerce représente 9,7 % de la richesse totale créée en 2021, soit 1,8 point de moins qu’en 2014. Le secteur, dépendant en partie du tourisme, a également souffert des aléas climatiques et de la crise sanitaire mais dans une moindre mesure que l’hôtellerie et la restauration. Sur la période 2014-2021, la richesse créée a perdu 20,7 %, notamment en 2017 (-11,2 %) et 2020 (-24,1 %).

L’économie touristique est directement liée au secteur du transport, qui pèse pour 5,5 % de la richesse totale créée en 2021 sur le territoire. Ce dernier a subi de plein fouet le cyclone Irma et la crise sanitaire. Entre 2014 et 2021, la richesse dégagée recule de 1,5 % en moyenne annuelle. Après le passage du cyclone Irma de 2017, la richesse dégagée par le secteur recule de 11,2 % en 2017 puis de 3,1 % en 2018. Le secteur renoue avec la croissance en 2019 (+8,3 %) mais la crise sanitaire en 2020 marque un arrêt brutal de l’activité qui se traduit par une baisse d'un quart de la richesse créée. L’activité se redresse en 2021 (+20,6 %) sans toutefois retrouver le niveau précédant Irma (-15,2 % avec le niveau 2016).

L’activité dans les autres activités de services s’est nettement détériorée entre 2014 et 2021. La richesse créée diminue de 20,3 % sur la période.

Figure 3Répartition de la valeur ajoutée par secteur d’activité en 2019

(en %)
Répartition de la valeur ajoutée par secteur d’activité en 2019 ((en %))
Secteur Administration publique, enseignement, santé humaine et action sociale Commerce de gros et de détail, transports, hébergement et restauration Autres activités de services Activités immobilières Industrie Construction Agriculture, sylviculture et pêche
Saint-Martin 32,6 22,2 18,0 10,8 9,8 6,4 0,2
Guadeloupe 37,9 17,2 17,7 11,1 10,4 4,0 1,8
  • Source : Insee, estimation du PIB de Saint-Martin (semi-définitif), comptes économiques définitifs de la Guadeloupe.

Figure 3Répartition de la valeur ajoutée par secteur d’activité en 2019

  • Source : Insee, estimation du PIB de Saint-Martin (semi-définitif), comptes économiques définitifs de la Guadeloupe.

La construction redynamisée par le passage du cyclone Irma

À Saint-Martin, le développement économique de l’île est étroitement lié au secteur du BTP, qui représente, comme le tourisme, un secteur clé de l’économie saint-martinoise. Le secteur crée 6,5 % de la richesse totale en 2021, soit 1,1 point de plus qu’en 2014. Entre 2014 et 2021, celle-ci progresse de 1,7 % en moyenne par an. À partir de 2009, les professionnels du secteur font face à une situation difficile suite à la crise économique mondiale, à laquelle s’ajoute une faible demande de la commande publique. Suite à l’effondrement de l’activité dû au passage de l’ouragan Irma en 2017, les travaux pour la reconstruction de l’île redynamisent le secteur contrairement aux autres secteurs d’activités. Après avoir chuté de 17,8 % en 2017, la création de richesses rebondit nettement en 2018 et en 2019 (respectivement +12,6 % et +17,8 %) et dépasse le niveau atteint avant Irma. En 2020, elle plonge à nouveau sous l’effet de la crise sanitaire (-15,5 %). En 2021, la levée progressive des restrictions sanitaires permet un rebond de 17,6 %, qui lui permet de retrouver son niveau précédant la crise sanitaire. Au final, en 2021 la valeur ajoutée du secteur dépasse nettement le niveau atteint avant Irma (+8,3 % par rapport à 2016).

Le secteur de l’industrie se développe entre 2014 et 2021 (+1,7 % en moyenne par an). En 2021, il représente 11,4 % de la valeur ajoutée (+1,9 point sur la période). Cette expansion est portée par le secteur de l’électricité et celui de l’eau et de la gestion des déchets dont la création de richesse connaissent une croissance importante (respectivement +3,7 % et +4,9 % en moyenne par an entre 2014 et 2021). A contrario, l’industrie agroalimentaire et l’industrie manufacturière enregistrent une baisse de leur valeur ajoutée (respectivement -3,4 % et -5,5 % en moyenne par an sur la période), en lien avec une consommation des ménages en retrait.

La valeur ajoutée dégagée par le secteur principalement non marchand progresse de 0,8 % en moyenne par an entre 2014 et 2021 et représente un tiers de la valeur ajoutée du territoire. Cette hausse est portée par l’administration (+3,1 % par an) et le secteur de la santé et de l’action (+3,1 %). Ce dernier représente 12,1 % de la valeur ajoutée totale en 2021 (+2,9 points par rapport à 2014). L’enseignement dégage 13,4 % de la valeur ajoutée du territoire, en baisse de 1,2 point depuis 2014, en lien avec un nombre d’élèves qui diminue de près d’un quart en sept ans.

Encadré 1 - L’économie de Sint-Maarten rebondit mieux qu'à Saint-Martin

Comme à Saint-Martin, l’ouragan Irma (2017-2018) et la pandémie de Covid-19 (2020-2021) ont lourdement pesé sur l’économie de Sint-Maarten. Le nombre de passagers aériens à l’aéroport de Juliana, très endommagé par le cyclone, s’est effondré et l’activité de croisière a chuté de plus de 90 % pendant la crise sanitaire.

Le PIB de Sint-Maarten reste 2 fois supérieur à celui de Saint-Martin, sur toute la période 2016-2021. Son évolution est un peu plus volatile, surtout après Irma, en raison d’une structure de l’économie davantage tournée vers les secteurs marchands, sensibles aux retournements conjoncturels, alors qu’elle est plus « administrée » côté français. Le PIB par habitant de Sint-Maarten, qui figure parmi les plus élevés de la Caraïbe, est supérieur en moyenne de 70 % à celui de Saint-Martin sur la période. Toutefois, il recule de 18 % entre 2016 et 2021 et l’écart avec la partie française passe de 89 % à 58 % en 5 ans. Ce resserrement résulte d’une évolution démographique qui diverge entre les 2 parties de l’île : la population de Sint-Maarten augmente alors qu’elle décroît à Saint-Martin.

Encadré 2 - Les Prêts garantis par l’État : un dispositif de soutien aux entreprises

Mis en place par le Gouvernement dès le début de la crise du Coronavirus pour soulager la trésorerie des entreprises fortement impactées par la pandémie, les Prêts garantis par l’État (PGE) sont un dispositif exceptionnel de garantie permettant de soutenir le financement bancaire des entreprises. À fin décembre 2021, il a bénéficié à 354 entreprises saint-martinoises pour un montant de 38,2 millions d’euros ; ce qui correspond à environ 6,9 % du PIB de Saint-Martin.

Les principaux bénéficiaires sont les Très Petites Entreprises (TPE), qui concentrent 87 % des PGE accordés et 75 % des montants. Les secteurs les plus affectés par la crise sanitaire sont ceux qui ont le plus bénéficié du dispositif : en premier lieu les commerces, suivis des hôtels/restaurants puis des entreprises de construction.

Publication rédigée par :Ali Benhaddouche, Clémentine Garandeau (Insee), Thierry Beltrand, Teddy Combet, Damien Gordon (Institut d'Emission d'Outre Mer)

Pour comprendre

La comptabilité nationale est le domaine de la statistique publique qui cherche à mesurer l’activité économique d’un territoire sur une période donnée, en mobilisant toutes informations disponibles (enquêtes, données administratives, etc.) et en s’appuyant sur des concepts et méthodes recommandés au niveau international dans des manuels tels que le « Système européen des comptes » (SEC) dans leur plus récente version.

L’estimation du PIB de Saint-Martin est réalisée à partir de l’approche production du PIB. Jusqu’en 2016, les valeurs ajoutées par branche étaient évaluées à partir des données sur l’emploi par branche issues du recensement de la population (RP) réalisé par l’Insee et de la productivité par branche à Saint-Martin, estimée comme une combinaison de la productivité de Guadeloupe et de celle de Sint-Marteen.

Depuis le passage de l’ouragan Irma en 2017, la productivité de la Guadeloupe et celle de Saint-Martin ne sont plus comparables et la méthodologie a évolué. A partir de 2017, les valeurs ajoutées sont estimées à partir d’indicateurs sectoriels (emploi issu du recensement de la population, nombre de passagers aériens, production d’eau, d’électricité, compte de Sint-Marteen).

Les données diffusées concernant le PIB et les valeurs ajoutées de Saint-Martin sont :

  • définitives pour les années antérieures à 2019 ;
  • semi-définitives pour les années 2019 et 2020 ;
  • provisoires pour 2021.

Définitions

Produit intérieur brut (PIB) : Le produit intérieur brut aux prix du marché vise à mesurer la richesse créée par tous les agents, privés et publics, sur un territoire national pendant une période donnée. Agrégat clé de la comptabilité nationale, il représente le résultat final de l’activité de production des unités productrices résidentes. Le PIB aux prix du marché peut être mesuré de trois façons :

  • selon l’optique de la production, en faisant la somme des valeurs ajoutées de toutes les activités de production de biens et de services et en y ajoutant les impôts moins les subventions sur les produits ;
  • selon l’optique des dépenses, en faisant la somme de toutes les dépenses finales (consacrées à la consommation ou à l’accroissement de la richesse) en y ajoutant les exportations et retranchant les importations de biens et services ;
  • selon l’optique du revenu, en faisant la somme de tous les revenus obtenus dans le processus de production de biens et de services (revenus salariaux, excédent brut d’exploitation et revenu mixte) et en y ajoutant les impôts sur la production et les importations moins les subventions.

Pour l’estimation du PIB de Saint-Martin, l’approche production est utilisée.

La croissance est définie par l’évolution du PIB en volume.

L’évolution en volume ou en « euros constants » permet de mesurer l’évolution d’un agrégat macro-économique d’une année sur l’autre, indépendamment de l’évolution des prix. Elle décrit l’évolution des quantités produites.

L’évolution en valeur tient compte de l’évolution en volume conjuguée à l’évolution des prix. Par défaut, lorsque rien n’est mentionné, dans la publication les évolutions sont en valeur.

Valeur ajoutée (VA) : solde du compte de production. La VA est égale à la valeur de la production diminuée des consommations intermédiaires.

Consommation intermédiaire : valeur des biens et services utilisés pour assurer la production.