Insee Première ·
Juin 2023 · n° 195153 800 décès de plus qu’attendus en 2022 : une surmortalité plus élevée qu’en 2020
et 2021
En 2022, les décès observés ont nettement dépassé ceux attendus en l’absence d’épidémie de Covid-19 ou d’autres événements inhabituels tels que des épisodes de grippe ou de fortes chaleurs, etc.
La surmortalité, soit l’excédent de décès observés par rapport à ceux attendus, a été un peu plus forte en 2022 (8,7 %) qu’en 2021 (6,9 %) et 2020 (7,8 %). Pourtant, probablement grâce à la vaccination et à l’immunité collective, l’épidémie de Covid-19 a été moins meurtrière en 2022 : il y a eu 38 300 décès de personnes atteintes de la Covid-19 dans les hôpitaux et les établissements pour personnes âgées selon Santé publique France, soit nettement moins qu’en 2021 (59 100). Le nombre de certificats de décès avec une mention « Covid-19 » est également en baisse. Les décès dus à d’autres causes que la Covid-19 ont donc augmenté en 2022. L’année a compté de manière inhabituelle deux épisodes de grippe, en raison d’une épidémie tardive en mars-avril et précoce en décembre. Des épisodes de fortes chaleurs en été ont occasionné davantage de décès en 2022 qu’en 2021.
Enfin, l’épidémie de Covid-19 a pu entraîner depuis 2020 une hausse des décès en raison d’effets indirects, comme des reports d’opérations, une baisse des dépistages d’autres maladies, etc. Ces impacts éventuels n’ont toutefois pas encore été mesurés. Il peut aussi y avoir une interruption ou une pause dans la tendance à la baisse de la mortalité à chaque âge, mais sans qu’il soit encore possible de l’identifier.
- En 2022, les décès observés ont dépassé de 53 800 ceux attendus
- L’excédent de décès mesure l’impact de la Covid-19, mais aussi celui d’autres évènements inhabituels
- En 2022, une surmortalité plus élevée qu’en 2021 et 2020
- Avant 55 ans et après 85 ans, une surmortalité plus forte qu’en 2021
- Hausse de la surmortalité des femmes et maintien de celle des hommes
En 2022, les décès observés ont dépassé de 53 800 ceux attendus
Quel est le niveau de la surmortalité en 2022 ? Pour répondre à cette question, les décès observés toutes causes confondues sont comparés à ceux attendus en l’absence d’épidémie de Covid-19 ou d’autres événements inhabituels, en prenant en compte l’augmentation et le vieillissement de la population, ainsi que la tendance à la baisse des risques de décès à chaque âge qui pouvait être observée avant l’apparition de la Covid-19. L’écart entre les décès observés et ceux attendus mesure à la fois les effets directs et indirects de l’épidémie de Covid-19, mais aussi les effets d’autres phénomènes inhabituels propres à l’année 2022, comme des épisodes de grippe ou de fortes chaleurs plus ou moins meurtriers que par le passé.
Si les quotients de mortalité par sexe et âge avaient baissé entre 2020 et 2022 au même rythme que sur la période 2010-2019 (méthodes), 621 200 décès auraient eu lieu en 2022, soit 8 000 de plus qu’en 2019 (figure 1). Cette hausse aurait été le résultat combiné de deux facteurs (figure 2) : +28 600 décès en raison de l’augmentation et du vieillissement de la population qui accroissent mécaniquement le nombre de décès, à probabilité de décéder à chaque âge identique à celle de 2019, et -20 600 décès dus à la tendance à la baisse des quotients de mortalité.
tableauFigure 1 – Décès observés de 2010 à 2022 et attendus de 2020 à 2022
Année | Décès observés | Décès attendus |
---|---|---|
2010 | 551,2 | /// |
2011 | 545,1 | /// |
2012 | 569,9 | /// |
2013 | 569,2 | /// |
2014 | 559,3 | /// |
2015 | 593,7 | /// |
2016 | 593,9 | /// |
2017 | 606,3 | /// |
2018 | 609,6 | /// |
2019 | 613,2 | 613,2 |
2020 | 668,9 | 620,3 |
2021 | 661,6 | 618,9 |
2022 | 675,0 | 621,2 |
- Note : données provisoires pour les décès attendus de 2020 à 2022 et observés en 2022.
- Lecture : en 2022, 675 000 décès ont eu lieu. Le nombre de décès attendus est de 621 200, en prenant en compte l'augmentation et le vieillissement de la population, ainsi que la baisse des quotients de mortalité au rythme de la période 2010-2019.
- Champ : France hors Mayotte jusqu'en 2013, France à partir de 2014.
- Source : Insee, statistiques de l’état civil (extraction au 7 avril 2023) et estimations de population.
graphiqueFigure 1 – Décès observés de 2010 à 2022 et attendus de 2020 à 2022
tableauFigure 2 – Facteurs expliquant la hausse des décès depuis 2019
2020 | 2021 | 2022 | |||
---|---|---|---|---|---|
Janvier‑février | Mars‑décembre | Année | Année | Année | |
Décès observés en 2019 | 116 200 | 497 000 | 613 200 | 613 200 | 613 200 |
+Décès dus à l’augmentation et au vieillissement de la population | +2 400 | +9 800 | +12 200 | +19 400 | +28 600 |
+Décès dus à l'année bissextile en 2020 | +1 900 | /// | +1 900 | /// | /// |
+Décès dus à l'évolution attendue des risques de décès | -3 200 | -3 600 | -6 800 | -13 700 | -20 600 |
=Décès attendus | 117 300 | 503 200 | 620 500 | 618 900 | 621 200 |
+Décès dus à l'évolution inattendue des risques de décès | -8 600 | +57 000 | +48 400 | +42 700 | +53 800 |
=Décès observés | 108 700 | 560 200 | 668 900 | 661 600 | 675 000 |
- /// : absence de résultat due à la nature des choses.
- Notes :
- données provisoires pour les décès attendus de 2020 à 2022 et observés en 2022
- la répartition des décès attendus par mois est celle constatée en moyenne par sexe et âge entre 2010 et 2019. - Lecture : en 2022, 675 000 décès ont eu lieu en France, soit 53 800 de plus qu’attendus, en prenant en compte l'augmentation et le vieillissement de la population, ainsi que la baisse des quotients de mortalité au rythme de la période 2010-2019.
- Champ : France.
- Source : Insee, statistiques de l’état civil (extraction au 7 avril 2023) et estimations de population.
L’année 2022 a finalement compté 675 000 décès, soit 53 800 décès de plus qu’attendus. Cet excédent de décès est plus important en 2022 qu’en 2021 (42 700) et qu’en 2020 (48 400), années qui avaient déjà connu une forte surmortalité, expliquée essentiellement par l’épidémie de Covid-19. En 2022, l’écart entre le nombre de décès observés et attendus varie de 48 000 à 58 000 décès selon l’hypothèse retenue, de baisse plus ou moins rapide des quotients de mortalité pour le calcul des décès attendus (prolongement des tendances de 2005 à 2019 ou de 2014 à 2019).
L’excédent de décès mesure l’impact de la Covid-19, mais aussi celui d’autres évènements inhabituels
Depuis le début de l’épidémie, Santé publique France (SpFrance) comptabilise, à des fins de surveillance, les décès de personnes atteintes de Covid-19 à l’hôpital ou en établissement pour personnes âgées, que le virus soit ou non la cause initiale du décès (sources). Le Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès (CépiDc) estime, quant à lui, le nombre de certificats de décès avec une mention de Covid-19 tous lieux de décès confondus, y compris à domicile.
Les décès liés à la Covid-19 et l’écart entre les décès observés et attendus ne reflètent pas la même chose (figure 3). Les décès liés à la Covid-19, suivis par SpFrance comme par le CépiDc, incluent des décès de personnes fragiles qui auraient été la conséquence d’une autre cause en l’absence d’épidémie (diabète, maladie cardiovasculaire, etc.). Ces décès ne sont pas comptés dans l’écart entre le nombre de décès attendus et observés, car ils sont comptabilisés dans les observés, mais aussi dans les attendus. À l’inverse, l’écart entre les décès observés et attendus peut être accru par des décès indirectement causés par la Covid-19 (à la suite de reports de soins, de la baisse des dépistages, etc.), ainsi que par des décès supplémentaires dus à une grippe intense ou à de fortes chaleurs. Par ailleurs, l’écart peut s’inverser grâce à une grippe peu intense, une absence de canicule ou bien à d’autres décès évités, comme lors du 1er confinement (baisse des accidents de la route, de certaines maladies contagieuses grâce à la réduction des contacts, etc.).
graphiqueFigure 3 – Décès par cause et écart entre les décès observés et attendus depuis mars 2020
Sur l’ensemble de la période allant de mars 2020 à décembre 2022, l’excédent de décès toutes causes confondues (+153 500, (figure 2)) est inférieur au nombre de décès liés à la Covid-19 (+162 000) [Ouvrir dans un nouvel ongletSpFrance, 2023b] et au nombre de certificats de décès comportant une mention Covid-19 (196 100) [Ouvrir dans un nouvel ongletInserm, CépiDc, 2023]. En revanche, en 2022, les excédents de décès toutes causes confondues sont supérieurs aux décès liés à la Covid-19 en avril et pour tous les mois à partir de juillet (figure 4). Cela pourrait s’expliquer par la grippe, les fortes chaleurs de l’été ou encore une hausse des décès dus à d’autres causes.
Quant aux décès dont la cause initiale est la Covid-19, ils ne sont actuellement connus que pour l’année 2020, où ils se montent à 69 200 décès [Ouvrir dans un nouvel ongletFouillet et al., 2022].
tableauFigure 4 – Décès liés à la Covid-19 et écart entre les décès observés et attendus de mars 2020 à décembre 2022
Année/mois | Inserm-CépiDc, certificat de décès avec mention de Covid-19 | Santé publique France, décès liés à la Covid-19 | Insee, écart entre les décès observés et attendus |
---|---|---|---|
2020 | |||
Mars | 7 978 | 3 523 | 6 714 |
Avril | 21 220 | 20 853 | 16 732 |
Mai | 4 887 | 4 426 | -358 |
Juin | 1 113 | 1 041 | -290 |
Juillet | 529 | 422 | -1 126 |
Août | 611 | 370 | 1 893 |
Septembre | 1 676 | 1 321 | 2 638 |
Octobre | 6 667 | 4 832 | 6 946 |
Novembre | 18 672 | 15 943 | 15 556 |
Décembre | 13 447 | 11 901 | 8 255 |
2021 | |||
Janvier | 13 744 | 11 425 | 5 920 |
Février | 12 076 | 10 371 | 2 558 |
Mars | 9 678 | 9 212 | 2 196 |
Avril | 10 252 | 8 874 | 7 132 |
Mai | 5 500 | 5 014 | 3 087 |
Juin | 1 624 | 1 554 | -370 |
Juillet | 938 | 792 | 395 |
Août | 3 664 | 2 591 | 4 218 |
Septembre | 2 589 | 2 225 | 3 314 |
Octobre | 1 260 | 965 | 2 791 |
Novembre | 1 933 | 1 476 | 3 221 |
Décembre | 5 854 | 4 610 | 8 188 |
2022 | |||
Janvier | 9 410 | 7 190 | 5 588 |
Février | 8 999 | 7 436 | 2 076 |
Mars | 4 599 | 3 906 | 583 |
Avril | 5 149 | 3 657 | 5 687 |
Mai | 2 664 | 2 397 | 1 527 |
Juin | 1 502 | 1 206 | 1 638 |
Juillet | 3 778 | 2 525 | 6 199 |
Août | 2 436 | 2 035 | 5 251 |
Septembre | 1 236 | 1 019 | 2 675 |
Octobre | 3 036 | 1 882 | 4 416 |
Novembre | 2 442 | 1 956 | 3 867 |
Décembre | 4 944 | 3 064 | 14 294 |
- Note : données provisoires de 2020 à 2022 pour l'Insee et de 2021 à 2022 pour le CépiDc de l'Inserm.
- Lecture : en avril 2022, les décès observés dépassent de 5 687 les décès attendus, en prenant en compte l'augmentation et le vieillissement de la population, ainsi que la baisse des quotients de mortalité au rythme de la période 2010-2019. Le CépiDc comptabilise 5 149 décès avec mention de Covid-19, tous lieux de décès confondus. Santé publique France comptabilise 3 657 décès liés à la Covid-19 survenus à l’hôpital ou en établissement pour personnes âgées.
- Champ : France, décès y compris à domicile pour l'Insee et le CépiDc de l'Inserm, décès à l’hôpital ou en établissement social ou médico-social pour Santé publique France.
- Sources : Santé publique France ; CépiDc de l'Inserm, Statistiques de mortalité sur la Covid-19 (extraction au 5 mai 2023) ; Insee, statistiques de l’état civil (extraction au 7 avril 2023) et estimations de population.
graphiqueFigure 4 – Décès liés à la Covid-19 et écart entre les décès observés et attendus de mars 2020 à décembre 2022
En 2022, une surmortalité plus élevée qu’en 2021 et 2020
En 2022, il y a eu 8,7 % de décès de plus qu’attendus, contre 6,9 % en 2021 et 7,8 % en 2020. Cet écart, que l’on peut qualifier de surmortalité, est donc en 2022 supérieur à ceux de 2020 et de 2021. La surmortalité de 2022 est assez proche de celle des mêmes mois en 2021, sauf en juillet et décembre où elle est nettement supérieure : 13 % en juillet 2022, contre 1 % en juillet 2021 ; 25 % en décembre 2022, contre 15 % en décembre 2021 (figure 5). Le pic de décembre 2022 (25 %) est le troisième pic le plus élevé de surmortalité sur toute la période de 2020 à 2022, après ceux constatés lors des deux premières vagues de Covid-19 de 2020 (33 % en avril et 31 % en novembre).
tableauFigure 5 – Écart entre les décès observés et attendus par mois de janvier 2020 à décembre 2022
Mois | 2020 | 2021 | 2022 |
---|---|---|---|
Janvier | -5,6 | 9,7 | 9,1 |
Février | -9,1 | 4,7 | 3,8 |
Mars | 11,9 | 3,9 | 1,0 |
Avril | 33,3 | 14,2 | 11,3 |
Mai | -0,7 | 6,2 | 3,1 |
Juin | -0,6 | -0,8 | 3,5 |
Juillet | -2,3 | 0,8 | 12,8 |
Août | 4,0 | 8,9 | 11,0 |
Septembre | 5,6 | 7,1 | 5,7 |
Octobre | 13,6 | 5,4 | 8,6 |
Novembre | 30,7 | 6,4 | 7,6 |
Décembre | 14,7 | 14,6 | 25,4 |
- Notes : données provisoires.
- Lecture : en décembre 2022, les décès observés dépassent de 25,4 % les décès attendus, en prenant en compte l'augmentation et le vieillissement de la population, ainsi que la baisse des quotients de mortalité au rythme de la période 2010-2019.
- Champ : France.
- Source : Insee, statistiques de l’état civil (extraction au 7 avril 2023) et estimations de population.
graphiqueFigure 5 – Écart entre les décès observés et attendus par mois de janvier 2020 à décembre 2022
Pourtant, même si le nombre de décès par cause initiale n’est pas encore connu, l’épidémie de Covid-19 a très probablement été moins meurtrière en 2022 qu’en 2021 : il y a eu 38 300 décès de personnes atteintes de la Covid-19 en 2022 selon SpFrance, soit nettement moins qu’en 2021 (59 100) ; le CépiDc comptabilise également un nombre de certificats de décès avec mention Covid-19 en baisse entre 2021 et 2022. Cette moindre mortalité liée à la Covid-19 est visible seulement en première moitié d’année, de janvier à mai, avec environ 20 000 décès liés à la Covid-19 en moins (selon SpFrance ou le CépiDc). Début 2022, une grande majorité de la population avait reçu au moins deux doses de vaccin, ce qui n’était pas le cas au début de l’année précédente. Par exemple, le 1er avril 2021, seulement 7 % des 70-74 ans étaient vaccinés avec deux injections, contre 85 % au 1er août 2021 [Ouvrir dans un nouvel ongletSpFrance, 2023b]. La vaccination est l’un des facteurs qui a réduit le taux de mortalité lié à la Covid-19 : par exemple, en octobre 2021, parmi les 20 ans ou plus, ce taux est neuf fois moins élevé pour les personnes complètement vaccinées que pour celles non vaccinées [Ouvrir dans un nouvel ongletDrees, 2021]. De plus, le variant Omicron, majoritaire à partir de début 2022, a entraîné des formes moins sévères par rapport aux précédents variants (Alpha et Delta).
Ce sont donc les décès dus à d’autres causes que la Covid-19 qui ont augmenté en 2022. Tout d’abord, l’année 2022 a compté de manière inhabituelle deux épisodes de grippe : une première épidémie tardive en mars-avril, puis une seconde précoce en décembre [Ouvrir dans un nouvel ongletSpFrance, 2023a], alors même que la grippe a été quasi absente en 2021 [Ouvrir dans un nouvel ongletSpFrance, 2023c]. Le pic de mortalité en décembre 2022 a touché plus particulièrement la France et les pays du Nord de l’Europe [Ouvrir dans un nouvel ongletEurostat, 2023]. De plus, des épisodes de canicule ont occasionné davantage de décès en 2022 (2 800 toutes causes confondues) qu’en 2021 (200) [Ouvrir dans un nouvel ongletSpFrance, 2022a]. Les températures élevées une grande partie de l’été ont pu aussi entraîner des décès en dehors des périodes de canicule.
Par ailleurs, l’épidémie de Covid-19 a pu entraîner une hausse des décès en 2021 et en 2022 en raison d’effets indirects, comme des reports d’opérations ou la baisse des dépistages d’autres maladies en 2020 [Ouvrir dans un nouvel ongletSpFrance, 2022b]. L’analyse détaillée des causes de décès par le CépiDc permettra d’apporter des éléments d’explication complémentaires à cette hausse.
Avant 55 ans et après 85 ans, une surmortalité plus forte qu’en 2021
En 2022, les décès observés sont supérieurs aux décès attendus pour toutes les classes d’âge, avec une surmortalité qui varie de +4 % pour les 55-64 ans à +11 % pour les 75-84 ans. Par rapport à 2021, elle a augmenté avant 55 ans et après 85 ans (figure 6). Les décès de personnes âgées de moins de 15 ans sont notamment plus nombreux qu’attendus en 2022 (+6 %), alors qu’ils étaient inférieurs en 2021 (-3 %). Entre 15 et 34 ans, la surmortalité s’est aussi nettement accrue (+10 %, contre +3 % en 2021) ; elle a également augmenté, dans une moindre mesure, chez les 35-54 ans. Pourtant, selon SpFrance, les décès à l’hôpital des moins de 55 ans atteints par la Covid-19 ont été moins nombreux en 2022 qu’en 2021 [Ouvrir dans un nouvel ongletSpFrance, 2023b]. Une hausse des décès liés indirectement à l’épidémie (report d’opérations, baisse des dépistages, etc.) ou à un autre événement inhabituel (grippe, épisodes de fortes chaleurs, etc.), et/ou une baisse des décès évités pourrait expliquer cette surmortalité plus élevée à ces âges. Avant 55 ans, l’écart entre le nombre de décès observés et attendus est de 3 500 personnes en 2022, ce qui représente 7 % de l’écart total (53 800).
tableauFigure 6 – Écart entre les décès observés et attendus par âge de 2020 à 2022
Âge | 2020 | 2021 | 2022 |
---|---|---|---|
Moins de 15 ans | -6,7 | -2,6 | 6,3 |
15-34 ans | -1,3 | 3,2 | 10,2 |
35-54 ans | 3,3 | 6,7 | 9,0 |
55-64 ans | 3,4 | 5,1 | 3,7 |
65-74 ans | 6,6 | 9,6 | 9,2 |
75-84 ans | 10,8 | 11,1 | 10,9 |
85-94 ans | 9,1 | 5,3 | 7,8 |
95 ans ou plus | 6,6 | 2,9 | 9,9 |
Ensemble | 7,8 | 6,9 | 8,7 |
- Note : données provisoires.
- Lecture : en 2022, les décès observés des 75-84 ans dépassent de 10,9 % les décès attendus, en prenant en compte l'augmentation et le vieillissement de la population, ainsi que la baisse des quotients de mortalité au rythme de la période 2010-2019.
- Champ : France.
- Source : Insee, statistiques de l’état civil (extraction au 7 avril 2023) et estimations de population.
graphiqueFigure 6 – Écart entre les décès observés et attendus par âge de 2020 à 2022
La surmortalité est stable pour les 75-84 ans : en 2022, comme en 2021, ils sont les plus fortement touchés (11 % de décès de plus qu’attendus). Cette stabilité laisse supposer que les différents effets à la baisse sur le nombre de décès (vaccination, variant Omicron moins virulent, etc.) auraient été compensés par les effets à la hausse (grippe, canicules et/ou hausse des autres décès).
La surmortalité a augmenté entre 2021 et 2022 pour les 85 ans ou plus, et tout particulièrement pour les 95 ans ou plus. Après une hausse des décès à la suite d'une crise, l’effet « moisson » réduit la mortalité les années suivantes car une partie des personnes les plus fragiles sont décédées. En 2021, cet effet avait vraisemblablement contribué à réduire significativement la mortalité des plus âgés [Blanpain, Papon, 2021]. En 2022, il semble avoir été plus que compensé par un excédent de décès. Comme pour les plus jeunes, les décès à l’hôpital des octogénaires et nonagénaires liés à la Covid-19 ont été moins nombreux en 2022 qu’en 2021 [Ouvrir dans un nouvel ongletSpFrance, 2023b]. Ce sont donc les décès dus à d’autres causes qui ont dû contribuer à augmenter la surmortalité des plus âgés.
Hausse de la surmortalité des femmes et maintien de celle des hommes
En 2022, la surmortalité des femmes a augmenté (8 %, contre 5 % en 2021), tandis que celle des hommes est stable (9 %). C’est surtout l’accroissement de la mortalité des femmes âgées de 85 ans ou plus qui explique la hausse. Par exemple, parmi les femmes âgées de 85 à 94 ans, les décès ont dépassé de 7 % les décès attendus en 2022, contre 4 % en 2021. Quant à la stabilité de la surmortalité des hommes, elle provient d’une hausse chez les 85 ans ou plus compensée par une baisse entre 55 et 84 ans.
Chez les femmes âgées de 15 à 34 ans, la surmortalité est particulièrement élevée en 2022 (16 %), alors qu’elle était modérée en 2021 (3 %). La surmortalité des hommes du même âge a également augmenté (8 %, contre 3 % en 2021). Environ 6 900 décès de femmes ou d’hommes âgés de 15 à 34 ans ont eu lieu, soit 600 de plus que ceux attendus. En 2022, les accidents mortels de la route ont augmenté pour les 18-34 ans (+12 %, soient +109 personnes). Néanmoins, ils sont loin d’expliquer entièrement la hausse de la surmortalité à ces âges, qui est donc due à d’autres facteurs.
Méthodes
Pour estimer le nombre de décès attendus en l’absence d’épidémie de Covid-19 ou d’autres événements inhabituels, des hypothèses sur l’évolution attendue des quotients de mortalité entre 2020 et 2022 sont nécessaires. Ces quotients diminuent généralement chaque année, grâce à des progrès dans différents domaines (médicaux, conditions de vie, etc.). On vit ainsi de plus en plus longtemps. Par exemple, sur les quinze dernières années, la mortalité des hommes de 80 ans a fortement diminué : 5,8 % d’entre eux sont décédés en 2005, contre 4,2 % en 2019, soit une baisse de 28 %. Lorsque les démographes réalisent des projections de décès, ils supposent généralement que les quotients de mortalité par âge continuent à diminuer au même rythme que sur une période passée donnée. On applique une tendance linéaire sur le logarithme des quotients : cela signifie que si les quotients ont baissé en moyenne de 1 % par an sur la période passée, on suppose qu’ils vont à nouveau baisser de 1 % par an de 2020 à 2022. Le nombre de décès attendus dépend alors du choix de cette période de référence. La baisse de la mortalité a ralenti les dernières années précédant la pandémie : l’espérance de vie à la naissance a progressé de 2 mois par an en moyenne de 2005 à 2014, mais seulement de 0,8 mois par an de 2014 à 2019.
La tendance de la décennie 2010-2019 a été retenue ici, car elle inclut le ralentissement de la hausse de l’espérance de vie depuis 2014, mais aussi des gains d’espérance de vie antérieurs un peu plus importants. Chaque année, de 2020 à 2022, les décès attendus sont calculés en appliquant les quotients de mortalité attendus à la population au 1er janvier de l’année, à laquelle on ajoute la moitié du solde migratoire. La répartition mensuelle des décès attendus est celle constatée en moyenne par sexe et âge sur la période 2010-2019.
En 2022, l’écart entre le nombre de décès observés et attendus varie de 48 000 à 58 000 décès, selon l’hypothèse de baisse des quotients de mortalité retenue (prolongement des tendances de 2005 à 2019 ou de 2014 à 2019). Sur toute la période, de mars 2020 à décembre 2022, la somme des écarts varie de 142 000 à 161 000.
Sources
Les estimations de population sont basées sur le recensement de la population. À partir de 2021, elles sont provisoires : il s’agit d’une actualisation de la population du recensement de 2020 grâce à des estimations du solde naturel, du solde migratoire et d’un ajustement introduit pour tenir compte d’une rénovation du questionnaire et rendre comparables les évolutions de population.
Le certificat de décès, rempli par un médecin, contient un volet administratif et un volet médical. L’Insee reçoit le volet administratif afin d’établir les statistiques d’état civil. Le Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès (CépiDc) de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) reçoit le volet médical afin d’établir la codification des causes médicales de décès. Le CépiDc établit tout d’abord des statistiques provisoires, comptabilisant le nombre de décès avec une mention de Covid-19 (196 100 de mars 2020 à décembre 2022), puis des statistiques définitives, comptabilisant les décès dont la cause initiale est la Covid-19 (69 200 en 2020) [Ouvrir dans un nouvel ongletNaouri et al., 2022].
Par ailleurs, Santé publique France comptabilise les décès liés à la Covid-19 survenus dans les hôpitaux ou les établissements pour personnes âgées (162 000 décès de personnes atteintes de la Covid-19 de mars 2020 à décembre 2022).
Définitions
Le quotient de mortalité à un âge mesure la probabilité, pour les personnes survivantes à cet âge, de décéder avant l'âge suivant.
L'espérance de vie à la naissance représente la durée de vie moyenne d'une génération fictive soumise aux conditions de mortalité par âge de l'année considérée.
Pour en savoir plus
Santé publique France, Ouvrir dans un nouvel ongletBulletin épidémiologique grippe, semaine 18. Bilan préliminaire. Saison 2022-2023, mai 2023a.
Inserm, CépiDc, Ouvrir dans un nouvel ongletStatistiques de mortalité sur la Covid-19, mai 2023.
Insee, Les espérances de vie, outil interactif.
Eurostat, Ouvrir dans un nouvel ongletExcédent de mortalité par mois, avril 2023.
Santé publique France, Ouvrir dans un nouvel ongletObservatoire Géodes, avril 2023b.
Santé publique France, Ouvrir dans un nouvel ongletBulletin épidémiologique grippe, semaine 9. Saison 2022-2023, mars 2023c.
Observatoire national interministériel de la sécurité routière, Ouvrir dans un nouvel ongletBilan 2022 de la sécurité routière, janvier 2023.
Fouillet A., Ghosn W., Naouri D., Coudin E., Ouvrir dans un nouvel ongletCovid-19 : troisième cause de décès en France en 2020, quand les autres grandes causes baissent, Bull Épidémiol Hebd. 2022;(Cov_16):2-12.
Santé publique France, Ouvrir dans un nouvel ongletBulletin de santé publique, été 2022. Canicule et santé, novembre 2022a.
Clanché F., Ouvrir dans un nouvel ongletCovid-19 et mortalité : les chiffres disponibles et leurs usages, DREES Méthodes n° 4, novembre 2022.
Santé publique France, « Ouvrir dans un nouvel ongletDépistage du cancer du sein : quelle participation des femmes en 2021 ? », juin 2022b.
Blanpain N., Papon S., Décès en 2020 et début 2021 : pas tous égaux face à la pandémie de Covid-19, in France, portrait social, édition 2021.
Drees, « Ouvrir dans un nouvel ongletNeuf fois plus d’entrées en soins critiques parmi les personnes non vaccinées que parmi celles qui sont complètement vaccinées de 20 ans et plus », Communiqué de presse, novembre 2021.