Insee Analyses Pays de la Loire · Mai 2023 · n° 114

Des circuits courts plus présents à proximité des bassins de vie denses Économies ligériennes et transitions

En 2020, parmi les 5 250 exploitations agricoles ligériennes, 20 % vendent en circuit court contre 23 % en France métropolitaine. En dix ans, cette part augmente de 5 points dans la région. Cette hausse traduit probablement une évolution des modes de consommation et un souhait de l’acheteur de mieux connaître les conditions de fabrication des produits. L’essor des circuits courts se lit aussi à la hauteur des enjeux qu’ils soulèvent.

Sur le plan environnemental, ils réduisent le transport et les gaz à effet de serre (GES) : en 2018, en France, 31 % des émissions de GES proviennent du transport de marchandises. Au niveau social, ils créent du lien entre exploitants et consommateurs. En matière économique, ils génèrent des emplois locaux et limitent les coûts de transport et de distribution. Analyser les caractéristiques des circuits courts et les spécificités territoriales fournit aux acteurs locaux des outils pour promouvoir leur développement.

Les exploitations qui vendent en circuit court sont plus présentes dans et autour des bassins de vie densément peuplés tels que Nantes et Angers, et sur le littoral (figure 1). Plus de six exploitants sur dix vendent en circuit court dans les bassins de vie de Bellevigne-en-Layon, Chalonnes-sur-Loire, Clisson et Vallet. La proximité des consommateurs est une opportunité pour les exploitants locaux de valoriser leur production. Si l’approvisionnement alimentaire des villes par des producteurs locaux existe depuis longtemps, il a décliné au XX^e siècle avec le développement des transports et de la grande distribution. Désormais, la volonté de consommer local ressurgit, accompagnée par des politiques publiques notamment via les projets alimentaires territoriaux (PAT) (encadré 1).

Dans la filière biologique, la part des exploitations en circuit court est trois fois plus élevée que dans la filière non biologique : 49 % contre 15 %, même si elle reste inférieure à celle de la France métropolitaine (respectivement 53 % et 19 %). Divers facteurs semblent favoriser ce développement. Tout d’abord, les exploitations biologiques sont plus souvent implantées dans les territoires denses où la forte présence de la population impulserait la mise en place des circuits courts. De plus, les exploitants biologiques, plus sensibles à l’environnement, ont une plus grande propension à s’engager dans une démarche d’agriculture durable et donc à faire la part belle aux circuits courts.

La vente à la ferme est le mode de vente le plus courant et le plus ancien. Dans la région, elle est nettement plus pratiquée : elle concerne 73 % des exploitations en circuit court, soit 9 points de plus qu’en France métropolitaine (figure 2). Elle permet, comme toute vente directe, de fixer le prix, de dégager plus de valeur ajoutée et d’avoir un retour sur les produits et les besoins des clients.

Les autres modes de vente les plus courants sont les ventes via un intermédiaire, à la restauration ou au commerce de détail : respectivement 32 % et 28 % des exploitations en circuit court, contre 27 % et 32 % en France métropolitaine. Enfin, la vente à la moyenne et grande distribution concerne 20 % des exploitations en circuit court dans les Pays de la Loire, 3 points de plus qu’en France métropolitaine.

Par ailleurs, vendre sur les marchés est une pratique moins ancrée dans la région. Elle est réalisée par 22 % des exploitations en circuit court, soit 5 points de moins qu’en France métropolitaine. En revanche, la vente via les associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (AMAP) est plus fréquente et regroupe 12 % des exploitations en circuit court contre 7 % en France métropolitaine.

Les exploitations de petite dimension économique vendent plus souvent que les autres en circuit court, soit 25 % (contre 27 % en France métropolitaine). En générant plus de valeur ajoutée, les circuits courts pourraient contribuer à la viabilité de ces exploitations.

Pour autant, les circuits courts nécessitent plus de main-d’œuvre : en moyenne 3,3 en équivalent temps plein (ETP) contre 1,9 en circuit long. Ce plus fort besoin en main-d’œuvre est notamment lié à la diversité des compétences requises par les circuits courts, pour la production, le conditionnement, le transport et la vente.

De plus, les exploitations qui optent pour les circuits courts ont plus souvent une activité de diversification potentiellement créatrice d’emplois, telle que la transformation ou le tourisme (encadré 2).

La viande (bovins, ovins, caprins et porcins), le vin et les légumes sont les principaux produits vendus en circuit court (figure 3). D’un côté, 39 % des exploitations en circuit court de la région vendent de la viande, soit 11 points de plus qu’en France métropolitaine. Cette part élevée est liée au fort développement de l’élevage qui positionne la région au 2^e rang national pour la production de viande, après la Bretagne. D’un autre côté, le vin est commercialisé par 19 % des exploitations en circuit court, soit de façon comparable à la France métropolitaine (20 %). Enfin, la vente de légumes, moins fréquente en moyenne dans la région, est réalisée par 18 % des exploitations en circuit court contre 21 % en France métropolitaine. Dans les Pays de la Loire, 55 % des exploitations en circuit court transforment tout ou partie de leurs produits, contre 2 % pour les exploitations en circuit long.

Les caractéristiques des exploitations qui vendent en circuit court diffèrent selon les bassins de vie (figure 4), ainsi cinq profils de territoires se distinguent (pour comprendre). Ils mettent notamment en avant le développement des ventes en circuit court dans les territoires proches de la demande (consommateur final ou restaurant par exemple). Les exploitations des bassins de vie plus éloignés de la demande s’orientent alors davantage vers des ventes en circuit long.

Dans certains bassins de vie (profil A), les exploitations en circuit court sont deux fois plus concentrées que dans la région (45 % contre 20 %). Ces territoires se caractérisent par une population deux fois plus dense.

La proximité des consommateurs constitue une opportunité de vente, directement à la ferme (81 % des exploitations en circuit court) ou à des restaurants (44 %), eux aussi plus présents dans ces territoires. Souvent situées à la croisée de fleuves et de rivières, ces exploitations commercialisent plus souvent du vin (58 %). Ce produit, déjà mis en bouteille par le producteur, est facilement commercialisable en vente directe ou via un restaurant. Les exploitations qui vendent aux AMAP sont moins nombreuses dans ces bassins de vie alors même que les AMAP y sont plus présentes. Ces AMAP peuvent distribuer leur production loin de l’exploitation. Sur le littoral, par exemple, de plus nombreuses exploitations vendent auprès des AMAP.

Par ailleurs, les commerces de détail et les marchés existent autant qu’au niveau régional. Cependant, la vente dans les commerces de détail est plus courante et celle sur les marchés moins fréquente.

Le profil du consommateur influe également sur le type de consommation [Loisel J-P. et al., 2015 ; pour en savoir plus (3)]. La population plus jeune peut être plus adepte de l’usage des AMAP. Une plus forte présence de cadres et une pauvreté modérée (10,1 %) peut également offrir un contexte favorable à la vente directe et en restaurant.

Les exploitations en circuit court sont aussi plus présentes dans les bassins de vie littoraux (profil B) où leur part atteint 30 %. Là aussi, la population est plus dense que dans la région et offre des opportunités plus nombreuses de vente directe à la ferme (76 % des exploitations en circuit court). Les exploitations vendent plus souvent de la viande et des légumes, respectivement 49 % et 23 % d’entre elles. L’implantation de marchés sur le territoire permet aux exploitations d’y trouver un relais de vente (29 % des exploitations en circuit court contre 22 % dans la région). Les ventes via les AMAP sont plus marquées, alors que les AMAP sont moins nombreuses. Les exploitants desservent peut-être d’autres bassins de vie proches. Même si les restaurants et les commerces de détail sont plus présents que dans la région, les exploitations en circuit court y commercialisent moins souvent leurs produits.

Les habitants sont relativement plus âgés, ils peuvent souhaiter favoriser les exploitations locales et acheter plus fréquemment sur les marchés. Les cadres sont un peu moins nombreux qu’en moyenne régionale mais ces territoires sont moins confrontés à la pauvreté (9,6 %), ce qui peut créer un contexte favorable à la vente directe.

Avec 25 % d’exploitations qui vendent en circuit court, des bassins de vie légèrement moins denses que ceux du profil A se situent également au-dessus de la moyenne régionale (profil C). Les exploitations vendent plus souvent des légumes : 32 % d’entre elles alors qu’elles ne sont que 18 % dans la région.

La vente à la ferme se fait à un niveau proche de celui de la région : 72 % des exploitations en circuit court. Les restaurants, les commerces de détail et les marchés sont autant présents que dans la région. Les ventes dans les commerces de détail et marchés ont aussi des niveaux comparables à la région. Mais la vente dans les restaurants est, quant à elle, moins marquée et concerne 22 % des exploitations en circuit court. Par ailleurs, la moindre présence des AMAP se répercute sur les ventes qui y sont moins nombreuses.

Pourtant la présence d’exploitations productrices de légumes pourrait encourager cette forme de vente.

D’autres bassins de vie (profil D) possèdent une part d’exploitations en circuit court un peu plus élevée (24 %). Pourtant, la densité de population y est plus faible que dans la région. La présence d’une population ouvrière mieux répartie sur le territoire peut inciter à développer des marchés locaux et à valoriser les exploitations de proximité. Ces exploitations vendent plus souvent de la viande : 48 % d’entre elles.

La part des exploitations en circuit court qui vendent à la ferme est identique à la région. Les marchés et les AMAP y sont également aussi fréquents. Si la vente via les marchés est comparable au niveau régional, celle dans les AMAP est plus élevée.

Les restaurants et les commerces de détail sont moins présents que dans la région. Ainsi, les exploitations en circuit court y vendent moins souvent leurs produits.

Les exploitations qui vendent en circuit court sont moins présentes dans des bassins de vie (profil E) principalement situés en Mayenne, dans la Sarthe et en Vendée : elles y constituent 12 % des exploitations. La faible densité de population dans ces territoires réduit les opportunités de vente. Certains bassins de vie comme Cholet, Laval et Le Mans, pourtant de densité plus forte, proposent moins les ventes en circuit court. La présence d’un tissu industriel agroalimentaire pourrait inciter la population à consommer des marques locales vendues en circuit long. Ces exploitations vendent plus souvent de la viande (bovins, ovins, caprins et porcins) : 51 % d’entre elles.

La vente à la ferme est moins présente : 65 % des exploitations en circuit court. Rapportés à la population, restaurants, marchés, commerces de détail et AMAP sont moins nombreux que dans la région. Quant aux ventes en circuit court dans ces lieux, elles sont inégales : moins fréquentes dans les restaurants (20 %), plus fréquentes dans les marchés et à un niveau comparable à celui de la région dans les commerces de détail et les AMAP.

Les habitants, consommateurs potentiels de produits en circuit court, sont un peu plus âgés et plus souvent pauvres : 11,5 % d’entre eux contre 10,7 % dans la région. Enfin, les ouvriers sont plus nombreux, contrairement aux cadres.