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Insee Analyses Ile-de-France · Mars 2023 · n° 167
Insee Analyses Ile-de-FranceÉconomie circulaire : état des lieux et enjeux d’avenir en Île-de-France

Sébastien Biju-Duval, Kevin Chaput (Insee), Carine Camors, Martial Vialleix (L’Institut Paris Region), Marc Dufau (Direction régionale et interdépartementale de l’environnement, de l’aménagement et des transports d’Île-de-France)

L’économie circulaire est un nouveau modèle économique qui a pour objectifs d’une part de limiter la production de déchets et l’usage des ressources, et d’autre part de diminuer les impacts environnementaux de l’extraction des ressources jusqu’à la fin de vie des produits. La mesure des emplois relevant de cette économie est complexe car ceux-ci relèvent d’activités nombreuses et difficiles à circonscrire. À titre d’exemple, en 2018, près de 72 000 emplois concourent à l’allongement de la durée d’usage des produits au travers d’activités de location, réparation, réemploi ou réutilisation.

Les enjeux et perspectives de développement de l’économie circulaire sont forts en Île-de-France comme dans tous les territoires. Dans la région, son renforcement passe, pour tous les acteurs économiques, par davantage de réemploi ou de réutilisation, notamment dans le secteur de la construction, et par une réduction toujours plus grande des déchets, comme les emballages.

Insee Analyses Ile-de-France
No 167
Paru le :Paru le30/03/2023

L’économie circulaire : un nouveau modèle économique en trois domaines

L’économie circulaire correspond à un modèle systémique visant d’une part à limiter la production de déchets et l’usage des ressources, et d’autre part à diminuer les impacts environnementaux de l’extraction des ressources jusqu’à la fin de vie des produits. Si ses origines remontent aux années 1970, elle est de plus en plus présente dans les objectifs des politiques publiques, tant nationales que régionales (encadré 1). En partant de la définition proposée par l’Ademe, l’économie circulaire repose sur trois grands domaines d’action (offre des acteurs économiques, demande et comportement des consommateurs, et enfin gestion des déchets) qui se décomposent en sept piliers (figure 1).

Cette étude vise à cerner, pour la première fois, la situation de l’emploi dans les démarches d’économie circulaire en Île-de-France et à appréhender les dynamiques associées en suivant le fonctionnement en boucle de ses trois domaines (pour comprendre). Elle se base sur l’exploitation de sources statistiques pour dénombrer les emplois et sur la présentation d’approches plus qualitatives afin d’illustrer des initiatives de portée certes moins générale mais dont l’exemple rend compte des mécanismes concourant à l’économie circulaire.

Figure 1L’économie circulaire en trois domaines et sept piliers

L’économie circulaire en trois domaines et sept piliers - Lecture : l’économie circulaire peut être découpée en trois domaines : l’offre des acteurs économiques, la demande et le comportement des consommateurs, et la gestion des déchets. Ces domaines sont ensuite décomposés en sept piliers.
Domaines Offre des acteurs économiques Demande et comportement des consommateurs Gestion des déchets
Piliers Approvisionnement durable (Agriculture bio, incorporation matière) Consommation responsable (Achat, consommation collaborative, lutte contre le gaspillage alimentaire, produits bio, en vrac) Recyclage
Éco-conception Allongement de la durée d’usage (Réemploi, réparation, réutilisation, location)
Écologie industrielle et territoriale
Économie de la fonctionnalité
  • Lecture : l’économie circulaire peut être découpée en trois domaines : l’offre des acteurs économiques, la demande et le comportement des consommateurs, et la gestion des déchets. Ces domaines sont ensuite décomposés en sept piliers.
  • Source : Ademe.

Figure 1L’économie circulaire en trois domaines et sept piliers

  • Lecture : l’économie circulaire peut être découpée en trois domaines : l’offre des acteurs économiques, la demande et le comportement des consommateurs, et la gestion des déchets. Ces domaines sont ensuite décomposés en sept piliers.
  • Source : Ademe.

Domaine : demande et comportement des consommateurs

Près de 72 000 emplois dédiés à l’allongement de la durée d’usage des biens

Par leurs modes de consommation, les ménages comme les entreprises jouent un rôle crucial dans l’économie circulaire. Privilégier la location d’un produit plutôt que son achat, ou en allonger la durée d’usage en le réparant ou en le revendant au lieu de le jeter, voilà autant de comportements qui s’inscrivent dans une démarche d’économie circulaire.

En Île-de-France, en 2018, près de 72 000 emplois relèvent d’activités favorisant explicitement « l’allongement de la durée d’usage » individuelle ou collective de biens, soit 17 % de l’emploi de ces activités en France, alors que la région regroupe 23 % de l’ensemble des emplois français (figure 2). Ces activités sont donc sous-représentées en Île-de-France, en particulier les secteurs liés à la réparation qui regroupent moins de 14 % du nombre total d’emplois au niveau national (42 300 emplois sur 303 700). Ainsi, en Île-de-France, il est comptabilisé 3,5 emplois de réparation pour 1 000 habitants en moyenne, soit environ un de moins qu’en France. En Île-de-France, comme ailleurs, de multiples petites entreprises (garages, ateliers de réparation de vélos, d’appareils électroménagers ou de matériel informatique, etc.) relèvent de ces activités. En outre, les fablabs constituent des tiers-lieux prometteurs en Île-de-France. Ils répondent aux enjeux de maintien de la production au niveau local mais aussi à des enjeux de réparation (repair cafés) et de partage de compétences ou savoir-faire pour donner une seconde vie aux objets, autour de la communauté des makers et du réseau français des fablabs (RFFlabs).

Les services de location sont davantage représentés en Île-de-France qu’au niveau national, avec plus de 2 emplois pour 1 000 habitants, contre 1,4 en France. En 2018, près de 25 000 emplois franciliens – sala­riés et non salariés – sont en effet dédiés aux services de location, soit 26 % du total français. Parmi ces emplois, 11 400 concernent la location pour des usages professionnels, dont 4 500 la location de machines et d’équipements en lien avec la construction. Des entreprises comme Fraikin (véhicules industriels) ou Loxam (matériel BTP) sont implantées en Île-de-France. La location aux particuliers, quant à elle, regroupe 8 900 emplois concernant le matériel de bricolage, le mobilier ou encore les instruments de musique.

Pour les objets inutilisés ou en fin de vie, les structures de réemploi-réutilisation telles que les ressourceries peuvent servir d’intermédiaires entre les acteurs propriétaires désireux de se séparer de certains biens et ceux qui souhaitent acquérir des biens de seconde main. En 2018, 4 400 emplois franciliens participent à la ou au de tels objets ou équipements. Le réseau francilien du réemploi REFER accompagne les ressourceries et les recycleries dans leur développement sur l’ensemble du territoire régional. Ces structures jouent un rôle fondamental dans l’économie circulaire et font partie des comportements à privilégier dans la hiérarchie de la gestion des déchets (figure 3). Le développement de pratiques d’allongement de la durée d’usage constitue un gisement d’emplois locaux non délocalisables. Historiquement, l’économie sociale et solidaire et l’économie circulaire se complètent dans les activités de tri et de valorisation des déchets. Elles sont nombreuses dans la région (Emmaüs, Envie, Rejoué…).

En parallèle, les échanges de biens peuvent aussi se produire directement entre particuliers. D’après l’enquête Budget de famille de l’Insee, en 2017, plus d’un tiers des ménages français ont échangé avec d’autres particuliers, au cours des douze derniers mois, des biens ou services (vêtements, meubles...) sur des sites de vente ou de dons en ligne. En se développant, ces services de réparation et de réemploi concourent à l’allongement de la durée d’usage des objets et permettent, de ce fait, de réduire les déchets.

Figure 2Emplois dédiés à l’utilisation collective et l’allongement de la durée d’usage des produits

Emplois dédiés à l’utilisation collective et l’allongement de la durée d’usage des produits - Lecture : En 2018, dans les activités proposant des services de location, le nombre d’emplois en ETP est estimé à environ 24 900 en Île-de-France.
Activités Île-de-France Auvergne-Rhône-Alpes Provence-Alpes-Côte d’Azur France hors Mayotte
Effectifs (ETP*) Nombre d’emplois pour 1 000 habitants Effectifs (ETP*) Nombre d’emplois pour 1 000 habitants Effectifs (ETP*) Nombre d’emplois pour 1 000 habitants Effectifs (ETP*) Nombre d’emplois pour 1 000 habitants
Location 24 900 2,0 10 200 1,3 9 400 1,9 95 000 1,4
Réparation 42 300 3,5 40 200 5,0 27 600 5,5 303 700 4,6
Réemploi 3 700 0,3 1 400 0,2 1 300 0,3 14 600 0,2
Réutilisation 700 0,1 400 0,1 250 0,0 3 800 0,1
Total 71 600 5,9 52 200 6,5 38 550 7,6 417 100 6,3
  • * Équivalent temps plein.
  • Lecture : En 2018, dans les activités proposant des services de location, le nombre d’emplois en ETP est estimé à environ 24 900 en Île-de-France.
  • Champ : ensemble des emplois salariés et non salariés, en ETP.
  • Sources : Insee, Flores 2018 et Base non-salariés 2018, recensement de la population 2018.

Figure 3Hiérarchie simplifiée de la gestion des déchets

(en millions de tonnes)
Hiérarchie simplifiée de la gestion des déchets ((en millions de tonnes)) - Lecture : en Île-de-France, la hiérarchie des modes de traitement des déchets consiste à privilégier dans l’ordre : d’abord la réduction des déchets grâce au réemploi et à la réutilisation, puis le recyclage quand le déchet apparaît, ensuite la valorisation des déchets organiques (par retour au sol ou transformation énergétique) et enfin l’élimination (enfouissement, mise en décharge, exportation des déchets), solution à éviter.
Gestion des déchets Situation actuelle
Réemploi, réutilisation *
Recyclage 10
Valorisation 16
Élimination 15
  • * Pas de données disponibles sur le réemploi de produits ou la réutilisation de déchets.
  • Lecture : en Île-de-France, la hiérarchie des modes de traitement des déchets consiste à privilégier dans l’ordre : d’abord la réduction des déchets grâce au réemploi et à la réutilisation, puis le recyclage quand le déchet apparaît, ensuite la valorisation des déchets organiques (par retour au sol ou transformation énergétique) et enfin l’élimination (enfouissement, mise en décharge, exportation des déchets), solution à éviter.
  • Source : L’Institut Paris Region d’après la directive de l’Union européenne 2008 et les travaux de l’Ordif État des lieux de l’environnement en Île-de-France, 2022.

Figure 3Hiérarchie simplifiée de la gestion des déchets

(en millions de tonnes)
  • * Pas de données disponibles sur le réemploi de produits ou la réutilisation de déchets.
  • Lecture : en Île-de-France, la hiérarchie des modes de traitement des déchets consiste à privilégier dans l’ordre : d’abord la réduction des déchets grâce au réemploi et à la réutilisation, puis le recyclage quand le déchet apparaît, ensuite la valorisation des déchets organiques (par retour au sol ou transformation énergétique) et enfin l’élimination (enfouissement, mise en décharge, exportation des déchets), solution à éviter.
  • Source : L’Institut Paris Region d’après la directive de l’Union européenne 2008 et les travaux de l’Ordif État des lieux de l’environnement en Île-de-France, 2022.

Consommation responsable : l’achat de produits bio en progression

La consommation responsable concerne à la fois les entreprises (achats), les administrations (commande publique) et les ménages. Elle consiste à effectuer son choix en prenant en compte les impacts environnementaux à toutes les étapes du cycle de vie du produit (bien ou service). L’économie du don, la consommation collaborative, le développement des circuits courts ou la consommation de produits biologiques illustrent cette dynamique. En Île-de-France, en 2020, 3 300 entreprises proposent des produits biologiques, soit une augmentation de 10 % par rapport à 2019. La région se situe derrière Auvergne-Rhône-Alpes, avec 3 500 entreprises de vente biologique implantées. Au sein de ces entreprises qui se situent en aval de la chaîne de production biologique, la vente en vrac est souvent proposée. Cette pratique est favorisée par la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire. Toutefois, le niveau de l’inflation en 2022 semble avoir eu un impact négatif sur la consommation de produits biologiques au niveau national. Ainsi, selon la Fédération nationale d’agriculture biologique, les achats de produits bio ont chuté en France de 6,3 % entre janvier et septembre 2022.

Domaine : gestion des déchets

S’agissant des déchets, les objectifs inhérents aux mécanismes de l’économie circulaire concernent à la fois la collecte et le  ; ils consistent non seulement à diminuer leurs volumes mais aussi à mieux les valoriser. En 2018, en Île-de-France, 41 millions de tonnes (Mt) de déchets ont été produites, dont 76 % proviennent du BTP, reflétant le dynamisme de la construction dans la région capitale (chantiers du Grand Paris Express, des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024…). En dehors des activités de construction, seulement 14 % du total des déchets, soit 5,6 Mt, correspondent à des déchets ménagers ou assimilés (figure 4).

En Île-de-France, 60 % des (DMA) sont des ordures ménagères résiduelles (OMR) collectées dans les « poubelles grises ». En 2019, la quasi-totalité (99 %) de celles-ci sont valorisées, principalement en valorisation énergétique dans les incinérateurs afin d’alimenter les réseaux urbains de chauffage. En France, cette proportion est nettement moindre (75 %). De tels écarts étaient déjà visibles dix ans plus tôt (91 % en Île-de-France en 2009, contre 60 % en France). Entre 2009 et 2019, le volume moyen des OMR de chaque Francilien a diminué, passant de 315 kg à 282 kg par habitant.

La des DMA n’est pas pour autant totale, l’enfouissement des déchets étant toujours pratiqué. La réduction des OMR reste donc un objectif important de l’économie circulaire.

En effet, d’après l’Observatoire régional des déchets en Île-de-France (Ordif), près de 25 % des OMR sont des biodéchets. Or, la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire prévoit de mettre en place d’ici 2024 la collecte des biodéchets dans toutes les communes. Les OMR sont également composées à 19 % de papiers-cartons et à 6 % de verre. Ainsi, la proportion de déchets de la « poubelle grise » (OMR) correctement triés est encore faible (moins de la moitié), et des marges de progrès existent dans la région pour atteindre les objectifs du Plan régional de prévention et de gestion des déchets (PRPGD) francilien. En outre, selon l’Ordif, le taux de recyclage francilien des DMA reste stable depuis 2010 autour de 23-24 %, loin des objectifs de 50 % en 2020 et de 65 % en 2035.

Figure 4aRépartition des 41 millions de tonnes de déchets en Île-de-France, en 2018Ensemble des déchets

Répartition des 41 millions de tonnes de déchets en Île-de-France, en 2018 - Lecture : En Île-de-France, 14 % des déchets franciliens sont produits par les ménages, en 2018.
Type de déchets Tonnages (en millions de tonnes) Part (en %)
Déchets du BTP 31,1 76
Déchets ménagers et assimilés 5,6 14
Déchets des activités économiques 4,0 10
  • Lecture : En Île-de-France, 14 % des déchets franciliens sont produits par les ménages, en 2018.
  • Source : Ordif 2018.

Figure 4aRépartition des 41 millions de tonnes de déchets en Île-de-France, en 2018Ensemble des déchets

  • Lecture : En Île-de-France, 14 % des déchets franciliens sont produits par les ménages, en 2018.
  • Source : Ordif 2018.

Collecte et recyclage des déchets : près de 33 000 emplois dans la région

Les activités en lien avec le traitement des déchets regroupent environ 33 000 emplois en Île-de-France (figure 5). Parmi eux, 15 500 emplois sont consacrés à leur seule collecte. L’Île-de-France représente 27 % de l’ensemble de ces emplois au niveau national. Les activités de récupération des matériaux triés, qui visent notamment à en faire des matières premières, permettent de réduire la surconsommation des ressources naturelles et d’énergie, de sécuriser l’approvisionnement de l’industrie en matières premières, et de diminuer ses impacts environnementaux. Elles sont moins représentées en Île-de-France qu’au niveau national : 4 300 emplois en Île-de-France, soit seulement 13 % du total national. Elles sont le fait, notamment, de grandes entreprises comme Veolia, Paprec ou Nicollin.

Les emplois dans l’assainissement et la dépollution de l’eau sont au nombre de 13 100, soit 24 % des emplois au niveau national. Cette filière mobilise d’importants réseaux et stations d’épuration pour traiter les eaux usées avant de les rejeter dans le milieu naturel. Cependant, l’utilisation des stations d’épuration, bien qu’essentielle au fonctionnement régional, nécessite de l’énergie et des produits réactifs. Il s’agira donc à terme d’une part de diminuer les consommations d’eaux et de valoriser la chaleur générée par les procédés des stations d’épuration ou celle directement contenue dans les eaux usées. Il s’agira d’autre part de mettre en œuvre des procédés permettant d’améliorer le retour à la terre (valorisation de boues de stations d’épuration…) et la valorisation des nutriments contenus dans les excreta humains (collecte sélective des urines très riches en azote et phosphore…).

La valorisation des déchets doit prendre d’autres formes que leur seule incinération en vue d’alimenter des réseaux de chaleur. Elle inclut notamment la récupération des matériaux triés, lesquels peuvent ensuite être réincorporés dans l’industrie par les acteurs économiques. Avec un tel approvisionnement, plus durable, les entreprises s’inscrivent dans une démarche de l’économie circulaire et optimisent l’utilisation des ressources. Cette pratique est, à ce titre, une priorité du PRPGD francilien.

À titre d’exemple, dans l’industrie francilienne, le nombre d’emplois participant à l’incorporation de matières premières de recyclage (MPR) est estimé en 2018 à 1 600. L’industrie du verre compterait environ 640 emplois contribuant à l’économie circulaire (SGD Pharma qui fabrique des récipients en verre ou Saint-Gobain Glass qui produit des vitrages). La sidérurgie occupe également une place importante avec plus de 500 emplois, suivie par l’industrie du papier-carton et celles du plastique, de l’aluminium, etc.

Figure 5Les emplois (ETP*) dans la collecte et le recyclage des déchets en Île-de-France et en France hors Mayotte, en 2018

Les emplois (ETP*) dans la collecte et le recyclage des déchets en Île-de-France et en France hors Mayotte, en 2018 - Lecture : en 2018, les activités de collecte des déchets regroupent 56 800 emplois ETP en France hors Mayotte dont 27 % sont situés en Île-de-France.
Activités Île-de-France (en milliers) France hors Mayotte (en milliers) Part des emplois régionaux dans l’emploi national (en %)
Eaux usées et assainissement 13,1 55,1 24
Récupération 4,3 34,2 13
Collecte des déchets 15,5 56,8 27
  • * Équivalent temps plein.
  • Lecture : en 2018, les activités de collecte des déchets regroupent 56 800 emplois ETP en France hors Mayotte dont 27 % sont situés en Île-de-France.
  • Champ : ensemble des emplois salariés et non salariés, en ETP.
  • Sources : Insee, Flores 2018 et Base non-salariés 2018 ; recensement de la population 2018.

Figure 5Les emplois (ETP*) dans la collecte et le recyclage des déchets en Île-de-France et en France hors Mayotte, en 2018

  • * Équivalent temps plein.
  • Lecture : en 2018, les activités de collecte des déchets regroupent 56 800 emplois ETP en France hors Mayotte dont 27 % sont situés en Île-de-France.
  • Champ : ensemble des emplois salariés et non salariés, en ETP.
  • Sources : Insee, Flores 2018 et Base non-salariés 2018 ; recensement de la population 2018.

Domaine : offre des acteurs économiques

Approvisionnement durable : une exploitation vertueuse des ressources

Les entreprises ont besoin de ressources, que ce soit de l’énergie ou de la matière, pour produire des biens ou des services qui seront ensuite vendus. Mais l’impact environnemental ne sera pas le même si elles importent des matières vierges extraites d’autres endroits de la planète ou si elles privilégient des matières recyclées issues d’une filière locale. L’approvisionnement durable représente donc un véritable enjeu pour les entreprises afin de rendre leurs productions plus vertueuses.

Selon la Stratégie régionale en faveur de l’économie circulaire (Srec), 80 % des ressources utilisées en Île-de-France proviennent de l’extérieur : 42 % d’autres régions, 38 % de l’étranger. Dans l’économie circulaire, l’approvisionnement durable intervient en amont de la chaîne, à l’instar de l’approvisionnement en matériaux biosourcés dans le secteur du bâtiment. Dans la région, les constructions à partir de bois, paille, ouate de cellulose, textile, chanvre ou lin ne sont pas nombreuses et résultent souvent d’expérimentations qui pourraient à terme se développer. L’usine de production « Cycle Terre », à Sevran en Seine-Saint-Denis, illustre cette dynamique avec l’utilisation des terres excavées du Grand Paris Express pour fabriquer des briques. Globalement, les perspectives économiques de ces technologies pourraient être importantes pour les acteurs traditionnels du secteur de la construction qui emploient en Île-de-France près de 300 000 personnes en 2019, soit 5 % des salariés de la région.

L’approvisionnement durable est aussi de plus en plus présent dans le secteur agricole, notamment à travers le développement de l’agriculture biologique. Fin 2021, 617 exploitations agricoles de la région (14 % des exploitations) sont classées biologiques, soit 35 380 hectares certifiés bio (6,3 % de la surface agricole utile, SAU). Cette SAU a triplé ces cinq dernières années. 42 % des exploitations bio sont en grandes cultures, 32 % en maraîchage. En 2021, ces exploitations agricoles concentrent 1 386 unités de travail annuel (UTA) permanentes ainsi que 433 UTA de salariés saisonniers.

L’éco-conception tend à se généraliser

La prise en compte des enjeux liés à l’économie circulaire en amont des processus de production s’observe également dans l’éco-conception. Cette pratique consiste à intégrer systématiquement des aspects environnementaux dès la phase de conception du produit ou du service et durant tout son cycle de vie : extraction et approvisionnement des matières premières, production, distribution, utilisation et fin de vie. Cette démarche de projet vise à rendre le produit à la fois plus durable dans le temps, plus économe en matières premières et moins générateur de déchets ou de polluants. Les emplois liés sont donc transversaux et concernent plusieurs secteurs aussi bien dans l’industrie (éco-conception de produit) que dans les services (culture, tourisme, mode, santé, transport, informatique, etc.). L’Île-de-France, région où le réseau d’entreprises en matière d’innovation, de R&D et de design est important, constitue ainsi un territoire propice au développement de l’éco-conception.

Dans le secteur du cinéma-audiovisuel, l’éco-conception transforme aussi les pratiques. La filière « image » est bien implantée dans la région. D’après Film Paris Région, avec environ 6 700 entreprises, 1 000 tournages sont réalisés chaque année en Île-de-France, soit la moitié de l’ensemble national. Les émissions de CO2 de cette filière sont donc importantes : 1,7 million de tonnes en France, dont 20 % sont entièrement liés à la construction de décors. L’éco-conception vise à réduire ces émissions en adoptant des solutions et des comportements écoresponsables. C’est ce que fait le projet Circul’Art 2 lancé en 2021 porté par Film Paris Région en intégrant l’éco-conception dans ses décors et la scénographie.

Des démarches pour limiter l’usage de ressources

Comme l’éco-conception, l’économie de la fonctionnalité et de la coopération (EFC) et l’écologie industrielle et territoriale (EIT) forment des piliers de l’économie circulaire.

L’économie de la fonctionnalité et de la coopération vise à agir sur les modèles d’affaires d’entreprises pour passer de la vente d’un bien ou d’un service à la valorisation de son usage (encadré 2).

L’écologie industrielle et territoriale, quant à elle, a pour objectif d’optimiser, sur un territoire, l’utilisation des ressources, qu’elles soient de l’énergie, de l’eau, des matières, des déchets ou des équipements et expertises. Son approche est systémique et s’inspire du fonctionnement des écosystèmes naturels. L’EIT encourage ainsi les entreprises à développer les synergies en mutualisant leurs ressources, les services ou le foncier. En septembre 2022, selon le réseau national des acteurs de l’écologie industrielle et territoriale, 195 démarches actives d’EIT sont à l’œuvre en France, dont 14 en Île-de-France.

Encadré 1 - Rôle et actions des acteurs publics en région Île-de-France

Le fonctionnement de l’économie circulaire en Île-de-France repose sur une pluralité d’acteurs. Ces dernières années, le rôle des régions a été renforcé dans le domaine de la transition écologique. Elles ont en charge la coordination des acteurs dans la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire du 10 février 2020. Celle loi détaille cinq grands axes d’action : sortir du plastique jetable, mieux informer les consommateurs, lutter contre le gaspillage pour le réemploi solidaire, agir contre l’obsolescence programmée et mieux produire. Ainsi, le Conseil régional d’Île-de-France a adopté, le 24 septembre 2020, une stratégie régionale en faveur de l’économie circulaire (Srec) proposant un cadre d’intervention qui permettra de diffuser les principes de l’économie circulaire dans l’ensemble des politiques de la région à destination des territoires et des entreprises. Cette stratégie s’appuie sur dix objectifs et se décline en 45 actions autour de trois axes :

  • accompagner les territoires dans cette transformation ;
  • engager l’économie dans une relance verte, circulaire et solidaire ;
  • agir en maître d’ouvrage et être exemplaire (lycées, achat et commandes publiques).

À un niveau infra-régional, les collectivités territoriales s’engagent aussi dans des politiques de soutien à l’économie circulaire. Ainsi, des premières études de métabolisme urbain suivies de plans d’actions dédiés ou de stratégies transversales ont été menées sur les territoires de la Ville de Paris, Plaine Commune, puis Est Ensemble, Cœur Essonne Agglomération ou la métropole du Grand Paris. Des appels à projets de l’Ademe ont été soutenus par des collectivités (Grand Paris Seine & Oise, Boucle Nord de Seine, Cergy-Pontoise…). Enfin, plus récemment, des démarches d’écologie industrielle et territoriale dans une dynamique de réseaux ont émergé (partenariat entre l’Ademe, la Drieat, le Conseil régional d’Île-de-France et la Banque des Territoires). Ces initiatives et stratégies ont vocation à s’élargir et à mieux s’articuler, en prenant appui sur des structures d’accompagnement et de facilitation, telles que les chambres consulaires, les syndicats et fédérations de professionnels, les acteurs de l’aménagement, et les citoyens.

Encadré 2 - Des démarches inspirantes en matière d’économie de la fonctionnalité et d’écologie industrielle et territoriale

Économie de la fonctionnalité et de la coopération

  • L’entreprise Urbaneo assure la fourniture et la maintenance de mobiliers urbains non publicitaires des lignes de transport (abribus, abrivélos, etc.). Elle met à disposition son mobilier urbain, et fournit de manière intégrée tous les services associés : pose de matériel, entretien et maintenance, affichage. Ainsi, en assurant l’entretien, Urbaneo participe à l’allongement de la durée de vie du mobilier mis sur le marché.
  • Signify propose aujourd’hui non plus la vente d’équipements d’éclairage mais de la lumière comme un service (« Light as a service »), assortie d’engagements sur la consommation énergétique et la continuité de service. L’objet est de tendre vers une durée de vie de 100 000 heures d’éclairage pour les nouveaux systèmes, associée à une réduction drastique des consommations d’énergie. L’offre permet de sortir d’une logique de volume, consistant à vendre toujours plus d’ampoules et de luminaires, pour aller vers une offre servicielle proposant une solution d’éclairage complète.

Écologie industrielle et territoriale

  • L’association des Deux Rives : la démarche a débuté en 2012, lorsque la RATP a étudié la possibilité de mutualiser la collecte des déchets de son siège social, situé à Gare de Lyon et a ainsi créé un premier lien avec les entreprises du quartier dans l’objectif de diminuer l’empreinte environnementale de la collecte de déchets de papiers et de cartons de bureaux, et d’en mutualiser les coûts. La RATP et la Ville de Paris ont mis en place une convention de partenariat en 2015, et un fonctionnement d’écologie industrielle et territoriale s’est installé en 2017. Une déchetterie fluviale à destination de l’ensemble des professionnels du quartier est mise en place en 2019. La démarche aboutit en 2021 à la création d’une structure de gouvernance dédiée, l’association « Les Deux Rives, quartier circulaire ».
  • Depuis 2020, l’Association de prévention du site de La Villette (APSV) développe des projets d’économie circulaire qui répondent aux besoins identifiés par les acteurs économiques et culturels du territoire. Un diagnostic flux-matières (comptabilisation de flux de matière et d’énergie d’un territoire : matériaux de construction, biomasse, minerais, énergie) a été réalisé et a permis de faciliter les actions collectives. Ainsi, en juin 2022, ont vu le jour un centre de lavage de contenants consignés pour favoriser le réemploi, un atelier de réparation de vélos pour permettre d’allonger la durée de vie des cycles et favoriser les mobilités douces ainsi qu’un espace de stockage temporaire / ressourcerie pour les établissements culturels. Ces trois activités permettent à l’APSV de créer de l’emploi solidaire et local grâce à ses différentes structures d’insertion par l’activité économique Villette emploi.

Encadré 3 - Le mot des partenaires

L’analyse menée montre que l’économie circulaire est déjà bien présente en Île-de-France qui, du fait de sa forte production de déchets, de sa densité humaine et urbaine ou de ses compétences R&D notamment, dispose encore d’un potentiel de progression. Des éléments propices au développement de l’économie circulaire dans une logique de proximité et de circuits courts, autour d’activités non délocalisables nécessitent de nouvelles compétences. Pour approvisionner les filières stratégiques de l’Île-de-France en matières premières locales, et pour réduire les déchets et les transformer en ressources, les emplois dans l’éco-conception, la réparation, le réemploi et le recyclage deviennent prioritaires. Leur développement va dépendre d’une multitude de facteurs, tels que l’action des pouvoirs publics, les normes et les lois mises en place, la formation et les compétences de la main-d’œuvre, le prix des matières premières et la sensibilité des citoyens. Par ailleurs, la prise de conscience politique et citoyenne des limites planétaires et de la fin du modèle productiviste devrait s’accompagner à terme d’un ralentissement de la croissance et d’une amélioration de l’empreinte écologique de la région. Peut-on continuer de croître tout en consommant moins de ressources ? Comment intégrer les gains écologiques aux nouveaux modèles économiques ?

Publication rédigée par :Sébastien Biju-Duval, Kevin Chaput (Insee), Carine Camors, Martial Vialleix (L’Institut Paris Region), Marc Dufau (Direction régionale et interdépartementale de l’environnement, de l’aménagement et des transports d’Île-de-France)

Pour comprendre

La quantification des emplois de l’économie circulaire s’inscrit dans la continuité des travaux réalisés au sein du groupe de travail du Comité régional pour l’information économique et sociale (CRIES). En partant des travaux nationaux, et notamment d’un panel d’indicateurs clés mobilisés au niveau national par le Service des données et études statistiques du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, le groupe de travail a procédé à des ajustements pour l’Île-de-France, notamment le rattachement de la location au pilier de l’allongement de la durée d’usage, plutôt qu’à la consommation responsable. Malgré les limites statistiques pour quantifier l’économie circulaire, cette étude propose une première évaluation pour l’Île-de-France qui permet de comprendre certains enjeux d’emploi. Pour compléter cette approche, notamment lorsque les comptages ont été trop complexes à ce stade, des focus plus qualitatifs ont été réalisés afin d’illustrer les dynamiques en cours ainsi que les emplois associés en Île-de-France et parfois en dehors du périmètre régional. Ce travail exploratoire constitue une première étape et sera amené à s’enrichir au fur et à mesure des connaissances et de la disponibilité des données.

Les données d’emploi participant à l’incorporation de matières recyclées sont issues du Fichier localisé des rémunérations et de l’emploi salarié (Flores) et de la base des non-salariés. Elles sont estimées à partir de ratios d’incorporation matière calculés par l’Ademe au niveau national pour 2018. Ces ratios servent de pondérations à appliquer aux emplois régionaux ETP des secteurs concernés. À titre d’exemple, si 40 % du papier-carton utilisé dans la fabrication de papier et de carton est issu du recyclage en France, alors le nombre d’emplois régionaux relevant de l’économie circulaire dans ce secteur sera estimé à 40 % de l’ensemble des emplois régionaux ETP dans ce secteur.

Sources

Le fichier localisé des rémunérations et de l’emploi salarié (Insee, Flores 2018) permet de décrire l’emploi salarié sur l’ensemble des secteurs d’activité et des employeurs. Il couvre la totalité des employeurs (fonction publique, employeurs privés, y compris les particuliers-employeurs), à l’exception des activités du ministère des Armées.

La Base non-salariés (BNS 2018) permet de décrire l’emploi non salarié sur l’ensemble des secteurs d’activités.

L’Observatoire régional de l’agriculture biologique en Île-de-France, Groupement Agriculteurs Biologiques Région Île-de-France (GAB IdF).

Les tonnages et chiffres relatifs de déchets en Île-de-France sont issus des travaux de l’Observatoire Régional des Déchets en Île-de-France (Ordif).

Définitions

La réutilisation est une opération qui s’amorce lorsqu’un propriétaire d’un bien usagé s’en défait sans le remettre directement à une structure dont l’objet est le réemploi. Il va déposer son bien usagé dans une borne d’apport volontaire ou dans une déchetterie. Le bien usagé prend alors un statut de déchet. Il subit ensuite une opération de traitement des déchets lui permettant de retrouver son statut de produit.

Le réemploi est l’opération par laquelle un produit est donné ou vendu par son propriétaire initial à un tiers qui, a priori, lui donnera une seconde vie. Le produit garde son statut de produit et ne devient à aucun moment un déchet.

Le recyclage constitue à la fois un mode de traitement de déchets et un mode de production de ressources. Il intervient en troisième position après la prévention et le réemploi dans la hiérarchie des modes de traitement.

Les déchets ménagers et assimilés (DMA) sont les déchets non dangereux des ménages ou provenant des entreprises industrielles, artisans, commerçants, écoles, services publics, hôpitaux, services tertiaires, et collectés dans les mêmes conditions.

La valorisation se définit par l’utilisation de déchets en substitution à d’autres matières. Elle comprend le recyclage et toute autre action visant à obtenir, à partir des déchets, des substances, produits ou matériaux réutilisables (valorisation matière) ou de l’énergie (valorisation énergétique).

Pour en savoir plus

(1) CRIES, Rapport du groupe de travail sur « Ouvrir dans un nouvel ongletles indicateurs de l’économie circulaire en Île-de-France », mars 2023.

(2) Brongniart A., Hemmerdinger T., « Ouvrir dans un nouvel ongletPanorama des territoires franciliens circulaires – État des lieux 2022 », L’Institut Paris Region, AREC, novembre 2022.

(3) Vialleix M., « Ouvrir dans un nouvel ongletLes indicateurs de l’économie circulaire – Apprécier les tendances et mieux outiller l’Île-de-France », L’Institut Paris Region, avril 2022.

(4) Boussad N., Chaput K., Sarron C., Tissot I., Touahir M., « Objectifs du développement durable : regards sur l’Île-de-France », Insee Dossier Île-de-France no 7, janvier 2022.

(5) Catalayud Ph., Gauche M., Nauroy F., « Ouvrir dans un nouvel ongletIndicateurs clés pour le suivi de l’économie circulaire – Édition 2021 », SDES, avril 2021.

(6) Conseil régional d’Île-de-France, « Ouvrir dans un nouvel ongletÉconomie circulaire : la stratégie régionale 2020-2030 », septembre 2020.

(7) Hemmerdinger T., Lacombe F., Lopez C., Vialleix M., « Ouvrir dans un nouvel ongletL’Île-de-France face au défi de l’économie circulaire », L’Institut Paris Region, Note rapide Environnement no 804, mars 2019.

(8) Comité francilien de l’économie circulaire, « Ouvrir dans un nouvel ongletÉconomie circulaire et économie sociale et solidaire : des valeurs croisées pour entreprendre en Île-de-France », Orée, décembre 2018.