Insee Flash Provence-Alpes-Côte d'Azur · Mars 2023 · n° 88

Près d’une personne sur six en situation d’illectronisme

Le développement d’internet et de la dématérialisation se sont encore amplifiés depuis la crise de la Covid-19. Les outils numériques sont de plus en plus indispensables à la vie quotidienne, que ce soit pour rechercher des informations, travailler ou télétravailler, effectuer des achats en ligne ou des démarches administratives. Si la numérisation facilite la vie de la plupart des citoyens au quotidien, elle complique celle des personnes en difficulté avec les outils numériques.

En 2019, une personne sur six est en situation d’illectronisme en France, c’est-à-dire qu’elle ne possède aucune capacité numérique ou n’a pas utilisé internet dans l’année (encadré 1). L’illectronisme et, au-delà, la faible maîtrise des outils numériques, pourraient constituer une forme d’exclusion contemporaine. La lutte contre l’illectronisme, au même titre que celle contre l’illettrisme, est ainsi un enjeu d’égalité, d’accès aux droits et d’insertion économique et sociale (encadré 2).

En 2019, en Provence-Alpes-Côte d’Azur, environ 660 000 personnes âgées de 15 ans ou plus sont en situation d’illectronisme. Cela représente 16 % des habitants de cette classe d’âge, comme en France métropolitaine (figure 1). Parmi elles, neuf sur dix n’ont pas utilisé internet dans l’année ; les autres ne possèdent aucune compétence numérique. Le taux d’illectronisme est le plus faible en Île-de-France (12 %). Les Pays de la Loire, la Bretagne et Auvergne-Rhône-Alpes (15 %), la Nouvelle Aquitaine et Grand-Est (17 %) affichent des taux proches de celui de Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Aux personnes en situation d’illectronisme s’ajoutent environ 1 400 000 habitants (33 % des 15 ans ou plus) ayant une faible maîtrise des outils numériques. Leurs usages d’internet et des outils numériques sont peu diversifiés et ils sont plus vulnérables aux virus ou aux arnaques.

Au total, presque la moitié des habitants (49 %) sont en situation d’illectronisme ou de faible maîtrise des outils numériques, soit un taux proche de la moyenne de France métropolitaine (47 %).

Seuls 61 % des habitants de la région utilisent internet tous les jours ou presque (contre 71 % des 15 ans ou plus en France métropolitaine). C’est le plus faible taux de France métropolitaine, l’écart étant d’au moins 6 points avec chacune des autres régions.

Dans ce contexte de plus faible usage quotidien, seuls 23 % des 15 ans ou plus possèdent une forte maîtrise des outils numériques (30 % en France métropolitaine). Seules les régions de Corse (15 %) et de Centre-Val-de-Loire (21 %) affichent de plus faibles taux.

L’usage quotidien d’internet, tout comme la forte maîtrise des outils numériques, diminuent progressivement avec l’âge. Parmi les 15 à 29 ans, 82 % se connectent tous les jours et 47 % possèdent une forte maîtrise alors que c’est le cas de respectivement 10 % et moins de 1 % des personnes âgées de 80 ans ou plus.

Le taux d’illectronisme croît fortement avec l’âge ; 50 % des personnes âgées de 70 ans ou plus sont concernées en Provence-Alpes-Côte d’Azur. C’est même le cas de 67 % des personnes de 80 ans ou plus, contre seulement 3 % des 15 à 29 ans et des 30 à 44 ans. Cette différence s’explique en particulier par le fait que les plus âgés ont eu accès aux outils numériques plus tardivement au cours de leur vie, que ce soit dans un contexte personnel ou professionnel.

Les femmes sont légèrement plus souvent en situation d’illectronisme que les hommes (respectivement 17 % et 14 %), en raison de leur surreprésentation dans les tranches d’âges élevées. Avant 70 ans, leur taux d’illectronisme est en revanche légèrement inférieur à celui des hommes.

Au-delà de l’âge, « les fragilités numériques » se cumulent fréquemment avec des fragilités sociales et économiques. En particulier, le niveau de diplôme apparaît déterminant : 34 % des personnes peu ou pas diplômées sont en situation d’illectronisme contre seulement 4 % des diplômés de l’enseignement supérieur. Au sein de chaque tranche d’âge, les difficultés diminuent lorsque le niveau de diplôme s’élève (figure 2).

L’illectronisme varie fortement selon la catégorie socio-professionnelle. Parmi les actifs ayant déjà occupé un emploi, il concerne 1 % des cadres et 2 % des professions intermédiaires mais 8 % des ouvriers et 10 % des agriculteurs. En lien avec un usage professionnel fréquent du numérique, les cadres actifs ayant déjà occupé un emploi sont les plus nombreux à posséder une forte maîtrise : 54 % contre 14 % des ouvriers et 15 % des agriculteurs.

À partir de leur composition sociodémographique, il est possible d’estimer, pour chacun des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), le nombre de personnes en situation d’illectronisme. Ainsi, les métropoles d’Aix-Marseille-Provence et de Nice Côte d’Azur, caractérisées par une plus forte proportion de cadres et d’étudiants, sont un peu moins touchées par l’illectronisme que l’ensemble de la région avec un taux de 15 % dans les deux métropoles (figure 3). L’illectronisme y est toutefois plus fréquent que dans les métropoles de Paris, Rennes, Lyon, Bordeaux ou Toulouse, en raison d’une part de seniors plus élevée. La métropole de Toulon-Provence-Méditerranée, dont la population est plus âgée, est davantage concernée (17 %) qu’en moyenne dans la région. C’est également le cas d’autres EPCI du littoral varois tels que les communautés de communes Méditerranée Porte des Maures ou du Golfe de Saint-Tropez.

De manière générale, les territoires de l’arrière-pays où la population est plus âgée présentent un taux plus élevé d’illectronisme. C’est le cas des communautés de communes Alpes-Provence-Verdon et du Sisteronais-Buëch. Certaines, en raison de leur composition sociodémographique, sont en revanche peu touchées telles que le Briançonnais ou le Pays des Écrins. Dans ces communes où les temps d’accès aux commerces et aux services publics sont plus élevés, le numérique peut en partie atténuer l’éloignement. Cependant, l’usage d’internet peut y être limité dans certains cas par une moindre qualité du réseau, même si plus de huit habitants de la région sur dix sont couverts par le très haut débit fixe (encadré 3).

En Provence-Alpes-Côte d’Azur, la taille de l’échantillon régional de l’enquête TIC s’avère trop faible pour produire directement des estimations fiables des phénomènes observés par l’enquête nationale.

Une méthode de scoring a donc été mise en œuvre pour estimer les compétences et les usages du numérique à un niveau régional et infrarégional. Elle consiste à expliquer, à l’aide d’une régression logistique pondérée, chaque variable d’intérêt par les caractéristiques des répondants de France de province à l’enquête TIC 2019 auprès des ménages. Ces caractéristiques sont essentiellement individuelles (sexe, âge, diplôme, situation professionnelle, catégorie sociale, situation familiale) mais également contextuelles (catégorie d’aire d’attraction des villes, quintile de revenu communal, taux de couverture en très haut débit fixe de la commune de résidence du répondant). Une indicatrice régionale a également été intégrée pour prendre en compte les effets régionaux significatifs. Cette méthode permet d’obtenir des résultats « toutes caractéristiques mesurées égales par ailleurs ». Les probabilités pour chaque croisement de caractéristiques sont déduites de ces résultats. Elles sont ensuite appliquées aux populations de la région et des différents EPCI à partir de la population estimée par le recensement de la population 2018. Au niveau régional l’estimation est plus fiable et concordante avec les observations de l’enquête calées sur la structure de population régionale. Au niveau des EPCI l’estimation est un peu moins précise et les intervalles de confiance sont plus larges.