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Insee Analyses Réunion · Février 2023 · n° 80
Insee Analyses RéunionDavantage de femmes entrepreneures, mais toujours dans peu de secteurs L’entrepreneuriat féminin à La Réunion en 2018

Anne Jonzo, Sandrine Sui-Seng, Sébastien Seguin (Insee)

À La Réunion, en 2018, 37 % des entrepreneurs sont des femmes, soit un niveau proche de la moyenne nationale. Cette part augmente lentement (32 % en 2010). L’entrepreneuriat féminin reste fortement concentré dans le commerce, la santé et les services aux ménages. Les professions libérales sont nombreuses parmi les entrepreneures. La pérennité à cinq ans des entreprises qu’elles ont créées en 2014 est sensiblement inférieure à celle des entreprises créées par des hommes.

Les créatrices restent plus jeunes que les créateurs, moins expérimentées et créent plus rarement leur entreprise sous la forme d’une société.

Cependant, les Réunionnaises ayant créé leur entreprise en 2018 paraissent mieux armées que leurs aînées pour espérer une longévité accrue de leur entreprise. Elles sont davantage diplômées, moins seules à avoir monté leur projet, et ont bénéficié plus souvent de l’aide de conseillers juridiques ou comptables. Elles sont davantage motivées que la précédente génération par le fait d’accéder à l’indépendance économique. Elles empruntent par ailleurs plus souvent que les hommes au titre de l’entreprise ou en leur nom personnel, et plus fréquemment qu’en 2014. Elles sont de plus en plus nombreuses à être présentes sur les réseaux sociaux et à utiliser internet.

Insee Analyses Réunion
No 80
Paru le :Paru le10/02/2023
Infographie sur l’entrepreneuriat féminin à La Réunion en 2018.
Publication rédigée par :Anne Jonzo, Sandrine Sui-Seng, Sébastien Seguin (Insee)

Les Réunionnaises sont moins bien insérées professionnellement que les hommes, donc davantage exposées à la précarité. Seules 42 % des femmes de 15 à 64 ans disposent d’un emploi en 2019, contre 51 % des hommes. En France métropolitaine, les femmes sont plus souvent en emploi (63 %) qu’à La Réunion.

De fait, la promotion de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes constitue un enjeu essentiel en matière d’inclusion sociale, mais aussi un « impératif démocratique » et une nécessité économique, en particulier à La Réunion. La promotion de l’entrepreneuriat féminin est l’un des leviers permettant de favoriser l’égalité professionnelle, sachant que seulement 9 % des Réunionnaises en emploi en 2017 sont des contre 18 % des Réunionnais en emploi. Depuis 2014, elle s’appuie sur la mise en oeuvre successive de Plans d’actions régionaux en faveur de l’entrepreneuriat féminin (Paref), développés par l’État (Direction régionale aux droits des femmes et à l’égalité) et ses partenaires (encadré 1).

Une lente progression de l’entrepreneuriat féminin

Fin 2018, 11 000 Réunionnaises exercent une activité non salariée et travaillent ainsi à leur compte. La part de femmes parmi les entrepreneurs augmente de façon régulière à La Réunion  : elle atteint 37 % en 2018, soit 5 points de plus qu’en 2010 (figure 1). Cette part est comparable à la moyenne nationale (38 %). Mais elle reste inférieure à l’objectif national fixé en 2013 dans le Plan « Entreprendre au féminin », d’atteindre dès 2017 la barre des 40 % de femmes parmi les entrepreneurs.

Parmi ces entrepreneures, 2 000 d’entre elles ont créé leur entreprise depuis moins d’un an. Comme depuis 10 ans à La Réunion, les femmes représentent environ un tiers des créateurs d’entreprises, à la tête d’une entreprise nouvellement créée de moins d’un an. Au niveau national, la part de femmes parmi les est légèrement inférieure. Lorsque les femmes créent leur entreprise, il s’agit dans un cas sur cinq du rachat ou de la reprise d’une entreprise déjà existante ou de la prise d’une location-gérance, soit deux fois plus souvent que les hommes.

Figure 1Évolution de la part de femmes parmi les entrepreneurs et les créateurs d’entreprises de 2010 à 2018

(en %)
Évolution de la part de femmes parmi les entrepreneurs et les créateurs d’entreprises de 2010 à 2018 ((en %)) - Lecture : en 2010, 32 % des entrepreneurs sont des femmes et parmi les nouveaux créateurs d’entreprises en 2010, 30 % sont des femmes.
Année Entrepreneures – La Réunion Entrepreneures – France Créatrices d’entreprises – La Réunion
2010 32 33 30
2011* 33 34 30
2012* 33 34 30
2013* 34 35 29
2014* 35 35 29
2015 35 36 30
2016* 36 37 30
2017 36 37 31
2018 37 38 32
  • * : estimations pour 2011, 2012, 2013, 2014 et 2016.
  • Note : un entrepreneur est à la tête d’une entreprise, nouvelle ou non, avec le statut de non salarié ; un créateur d’entreprise dirige une entreprise nouvellement créée.
  • Lecture : en 2010, 32 % des entrepreneurs sont des femmes et parmi les nouveaux créateurs d’entreprises en 2010, 30 % sont des femmes.
  • Source : Insee, bases non-salariés 2010, 2015, 2017 et 2018 ; enquêtes Sine 2010 à 2018.

Figure 1Évolution de la part de femmes parmi les entrepreneurs et les créateurs d’entreprises de 2010 à 2018

  • * : estimations pour 2011, 2012, 2013, 2014 et 2016.
  • Note : un entrepreneur est à la tête d’une entreprise, nouvelle ou non, avec le statut de non salarié ; un créateur d’entreprise dirige une entreprise nouvellement créée.
  • Lecture : en 2010, 32 % des entrepreneurs sont des femmes et parmi les nouveaux créateurs d’entreprises en 2010, 30 % sont des femmes.
  • Source : Insee, bases non-salariés 2010, 2015, 2017 et 2018 ; enquêtes Sine 2010 à 2018.

Trois secteurs d’activités rassemblent les trois quarts des femmes entrepreneures

L’entrepreneuriat féminin est fortement concentré au plan sectoriel. Ainsi, les trois quarts des femmes entrepreneures exercent dans les trois secteurs de la santé, des services aux ménages (coiffure, soins de beauté, etc.) et du commerce (figure 2) ; cette spécialisation sectorielle perdure. Les femmes représentent même la majorité des entrepreneurs dans la santé et les services aux ménages.

Elles représentent par ailleurs un tiers des entrepreneurs dans les activités scientifiques et techniques, les activités administratives et de soutien, ainsi que l’hébergement-restauration, alors qu’elles y sont nettement plus présentes comme salariées (la moitié des effectifs). A contrario, les femmes restent peu nombreuses à être à la tête d’entreprises industrielles (21 %) et surtout de la construction (6 %).

Entre 2010 et 2018, les secteurs dans lesquels les femmes entreprennent n’ont pas vraiment changé. Leur présence s’est essentiellement renforcée dans des activités où elles étaient déjà un peu plus présentes en 2010, comme les activités scientifiques et techniques, les services aux ménages et la santé.

Les femmes sont davantage présentes parmi les entrepreneurs dans les microrégions Ouest (39 %) et Sud (37 %) : les secteurs que les femmes investissent plus, comme le commerce et les services aux particuliers, y sont davantage implantés. Elles sont un peu moins présentes au Nord (35 %) et plus en retrait à l’Est (33 %).

Figure 2Femmes entrepreneures par secteur d’activité en 2018 à La Réunion

Femmes entrepreneures par secteur d’activité en 2018 à La Réunion - Lecture : 4 700 femmes sont à la tête d’une entreprise du secteur de l’enseignement, de la santé humaine et de l’action sociale à La Réunion en 2018. Les femmes représentent 55 % des entrepreneurs de ce secteur, alors qu’elles représentent 77 % des salariés de ce secteur.
Secteur d’activité Part de femmes parmi les salariés (en %) Part de femmes parmi les entrepreneurs (en %) Nombre de femmes entrepreneures
Enseignement, santé humaine et action sociale 77 55 4 701
Commerce ; réparation d'automobiles et de motocycles 45 32 1 916
Autres activités de services 41 69 1 160
Activités scientifiques et techniques ; services administratifs et de soutien 53 33 1 161
Hébergement et restauration 46 36 723
Autres secteurs 45 28 496
dont : construction 11 6 218
dont : industrie 26 21 631
  • Lecture : 4 700 femmes sont à la tête d’une entreprise du secteur de l’enseignement, de la santé humaine et de l’action sociale à La Réunion en 2018. Les femmes représentent 55 % des entrepreneurs de ce secteur, alors qu’elles représentent 77 % des salariés de ce secteur.
  • Source : Insee, base non-salariés 2018 ; recensement de la population 2017.

Figure 2Femmes entrepreneures par secteur d’activité en 2018 à La Réunion

  • Lecture : 4 700 femmes sont à la tête d’une entreprise du secteur de l’enseignement, de la santé humaine et de l’action sociale à La Réunion en 2018. Les femmes représentent 55 % des entrepreneurs de ce secteur, alors qu’elles représentent 77 % des salariés de ce secteur.
  • Source : Insee, base non-salariés 2018 ; recensement de la population 2017.

Les femmes créent surtout des entreprises dans des secteurs où la pérennité est moindre

Les entreprises créées par les femmes apparaissent dans l’ensemble moins pérennes que celles créées par des hommes. Cela tient notamment aux secteurs dans lesquels les femmes créent leur entreprise, mais également à leur expérience professionnelle préalable. Ainsi, parmi les entreprises nouvellement créées par des femmes en 2014, seules 54 % sont toujours en activité cinq ans plus tard, contre 58 % des entreprises créées par des hommes. Cet écart est particulièrement marqué dans la plupart des secteurs où les femmes sont majoritaires parmi les créateurs d’entreprises : plus de 10 points d’écart par exemple dans les activités de la santé ou du commerce (figure 3). Seul fait exception le secteur de l’hébergement-restauration, où la pérennité des entreprises créées par les hommes et les femmes est comparable.

Dans les secteurs du tertiaire, la pérennité des entreprises créées par les Réunionnaises reste inférieure à celles des entreprises nouvellement créées par les femmes en France, notamment dans l’hébergement-restauration.

Figure 3Taux de pérennité à cinq ans des entreprises créées en 2014 selon le sexe des créateurs et le secteur d’activité

(en %)
Taux de pérennité à cinq ans des entreprises créées en 2014 selon le sexe des créateurs et le secteur d’activité ((en %))
Secteur d’activité Femmes – La Réunion Hommes – La Réunion Femmes – France
Ensemble des secteurs 54 58 60
Santé humaine et action sociale 65 80 77
Activités spécialisées, scientifiques et techniques 63 75 67
Autres activités de services 56 60 59
Hébergement et restauration 52 47 57
Commerce, réparation d’automobiles et de motocycles 41 55 50
  • Source : Insee, enquête Sine 2014 – troisième interrogation.

Figure 3Taux de pérennité à cinq ans des entreprises créées en 2014 selon le sexe des créateurs et le secteur d’activité

  • Source : Insee, enquête Sine 2014 – troisième interrogation.

Davantage de femmes professions libérales qu’à la tête de sociétés

Les femmes créent moins souvent que les hommes leur entreprise sous la forme de société, compte tenu des activités dans lesquelles elles entreprennent : 46 % contre 67 % pour les hommes. La création d’une société est en effet une forme juridique plus fréquente dans la construction et l’industrie que dans le secteur tertiaire. Les entreprises créées sous cette forme sont aussi plus pérennes que les autres. De même, les projets de création portés par les femmes réunionnaises sont un peu moins souvent constitués de trois personnes ou plus que les projets masculins ou que les projets portés par les femmes en France. La clientèle des entreprises créées par des femmes est donc nettement plus souvent constituée de particuliers, plutôt que d’entreprises ou d’administrations.

Les femmes sont un peu plus souvent entrepreneures sous le statut de micro-entrepreneure que les hommes (11 % d’entre elles contre 8 %), mais surtout de profession libérale (43 % contre 25 %), en lien avec leur présence importante dans le secteur de la santé. Dans huit cas sur dix, une femme entrepreneure travaille ainsi seule au sein de son entreprise.

Les créatrices d’entreprises en 2018 : davantage d’atouts que les générations précédentes

Le profil des créatrices d’entreprises en 2018 et la façon dont leur projet a été préparé apparaissent plus favorables que pour celles de 2014. Cela laisse présager une pérennité plus élevée de leur entreprise, même si ces jeunes unités sont confrontées depuis 2020 aux conséquences économiques de la crise sanitaire. En particulier, les femmes créatrices en 2018 sont davantage diplômées que celles de 2014, notamment du supérieur long (2e ou 3e cycle) : c’est le cas de 36 % d’entre elles, contre 27 % des femmes créatrices de 2014 (figure 4).

Comme dans l’ensemble de la population, les femmes créatrices d’entreprises sont aussi plus souvent diplômées de l’enseignement supérieur que les hommes (57 % contre 38 %). Elles sont en effet particulièrement nombreuses dans les professions libérales de la santé, secteur dans lequel des qualifications élevées sont souvent nécessaires pour pouvoir se mettre à son compte. Mais dans la plupart des autres secteurs également, elles sont autant voire plus diplômées du supérieur que les hommes créateurs. Elles restent toutefois moins diplômées que les femmes ayant créé leur entreprise en France  : en moyenne en France, 70 % détiennent un diplôme du supérieur.

L’élévation du niveau de diplôme des créatrices et le fait qu’elles soient davantage diplômées que les hommes constituent un atout qui compense au moins en partie le fait qu’elles soient moins âgées et disposent d’une expérience professionnelle moindre que les hommes. Ainsi, en 2018, 22 % des créatrices d’entreprises réunionnaises ont moins de 30 ans. Elles sont plus jeunes en moyenne que leurs homologues masculins, ainsi que les Françaises à la tête d’une entreprise. De fait, elles ont moins d’expérience, que ce soit en nombre d’années d’exercice, comme salariées notamment, dans le secteur d’activité où elles créent leur entreprise ou en expériences antérieures en matière de création. Ainsi, 27 % des créatrices ont 10 ans d’ancienneté ou plus dans le secteur, contre 41 % des hommes créateurs.

Figure 4Répartition par niveau de diplôme des créateurs d’entreprises en 2018

(en %)
Répartition par niveau de diplôme des créateurs d’entreprises en 2018 ((en %))
Diplôme Femmes - 2018 Hommes - 2018 Femmes - 2014
Diplôme du 2e ou 3e cycle du supérieur 36 25 27
Diplôme du 1er cycle du supérieur 22 13 20
Baccalauréat 18 18 23
CAP, BEP 11 22 14
Sans diplôme qualifiant 14 22 17
  • Source : Insee, enquêtes Sine 2014 et 2018 – première interrogation.

Figure 4Répartition par niveau de diplôme des créateurs d’entreprises en 2018

  • Source : Insee, enquêtes Sine 2014 et 2018 – première interrogation.

Moins de difficultés qu’avant pour obtenir un financement externe

L’un des axes du Plan d’actions régional pour l’entrepreneuriat des femmes sur la période 2018-2020 comportait une sensibilisation des banques à un meilleur accompagnement des projets de créations féminins, en matière d’accès au financement notamment. Pour voir aboutir leur projet, les Réunionnaises empruntent en effet plus souvent que les hommes au titre de l’entreprise ou en leur nom personnel, et plus fréquemment qu’en 2014. Cela pourrait être dû au fait qu’elles sont plus jeunes que les hommes et ont moins souvent une expérience antérieure de création, qui va généralement de pair avec la possession d’un capital pré-existant pouvant être utilisé pour créer une entreprise. En 2018, elles rencontrent moins de difficultés que les hommes pour trouver un financement externe, même si cela est plus difficile que pour les femmes en France créant une entreprise.

Par ailleurs, comme les créateurs d’entreprises masculins, les femmes recourent peu souvent aux aides financières. La principale aide mobilisable est l’Aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d’entreprise (Accre), perçue par un créateur sur cinq, femmes comme hommes. Mais elles bénéficient deux fois plus souvent que les hommes d’exonérations diverses au démarrage de leur projet (10 % d’entre elles), car elles investissent surtout dans des activités comme le commerce de détail ou la santé qui le permettent davantage.

Toutefois, les femmes créatrices d’entreprises réunionnaises rencontrent en moyenne moins de difficultés en 2018 que les hommes ou qu’au niveau national pour connaître la réglementation ou établir des contacts avec la clientèle. Elles déclarent aussi moins souvent de difficultés que les hommes pour régler des formalités administratives. En revanche, par rapport à leurs homologues de France, elles peinent davantage à obtenir l’ouverture d’un compte bancaire professionnel ou une autorisation de découvert, ainsi qu’à embaucher du personnel qualifié.

Comme les hommes, une part importante des femmes créatrices d’entreprises à La Réunion investissent une très faible somme au démarrage de leur activité  : quatre sur dix ont engagé moins de 2 000 euros. Les projets de faible envergure sont ainsi plus nombreux à La Réunion qu’au niveau national. Elles sont en outre quasiment aussi nombreuses que les hommes à avoir investi des montants importants (supérieurs à 80 000 euros). En revanche, elles se lancent davantage que les hommes dans des projets de moyenne envergure, nécessitant d’engager des moyens financiers allant de 16 000 à 80 000 euros  : c’est le cas d’un quart d’entre elles, soit la moitié plus que les hommes.

Les femmes créatrices d’entreprises en 2018 sont rarement seules et mieux outillées pour porter leur projet

Si le niveau des moyens financiers investis influe fortement sur la pérennité d’une entreprise nouvellement créée, celle-ci est aussi favorisée par les appuis autres que financiers dont ont pu bénéficier les créateurs. Les femmes réunionnaises créatrices d’entreprises en 2018 sont nettement moins seules à monter leur projet que ne l’étaient les créatrices de 2014 et elles ont pu être davantage aidées par leur entourage personnel que les hommes. Elles sont aussi de plus en plus nombreuses à recevoir l’aide d’un professionnel (avocat, conseil juridique ou fiscal, expert comptable, etc.) dans leur projet de création (18 %), même si cela reste deux fois moins fréquent qu’en France. Par ailleurs, une part croissante des créatrices se portent volontaires pour suivre une formation non obligatoire pour la réalisation du projet ; elles sont plus nombreuses dans ce cas que les hommes.

Cependant, les secteurs dans lesquels les créatrices de 2018 investissent se prêtent moins a priori à nouer des relations avec des clients ou fournisseurs susceptibles de faciliter le démarrage de l’entreprise. Par conséquent, elles ont moins recours que les hommes ou qu’en moyenne nationale à internet ou aux réseaux sociaux pour rechercher des marchés ou pour échanger. Les femmes créatrices sont cependant de plus en plus nombreuses à utiliser internet, dans un contexte de plus large diffusion d’internet dans la population. Cela traduit une numérisation croissante de ces entreprises nouvelles créées par des femmes : 88 % contre 75 % en 2014. Cette part est à peine inférieure à la moyenne nationale (92 %).

Être indépendante, principale source de motivation des créatrices

Les femmes ayant créé leur entreprise en 2018 sont plus nombreuses que celles de 2014 à avoir été motivées par la perspective d’être indépendantes : 69 % contre 57 %. Elles étaient en outre moins souvent au chômage quand elles se sont lancées dans leur projet de création que les créateurs masculins la même année, ou que ne l’étaient les femmes créatrices en 2014. La baisse du chômage entre 2014 et 2018 explique ce constat. Davantage de femmes qu’en 2014 étaient sur un emploi salarié ou déjà à leur compte (58 % contre 43 %) quand elles ont créé leur entreprise en 2018, même si cela était moins fréquent qu’au niveau national.

Dans 66 % des cas, les femmes qui créent leur entreprise à La Réunion ont pour objectif d’assurer leur propre emploi. Les hommes sont moins nombreux dans ce cas (54 %) : ils ont plus fréquemment comme objectif de développer fortement leur entreprise en termes d’investissement ou d’emploi. La situation familiale des femmes explique en grande partie ces différences. Comme dans l’ensemble de la population réunionnaise en âge de travailler, vivre seul avec au moins un enfant est une situation deux fois plus fréquente parmi les femmes créatrices que parmi les hommes créateurs. Être autonome financièrement en assurant en priorité leur propre emploi est donc crucial pour elles (figure 5).

Figure 5Répartition des créateurs d’entreprises selon la situation familiale en 2018

(en %)
Répartition des créateurs d’entreprises selon la situation familiale en 2018 ((en %))
Situation familiale Femmes – La Réunion Hommes – La Réunion Femmes - France
En couple avec enfant(s) à charge 46 49 45
Seul(e) 20 29 23
En couple sans enfant à charge 17 14 21
Seul(e) avec enfant(s) à charge 16 8 11
  • Source : Insee, enquête Sine 2018 – première interrogation.

Figure 5Répartition des créateurs d’entreprises selon la situation familiale en 2018

  • Source : Insee, enquête Sine 2018 – première interrogation.

Encadré 1 - Le Plan d’actions régional en faveur de l’entrepreneuriat féminin (Paref)

Considéré à la fois comme un levier de développement, de croissance, d’innovation mais aussi comme une potentielle source d’émancipation économique pour les femmes, l’entrepreneuriat féminin représente un volet majeur de l’action publique. La mise en oeuvre de Plans d’actions régionaux en faveur de l’entrepreneuriat féminin à La Réunion de 2014 à 2015, puis de 2018 à 2020, et désormais de 2021 à 2023 vise à encourager la création et la reprise d’entreprises par les femmes sur le territoire. Plus particulièrement, pour la période 2021-2023, l’ambition est de :

  • faciliter l’accès et développer une offre d’accompagnement favorable à la création/reprise et à la croissance des entreprises dirigées par des femmes, notamment dans les territoires fragiles et auprès des jeunes ;
  • favoriser l’accroissement des financements accordés aux femmes créatrices et repreneuses d’entreprises ;
  • contrer les stéréotypes de genre qui peuvent affecter les acteurs de l’écosystème entrepreneurial ;
  • mobiliser l’ensemble des acteurs de l’écosystème de la création d’entreprise et contribuer ainsi à la coordination et la promotion d’actions en faveur de l’entrepreneuriat féminin.

Encadré 2 - Impact de la crise sanitaire de la Covid-19 sur les femmes entrepreneures

Un certain nombre de secteurs d’activité restaient fortement touchés par la crise sanitaire au deuxième semestre de 2020, avec au moins 15 % de perte d’activité par rapport à l’habitude  : hébergement-restauration, activités récréatives et de loisirs, transports terrestres et aériens, agences de voyage, etc. À La Réunion, la part de femmes entrepreneures dans l’ensemble de ces secteurs n’est pas plus élevée que dans les autres secteurs  : elles représentent un tiers des entrepreneurs.

Les femmes entrepreneures à La Réunion sont un peu moins souvent que les hommes à la tête d’une entreprise dans une activité fragilisée par la crise (10 % contre 14 %). Elles sont en revanche sur-représentées parmi les chefs d’entreprises de services aux ménages, dont l’activité a pu être fortement perturbée par les contraintes sanitaires.

Au niveau national, tout comme à La Réunion, 10 % des entrepreneures ont leur activité dans un secteur fortement touché par la crise. Elles sont cependant sensiblement moins nombreuses que leurs homologues réunionnaises dans la restauration.

Encadré 3 - Partenariat

Cette étude a été menée en partenariat entre l’Insee et la Direction régionale aux droits des femmes et à l’égalité de La Réunion.

Publication rédigée par :Anne Jonzo, Sandrine Sui-Seng, Sébastien Seguin (Insee)
Publication rédigée par :Anne Jonzo, Sandrine Sui-Seng, Sébastien Seguin (Insee)

Sources

La base « Non-salariés » est constituée principalement à partir des données de deux sources administratives gérées par l’Agence centrale des organi smes de sécurité sociale (Acoss) et par la Caisse centrale de la Mutualité sociale agric ole (CCMSA). Elle permet d’étudier annuellement l’emploi et les revenus d’activité des personnes non salariées (y compris les micro-entrepreneurs).

Le Système d’information sur les nouvelles entreprises (Sine) permet d’analyser le profil du créateur et les conditions de démarrage des nouvelles entreprises, les conditions de développement, les problèmes rencontrés par les jeunes entrepri ses lors des cinq premières années de leur existence et les effets sur l’emploi des création s d’entreprises. Le champ de l’enquête Sine exclut les micro-entrepreneurs et les agriculteurs.

Définitions

Artisans, commerçants, professionnels libéraux, dirigeants de petites ou de grandes entreprises, la palette des métiers exercés par les entrepreneurs (ou indépendants, terme également utilisé dans l’étude de façon équivalente) est large. Ils ont en commun d’être à la tête de leur entreprise et d’avoir le statut de non-salariés. Ils peuvent exercer leur fonction en tant qu’activité principale ou de complément, être seuls à la tête de leur entreprise ou en partager la direction, employer ou non des salariés, cumuler ou non des fonctions dirigeantes dans plusieurs entreprises.

Un créateur d’entreprise est à la tête d’une entreprise nouvellement créée, c’est-à-dire qui résulte de la mise en œuvre d’une nouvelle combinaison de facteurs de production, depuis moins d’un an. La création d’entreprise inclue aussi le cas de la reprise d’une autre entreprise lorsqu’il n’y a pas continuité économique entre la situation du cédant et celle du repreneur.

Pour en savoir plus

(1) Sui-Seng S., « Sept entreprises sur dix toujours en activité à La Réunion - Entreprises créées en 2014 trois ans après », Insee Flash La Réunion no 161, septembre 2019.

(2) Jonzo A., « Les créateurs d’entreprises en 2014 – Moins de chômeurs parmi les créateurs », Insee Flash La Réunion no 78, novembre 2016.

(3) Grangé C., « L’accès des femmes aux postes à responsabilités », Insee Flash La Réunion no 124, mars 2018.

(4) Insee, « Indépendants, dirigeants et encadrement supérieur », Insee Références « Femmes et hommes, l’égalité en question », mars 2017.

(5) Morin T., Pénicaud E., « Indépendants et dirigeants salariés d’entreprise : un tiers de femmes », Insee Première no 1563, juillet 2015.