Insee Analyses Corse · Décembre 2022 · n° 45

L’agro-alimentaire, une place de choix au sein des industries corses

En Corse, 400 établissements exercent une activité industrielle agro-alimentaire en 2019. Ils transforment les biens produits par l’agriculture, l’élevage et la pêche en aliments et boissons, pour l’homme et l’animal. Les 300 boulangeries et pâtisseries artisanales de la région sont considérées comme une activité artisanale et exclues du champ (sources et champ). Au total, l’industrie agro-alimentaire (IAA) génère 1 840 emplois salariés sur l’île, soit 1 200 équivalents temps plein (ETP).

Ainsi, l’IAA représente 27 % des emplois de l’industrie corse, une part élevée en comparaison des 16 % en province. Sa place prépondérante au sein du tissu industriel régional et son lien avec l’enjeu de l’autonomie alimentaire du territoire la place au centre des préoccupations des acteurs publics régionaux (encadré).

Toutefois, le poids de l’IAA reste modeste dans la région. Il compte pour 1 % de l’emploi salarié régional, soit deux fois moins qu’en province. Cette sous-représentation est à rapprocher du moindre poids de l’industrie dans l’économie insulaire.

Au sein de l’IAA, quatre segments se démarquent, structurés autour des produits phares de la gastronomie locale. D’abord, l’industrie de la viande, avec notamment la fabrication de la charcuterie corse, compte 70 établissements qui génèrent 450 emplois au cours de l’année. Ensuite, l’industrie des boissons (que ce soit celle des vins, des eaux ou de la bière) compte une quarantaine d’établissements pour 405 salariés. Dans la fabrication industrielle de pain et pâtes, et notamment de biscuits traditionnels corses, près de 150 établissements occupent 360 salariés au cours de l’année. Enfin, les 50 établissements de l’industrie des produits laitiers et fromagers emploient 340 salariés.

En Corse, les établissements de l’IAA sont de petite taille en comparaison de leurs homologues de province (figure 1). D’une part, 59 % d’entre eux n’emploient pas de salariés en fin d’année contre 44 % en province. Deux tiers de ces établissements sont alors des micro-entrepreneurs. D’autre part, les établissements employeurs comptent 8 salariés en moyenne en fin d’année en Corse, soit quatre fois moins qu’en province. Cette différence structurelle est encore plus marquée pour les grands établissements. Ceux de plus de 100 salariés sont inexistants dans la région alors qu’ils sont prépondérants en province où ils regroupent deux salariés de l’IAA sur trois.

Toutefois, en comparaison des autres secteurs d’activité insulaires, les établissements de l’IAA sont plutôt grands. En effet, 20 % des établissements employeurs ont plus de 11 salariés au 31 décembre, soit le double de l’ensemble des secteurs en Corse. Plus particulièrement au sein de l’industrie des boissons, la moitié des établissements employeurs compte plus de 11 salariés en fin d’année.

L’IAA de Corse est principalement implantée dans trois des sept zones d’emploi régionales : Ghisonaccia, Bastia et Ajaccio. Ensemble, elles regroupent 85 % des postes du secteur dans la région (figure 2).

Dans la zone d’emploi de Ghisonaccia, l’IAA représente 4 % de l’emploi, un poids quatre fois supérieur à la moyenne corse. Une trentaine d’établissements emploient ainsi 300 personnes au cours de l’année 2019. Cette forte présence autour de Ghisonaccia est liée à l’implantation de grands établissements, parmi lesquels les coopératives vinicoles de l’« Union des Vignerons de l’Île de Beauté » et celle « d’Aghione Samuleto » situées à Aléria.

Dans la zone d’emploi de Bastia, l’IAA offre 1 % de l’emploi local soit une part dans la moyenne insulaire. Toutefois, avec quatre emplois sur dix, la zone concentre la plus grande part de l’emploi du secteur. Les 140 établissements installés sur ce territoire pourvoient 690 emplois. La fabrication de produits laitiers et de fromage est plus présente qu’en moyenne régionale, avec l’implantation de deux des trois plus grands établissements de ce segment :« Fromagerie Pierrucci » et « La Fromagère Corse ».

Dans la zone d’emploi d’Ajaccio, l’IAA a un poids proche de la moyenne de l’île (1 %). Le territoire accueille ainsi 110 établissements qui emploient 570 salariés du secteur. Quelques grands établissements de la fabrication de viandes et charcuterie y sont implantés comme les « Boucheries Martinetti », les « Salaisons Sampiero » et « L’Aziana ».

Le poids de l’IAA dans l’emploi local se situe dans la moyenne régionale pour les zones d’emploi de Corte et Calvi. À l’inverse, au sud de la Corse, dans les zones de Propriano et Porto-Vecchio, le secteur représente une part inférieure de moitié à la moyenne régionale (0,5 %).

Le poids du tourisme en Corse, largement concentré sur la période d’été, induit de fortes variations de l’activité insulaire. Cela est notamment vrai pour l’IAA qui produit des aliments et boissons pour la population présente sur l’île (figure 3). Ainsi, au plus fort de la saison estivale, le niveau d’emploi du secteur est supérieur de + 33 % à son niveau de début d’année, contre + 29 % dans l’ensemble des secteurs. Cette saisonnalité est cinq fois plus marquée que dans le reste de l’industrie corse (+ 7 %). De même, elle est bien plus importante que dans l’IAA de province, le pic d’activité culminant en période estivale à + 9 % au-dessus de son niveau de début d’année. Au sein de l’IAA, la saisonnalité de l’activité est plus marquée en Corse dans la fabrication industrielle de pain, pâtes et biscuits, ainsi que dans celle des produits laitiers et fromages, des produits plébiscités par les visiteurs.

Du fait de la saisonnalité de l’activité, 37 % des emplois de l’IAA sont des CDD, soit un niveau bien supérieur à celui du reste de l’industrie corse (22 %) ou de l’IAA en province (20 %). Toutefois, il reste inférieur à la moyenne insulaire (50 %) fortement influencée par des secteurs plus saisonniers (hébergement–restauration, commerce…).

Ainsi, 90 % des CDD offerts sont destinés à accroître temporairement l’activité, pour moitié avec un motif explicitement saisonnier, une part supérieure au reste de l’industrie corse et aux IAA de province (80 %). En conséquence, le taux de rotation de la main d’œuvre du secteur est supérieur au reste de l’industrie insulaire (60 % pour 24 %)

L’IAA insulaire emploie majoritairement des ouvriers. Avec 57 % des salariés du secteur, leur part est supérieure à la moyenne de l’industrie régionale (+ 5 points) (figure 4). Les ouvriers sont particulièrement surreprésentés dans la fabrication de viande et charcuterie (71 %). Ils sont en revanche moins souvent qualifiés que dans le reste de l’industrie (28 % contre 39 %).

À l’inverse, les cadres et dirigeants ou les techniciens sont moins présents dans l’IAA que dans le reste de l’industrie, leur part est toutefois supérieure dans l’industrie des boissons.

Les salariés des IAA sont plutôt jeunes sur l’île quel que soit le segment d’activité : 43 % des salariés ont moins de 35 ans. Cette forte proportion de jeunes est encore plus marquée dans les emplois occupés en CDD : 58 % ont moins de 35 ans, contre 44 % dans l’ensemble des secteurs et 50 % dans le reste de l’industrie. Le renouvellement de main d’œuvre lié aux départs à la retraite est donc moins problématique pour le secteur.

Au sein de l’IAA, deux postes sur cinq sont occupés par des femmes, soit une part inférieure à l’ensemble de l’emploi régional où elles occupent la moitié des postes. Elles sont toutefois deux fois plus nombreuses que dans le reste de l’industrie (un emploi sur cinq). Elles sont en premier lieu employées (46 %) – une catégorie de poste traditionnellement féminisée – en particulier en tant que vendeuses en alimentation ou secrétaires. Lorsqu’elles sont ouvrières, elles sont plus fréquemment non qualifiées que les hommes. Enfin, elles travaillent moins à temps partiel au sein de l’IAA que dans les autres secteurs (12 % contre 23 % dans le reste de l’industrie et 29 % dans l’ensemble en Corse). En outre, la parité est respectée dans l’industrie du pain, pâtes et biscuits contrairement à l’industrie des boissons où les femmes sont les moins présentes (23 %).

Dans l’IAA, le salaire horaire brut moyen des salariés est légèrement inférieur à celui de l’ensemble des salariés en Corse (16,1 €/h contre 16,9 €/h) (figure 5). La jeunesse des salariés, la surreprésentation d’ouvriers non qualifiés et la faible part de cadres et dirigeants expliquent cette différence. En effet, en neutralisant les effets de structure (catégories sociales, âge, sexe, type de contrat et taille d’établissement), la rémunération horaire moyenne d’un salarié de l’IAA apparaît alors légèrement supérieure à celle de l’ensemble des secteurs en Corse (+ 0,4 €/h).

L’industrie des boissons offre un salaire horaire moyen plus élevé que dans l’ensemble de l’IAA (18,7 €/h, soit + 2,6 €/h). Cela est essentiellement dû à la taille plus importante des établissements et donc une présence de cadres, dirigeants ou techniciens plus forte qu’ailleurs. Toutefois, même une fois ces effets de structure pris en compte, le salaire horaire moyen y reste légèrement supérieur (+ 0,9 €/h). En revanche, l’industrie du pain, pâtes et biscuits, offre le salaire horaire moyen le plus faible du secteur (14,0 €/h, soit - 2,1 €/h), y compris après prise en compte des différences de structure des emplois (- 1,3 €/h).

Les entreprises mono et quasi-mono régionales de l’IAA de Corse (sources et champ) se démarquent des entreprises régionales en province de tailles comparables (PME de moins de 60 ETP) en termes de poids des différents segments d’activité. Ainsi, le chiffre d’affaires (CA) de l’IAA en Corse, est porté aux trois quarts par l’industrie des boissons (43 %) et celle de la viande et charcuterie (29 %). En province, ces deux segments comptent pour la moitié de la richesse générée (respectivement 26 % et 24 %).

Les entreprises des industries de boissons insulaires sont peu nombreuses (une trentaine) mais génèrent le CA moyen le plus élevé : plus de 4 millions d’euros par entreprise (figure 6). C’est le triple de celui de l’IAA corse et le double de celui des industries des boissons en province. En Corse, ce segment d’activité se caractérise par une forte rentabilité économique (17 % contre 6 % en province), à la faveur d’un taux de marge élevé (55 %) lié à des frais de personnels réduits.

La fabrication de viandes et charcuterie, deuxième segment de l’IAA corse, est constituée d’une cinquantaine d’entreprises. Leur CA moyen s’élève à 1,7 millions d’euros. Leur taux de valeur ajouté est le plus faible des quatre segments du secteur (20 %) et le seul à être inférieur à celui de leurs homologues du continent (26 %). De même, leur taux de marge est réduit (20 %) car la part des frais de personnel est élevée. Cela entraîne une rentabilité économique plus faible (7 % contre 8 % en province). Toutefois, ce segment se caractérise sur l’île par une forte autonomie financière (60 %), comparé aux autres segments en Corse et à l’industrie de la viande en province (45 %). Cette bonne solvabilité est associée à un taux d’investissement plus élevé (22 % contre 14 %).

En Corse, les entreprises de l’IAA sont très peu exportatrices. À peine 2 % du CA est réalisé à l’étranger contre 10 % pour les entreprises de province. Cela s’explique notamment par une gamme de production agro-alimentaire insulaire dirigée vers une consommation locale (charcuterie, fromage, biscuits régionaux, eaux et vins), alors que les entreprises de province exportent parfois l’essentiel de leur production, au bénéfice d’appellations mondialement réputées comme le Champagne ou le Cognac. Pour les entreprises insulaires, la France continentale représente d’ores et déjà un marché extérieur d’importance, mais ce type d’exportation n’est pas valorisé en tant que tel au sein des données économiques et financières disponibles.