Insee Flash Réunion · Novembre 2022 · n° 238

Une abstention deux fois plus élevée qu’au niveau national Enquête Participation électorale 2022 à La Réunion

En 2022, 609 300 personnes résidant à La Réunion étaient inscrites sur les listes électorales pour les élections présidentielle et législatives. Elles étaient libres de participer ou non aux scrutins proposés, en se rendant aux bureaux de vote ou en utilisant une procuration (encadré).

Comme lors des élections précédentes, les taux d’abstention dans les départements et régions d’Outre-mer (Drom) sont les plus élevés des régions françaises. En 2022, à La Réunion, 30 % des inscrits n’ont voté à aucun tour de ces élections nationales ; ces abstentionnistes systématiques (figure 1) sont deux fois plus nombreux qu’en France métropolitaine (16 %).

Entre 2017 et 2022, l’abstention augmente à La Réunion, tant à la présidentielle qu’aux législatives, de 3 à 6 points selon l’élection et le tour [ministère de l’Intérieur, 2022]. Cette hausse est plus forte qu’au niveau national. En particulier, la participation baisse fortement au 2^e tour des législatives entre 2017 et 2022, alors qu’elle augmente au niveau national. Elle est également plus marquée qu’aux Antilles où l’abstention systématique se situe à un niveau plus élevé encore (36 % en 2022). Ainsi, le niveau d’abstention systématique à La Réunion se rapproche-t-il de celui des Antilles.

En 2022, à La Réunion, un électeur sur deux a voté au moins une fois et s’est abstenu à au moins un tour de scrutin. Le vote par intermittence est ainsi le comportement de vote privilégié par les électeurs, à La Réunion comme au niveau national.

Seuls 20 % des inscrits sur les listes électorales ont voté de façon systématique aux quatre tours de scrutins ; c’est deux fois moins qu’en métropole.

Comme lors des scrutins organisés en 2017, les élections législatives mobilisent beaucoup moins les Réunionnais que l’élection présidentielle : 42 % seulement des inscrits ont voté aux législatives contre 68 % à la présidentielle. Ces taux de participation sont inférieurs de 15 à 16 points à ceux de métropole pour les deux scrutins.

Comme dans l’Hexagone, l’abstention systématique à La Réunion est particulièrement répandue parmi les jeunes et les personnes les plus défavorisées socialement : personnes pas ou peu diplômées, celles qui sont éloignées du marché du travail, ainsi que celles au niveau de vie plus faible. Ces catégories de population sont plus fréquentes à La Réunion, ce qui explique en partie que l’abstention y soit plus élevée qu’au niveau national. La forte abstention peut traduire un désintérêt pour les élections, un comportement électoral délibéré ou bien encore une difficulté à participer aux élections dans certaines situations malgré le dispositif des procurations.

Le comportement de vote est fortement lié à l’âge. Les personnes de 18 à 39 ans vivant sur l’île s’abstiennent ainsi plus souvent que les personnes d’âges intermédiaires (figure 2). La part des abstentionnistes de moins de 39 ans (38 %) est deux fois supérieure à celle des personnes de 40 à 59 ans. Comme dans l’Hexagone, l’abstention systématique est la plus élevée parmi les 18-29 ans (43 %) et les 80 ans ou plus (48 %). A contrario, elle est la moins répandue en 2022 parmi les personnes de 50 à 59 ans (19 %).

La structure familiale influe aussi sur l’abstentionnisme. Les personnes vivant seules ou appartenant à une famille monoparentale s’abstiennent davantage que celles vivant dans un couple avec enfant(s) (29 % contre 22 %). Vivre en couple génère un effet d’entraînement sur le vote.

La situation vis-à-vis de l’emploi constitue un autre facteur déterminant d’abstention : plus une personne est éloignée du marché du travail, moins elle participe aux élections (figure 3). L’abstention systématique culmine ainsi pour les personnes au foyer (41 %), soit quasiment deux fois plus que pour les personnes en emploi (22 %). Quant aux élèves et étudiants, 38 % d’entre eux ne sont pas allés voter en 2022.

Si l’abstention culmine à La Réunion comme ailleurs parmi les personnes les moins insérées professionnellement et socialement, elle est en outre nettement plus élevée qu’au niveau national pour des catégories mieux insérées socialement. Cela contribue donc à accroître l’écart en matière de niveau d’abstention avec l’Hexagone. Ainsi, les personnes en emploi s’abstiennent nettement plus à La Réunion qu’en moyenne nationale : 22 % d’abstention systématique contre 13 %.Parmi ces personnes en emploi, les ouvriers et les employés se sont davantage abstenus que les autres catégories socio-professionnelles et que leurs homologues au niveau national (25 % contre 16 %). Les cadres ont été en revanche les plus nombreux à voter (figure 4). Ainsi, les deux tiers d’entre eux ont voté aux deux tours de l’élection présidentielle. Mais ils ont moins participé aux élections législatives : un tiers des cadres ont voté aux deux tours des législatives, un tiers se sont abstenus aux deux tours,et un tiers ont voté seulement à l’un des tours. Le vote intermittent a été de fait nettement plus répandu pour les cadres que pour les autres catégories sociales.

De même, à niveau de vie identique, l’abstention est nettement plus élevée à La Réunion qu’en moyenne nationale, y compris pour le quart de la population ayant les revenus les plus élevés.

En conséquence, les écarts en matière d’abstention systématique selon la position sociale sont plus faibles à La Réunion qu’au niveau national. C’est plus particulièrement le cas de l’abstention selon le niveau de diplôme : à La Réunion, l’abstention systématique des diplômés du supérieur est 1,8 fois inférieure à celle des non-diplômés (19 % contre 34 %), tandis qu’au niveau national, les plus diplômés s’abstiennent 3 fois moins souvent.

L’Insee réalise régulièrement des enquêtes sur la participation électorale. En suivant le vote des inscrits sur les listes électorales sur plusieurs tours d’un ou plusieurs scrutins, ces enquêtes permettent d’analyser finement les comportements de vote. L’enquête de 2022 porte sur le vote aux élections présidentielle et législatives de personnes résidant en France en 2020 (ou en 2021 à Mayotte), majeures le 10 avril 2022, de nationalité française, inscrites sur les listes électorales et en capacité de voter. À cet effet, un échantillon a été constitué à partir de l’échantillon démographique permanent, dans lequel figurent des informations provenant de l’enquête annuelle de recensement de 2020 (2021 à Mayotte) et leur niveau de vie issu de données sociofiscales.

Les caractéristiques sociodémographiques (diplôme, catégorie sociale, etc.) sont donc celles déclarées au recensement. On dispose également d’informations sur les procurations, issues du Répertoire électoral unique, dans lequel elles sont désormais inscrites. Cela permet de compléter l’information pour les personnes de l’échantillon ayant établi une procuration (les mandants) ainsi que pour celles qui portent une procuration pour quelqu’un d’autre (les mandataires).

Pour 34 000 inscrits, dont 1 392 à La Réunion, on dispose de leur participation aux votes et de caractéristiques sociodémographiques. Des agents de l’Insee ont relevé la participation aux élections nationales de 2022 de ces personnes, en consultant les listes d’émargement disponibles en préfecture dans les dix jours qui suivent le scrutin, comme tout électeur peut le faire.

L’échantillon pour la France a été constitué de telle sorte qu’il soit représentatif au niveau de chacune des régions, à l’exception de la Guyane et de Mayotte où les effectifs d’électeurs sont insuffisants dans le champ de l’enquête.

Le champ de l’enquête sur la participation électorale est différent de celui du ministère de l’Intérieur, à partir duquel sont diffusés les résultats sur les taux de participation à chaque tour de scrutin. En effet, le ministère de l’Intérieur prend en compte les inscrits en France, y compris dans les collectivités d’Outre-mer et la Nouvelle-Calédonie, ainsi que les Français inscrits à l’étranger. De plus, il prend en compte l’ensemble des inscrits des régions françaises même si ces inscrits ne résident pas en France.

À la suite de la mise en place du répertoire électoral unique en 2019, les résultats de l’enquête de participation électorale réalisée en 2022 ne sont pas comparables, à La Réunion, avec ceux de l’enquête précédente réalisée en 2017.