Insee Flash Normandie · Novembre 2022 · n° 124

Près de 18 % des Normands en âge de voter n’ont participé à aucun scrutin en 2022

L’année 2022 a été marquée par deux échéances électorales importantes : l’élection présidentielle (10 et 24 avril) suivie des élections législatives (12 et 19 juin). Près de 2,3 millions de résidents normands sont inscrits sur les listes électorales et ont donc été appelés à se rendre aux urnes. Cela représente 91,8 % des habitants de la région en âge de voter, un taux légèrement supérieur à celui observé au niveau national (91,5 %).

En Normandie, 17,8 % des électeurs potentiels n’ont participé à aucun des quatre tours des élections présidentielle et législatives de 2022 (figure 1). La région se positionne ainsi au 2^e rang des 13 régions métropolitaines pour ce qui concerne l’abstention systématique juste derrière les Hauts-de-France (18,2 %) et deux points au-dessus du niveau national.

Le fort niveau de l’abstention systématique en Normandie est un phénomène nouveau. Il y a cinq ans, lors des mêmes scrutins, l’abstention systématique en Normandie était de 12,2 % en moyenne, soit 5,6 points de moins. Ce taux était parmi les plus bas de l’Hexagone, et seules les régions Bretagne et Pays de la Loire présentaient un taux plus faible.

L’élection présidentielle est la plus affectée par cette hausse de l’abstention à tous les tours, qui passe de 12,8 % à 18,4 %. Pour les élections législatives, l’abstention totale passe de 40,6 % à 42,2 %. Il convient toutefois de relativiser ces écarts, les deux tours de l’élection présidentielle s’étant en effet tenus lors des vacances de printemps de l’académie de Normandie. L’augmentation de l’abstention totale à la présidentielle est d’ailleurs notable dans toutes les régions de la zone B (dont fait partie la Normandie) et notamment dans les Pays de la Loire (+ 4,8 points), en Bretagne (+ 3,3 points) ou encore dans le Grand Est (+ 2,8 points).

En Normandie comme en France, le scrutin présidentiel réunit bien plus d’électeurs que pour les législatives (figure 2). Ainsi, plus de huit électeurs normands sur dix se sont mobilisés pour participer à au moins un tour du scrutin présidentiel contre moins de six personnes sur dix lors des législatives. Toutefois, l’élection présidentielle a suscité moins d’engouement en Normandie qu’en France métropolitaine, possiblement pour les raisons de calendrier scolaire déjà évoquées. La participation aux deux tours y est aussi plus faible (68,8 % contre 70,2 %) tandis que l’abstention lors des deux échéances devient plus forte (18,4 % contre 16,8 %). La proportion d’électeurs ayant choisi de ne voter qu’à l’un des deux tours est très proche du niveau métropolitain. En outre, alors que le premier tour d’une élection présidentielle suscite généralement un intérêt plus marqué des électeurs (7,7 % des Français n’ont voté qu’au premier tour seulement et 5,6 % au deuxième tour seulement), les Normands n’ayant voté qu’à l’un des deux tours se sont répartis à peu près équitablement sur chacune des échéances (respectivement 6,5 % et 6,4 %).

Le comportement des votants normands lors des élections législatives est plus complexe, le vote complet dans ce cadre ayant été légèrement plus élevé en Normandie, de même que l’abstention totale pour ce scrutin. Peu de Normands n’ont voté qu’à l’un des deux tours (16,9 % contre 17,7 % au niveau métropolitain) avec une participation assez équilibrée entre le premier et le second tour (respectivement 8,8 % et 8,1 % contre 9,8 % et 7,9 % en France).

En dépit de la popularité des élections présidentielle et législatives, le comportement de vote des Français et des Normands depuis 2002 (figure 3) montre qu’à l’exception d’une diminution entre les scrutins de 2002 et 2007, l’abstention systématique ne fait qu’augmenter depuis. En Normandie, elle a progressé de près de dix points, passant de 7,9 % en 2007 à 17,8 % en 2022 avec une accélération notable entre 2017 et 2022 (+ 5,6 points). Jusqu’alors, sur les quatre dernières années d’élections, les Normands participaient de manière plus systématique que l’ensemble des électeurs du territoire métropolitain. En 2022, avec seulement 36,2 % de votants systématiques, cette part passe sous le niveau métropolitain (37,0 %). Ce comportement de vote pourtant privilégié par les Français et les Normands lors des scrutins de 2002, 2007 et 2012 est désormais devancé par le vote intermittent. En 2017, ce dernier concernait même plus de la moitié des électeurs normands et français (respectivement 51,1 % et 50,8 %). Le vote intermittent est cependant en net repli en 2022 en Normandie (46,0 % soit – 5,1 points) au profit de l’abstention systématique qui dépasse désormais le niveau métropolitain (17,8 % contre 15,8 %).

Si, de manière générale l’abstention systématique progresse en Normandie, les femmes ont délaissé plus massivement les urnes que les hommes. Environ 20 % des femmes n’ont voté à aucune des échéances électorales en 2022, soit 7,2 points de plus qu’en 2017, tandis que l’abstention des hommes n’augmentait que de 3,3 points sur la même période pour atteindre 15,4 % (figure 4). Cette tendance affecte plus spécifiquement la Normandie puisqu’il y a peu d’écart au niveau métropolitain entre femmes et hommes (respectivement 15,9 % et 15,7 % en 2022), avec une hausse contenue à + 3 points pour les femmes et + 1,8 point pour les hommes par rapport à 2017.

L’abstention systématique des personnes âgées de 80 ans ou plus croît fortement : près de 45 % d’entre elles n’ont pas voté du tout, soit presque deux fois plus qu’en 2017 (23,3 %). Ce constat apparaît de nouveau comme une particularité normande, puisqu’au niveau national la hausse de l’abstention chez les 80 ans ou plus n’est que de 2,6 points, passant de 29,9 % à 32,5 %. La situation de crise sanitaire liée à la Covid-19, potentiellement fortement anxiogène pour les personnes les plus âgées, ne peut expliquer à elle seule une telle évolution en Normandie.

Plus généralement, l’abstention systématique dans la région concerne davantage les personnes en situation de fragilité et donc plus souvent adoptée par les jeunes (entre 18 et 29 ans) ou les plus âgées (80 ans ou plus), par les non-diplômés (abstention systématique de 32,4 % en 2022), les chômeurs (36,4 %), ou encore par les personnes avec des revenus faibles et vivant plus souvent en ville. À l’inverse, le vote systématique est plus fréquent dans les classes d’âge allant de 60 à 79 ans, au sein desquelles se retrouvent beaucoup de retraités, ainsi que chez les personnes disposant d’un diplôme supérieur au baccalauréat. Par ailleurs, plus des deux tiers des étudiants et plus de la moitié des personnes en emploi privilégient le vote intermittent.