Insee Analyses Bourgogne-Franche-Comté · Septembre 2022 · n° 103

Du rural isolé au rural proche des villes : quatre types d’intercommunalités

Depuis 2020, les espaces ruraux se définissent par leur faible densité de population et non plus en complément des espaces urbains. Selon cette définition, sur les 113 établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de Bourgogne-Franche-Comté, 95 sont considérés comme ruraux.

Ainsi redéfinie, la Bourgogne-Franche-Comté est la première région rurale de France devant la Bretagne. Cet espace représente 95 % du territoire et plus de la moitié de la population régionale, contre un tiers en moyenne en France.

La proximité avec les principales villes de la région, l’influence de la région parisienne et de la Suisse, les spécificités agricoles ou industrielles notamment, façonnent des espaces ruraux aux enjeux bien différents : vieillissement de la population, accessibilité aux services, attractivité résidentielle, marché de l’emploi, etc.

Les différences de densité de population et de décomposition des revenus des ménages définissent 4 classes d'intercommunalités rurales dans la région : « le rural peu dense à faibles revenus », « le rural de classe moyenne ou plutôt aisée », « le rural à fort revenus patrimoniaux » et « le rural aux salaires élevés » (figure 3 et pour comprendre).

En Bourgogne-Franche-Comté, près de la moitié des résidents ruraux habite dans l’une des 42  intercommunalités « rurales peu denses à faibles revenus ». Elles s’étendent sur plus de la moitié de la région. Cet espace couvre les plateaux du Nivernais, le massif du Morvan et les plateaux bourguignons du Tonnerrois, du Châtillonnais et de la Côte-d’Or, ainsi que le nord de la Haute-Saône et le sud du Jura.

Ces territoires, les plus souvent éloignés des villes moyennes et des grandes villes, sont peu attractifs en raison notamment d’une offre d’emploi insuffisante, d’un accès aux services de proximité et intermédiaires parfois difficile et d’une moindre couverture internet en haut débit. En décroissance démographique, les populations âgées y sont nombreuses et la natalité plus faible. On y retrouve beaucoup de personnes seules (38 % des ménages contre 34 % pour l’ensemble du rural) et moins de couples avec enfants (30 % contre 35 %).

Les ménages pauvres (14 % des ménages) et surtout modestes (32 %) y sont davantage présents (figure 1). Plus généralement, le niveau de vie médian des habitants est de 20 500 €, soit 6 % de moins que dans l’ensemble du rural régional (figure 2). Parmi eux, les ménages de l’EPCI Bazois-Loire-Morvan sont en moyenne les plus pauvres de la région. Leur revenu médian est de 19 100 € et près de 20 % d’entre eux vivent sous le seuil de pauvreté. À l’opposé, les ménages résidant dans les communautés de communes du Mâconnais-Tournugeois ou du Clunisois sont plus aisés avec un revenu médian de plus de 21 000 €.

Une partie des habitants vit dans des petites villes comme Montbard, Gray ou Saint-Claude. Le maillage de ces petites villes permet à de nombreux actifs de résider à proximité de leur lieu de travail. Néanmoins, dans le reste de ce vaste territoire, l’accès à l’emploi de proximité est plus difficile et certains actifs sont contraints de quitter quotidiennement voire définitivement leur EPCI de résidence pour aller travailler. Le nombre d’emplois accessibles depuis ces territoires ruraux devient alors un déterminant de leur attractivité résidentielle.

Malgré de plus faibles revenus, le nombre de propriétaires est plus important dans ces territoires, grâce à un coût du foncier plus faible. Cependant, les logements sont pour beaucoup d’entre eux anciens. Leur amélioration énergétique peut être problématique au regard des revenus des habitants. En lien avec la baisse démographique, l’augmentation de la vacance des logements est aussi particulièrement importante.

Un tiers de la population rurale vit dans l’une des 38 intercommunalités « rurales de classe moyenne ou plutôt aisée ». Ces EPCI périurbains des grandes agglomérations de la région, se situent principalement à l’est de l’axe Selongey-Mâcon, ainsi qu’à l’extrême nord-ouest à proximité de la région parisienne.

Depuis les années 1980, certains trentenaires quittent les villes pour s’installer dans l’espace rural proche des agglomérations. L’acquisition de logements plus spacieux pour ces ménages rurbains qui s’agrandissent est moins coûteux qu’en milieu urbain. Leur lieu de résidence reste proche des pôles d’emploi et les navetteurs sont plus nombreux dans ces territoires. Deux tiers des actifs travaillent à l’extérieur de leur EPCI de résidence contre un peu plus de la moitié pour les actifs vivant au sein d’une intercommunalité rurale. Enfin, la proximité de grandes agglomérations ou de villes moyennes leur permettent un accès plus facile aux services intermédiaires (supermarchés, magasins spécialisés, collèges, banques, etc.).

Entre 2008 et 2019, la population y a augmenté de 4,8 %. Cette croissance démographique s’explique par un afflux migratoire et par un excédent naturel. Le nombre de naissances y est important en raison d’une forte proportion de femmes en âge d’avoir des enfants. Ces ménages rurbains sont plus souvent des couples avec enfants et moins souvent des personnes âgées.

Cette attractivité pour les familles et la relative jeunesse de la population font que les classes moyennes et plutôt aisées y sont un peu plus présentes, 23 % des ménages ont des revenus médians et 33 % sont plutôt aisés contre respectivement 22 % et 30 % pour l’ensemble du rural de la région. Le niveau de vie médian des habitants est de 22 000 €, légèrement plus élevé qu’en moyenne dans le rural (21 800 €). Les revenus proviennent principalement des salaires. Au sein de ces territoires, les écarts de revenus sont aussi plus faibles. Les 10 % des ménages les plus aisés touchent 2,6 fois plus que les 10 % des ménages les plus pauvres contre 2,9 en moyenne dans le rural. Les ménages habitant dans la communauté de communes du pays de Villersexel ont les plus faibles revenus avec 20 300 € par unité de consommation. À l’opposé, ceux de la communauté de communes Ouche et Montagne ont les revenus les plus élevés (24 200 €).

L’afflux de ces populations n’est toutefois pas sans coût pour ces territoires ruraux de classe moyenne ou plutôt aisée. Attractifs, ils sont notamment soumis à des contraintes d’artificialisation des sols, d’utilisation importante de la voiture et aux besoins d’adapter la capacité d’accueil des services de la population comme les crèches, les écoles, le périscolaire.

Parmi les ménages les plus aisés de la région, on retrouve ceux habitant au sein de territoires « ruraux à forts revenus patrimoniaux ». Ils représentent 10 % des ménages ruraux et sont répartis dans sept EPCI, principalement dans les zones viticoles les plus rémunératrices de la région mais aussi au nord de Dijon. Ces ménages sont bien plus riches (35 % des ménages sont plutôt aisés et 12 % aisés) que ceux des espaces peu denses ou périurbains.

Avec 23 900 €, leur niveau de vie médian est supérieur de 10 % à celui de l’ensemble du rural. Il atteint même 27 600 € pour les ménages de la communauté de communes de Norge et Tille. La part des impôts dans le revenu des ménages est plus élevée. La structure des revenus au sein de ces EPCI est atypique avec des revenus issus du patrimoine et des activités non salariées beaucoup plus importants qu’en moyenne dans le rural (respectivement 13 % et 11 % contre 9 % et 6 %) (figure 4). Cette spécificité est notamment due à la présence de domaines viticoles et agricoles et à la présence de professions libérales. Parallèlement, la proportion de ménages pauvres est relativement faible.

Les habitants de ces intercommunalités ont également un accès plus facile aux emplois des villes moyennes à proximité ou plus grandes comme Dijon, Chalon-sur-Saône ou Beaune. Il y a ainsi autant d’actifs qui quittent leur EPCI pour travailler que d’actifs qui restent sur leur territoire. Ces intercommunalités sont soumises à des tensions sur le foncier. La population y est stable : + 0,8 % sur 11 ans. Enfin dans ces territoires, les jeunes sont plus présents qu’en moyenne dans le rural.

Un peu moins de 90 000 Bourguignons-Francs-Comtois habitent dans l’une des huit intercommunalités rurales situées le long de la frontière suisse. Près de 5 % des ménages ruraux résident dans ces EPCI « ruraux aux salaires élevés », dépendants économiquement de la Suisse. Ces territoires sont en forte croissance démographique (+ 14 % en 11 ans). Étant attractifs pour les populations en âge de travailler, ils accueillent ainsi de nombreuses familles avec des enfants. L’afflux de ces familles entraîne une assez forte natalité et la part de jeunes y est plus importante.

Des tensions sur l’emploi et le logement y existent. D’une part, vu l’importance des perspectives d’emploi en Suisse, la demande en logements destinés aux nouveaux arrivants est importante. D’autre part, le recrutement de certains métiers présentiels est rendu difficile par une concurrence salariale avec la Suisse et un coût de la vie locale cher.

Près d’un tiers des ménages sont aisés (29 %). Ces revenus proviennent des hauts salaires proposés par les employeurs suisses. Le niveau de vie médian est ainsi le plus élevé de la région (30 000 €) et atteint 33 600 € dans la communauté de communes Station des Rousses-Haut Jura. La mixité entre emploi frontalier et emploi local entraîne cependant de fortes inégalités de revenus. Les 10 % des ménages les plus riches ont un niveau de vie 3,4 fois supérieur au niveau de vie des 10 % les plus pauvres.