Insee Analyses Réunion · Juillet 2022 · n° 70

Entre langue créole, musiques des Mascareignes et influence internationale Enquête Pratiques culturelles à La Réunion en 2019

Parmi les habitants de La Réunion âgés de 15 ans ou plus, 81 % déclarent maîtriser la langue créole. Dans toutes les tranches d’âges, la majorité de la population parle la langue créole, même si c’est un peu moins le cas des plus jeunes : 73 % des 15-24 ans déclarent parler la langue créole contre 83 % des 60 ans ou plus (figure 1).

Le rôle des transmissions familiales et sociales dans la maîtrise de la langue créole est avéré : 94 % des Réunionnais auxquels les parents parlaient en créole durant leur enfance le parlent également. Plus que le fait d’être né à La Réunion, c’est la langue parlée dans l’enfance qui est déterminante dans la maîtrise de cette langue. Ainsi, 86 % de ceux qui déclarent cette pratique dans l’enfance et qui sont nés en dehors de l’île déclarent maîtriser cette langue, contre 70 % de ceux qui sont nés à La Réunion mais dont les parents ne leur parlaient pas la langue créole durant leur enfance.

Si la maîtrise du créole réunionnais est très répandue dans l’ensemble de la population, elle l’est sensiblement moins parmi les plus diplômés : 75 % des natifs de l’île diplômés du supérieur déclarent maîtriser la langue créole, contre plus de 90 % pour ceux disposant d’un niveau de diplôme inférieur ou ceux n’en disposant pas.

Le fort niveau de maîtrise de la langue créole ne signifie pas pour autant que cette langue soit utilisée dans tous les champs de la vie sociale. En effet, 47 % des Réunionnais regardent la télévision en créole réunionnais, les plus jeunes déclarant le moins cette pratique (37 % pour les 15-39 ans contre 52 % pour les 40-59 ans). Par ailleurs, seule une minorité de Réunionnais déclarent suivre l’actualité en créole, quel que soit leur âge.

Par ailleurs, moins de 1 % des Réunionnais lisent en 2019 des livres écrits dans la langue créole. Cela s’explique notamment par l’offre encore limitée d’ouvrages proposés dans cette langue. Une offre théâtrale en langue créole est en revanche présente sur le territoire réunionnais. Parmi les Réunionnais âgés de 15 ans ou plus ayant assisté à une pièce de théâtre, 14 % ont assisté à au moins une représentation en langue créole et 10 % à un koze-konte.

L’écoute de la musique est très répandue à La Réunion, comme en France métropolitaine. En 2019, 91 % des Réunionnais déclarent écouter de la musique et 59 % en écoutent tous les jours ou presque (contre respectivement 92 % et 65 % en métropole).

Les Réunionnais plébiscitent le plus les styles musicaux des Mascareignes. Ainsi, 82 % de ceux qui écoutent de la musique déclarent écouter de la musique de La Réunion (séga, maloya, etc.), la plus écoutée et la plus appréciée des Réunionnais. Le succès de ces musiques ne doit toutefois pas occulter l’écoute d’autres styles de musiques, qui trouvent aussi leur public sur l’île. Cela témoigne de la diversité régionale, nationale et internationale des influences musicales : 71 % des Réunionnais déclarent ainsi écouter des chansons ou de la variété françaises, 50 % des variétés internationales (figure 2).

Même si les musiques de La Réunion sont les plus écoutées par toutes les générations de Réunionnais, les 15-24 ans écoutent par ailleurs d’autres styles musicaux, différents de ceux de leurs aînés et se rapprochant de ce qu’écoutent les jeunes vivant dans l’Hexagone. En particulier, 61 % des jeunes Réunionnais qui écoutent de la musique écoutent du rap et 54 % du R’n’B ; ces musiques ne sont écoutées que par 3 % des Réunionnais de 60 ans ou plus. À l’inverse, 69 % des auditeurs réunionnais de 60 ans ou plus écoutent de la variété ou chanson française, contre 53 % de ceux de 15 à 24 ans. Avec 29 % d’écoute, les variétés internationales et les musiques traditionnelles sont au troisième rang des musiques écoutées par les auditeurs de 60 ans ou plus.

La transmission familiale joue un rôle important dans les pratiques d’écoute musicale. Ainsi, la part de Réunionnais écoutant des musiques de La Réunion est très nettement supérieure pour ceux qui ont grandi avec des parents qui en écoutaient que pour les autres (23 points de plus).

Le goût des Réunionnais pour la musique se traduit dans leur fréquentation des concerts : 32 % des Réunionnais ont assisté à un concert en 2019. En particulier, 20 % ont assisté à un concert de séga ou de maloya, et 6 % à un concert de variété française. Par ailleurs, 8 % ont participé à un kabar ou à un fonnker au cours de la même période. Ces derniers attirent plus souvent les Réunionnais de 25 à 59 ans et les plus diplômés, tandis que les concerts de séga et de maloya sont également appréciés de populations plus jeunes. En effet, plus de 10 % des Réunionnais de 25 à 59 ans ont assisté à un kabar ou à un fonnker contre 6 % des 15-24 ans et 2 % des 60 ans ou plus.

Seuls 44 % des habitants de La Réunion âgés de 15 ans ou plus sont allés au cinéma au cours de l’année précédant l’enquête, contre 62 % des résidents de l’Hexagone. Dans le même temps, les Réunionnais sont plus nombreux à regarder quotidiennement des films sur d’autres supports (31 % contre 25 %).

À La Réunion, comme en métropole, les jeunes sont les plus nombreux à aller au cinéma : 77 % des Réunionnais de 15 à 24 ans ont fréquenté les salles obscures en 2019 et 83 % des jeunes du même âge vivant en métropole. La fréquentation du cinéma décroît avec l’âge, de manière plus rapide à La Réunion que dans l’Hexagone. Ainsi, sur l’île, aller au cinéma reste une activité plus typiquement juvénile, alors qu’elle l’est devenue beaucoup moins dans l’Hexagone. En outre, à partir de 25 ans, les Réunionnais fréquentent moins les cinémas que les habitants de l’Hexagone. En particulier, c’est le cas de seulement 12 % des personnes de 60 ans ou plus à La Réunion, contre 41 % en France métropolitaine (figure 3).

À La Réunion, comme en métropole, la fréquentation du cinéma croît avec le niveau de revenu. À revenu équivalent, l’écart avec la métropole se resserre, mais le taux de fréquentation demeure légèrement inférieur à La Réunion par rapport à la France métropolitaine pour toutes les tranches de revenus.

Les différences entre les pratiques observées à La Réunion et en France métropolitaine peuvent en partie s’expliquer par l’offre cinématographique présente sur le territoire réunionnais. En 2017, à La Réunion, les salles de cinéma offrent un siège pour 102 habitants contre 58 en France métropolitaine. De plus, il existe des disparités au sein même de l’île. Dans le sud de l’île, l’offre est particulièrement restreinte – seulement 6 écrans pour plus de 300 000 habitants en 2017 -, ce qui a un impact sur les pratiques des habitants de cette partie du territoire. En effet, seuls un tiers d’entre eux se sont rendus au cinéma en 2019, contre plus de la moitié des habitants du nord et de l’ouest du territoire. L’offre de films est également moins diversifiée : chaque année, 400 films sortent en moyenne à La Réunion, contre 600 en France métropolitaine.

Les jeunes Réunionnais lisent davantage que leurs aînés : en 2019, 51 % des 15-24 ans déclarent lire, contre 35 % des 60 ans ou plus. Dans l’Hexagone au contraire, la pratique de la lecture chez les jeunes – autrefois plus fréquente – s’est raréfiée au fil des décennies au point de rejoindre celle de leurs aînés. Les jeunes Réunionnais se distinguent également de leurs aînés par le type de lecture : dans leur « top 3 », figurent les bandes dessinées (32 %), les mangas (26 %) et les romans de science-fiction ou d’horreur (18 %). Les lecteurs de 60 ans ou plus privilégient la lecture d’œuvres de littérature classique (23 %), de livres pratiques (cuisine, décoration, bricolage, jardinage, voyage) et de cuisine (22 %), et les biographies (22 %).

Comme en France métropolitaine, le niveau de diplôme a un impact sur les pratiques de lecture : 71 % des Réunionnais diplômés du supérieur déclarent lire des livres contre 30 % de ceux n’ayant pas de diplôme, un BEPC ou le brevet des collèges (figure 4).

Toutes générations confondues, la lecture reste une pratique moins répandue à La Réunion que dans l’Hexagone. En 2019, 42 % des Réunionnais déclarent lire des livres et 18 % se sont rendus dans une bibliothèque ou une médiathèque (contre respectivement 70 % et 27 % en France métropolitaine). Le niveau de formation des Réunionnais, bien qu’en progression rapide ces dernières décennies, reste encore sensiblement inférieur en moyenne à celui des habitants de l’Hexagone. Cependant, cela ne suffit pas à expliquer cet écart : à niveau de diplôme égal, les écarts persistent entre La Réunion et l’Hexagone, y compris pour les diplômés du supérieur. Ces différences peuvent en partie s’expliquer par un taux d’illettrisme plus important à La Réunion. En 2011, 23 % des Réunionnais âgés de 16 à 65 ans, ayant été scolarisés en France, étaient en situation d’illettrisme [Michaïlesco et Le Grand, 2013]. Ces difficultés vis-à-vis de la lecture semblent perdurer : en 2020, d’après les tests de lecture organisés dans le cadre des Journées défense et citoyenneté, 25 % des Réunionnais âgés de 16 à 25 ans ont des difficultés pour lire.

Autre spécificité des pratiques culturelles à La Réunion, les spectacles se vivent beaucoup plus souvent en extérieur que dans des espaces fermés. Ainsi, les Réunionnais sont-ils très nombreux à avoir assisté à des spectacles professionnels de rue et à de grands évènements (fête du 20 décembre, fête de la musique, Nouvel An, etc.) : 48 % d’entre eux ont assisté à ce type de manifestation en 2019 contre seulement 5 % des habitants de l’Hexagone. À l’inverse, les Réunionnais sont moins nombreux à avoir assisté à un spectacle dans un équipement culturel : 7 % sont allés en 2019 au théâtre (contre 21 % en métropole), 6 % à un spectacle de danse (13 %) et 5 % à un spectacle de cirque (11 %).

En 2019, seuls 8 % des habitants de La Réunion de 15 ans ou plus ont visité un musée ou une exposition (29 % dans l’Hexagone).

Les pratiques culturelles en amateur les plus usuelles dans l’Hexagone sont moins courantes sur l’île mais elles induisent les mêmes disparités selon l’âge. Ainsi, 8 % des Réunionnais pratiquent la musique et le chant, 6 % le dessin et moins de 1 % le théâtre. Ces pratiques sont plus répandues parmi les jeunes de 15 à 24 ans sur les deux territoires. Comme en France métropolitaine, les Réunionnais les plus diplômés pratiquent davantage la peinture, la sculpture et la gravure en amateur que ceux n’ayant pas de diplôme, un BEPC ou le brevet des collèges (9 % contre 1 %).

À La Réunion, l’écoute quotidienne de la radio est proportionnellement moins importante qu’en France métropolitaine : 50 % des Réunionnais déclarent écouter la radio tous les jours, contre 60 % en métropole. La durée moyenne d’écoute de la radio s’élève à 10 heures par semaine, comme en France métropolitaine. L’écoute de la radio augmente avec l’âge. Les programmes les plus écoutés à La Réunion sont les informations (60 % des auditeurs), les émissions musicales (57 %) et les libres antennes (48 %).

Plus de 9 Réunionnais sur 10 regardent la télévision en 2019, une part très proche de celle observée en France métropolitaine. Toutefois, ils sont moins nombreux à la regarder tous les jours ou presque (68 % contre 78 %). En moyenne, les habitants de l’île regardent la télévision 18 heures par semaine, une durée légèrement inférieure à la métropole (19 heures). Ils sont nombreux à regarder des films (69 %), des émissions d’information (62 %), des reportages et des documentaires (57 %). Comme ailleurs en France, ce sont les plus jeunes qui regardent le moins souvent et le moins longtemps la télévision : 12 heures par semaine en moyenne, contre 18 heures pour les 60 ans ou plus. En parallèle, les jeunes sont proportionnellement plus nombreux à regarder quotidiennement des vidéos sur des plateformes en ligne. Près de 60 % des Réunionnais âgés de 15 à 24 ans regardent tous les jours des vidéos sur l’internet contre 3 % de ceux âgés de 60 ans ou plus.

Les Réunionnais sont moins nombreux que les habitants de l’Hexagone à se connecter tous les jours ou presque à l’internet (58 % contre 74 %), et plus nombreux à ne jamais s’y connecter (24 % contre 15 %). Ces constats reflètent pour partie seulement le moindre accès des foyers réunionnais à l’internet : 78 % des foyers y sont connectés sur l’île contre 86 % en France métropolitaine. Les écarts proviennent aussi en partie d’une couverture du territoire plus tardive et d’un coût qui, à l’arrivée du haut débit, était également plus élevé qu’en France métropolitaine. De plus, la part plus élevée de non-diplômés dans la population réunionnaise est un autre élément explicatif. En 2017, quatre Réunionnais sur dix estimaient ne pas avoir les compétences nécessaires pour utiliser l’internet, et 43 % des non diplômés réunionnais ne s’y étaient jamais connectés [Grangé, 2019]. Les Réunionnais diplômés du supérieur sont proportionnellement plus nombreux que les moins diplômés (aucun diplôme, BEPC ou brevet des collèges) à se connecter quotidiennement à l’internet (78 % contre 40 %). En revanche, qu’ils vivent à La Réunion ou dans l’Hexagone, la part des 15-24 ans se connectant quotidiennement à l’internet est très proche (97 % à La Réunion).

Pour suivre l’actualité, la télévision reste le média préféré des Réunionnais : 76 % en font ainsi usage, une part légèrement inférieure à celle en métropole (78 %). Viennent ensuite la radio (45 %) et les réseaux sociaux : 34 % des Réunionnais utilisent les réseaux sociaux pour suivre l’actualité contre 28 % des habitants de métropole.

À La Réunion comme dans l’Hexagone, l’usage des réseaux sociaux augmente au fil des générations au détriment de la télévision. De fait, les réseaux sociaux sont un média de premier plan pour les jeunes, dépassant désormais légèrement la télévision : 61 % des Réunionnais de 15 à 24 ans utilisent les réseaux sociaux pour suivre l’actualité, tandis que 57 % d’entre eux utilisent la télévision. Parmi les 60 ans ou plus, 4 % utilisent les réseaux sociaux et 83 % la télévision pour se tenir informés. Ces chiffres sont proches des moyennes métropolitaines.

Seule une minorité de Réunionnais lisent la presse, sous format numérique (14 %) ou papier (20 %). À La Réunion comme en France métropolitaine, les jeunes sont ceux qui recourent le moins à la presse papier pour se tenir informés de l’actualité (3 % contre 27 % pour les 60 ans ou plus). Mais pour les jeunes de l’île, la presse numérique ne se substitue que peu à la presse papier pour s’informer : seuls 14 % des 15-24 ans utilisent la presse numérique à cette fin, contre 37 % en France métropolitaine.