Insee Analyses Nouvelle-Aquitaine · Mars 2022 · n° 119

Après une envolée en 2020, le recours au RSA retrouve son niveau d’avant-crise Les prestations des Caf en Nouvelle-Aquitaine

Le suivi des bénéficiaires de prestations des Caisses d’allocations familiales (Caf) permet d’étudier certaines conséquences sociales de la pandémie de Covid-19. Si les effectifs de ces allocataires ont tous évolué en raison de la crise sanitaire, ils ne l’ont pas fait dans les mêmes proportions, ni dans le même sens. Ainsi, en un an, le volume d’allocataires néo-aquitains percevant au moins une prestation des Caf augmente de 1,6 % (figure 1).

Sous l’effet de la baisse de la natalité en 2020, seul le nombre de bénéficiaires de prestations liées à la naissance et aux jeunes enfants diminue (– 2,3 % sur la période).

Durant la crise sanitaire, le nombre de travailleurs percevant de faibles revenus s’accroît, avec pour conséquence une augmentation des recours à la Prime d’activité. Les liens entre la situation sur le marché de l’emploi et le nombre d’allocataires de la Prime d’activité sont toutefois complexes. En effet, les entrées dans le dispositif de la Prime d’activité ont deux origines : une baisse des revenus de ceux déjà en activité ou un retour à l’emploi avec de faibles revenus, voire un changement de situation familiale. Quant aux sorties, elles s’opèrent soit à la suite d’une absence totale d’activité, soit, à l’inverse, grâce à des revenus plus conséquents. Ces deux effets jouant en sens inverse, en 2020, le nombre de bénéficiaires de la Prime d’activité augmente seulement de 1 %, contrairement aux années précédentes où il avait fortement augmenté en raison de l’élargissement de ce dispositif.

A contrario, les effectifs d’allocataires bénéficiaires du Revenu de solidarité active (RSA) progressent plus fortement (+ 6,9 % sur la période contre + 8,1 % en France métropolitaine), traduisant les difficultés auxquelles sont confrontés les ménages les plus modestes. C’est en Corse (+ 13,5 %), en Île-de-France et en Provence-Alpes-Côte d’Azur (+ 11 %) que les augmentations sont les plus élevées. En décembre 2020, 151 500 foyers néo-aquitains perçoivent cette prestation, qui couvre au total 293 800 personnes dans la région.

Lors des deux années précédant la crise sanitaire, le nombre d’allocataires du RSA est en légère augmentation.

Au premier trimestre de l’année 2020, les effectifs des bénéficiaires du RSA s’amplifient, conséquence probable de la mise en place de la téléprocédure ayant accru le recours à la prestation. À partir du premier confinement, les mesures gouvernementales prises pour sécuriser les droits des allocataires (encadré) modèrent les sorties du dispositif. Les entrées, en revanche, sont toujours possibles et progressent, en raison de la dégradation du marché du travail. Les effectifs des allocataires du RSA augmentent ainsi tout au long de l’année 2020, pour atteindre un pic au mois de novembre avec 152 400 foyers allocataires (figure 2). Les évolutions observées en Nouvelle-Aquitaine sont similaires à celles de la France métropolitaine.

Avec la crise sanitaire, le RSA, en tant que minimum social, joue son rôle d’amortisseur. En 2020, on dénombre 7 545 entrées dans le dispositif en moyenne par mois, pour 6 740 sorties. Les prestations versées se multiplient dès le premier confinement. À l’issue de celui-ci, la hausse du nombre de bénéficiaires est forte, sous l’effet du ralentissement de l’activité économique : certains secteurs d’activité se retrouvant à l’arrêt (hôtellerie, restauration, commerces non essentiels, établissements de culture et loisirs…), l’emploi baisse de manière inédite. Durant le printemps, les sorties du RSA pour motif de retour à l’emploi s’amenuisent tandis que les entrées progressent.

À partir de l’été, la saison touristique et les emplois saisonniers qui l’accompagnent sont propices aux sorties du RSA. La saisonnalité habituelle de cette prestation est toutefois bouleversée : les années précédentes, les effectifs de ses allocataires diminuent durant l’été. En 2020, ils restent plus élevés que l’année précédente (+ 8,3 % en glissement annuel sur juillet/août), les sorties ne compensant pas les entrées.

Ensuite, avec la poursuite de la reprise économique et le desserrement des contraintes sanitaires, davantage de bénéficiaires sortent du dispositif parce que les retours à l’emploi augmentent. À partir de décembre 2020, le nombre d’allocataires diminue : les sorties deviennent plus nombreuses que les entrées. Cette baisse se poursuit en 2021, et le nombre d’allocataires revient à un niveau proche de celui observé avant le début de la crise, avec 142 000 allocataires dans la région en juin 2021.

Entre janvier et décembre 2020, les départements de Nouvelle-Aquitaine ne sont pas impactés par l’augmentation du nombre d’allocataires du RSA de la même façon. C’est en Corrèze qu’elle est la plus forte (+ 11,3 % contre + 6,1 % pour la région), même si le nombre de bénéficiaires de ce revenu dans le département est relativement faible (2 % des allocataires du RSA de la région). Dans les Pyrénées-Atlantiques, où 10 % des bénéficiaires néo-aquitains du RSA résident, la progression des allocataires est aussi supérieure à la moyenne régionale (+ 8 %). À l’inverse, en Charente, dans la Vienne et en Haute-Vienne, elle est inférieure (respectivement 3,7 %, 4,1 % et 5,1 %). Dans les autres départements, l’augmentation du nombre d’allocataires du RSA est comparable à celle de la région : de 6 % en Gironde à 6 ,9 % dans les Landes.

Les zones d’emploi de la région ne sont pas exposées avec la même intensité aux effets de la crise, la baisse du nombre d’heures travaillées dans les territoires oscillant entre 5 et 13 % pour l’année 2020. La chute de l’activité explique en partie l’augmentation du nombre des allocataires du RSA. Entre novembre 2019 et novembre 2020 (mois où le nombre de bénéficiaires du RSA atteint son maximum), les petites zones d’emploi de l’est de la région enregistrent une plus forte progression des bénéficiaires de cette prestation, même si leur nombre demeure relativement faible (figure 3). À l’ouest, le nombre de bénéficiaires dans les zones d’emploi orientées vers le tourisme, comme La Teste-de-Buch, Royan, Bayonne ou Sarlat-la-Canéda, augmente beaucoup. Il progresse aussi, mais dans une moindre mesure, dans les zones d’emploi des grandes agglomérations. Dans la zone de Bordeaux, qui concentre à elle seule un cinquième des bénéficiaires du RSA en Nouvelle-Aquitaine, il augmente moins qu’au niveau régional.

Seul un allocataire Caf néo-aquitain du RSA sur dix vit dans une commune rurale autonome. Ces communes enregistrent une progression deux fois plus importante du nombre de bénéficiaires à partir du premier confinement : + 8 %, contre + 4 % dans les communes-centre entre mars et décembre 2020. Leurs bénéficiaires sont, en moyenne, plus âgés que ceux vivant dans les communes-centre. Ils sont aussi plus souvent actifs occupés au moment où ils perçoivent la prestation (24 % contre 19 %).

L’activité économique ralentit, alors que les actifs occupés représentent un allocataire sur cinq début 2020, leur part dans l’ensemble des bénéficiaires du RSA augmente jusqu’en novembre (+ 2,5 points). De même, la moitié des bénéficiaires ont moins de 40 ans et, dès le mois de mai, les entrées de ces allocataires augmentent très rapidement, contribuant fortement à la hausse générale (figure 4). Toutefois, leur nombre diminue (en particulier, les moins de 30 ans) dès la fin de l’année à un rythme plus soutenu que celui des allocataires plus âgés.

En outre, les bénéficiaires du RSA sont majoritairement des personnes vivant seules (56 % des allocataires de cette prestation) : leur augmentation en 2020 est plus marquée que celle des allocataires en couple (avec ou sans enfant) ou en famille monoparentale (figure 5). En effet, elles ne disposent que d’une seule source de revenus, et sont davantage vulnérables aux aléas du marché de l’emploi. Leur progression s’étale sur une plus longue période : alors que le nombre de bénéficiaires en couple diminue dès la fin du premier confinement, l’effectif des allocataires isolés percevant le RSA continue d’augmenter jusqu’à la fin de l’année 2020. Parmi ces bénéficiaires isolés, deux sur trois sont des hommes, et la décroissance des bénéficiaires femmes isolées s’avère plus rapide.

Début 2021, la baisse du nombre d’allocataires du RSA se poursuit. Au premier semestre, le nombre d’entrées est inférieur au nombre de sorties (5 907 entrées en moyenne par mois contre 7 461 sorties). Finalement, la crise sanitaire n’augmente que peu la part des primo-accédants au RSA. Quelle que soit la période, six entrées sur dix dans le dispositif concernent des allocataires ayant déjà bénéficié du RSA auparavant, mais qui ont pu en sortir à un moment en fonction de l’évolution de leurs ressources et/ou de leur situation familiale. Le profil des primo-accédants reste aussi globalement le même avant et pendant la crise : quatre sur dix sont des hommes isolés, trois sur dix ont entre 25 et 29 ans.

Au mois de février 2020, 143 000 foyers néo-aquitains perçoivent le RSA. Parmi eux, 57 % n’ont pas d’autres ressources que les prestations de la Caf. Au mois de décembre, les bénéficiaires du RSA déjà présents avant le premier confinement ne sont plus que 108 000, mais leur précarité augmente : ils sont alors 64 % à être totalement dépendants des prestations de la Caf. Le montant trimestriel des ressources déclarées pour obtenir le RSA chute de 46 % durant ces dix derniers mois de 2020. Au mois de mai 2021, le nombre de ces allocataires, déjà présents avant la crise s’élève à 97 500 et 67 % d’entre eux sont totalement dépendants. Parmi eux, 30 % ont plus de 50 ans.