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Insee Flash Réunion · Mars 2022 · n° 223
Insee Flash RéunionÀ La Réunion, malgré quelques exceptions, un accès limité des femmes aux fonctions de pouvoir

Noémie Letailleur (Insee)

Que ce soit en politique, dans les entreprises ou les administrations, les Réunionnaises accèdent moins que les hommes aux fonctions de pouvoir. Si les femmes sont aussi nombreuses que les hommes parmi l’ensemble des élu·es des collectivités territoriales en application des lois sur la parité, peu d’entre elles accèdent aux hautes fonctions de responsabilités. Ainsi, La Réunion est l’un des départements où la part de femmes maires est la plus faible : 13 % en 2021, contre 20 % au niveau national. Les femmes accèdent aussi moins souvent qu’ailleurs aux postes de direction : elles occupent seulement 34 % de ces postes dans les administrations publiques et 19 % dans les grandes entreprises. La parité progresse néanmoins au sein des jeunes générations.

Insee Flash Réunion
No 223
Paru le :Paru le08/03/2022

Que ce soit en politique, dans les entreprises ou dans les administrations, les femmes accèdent moins souvent que les hommes aux fonctions de pouvoir.

La Réunion, l’un des départements avec le moins de femmes maires

Conformément à l’application des lois sur la parité, les femmes sont dorénavant aussi nombreuses que les hommes parmi l’ensemble des élu·es des collectivités territoriales réunionnaises. En effet, les listes composées pour les élections municipales, départementales ou régionales doivent présenter autant d’hommes que de femmes. Certaines accèdent aux plus hautes responsabilités : depuis 2021, trois femmes sont maires d’une commune – dont une de la ville de Saint-Denis, la plus grande commune des Outre-mer -, et une autre est Présidente du Conseil régional de La Réunion. Mais la plupart occupent des postes de moindre importance, si bien que, au total, seulement 13 % des 24 communes de l’île ont une femme à leur tête (figure 1). Ce constat place le département loin derrière la moyenne nationale, pourtant déjà en deçà des objectifs de parité (20 %). Seuls les départements de la Corse (12 %) et de Mayotte (aucune femme maire) ont élu moins de femmes maires. Les femmes sont toutefois davantage élues que par le passé : en 2014, seule une femme était maire.

Quant aux adjoints au maire, si l’alternance des deux sexes est une obligation légale, dans deux cas sur trois, c’est un homme qui est premier adjoint et une femme deuxième adjointe, à La Réunion comme ailleurs en France.

De plus, aucune femme ne préside l’une des cinq intercommunalités et des trois chambres consulaires.

En revanche, la parité est quasiment respectée parmi les parlementaires : cinq femmes sont députées ou sénatrices pour six hommes.

Figure 1Part de femmes en politique à La Réunion en 2021

Part de femmes en politique à La Réunion en 2021
Élus Femmes (en nombre) Hommes (en nombre) Part de femmes (en %)
Maires 3 21 13
1er adjoints de mairie 7 16 30
2e adjoints de mairie 16 8 67
Autres membres de conseils municipaux 413 409 50
Présidences de Région, du Département 1 1 50
Membres du Conseil départemental 25 25 50
Membres du Conseil régional 23 23 50
Présidences de conseils communautaires* ou de chambres consulaires ** 1 9 10
Parlementaires 5 6 45
  • * 5 EPCI, ** CCI, CMA, Chambre d’agriculture.
  • Source : données issues de l’exploitation du Répertoire national des élus, données arrêtées au 15/12/2021.

Figure 1Part de femmes en politique à La Réunion en 2021

  • * 5 EPCI, ** CCI, CMA, Chambre d’agriculture.
  • Source : données issues de l’exploitation du Répertoire national des élus, données arrêtées au 15/12/2021.

Dans les conseils municipaux, des femmes plus jeunes que les hommes

Les jeunes générations de Réunionnaises entrent davantage en politique que par le passé. Dans les conseils municipaux, les femmes sont plus jeunes que les hommes, en particulier celles qui accèdent aux plus hautes responsabilités. Deux des trois femmes maires de Saint-Denis, La Possession et Saint-Louis ont moins de 40 ans. Les 7 premières adjointes ont en moyenne 6 ans de moins que leurs homologues masculins (54 ans contre 60 ans). En revanche, les deuxièmes adjointes sont un peu plus âgées (52 ans contre 50 ans). Parmi les 800 autres postes en conseil municipal, les femmes sont un peu plus jeunes : 49 ans en moyenne contre 52 ans pour les hommes.

« Madame la directrice », une expression encore plus rare à La Réunion qu’ailleurs

Une femme qui accède à un haut poste de dirigeante est un fait encore plus rare à La Réunion qu’ailleurs, dans le secteur public comme dans le privé. Début 2020, la part de directrices dans la fonction publique réunionnaise est la plus faible de France : seuls 34 % des 76 postes de direction sont occupés par des femmes, contre 42 % au niveau national (hors Mayotte). Dans le secteur privé, les femmes sont encore moins souvent à un poste de direction que dans le public : seules 19 % des 146 cadres participant à la direction d’une entreprise de plus de 250 salarié·es sont des femmes, contre 26 % au niveau national. La Corse est la seule région où les femmes dirigeantes de grandes entreprises est plus faible (9 %).

Les directrices sont plus nombreuses dans la fonction publique que dans le secteur privé car la parité est quasiment atteinte dans la fonction publique hospitalière : les femmes occupent 46 % des 26 postes de direction d’hôpital (figure 2). C’est aussi à l’hôpital que les écarts de salaire sont les moins prononcés : les directrices d’hôpital gagnent 10 % de moins que leurs homologues masculins. Ces écarts de salaire sont d’un niveau proche dans la fonction publique d’État (13 %), mais deux fois plus élevés dans la fonction publique territoriale (21 %). Ces écarts sont par ailleurs identiques pour les dirigeantes du public âgées de 30 à 49 ans et pour les dirigeantes plus âgées. Les différences de salaire s’expliquent donc peu par une ancienneté moindre des femmes sur les postes de direction.

En dehors de l’hôpital, les dirigeantes d’une structure publique sont nettement plus rares : 27 % des 30 postes de direction de la fonction publique d’État sont occupés par des femmes et 30 % des 20 postes dans la territoriale.

La présence des femmes y est proche de celle des plus grandes entreprises réunionnaises, de plus de 1 000 salariés : elles occupent 28 % des 54 postes de direction. En revanche, les femmes dirigent nettement moins souvent les entreprises de 250 à 1 000 salariés : elles occupent seulement 11 % des 54 postes de direction des entreprises réunionnaises de 250 à 500 salariés et seulement 18 % des 38 postes de direction des entreprises de 500 à 1 000 salariés, des parts bien plus faibles qu’au niveau national. La moindre place des femmes dans ces entreprises de moins de 1 000 salariés est liée à des contraintes légales moins fortes : ce n’est qu’à partir du seuil de 500 salariés que les entreprises doivent respecter un quota de 40 % de femmes dans leurs conseils d’administrations et conseils de surveillance. Cette mesure est étendue depuis 2020 aux entreprises de plus de 250 salariés.

Figure 2Part des femmes dirigeantes par secteur début 2020

en %
Part des femmes dirigeantes par secteur début 2020 (en %)
Secteurs La Réunion France
Privé De 250 à 499 salariés 11 24
De 500 à 999 salariés 18 26
1 000 salariés ou plus 28 27
Public Fonction publique de l’État 27 32
Fonction publique territoriale 30 32
Fonction publique hospitalière 46 54
dont directeurs hôpitaux 48 49
  • Champ : France hors Mayotte, ensemble des cadres dirigeants en activité au 31/12/2019, entreprises de 250 salariés ou plus pour le privé.
  • Sources : Insee, Sisasp 2019 public, traitements SDessi-DGAFP et Base tous salariés 2019 privé.

Figure 2Part des femmes dirigeantes par secteur début 2020

  • Champ : France hors Mayotte, ensemble des cadres dirigeants en activité au 31/12/2019, entreprises de 250 salariés ou plus pour le privé.
  • Sources : Insee, Sisasp 2019 public, traitements SDessi-DGAFP et Base tous salariés 2019 privé.

Quelle que soit la taille de l’entreprise, les écarts de salaire y sont nettement plus importants que dans le public : les femmes dirigeantes gagnent 34 % de moins que les hommes dans ces entreprises contre 14 % de moins dans les administrations publiques. Cet écart est moins élevé au niveau national : 24 % contre 13 % (figure 3). Alors qu’en moyenne en France, ces écarts de salaire entre dirigeantes et dirigeants augmentent avec l’âge, à La Réunion, ils sont plutôt stables. Comme pour les dirigeantes du public, l’ancienneté sur le poste ne paraît donc pas constituer l’explication principale de ces différences de salaire.

Figure 3 Écart de salaire entre les femmes et les hommes sur les hauts postes de direction début 2020

en %
Écart de salaire entre les femmes et les hommes sur les hauts postes de direction début 2020 (en %) - Lecture : à La Réunion, le salaire net moyen annualisé des femmes occupant un emploi de direction dans la fonction publique au 31/12/2019 est inférieur de 14 % à celui des hommes, contre 13 % en France hors Mayotte.
Secteur La Réunion France
Privé 34 24
Public 14 13
  • Lecture : à La Réunion, le salaire net moyen annualisé des femmes occupant un emploi de direction dans la fonction publique au 31/12/2019 est inférieur de 14 % à celui des hommes, contre 13 % en France hors Mayotte.
  • Champ : France hors Mayotte, ensemble des cadres dirigeants en activité au 31/12/2019, entreprises de 250 salariés ou plus.
  • Sources : Insee, Sisasp 2019 public, traitements SDessi-DGAFP et Base tous salariés 2019 privé.

Figure 3 Écart de salaire entre les femmes et les hommes sur les hauts postes de direction début 2020

  • Lecture : à La Réunion, le salaire net moyen annualisé des femmes occupant un emploi de direction dans la fonction publique au 31/12/2019 est inférieur de 14 % à celui des hommes, contre 13 % en France hors Mayotte.
  • Champ : France hors Mayotte, ensemble des cadres dirigeants en activité au 31/12/2019, entreprises de 250 salariés ou plus.
  • Sources : Insee, Sisasp 2019 public, traitements SDessi-DGAFP et Base tous salariés 2019 privé.

Dans les jeunes générations, des dirigeantes plus nombreuses que parmi leurs aînées

Entre 30 et 49 ans, les femmes occupent plus souvent des fonctions de direction que leurs aînées. Dans les entreprises de 250 salariés ou plus, 27 % des 55 postes de direction occupés par un trentenaire ou un quarantenaire le sont par des femmes, une part proche du niveau national (31 %). Dans les 17 établissements publics dirigés par un cadre de 30 à 49 ans, elles sont même majoritaires : 59 %, contre 51 % en France. Cette présence accrue des dirigeantes âgées de 30 à 49 ans s’explique par un effet génération : les jeunes femmes accèdent moins difficilement que leurs aînées aux postes à responsabilité. Mais cela reflète aussi probablement des trajectoires de carrière différentes, avec des femmes qui ont davantage de difficultés que les hommes à rester sur ces postes exigeants en termes de disponibilité.

Encadré 1 - Peu de femmes cheffes d’entreprise

Au-delà d’accéder à un poste de direction dans un établissement public ou dans une grande entreprise, créer sa propre structure constitue l’un des leviers permettant de favoriser l’égalité professionnelle entre femmes et hommes.

Début 2020, 37 % des non-salariés sont des femmes : 12 500 Réunionnaises travaillent ainsi à leur compte, la plupart (8 200) sous le statut d’entreprise individuelle (hors microentreprise). Ce statut intègre les professions libérales pour lesquelles les femmes sont aussi nombreuses que les hommes, en lien avec leur présence importante dans le secteur de la santé.

Les cheffes d’entreprises individuelles perçoivent en moyenne 3 100 € par mois, un revenu à peine inférieur à celui de leurs homologues masculins (- 5 %) (figure 4). L’écart est nettement plus conséquent pour les 3 000 gérantes de société : elles gagnent 2 600 € par mois contre 3 400 pour les gérants (- 25 %). Quant aux 1 400 femmes microentrepreneuses, leurs revenus sont encore plus faibles que ceux des hommes : 620 € par mois contre 750 € (- 17 %).

Figure 4Écart de salaires entre les femmes et les hommes non-salariés début 2020

en €
Écart de salaires entre les femmes et les hommes non-salariés début 2020 (en €) - Lecture : à La Réunion, les femmes gérantes majoritaires de sociétés ont perçu courant 2019 un revenu d’activité annualisé de 2 570€ contre 3 400€ pour les hommes.
Statut d’entreprise Femmes Hommes
Micro-entreprises 620 750
Entreprises individuelles 3 110 3 270
Sociétés 2 570 3 400
  • Note : le statut du travailleur non salarié correspond à celui de l’emploi principal en tant que dirigeant. Les revenus sont ceux de 2019, revenus d’activité pour les non-salariés.
  • Lecture : à La Réunion, les femmes gérantes majoritaires de sociétés ont perçu courant 2019 un revenu d’activité annualisé de 2 570€ contre 3 400€ pour les hommes.
  • Champ : La Réunion, ensemble des dirigeants non salariés au 31/12/2019 dans le secteur privé, hors agriculture.
  • Source : Insee, Base non-salariés 2019.

Figure 4Écart de salaires entre les femmes et les hommes non-salariés début 2020

  • Note : le statut du travailleur non salarié correspond à celui de l’emploi principal en tant que dirigeant. Les revenus sont ceux de 2019, revenus d’activité pour les non-salariés.
  • Lecture : à La Réunion, les femmes gérantes majoritaires de sociétés ont perçu courant 2019 un revenu d’activité annualisé de 2 570€ contre 3 400€ pour les hommes.
  • Champ : La Réunion, ensemble des dirigeants non salariés au 31/12/2019 dans le secteur privé, hors agriculture.
  • Source : Insee, Base non-salariés 2019.

Encadré 2 - Des lois pour faire progresser la parité

Les entreprises d’au moins 50 salariés doivent avoir négocié un accord ou, à défaut, défini un plan d’actions visant à parvenir à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

À La Réunion, en 2021, selon des données de la direction de l'Économie, de l'Emploi, du Travail et des Solidarités (Deets) de La Réunion, 63 entreprises sur les 280 concernées disposent d’un accord ou d’un plan d’action à jour.

Depuis 2020, ces entreprises doivent calculer un « index de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes ». Il s’agit d’une note sur 100 points reflétant la situation de l’entreprise par rapport à l’égalité professionnelle et notamment les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes. Si l’index est inférieur à 75, des mesures correctives doivent être mises en œuvre pour atteindre l’objectif. C’est le cas pour une vingtaine d’entreprises à La Réunion, soit 9 % des entreprises pour lesquelles un index a été calculé, un niveau proche de la moyenne nationale (7 %).

Publication rédigée par :Noémie Letailleur (Insee)

Définitions

Les emplois de direction du secteur privé regroupent dans cette étude les cadres participant à la direction des entreprises de 250 salariés ou plus. Ce sont les cadres d’état-major administratifs, financiers, commerciaux et directeurs techniques (professions et catégories socioprofessionnelles (PCS) 371a et 380a, qui ne concernent que les plus grandes entreprises), ainsi que, parmi les cadres administratifs et commerciaux (PCS 37) et ingénieurs et cadres techniques (PCS 38), ceux dont le libellé d’emploi déclaré dans les sources sociales les qualifie comme tels (« directeur exécutif », « directeur financier », par exemple). Sont inclus aussi les dirigeants et dirigeantes salariées, c’est-à-dire les personnes ayant reçu mandat des propriétaires pour assurer la direction de la société en leur nom, tout en ayant un statut assimilé à celui de salarié. Elles sont identifiées par la nature de leur contrat ou leur libellé d’emploi.

Les emplois de direction dans la fonction publique sont les emplois de direction d’établissement, assortis de responsabilité de gestion des unités sous leur responsabilité. Cette définition est plus restrictive que celle des emplois d’encadrement supérieur et de direction, en particulier pour les fonctions publiques d’État et territoriale, car elle n’inclue pas les chefs de service des établissements publics.

Pour en savoir plus

Insee, « Femmes et Hommes, l’égalité en question », coll. « Insee Références », édition 2022, mars 2022.

Grangé C., « Encore loin d’une égalité entre les femmes et les hommes », Insee Flash La Réunion n° 197, mars 2021.

Seguin S., Touzet C., « Forte croissance de l’emploi public, malgré une chute des contrats aidés en fin de période - L’emploi public de 2011 à 2018 à La Réunion », Insee Analyses La Réunion n° 54, février 2021.