Insee
Insee Première · Février 2022 · n° 1894
Insee PremièreLa gestion des salariés dans les groupes industriels : des logiques différenciées selon les filiales

Bruno Labaye (Insee)

Sur les 2 millions de salariés des groupes industriels en 2019, un sur cinq est employé par une filiale non industrielle (commerce ou service). Pour 56 % de ces salariés, une convention collective de branche industrielle est appliquée. Pour un groupe industriel donné, plus la filiale est spécialisée et assume un lien fonctionnel avec les filiales industrielles, plus elle est susceptible d’appliquer une convention industrielle. Cette situation a d’autant plus de chance de se produire que la filiale emploie une plus forte proportion de cadres. Ces conventions industrielles prévoient en général des dispositions salariales plus favorables : leur application se traduirait ainsi, pour ces postes, par un minimum moyen de grille salariale supérieur de 9 %. Les salaires effectivement perçus dans ces filiales de commerce ou de service sont supérieurs à ceux par ailleurs pratiqués dans les entreprises du commerce et des services.

Dans l’industrie, 400 000 salariés travaillent dans des filiales de commerce ou de service

En 2019, dans l’industrie, trois salariés sur quatre travaillent dans une entreprise qui possède une de commerce ou de service, soit 2 millions de salariés. Les  industrielles les plus importantes segmentent en effet certaines fonctions qu’elles confient à des filiales essentiellement subordonnées à l’industrie, que ce soit comme auxiliaires à la production immédiate (achat de moyens de production, support administratif et technique, ingénierie) ou à la circulation des produits (commercialisation ou location de la marchandise produite). Ces filiales réalisent également des prestations complémentaires tournées directement vers le client (comme la maintenance préventive ou le conseil technique). Ensemble, ces entreprises industrielles emploient un salarié sur cinq dans des filiales de commerce ou de service, soit 400 000 salariés.

56 % des postes de filiales non industrielles sont couverts par une convention collective industrielle

L’organisation en ouvre la possibilité pour une entreprise donnée de segmenter la gestion de sa main d’œuvre par l’application de règles différentes entre chacune de ses filiales. La  est un des leviers de régulation des conditions d’emploi, en particulier des conditions salariales. Elle s’applique au niveau de l’, c’est-à-dire ici au niveau de chaque filiale, notamment en fonction des métiers pratiqués. Dans un groupe industriel, les salariés des filiales de commerce ou de service peuvent être couverts par une convention collective différente de celle correspondant à ses activités industrielles. De fait, les pratiques s’avèrent contrastées : la moitié des groupes appliquent une pour toutes leurs filiales de commerce ou de service en 2019. Traduit en postes, cette situation concerne 59 % des salariés des filiales de service et 54 % de ceux des filiales de commerce (figure 1). Au total, 56 % des postes affectés à des filiales de commerce ou de service sont couverts par une convention collective industrielle propre au groupe industriel qui les emploie.

Figure 1 – Types de conventions collectives appliquées dans les filiales de groupes industriels

en %
Figure 1 – Types de conventions collectives appliquées dans les filiales de groupes industriels (en %) - Lecture : dans les filiales de commerce des groupes industriels, 46 % des postes sont couverts par une convention collective relevant du commerce, 43 % par la convention en vigueur dans le cœur de métier industriel du groupe et 11 % par une convention collective industrielle du groupe (hors cœur de métier).
Type de filiale Parts des effectifs Type de convention
Convention du cœur de métier industriel1 Autre convention industrielle Convention hors industrie Ensemble
Filiale industrielle 79 88 11 1 100
Filiale hors industrie 21 47 9 44 100
Commerce 11 43 11 46 100
Service 9 52 7 41 100
Ensemble 100 80 10 10 100
  • 1. Le cœur de métier s’entend au niveau de nomenclature A17.
  • Lecture : dans les filiales de commerce des groupes industriels, 46 % des postes sont couverts par une convention collective relevant du commerce, 43 % par la convention en vigueur dans le cœur de métier industriel du groupe et 11 % par une convention collective industrielle du groupe (hors cœur de métier).
  • Champ : postes salariés (hors emplois annexes) des filiales d'entreprises du secteur de l'industrie manufacturière.
  • Source : Insee, Esane 2019 et base Tous salariés 2019.

Figure 1 – Types de conventions collectives appliquées dans les filiales de groupes industriels

  • 1. Le cœur de métier s’entend au niveau de nomenclature A17.
  • Lecture : dans les filiales de commerce des groupes industriels, 46 % des postes sont couverts par une convention collective relevant du commerce, 43 % par la convention en vigueur dans le cœur de métier industriel du groupe et 11 % par une convention collective industrielle du groupe (hors cœur de métier).
  • Champ : postes salariés (hors emplois annexes) des filiales d'entreprises du secteur de l'industrie manufacturière.
  • Source : Insee, Esane 2019 et base Tous salariés 2019.

Logiques fonctionnelles et concentration de compétences pour les missions industrielles des groupes

Toute convention collective appliquée à un salarié est liée au métier pratiqué. Or, avoir des filiales permet à un groupe de concentrer des métiers et donc de bénéficier d’une spécialisation fonctionnelle (industrie, commerce, service) pour étendre le champ d’action de l’entreprise (encadré). Mais, la polarisation des catégories socioprofessionnelles est également très marquée selon le type de filiales. Dans les filiales industrielles, les postes se concentrent sur les aspects pratiques de la production : 47 % des postes sont occupés par des ouvriers (dont deux tiers d’ouvriers qualifiés), 30 % par des techniciens et des cadres techniques (ingénieurs) (figure 2).

Figure 2 – Répartition des professions et catégories socioprofessionnelles dans les filiales de groupes industriels

en %
Figure 2 – Répartition des professions et catégories socioprofessionnelles dans les filiales de groupes industriels (en %) - Lecture : dans les filiales industrielles des groupes industriels, 47 % des salariés sont des ouvriers.
Catégorie de salariés Filiales industrielles Filiales de commerce dont commerce de gros dont commerce de détail Filiales
de service
dont
ingénierie
dont
pilotage
dont
logistique
Ensemble
Ouvriers 47 21 19 10 12 6 5 65 41
Employés 6 24 18 61 16 4 16 8 9
Techniciens 13 6 8 2 9 20 5 4 12
Cadres techniques 17 9 12 3 29 51 21 10 18
Cadres autres 8 21 25 12 22 13 39 4 10
Professions intermédiaires (hors techniciens) 9 19 18 12 12 6 14 9 10
Ensemble 100 100 100 100 100 100 100 100 100
Part en effectifs salariés 79,6 10,7 7,3 1,8 8,8 2,3 3 0,8
  • Lecture : dans les filiales industrielles des groupes industriels, 47 % des salariés sont des ouvriers.
  • Champ : postes salariés (hors emplois annexes) des filiales d'entreprises du secteur de l'industrie manufacturière.
  • Source : Insee, Esane 2019 et base Tous salariés 2019.

Figure 2 – Répartition des professions et catégories socioprofessionnelles dans les filiales de groupes industriels

  • Lecture : dans les filiales industrielles des groupes industriels, 47 % des salariés sont des ouvriers.
  • Champ : postes salariés (hors emplois annexes) des filiales d'entreprises du secteur de l'industrie manufacturière.
  • Source : Insee, Esane 2019 et base Tous salariés 2019.

Du côté des filiales de commerce, celles qui opèrent dans le commerce de détail regroupent une très large majorité d’employés tandis que celles du commerce de gros spécialisées dans les produits du groupe concentrent une majorité de salariés techniquement qualifiés (ingénieurs, techniciens, ouvriers qualifiés), dont une forte proportion de cadres. De surcroît, pour les groupes qui possèdent plusieurs filiales de commerce de gros (22 % des groupes avec filiale de commerce), une différence similaire s’opère entre les filiales spécialisées directement situées en aval du groupe et celles, plus généralistes et moins directement intégrées au cœur industriel du groupe, qui regroupent une proportion beaucoup plus importante d’employés.

Une polarisation analogue s’observe entre certaines filiales de service : dans les filiales les plus stratégiques (ingénierie et pilotage), la part d’employés et d’ouvriers est faible tandis que la concentration de salariés est forte parmi les plus techniquement qualifiés (ingénieurs, techniciens).

Une logique d’attractivité sur des postes stratégiques

La fonction principale assignée par le groupe à sa filiale semble conditionner le choix de la convention collective. Plus la filiale est spécialisée et assume un lien fonctionnel avec les filiales industrielles, plus elle est en effet susceptible d’appliquer une convention industrielle (figure 3). La majorité des conservent ainsi une convention industrielle du groupe. C’est également le cas des filiales de commerce de gros et tout particulièrement celles situées au plus proche de l’activité industrielle. De même, les filiales dédiées au pilotage (dont le siège social, les ressources humaines, la gestion) conservent généralement la convention collective industrielle du groupe. En revanche, pour les filiales dont le secteur correspond à des activités par ailleurs déjà largement externalisées par l’industrie en général (comme les services de logistique ou le commerce de détail), une convention industrielle n’est appliquée que dans un cas sur trois. Par ailleurs, une filiale dont la fonction n’est pas principalement industrielle a davantage tendance à bénéficier de la convention collective industrielle du groupe lorsqu’elle emploie une forte proportion de cadres. En outre, la convention industrielle peut être en soi un moyen de maintenir un lien, une culture d’entreprise entre filiales.

Figure 3 – Part des filiales (de groupe industriel) sous convention industrielle, en fonction de leur secteur d’activité

en %
Figure 3 – Part des filiales (de groupe industriel) sous convention industrielle, en fonction de leur secteur d’activité (en %) - Lecture : parmi les filiales de commerce de groupe industriel, 49 % appliquent une convention collective de type industriel ; parmi l'ensemble des postes de filiales de commerce de gros de groupe industriel, 66 % sont sous convention industrielle.
Part des filiales
sous convention industrielle
Part des postes (en EQTP1)
sous convention industrielle
Service
Pilotage 68 82
Ingénierie 56 77
Logistique 36 34
Autres 30 41
Ensemble des filiales de service 53 65
Commerce
Commerce de détail 39 31
Commerce de gros 54 66
dont gros directement aval 60 76
Ensemble des filiales de commerce 49 53
Ensemble des filiales hors industrie 51 58
  • 1. Équivalent temps plein.
  • Lecture : parmi les filiales de commerce de groupe industriel, 49 % appliquent une convention collective de type industriel ; parmi l'ensemble des postes de filiales de commerce de gros de groupe industriel, 66 % sont sous convention industrielle.
  • Champ : unités légales appartenant au contour d'une entreprise du secteur de l'industrie manufacturière.
  • Source : Insee, Esane 2019 et base Tous salariés 2019.

Figure 3 – Part des filiales (de groupe industriel) sous convention industrielle, en fonction de leur secteur d’activité

  • 1. Équivalent temps plein.
  • Lecture : parmi les filiales de commerce de groupe industriel, 49 % appliquent une convention collective de type industriel ; parmi l'ensemble des postes de filiales de commerce de gros de groupe industriel, 66 % sont sous convention industrielle.
  • Champ : unités légales appartenant au contour d'une entreprise du secteur de l'industrie manufacturière.
  • Source : Insee, Esane 2019 et base Tous salariés 2019.

Un renchérissement moyen de 9 % du minimum de grille salariale

Au sein d’un groupe industriel, les conventions industrielles sont en général plus favorables que les autres. L’« effort » salarial alors induit pour le groupe peut être illustré par une comparaison des minima salariaux de branche prévus, d’un côté, par la convention industrielle appliquée à la filiale et, de l’autre, par celle correspondant au secteur d’activité de cette même filiale (sources et méthodes). En 2019, l’écart moyen représente un renchérissement du minimum de grille salariale correspondant à 9 % du salaire minimum conventionnel des postes des filiales de commerce et de service concernées (figure 4). Il existe cependant une très forte hétérogénéité selon les postes et le type de filiales.

Figure 4 – Surcoût de minimum salarial induit par l’application d'une convention industrielle dans les filiales hors industrie, par type de poste

en %
Figure 4 – Surcoût de minimum salarial induit par l’application d'une convention industrielle dans les filiales hors industrie, par type de poste (en %) - Lecture : pour les groupes du secteur des biens d'équipement, l'application de conventions industrielles dans certaines filiales de commerce et de service se traduit par un renchérissement de la grille salariale de 12,5 %. Cet écart se décompose en 8,6 points dûs aux cadres de filiales d'ingénierie, 2,8 points dûs aux autres cadres et 1,1 point dû aux autres salariés.
Secteur du groupe Part des effectifs salariés Postes de filiales de commerce et service
Postes de cadre de filiales d’ingénierie
(y c. informatique)
Postes de cadre de filiales de commerce ou de service
(hors ingénierie)
Autres postes de filiales de commerce ou de service Ensemble
Biens d'équipement 20 8,6 2,8 1,1 12,5
Chimie-pharmacie 29 4,5 1,5 1,0 7,0
Industries alimentaires 17 0,5 1,4 1,5 3,4
Matériels de transport 12 10,0 3,6 0,7 14,3
Autres secteurs 22 2,4 3,3 1,1 6,8
Ensemble 100 5,3 2,4 1,1 8,8
  • Note : les écarts sont exprimés en points de salaire minimum conventionnel.
  • Lecture : pour les groupes du secteur des biens d'équipement, l'application de conventions industrielles dans certaines filiales de commerce et de service se traduit par un renchérissement de la grille salariale de 12,5 %. Cet écart se décompose en 8,6 points dûs aux cadres de filiales d'ingénierie, 2,8 points dûs aux autres cadres et 1,1 point dû aux autres salariés.
  • Champ : postes salariés (hors emplois annexes) des filiales de commerce ou service d'entreprises du secteur de l'industrie manufacturière.
  • Sources : Insee, Esane 2019 et base Tous salariés 2019 ; Dares, base des minima de branche 2019.

Figure 4 – Surcoût de minimum salarial induit par l’application d'une convention industrielle dans les filiales hors industrie, par type de poste

  • Note : les écarts sont exprimés en points de salaire minimum conventionnel.
  • Lecture : pour les groupes du secteur des biens d'équipement, l'application de conventions industrielles dans certaines filiales de commerce et de service se traduit par un renchérissement de la grille salariale de 12,5 %. Cet écart se décompose en 8,6 points dûs aux cadres de filiales d'ingénierie, 2,8 points dûs aux autres cadres et 1,1 point dû aux autres salariés.
  • Champ : postes salariés (hors emplois annexes) des filiales de commerce ou service d'entreprises du secteur de l'industrie manufacturière.
  • Sources : Insee, Esane 2019 et base Tous salariés 2019 ; Dares, base des minima de branche 2019.

L’écart est essentiellement dû à des postes situés dans des filiales de services techniques à forte valeur ajoutée (principalement ingénierie), notamment des postes de cadres. Dans ces filiales, l’écart est en effet très sensible à la qualification du poste (allant de + 2 points pour les ouvriers et les employés à + 20 points pour les cadres). En dehors de ces filiales d’ingénierie, l’écart est en revanche plus homogène et se situe entre + 2 points et + 6 points selon la qualification du poste. Cet effet est renforcé par une surreprésentation générale des cadres dans les filiales de commerce et de service qui appliquent une convention collective industrielle par rapport à celles qui ne l’appliquent pas.

L’écart entre les minima de grille salariale (salaires conventionnels) est nettement plus important pour les fabricants de biens d’équipement ou de matériels de transport, secteurs qui déploient plus de filiales d’ingénierie. Ces filiales peuvent se tourner fortement vers l’extérieur du groupe [Gilet et al., 2020] : en regroupant des activités d’ingénierie mobilisées pour la fabrication de biens d’équipement ou de matériels de transport, elles peuvent aussi proposer des prestations (notamment d’étude, de conception ou encore de suivi technique) en dehors du groupe.

Des salaires plus attractifs pour les cadres de filiales hors industrie sous convention industrielle

Les salariés des filiales de service sous convention industrielle bénéficient d’un salaire horaire brut moyen bien supérieur à celui pratiqué dans les groupes de service spécialisés dans le même secteur. Il en va de même pour les filiales de commerce. Cette différence est très marquée dans les filiales les plus stratégiques pour l’industrie, notamment dans l’ingénierie : par rapport à leurs homologues salariés par des groupes spécialisés dans l’ingénierie, les cadres des filiales de groupes industriels sous convention industrielle bénéficient en 2019 d’un salaire horaire brut moyen de 14 points supérieur (+ 7 points pour les professions intermédiaires). C’est également le cas pour les filiales de commerce de gros et tout particulièrement pour celles spécialisées dans le commerce d’équipement industriel. En revanche, les filiales de commerce ou de service sous convention non industrielle alignent leurs conditions salariales sur celles des groupes du même secteur.

La comparaison des rémunérations entre les filiales de groupes industriels met en évidence une forte spécificité des cadres. Contrairement aux autres catégories de salariés, le niveau de rémunération des cadres est très hétérogène : ceux rattachés à des filiales de commerce ou de service qui conservent la convention industrielle du groupe perçoivent un salaire horaire généralement beaucoup plus élevé que leurs homologues du cœur de métier (figure 5). L'application d’une convention industrielle participe d’une « survalorisation » des cadres employés dans certaines filiales de commerce et de service.

Figure 5 – Salaire horaire brut moyen dans les groupes industriels, par catégorie socioprofessionnelle

en euros par heure
Figure 5 – Salaire horaire brut moyen dans les groupes industriels, par catégorie socioprofessionnelle (en euros par heure) - Lecture : parmi les cadres salariés par un groupe industriel, ceux en poste dans une filiale de service qui applique une convention industrielle gagnent en moyenne 52 euros brut par heure.
Type de convention Filiales
Industrie Commerce Service
Cadres
Convention industrielle 41 46 52
Autre convention ns 37 37
Professions intermédiaires
Convention industrielle 24 26 26
Autre convention ns 22 21
Employés-ouvriers
Convention industrielle 18 18 19
Autre convention ns 16 16
Ensemble des salariés
Convention industrielle 25 30 40
Autre convention ns 21 24
  • ns : non significatif.
  • Lecture : parmi les cadres salariés par un groupe industriel, ceux en poste dans une filiale de service qui applique une convention industrielle gagnent en moyenne 52 euros brut par heure.
  • Champ : postes salariés (hors emplois annexes) des filiales d'entreprises du secteur de l'industrie manufacturière.
  • Source : Insee, Esane 2019 et base Tous salariés 2019.

Figure 5 – Salaire horaire brut moyen dans les groupes industriels, par catégorie socioprofessionnelle

  • Lecture : parmi les cadres salariés par un groupe industriel, ceux en poste dans une filiale de service qui applique une convention industrielle gagnent en moyenne 52 euros brut par heure.
  • Champ : postes salariés (hors emplois annexes) des filiales d'entreprises du secteur de l'industrie manufacturière.
  • Source : Insee, Esane 2019 et base Tous salariés 2019.

Au sein d’une entreprise industrielle, l'application d’une convention collective industrielle pour une filiale de commerce ou de service semble traduire plusieurs logiques complémentaires. Elle est fortement liée au niveau de qualification des postes regroupés dans la filiale ainsi qu’au caractère stratégique que revêt cette dernière pour le groupe. Ce comportement peut répondre à la nécessité technique et/ou stratégique, imposée par la concurrence, d’investir fortement dans certains postes qualifiés susceptibles de contribuer à hisser l’entreprise au-dessus de ses concurrents. Les filiales qui en sont le fer de lance regroupent une forte proportion d’ingénieurs ou de cadres stratégiques et, pour des raisons notamment d’attractivité, elles ont tendance à bénéficier de conditions salariales très favorables, passant notamment par l’application d’une convention collective industrielle dont la grille salariale est relativement élevée. C’est l’inverse pour les autres filiales aux missions plus générales et qui, par ailleurs, regroupent une proportion importante de métiers beaucoup plus faiblement rémunérés en général (employés de commerce et de service).

Encadré – Des filiales non industrielles au service d’une extension du champ d’action du groupe industriel

Les filiales de commerce développées par les entreprises industrielles sont essentiellement situées en aval de leur activité industrielle, surtout dans le commerce de gros. Ces filiales concentrent une part importante de cadres et d’employés de commerce (40 %), notamment liés à la vente. Cependant, une frange non négligeable de cadres techniques, de techniciens et d’ouvriers est également présente dans ces filiales (30 %). Ainsi, à travers leurs filiales de commerce, certains groupes industriels ne réalisent pas seulement la vente des marchandises produites par leurs filiales industrielles, ils y adjoignent également des prestations liées, comme la livraison et l’installation voire la réparation et la maintenance des produits vendus (d’où la présence d’ouvriers qualifiés et de techniciens liés à ces métiers).

Les filiales de service assurent en premier lieu des fonctions administratives et stratégiques de support à l’activité interne du groupe (siège, soutien administratif, comptabilité, gestion du personnel). Les groupes industriels investissent également dans des filiales de service majoritairement composées d’un personnel technique très qualifié lié à la production et surtout spécialisées dans les études, le développement et les méthodes (à elles seules, les filiales d’ingénierie concentrent ainsi 24 % des effectifs salariés affectés à des filiales de service). Les groupes qui possèdent de telles filiales ne bénéficient pas uniquement des services techniques nécessaires à la production propre du groupe : à travers elles, ils pratiquent aussi des prestations complémentaires, tournées vers l’extérieur du groupe. Elles peuvent s’axer sur des services stratégiques comme le conseil et la recherche de solutions techniques auprès du client lui-même, ou encore la surveillance et la maintenance préventive des produits vendus par le groupe, comme c’est le cas dans le secteur des biens d’équipement industriel.

Publication rédigée par :Bruno Labaye (Insee)

Sources et méthodes

L’étude porte sur l’industrie manufacturière (section C de la NAF rév. 2). Par souci d’allègement dans le texte, le terme industrie est utilisé comme synonyme d’industrie manufacturière.

Les données sectorielles proviennent des données individuelles du fichier Esane 2019, la constitution des groupes des liaisons financières (Lifi) 2019.

Les données sur les conventions collectives appliquées aux postes salariés ainsi que celles concernant les professions et les catégories socioprofessionnelles (PCS) sont issues de la base Tous salariés 2019.

Les données sur les minima conventionnels de branche proviennent de la Base des minima de branche (BMB 2019) produite par la Dares.

L’écart salarial entre minima conventionnels de branche (induit par l’application de la convention collective industrielle dans une filiale non industrielle en lieu et place de celle correspondant au secteur d’activité de cette dernière) est calculé sur les postes soumis à la même convention collective que ceux des filiales de cœur de métier du groupe. Lorsque, pour des problèmes d’assiette salariale, les minima de branche ne sont pas directement comparables, une approximation correspondant au 5e percentile des salaires est utilisée (par PCS). Il a pu être vérifié que ce proxy était très proche des minima conventionnels comparables.

Les cadres sont généralement au forfait jour, mais pour des besoins d’homogénéisation, un salaire horaire brut a été calculé sur la base de 1 820 heures par an.

Publication rédigée par :Bruno Labaye (Insee)

Définitions

L’unité légale est l’unité principale enregistrée dans le répertoire Sirene.

L’entreprise est la plus petite combinaison d’unités légales qui constitue une unité organisationnelle de production de biens et services jouissant d’une certaine autonomie de décision, notamment pour l’affectation de ses ressources courantes.

Dans cette étude, les groupes sont des entreprises composées d’au moins deux unités légales en France. Les filiales sont leurs unités légales.

Les filiales d’ingénierie sont définies dans une acception large qui inclut non seulement les filiales dont l’activité principale est l’ingénierie au sens strict de la NAF (7112B) mais aussi la recherche et développement, les analyses et les essais techniques et scientifiques.

Le Code du travail fixe les règles générales applicables aux relations de travail entre employeurs et salariés de droit privé. Dans ce cadre, les partenaires sociaux négocient des conventions et des accords qui viennent compléter le droit du travail. La convention collective couvre l’ensemble des conditions d’emploi, de formation professionnelle et de travail ainsi que les garanties sociales. Son champ d’application peut être interprofessionnel ou professionnel. Dans ce dernier cas on parle de convention collective de branche. Celle-ci couvre les relations de travail pour un ensemble de métiers présentant une proximité en matière d’activités et de compétences mises en œuvre.

Une convention collective appliquée dans une filiale est considérée comme industrielle si elle correspond à une convention principalement appliquée dans une filiale industrielle du groupe (caractérisation effectuée pour chaque grande PCS : cadres, professions intermédiaires, employés et ouvriers).

Pour en savoir plus

Tallec-Santoni D., « Ouvrir dans un nouvel ongletPortrait statistique des principales conventions collectives de branche en 2017 », Dares Résultats n° 037, novembre 2020.

Insee, Les entreprises en France , coll. « Insee Références », édition 2020.

Gilet F., Labaye B., Landru K., « Le taux de marge dans l’industrie : des filiales aux groupes, une réduction de 2 points », Insee Première n° 1791, février 2020.

Gautier E., « Ouvrir dans un nouvel ongletLes salaires minima de branche de France », Revue française d’économie 2017/1 (Vol. XXXII).

Luciani A., « Niveau de négociation collective et rémunération en France », in Les entreprises en France, coll. « Insee références », édition 2014.