Insee
Insee Flash Guyane · Janvier 2022 · n° 147
Insee Flash GuyanePendant le premier confinement, 1 actif sur 6  a exercé son métier en présentiel pour répondre aux besoins essentiels du quotidien

Xavier Reif (Insee)

En Guyane, près de 10 900 personnes exercent un des 35 métiers clés essentiels aux besoins de la population. Lors du premier confinement lié à la pandémie de Covid-19, elles ont continué à exercer leur activité en présentiel. Les 4 680 professionnels de santé, dont une majorité de femmes, sont les plus exposés à la contamination, dans et hors de la sphère hospitalière. Parmi eux, les aides à domicile sont particulièrement touchées par la précarité.

La crise sanitaire liée à la Covid-19 et les mesures adoptées pour limiter la propagation du virus ont eu des répercussions dans le monde du travail, différentes selon les secteurs d’activité. En particulier, certains travailleurs ont continué à exercer leur activité en présentiel lors du premier confinement, afin de pourvoir aux besoins essentiels de la population : se nourrir, se soigner… Ces « métiers-clés » ont été classés en quatre sphères selon le niveau d’exposition au risque de contamination au coronavirus (figure 1). En Guyane, 10 900 personnes exercent un des 35 métiers-clés, soit 16 % des actifs (19 % en France hors Mayotte, 21 % en Guadeloupe et 22 % en Martinique).

Les professions hospitalières, plus féminisées et plus exposées

La sphère hospitalière (sphère 1) regroupe les métiers pour lesquels le risque d’exposition est le plus élevé en raison des contacts réguliers avec des patients en milieu hospitalier, risque particulièrement important dans le cas d’une crise sanitaire liée à un virus.

Cette première sphère emploie 2 730 personnes (4 % des actifs en emploi). Elle est constituée des professionnels de santé exerçant à l’hôpital : infirmiers hospitaliers (1 260), aides-soignants (560), agents hospitaliers (590), et des médecins hospitaliers (320). Avec 1 020 travailleurs pour 100 000 habitants, la part du personnel médical est la plus faible des quatre Doms historiques (2 280 pour 100 000 en France de province et 1 660 pour 100 000 en Guadeloupe).

Au sein des métiers de la première sphère, les femmes sont largement majoritaires : elle représente 72 % des professionnels. D’une profession de santé à l’autre le taux de féminisation est cependant très variable. Les femmes sont sur-représentées parmi les infirmiers hospitaliers, les aides-soignants et les agents hospitaliers (1 830 femmes contre 590 hommes). À l’inverse, les femmes sont moins nombreuses chez les médecins hospitaliers (140 femmes pour 180 hommes).

Des salaires faibles et des conditions de travail difficiles

Le salaire horaire net des agents hospitaliers est le plus faible (11,6 euros en 2015). Ce niveau de salaire est équivalent pour les hommes et les femmes. Il est inférieur au salaire horaire moyen en Guyane (14,9 €). Par comparaison, le SMIC horaire net était de 7,49 €. Le salaire horaire des infirmiers hospitaliers s’élève à 18,5 € et celui des aides soignants à 14,3 €. Pour ces trois métiers, les inégalités salariales entre les hommes et les femmes restent limitées (le salaire des femmes est inférieur de 3,4 % pour les agents hospitaliers et les infirmiers et de 6,6 % pour les aides soignants). Enfin, le salaire horaire net des médecins hospitaliers est bien plus élevé (46 €).

La durée annuelle effective de travail de ces salariés est équivalente pour les hommes et les femmes (1 560 heures). Le temps de travail est particulièrement élevé pour les infirmiers hospitaliers (1 635 heures). Ces quatre métiers sont par ailleurs exercés fréquemment dans le cadre d’horaires atypiques. Par exemple, les professionnels de santé peuvent effectuer des gardes. De plus, la charge mentale et la pression temporelle dues à l’afflux de patients sont des facteurs susceptibles de dégrader les conditions de travail à court terme (pour en savoir plus).

Hors de l’hôpital, plus de 1 950 professionnels de santé

En dehors de la sphère hospitalière, de nombreux travailleurs-clés sont au contact quotidien de patients ou de personnes fragiles. Ils regroupent d'une part des professionnels de santé (médecins, sages-femmes, dentistes, masseurs-kinésithérapeutes...) et d'autre part des personnes moins qualifiées mais prodiguant des soins à des personnes souvent âgées ou vulnérables (aides à domicile ou auxiliaires de vie). Cette deuxième sphère emploie 1 950 personnes, soit 720 emplois pour 100 000 habitants (contre 1 750 en France de province). Il s’agit notamment d’aides à domicile (710 emplois), de pharmaciens (290), de masseurs-kinésithérapeutes (280), de sages-femmes (240). Comme dans la sphère hospitalière, les femmes sont sur-représentées dans la deuxième sphère : 1 510 femmes pour 440 hommes. En particulier, 670 aides à domicile sont des femmes pour seulement 40 hommes. De même, les infirmiers libéraux regroupent 150 femmes pour 50 hommes et les pharmaciens (y compris préparateur en pharmacie), 230 femmes pour 50 hommes. À l’inverse, parmi les médecins libéraux, les hommes sont sur-représentés (140 hommes et 60 femmes).

Un salaire horaire particulièrement faible pour les aides à domicile

Métier très féminisé, le salaire horaire moyen des aides à domicile s’élève à seulement 10,0 €. Leur niveau de salaire demeure particulièrement faible en fin de carrière, ce qui suggère des évolutions de salaires limitées (pour en savoir plus). Ainsi, 54 % des aides à domicile ont une perception particulièrement négative du niveau de leur rémunération selon l’enquête Condition Travail 2019, menée avant la crise sanitaire. Le nombre d’heures travaillées accentue la précarité : le temps de travail effectif des aides à domicile est bien inférieur au temps plein (1 607 heures) avec seulement 1 040 heures par an. En effet, si près de la moitié des aides à domicile sont en contrat indéterminé, 40 % des aides à domicile ont une situation plus précaire (26 % en travail occasionnel et 14 % sans contrat).

4 030 travailleurs-clés en contact fréquent avec des clients ou collègues

Au-delà de ces deux sphères à dominante médicale ou paramédicale, des travailleurs-clés rencontrent fréquemment des clients ou travaillent en équipe, comme les bouchers, les boulangers, les chauffeurs de bus, les agents de propreté, les employés ou ouvriers alimentaires… Ils ont de ce fait un risque accru d’être contaminés en cas d’épidémie. Cette troisième sphère regroupe 4 030 personnes, dont 1 300 caissiers ou vendeurs dans les commerces dits « essentiels ». Les deux autres principaux postes sont les agents de nettoyage (790) et les techniciens essentiels comme les techniciens médicaux ou techniciens d’installation et de maintenance (400 personnes). Par ailleurs, cette sphère regroupe également 320 pompiers, 230 boulangers, 190 employés ouvriers alimentaire, 190 surveillants de prison... Ces métiers sont davantage occupés par des hommes (2 230) que par des femmes (1 800). Néanmoins, cette sphère présente de fortes disparités selon les métiers. En particulier, la profession d’agent de nettoyage est plus souvent exercée par une femme (570 femmes pour 220 hommes). À l’inverse, les hommes sont sur-représentés parmi les techniciens essentiels et les boulangers (les trois quarts du personnel sont des hommes). De même, la grande majorité des ambulanciers, bouchers ou éboueurs sont des hommes. Le salaire horaire est particulièrement faible pour plusieurs métiers de la troisième sphère. De fait, les salaires horaires des bouchers, boulangers, buralistes, caissiers, charcutiers, ouvriers alimentaires, agents de nettoyage, personnels de transport public, et taxi sont inférieurs à 10 euros. Par ailleurs, les pompiers se distinguent par un temps de travail très élevé (1 820 heures) et leur salaire horaire net s’élève à 18,7 euros.

Plus de 2 200 travailleurs clés moins directement exposés au virus

Environ 2 210 personnes travaillent dans la quatrième sphère, qui comprend notamment les forces de l’ordre (1 090 emplois), les routiers (510) et les livreurs (400). Dans l’exercice de leur métier, ils rencontrent occasionnellement des clients, des collègues... Ces métiers regroupent une majorité d’hommes (1 840 hommes pour 370 femmes). Les métiers de livreurs ou routiers sont occupés à plus de 95 % par des hommes et sont également confrontés à des difficultés financières. Le salaire horaire net moyen dans ces métiers est faible : 10,5 € pour les livreurs et 11,0 € pour les routiers.

Pour les travailleurs-clés, le risque d’exposition à un virus et de transmission peut être accru lors des déplacements domicile-travail. Néanmoins, en Guyane, les transports en commun sont peu utilisés dans les déplacements domicile travail (3 % contre 16 % en France en 2017).

Figure 1Effectif et répartition des métiers-clés en Guyane

Effectif et répartition des métiers-clés en Guyane
Métier-clé par sphère Effectif Part des femmes (en %)
Sphère 1 - Sphère des métiers en contact avec des patients en milieu hospitalier
aide-soignant 564 78
infirmier hospitalier 1 261 82
médecin hospitalier 321 44
agent hospitalier 587 59
Sphère 1 2 733 72
Sphère 2 - Sphère des métiers en contact avec des patients hors du milieu hospitalier
infirmier libéral 200 75
médecin libéral 199 29
pharmacien 287 81
aide à domicile 706 95
dentiste 38 39
masseur-kinésithérapeute 275 59
sage-femme 239 91
Sphère 2 1 945 77
Sphère 3 - Sphère des métiers en contact fréquent avec principalement des clients ou des collègues
ambulancier 141 11
personnel funéraire 11 28
boucher 33 8
charcutier 17 85
empl ouvr alimentaire froid 91 19
éboueur 107 0
taxi 34 0
boulanger 229 25
buraliste 78 55
caissier vendeur commerces essentiels 1 299 61
Agent de nettoyage 787 72
pompier 324 8
personnel transport public 69 14
empl ouvr alimentaire autre 188 51
ouvrier industrie essentielle 38 3
surveillant prison 185 30
technicien essentiel 398 26
vétérinaire 3 0
Sphère 3 4 030 45
Sphère 4 - Sphère des métiers en contact occasionnel avec principalement des clients ou des collègues
facteur 197 41
livreur 398 4
force de l'ordre 1 091 22
cuisinier structure 8 100
pompiste 8 0
routier 507 5
Sphère 4 2 210 17
Total 10 918 52
  • Source : recensement de la population de 2017, exploitation complémentaire.
Publication rédigée par :Xavier Reif (Insee)

Pour comprendre

Le 16 mars 2020, la Martinique entrait dans son premier confinement, comme l’ensemble de la France. Il a été prolongé jusqu'au 11 mai. Si tout métier, toute activité professionnelle sont essentiels par leur existence même puisqu’ils répondent à un besoin, il en est qui s’avèrent indispensables en cas de crise sanitaire, technologique ou environnementale. Il s’agit des métiers de l’urgence ou de ceux qui permettent d’assurer les besoins vitaux du quotidien : santé, alimentation, transports et sécurité notamment. Lors du premier confinement correspondant à la première vague de l’épidémie de Covid-19, ces travailleurs ont assuré leurs fonctions en se rendant quotidiennement sur leur lieu de travail. Nous les dénommons ici travailleurs-clés.

La grille des professions-clés a été définie par l’Observatoire régional de la santé (ORS) Île-de-France en combinant la liste réglementaire établie par le ministère de la Santé sur les activités autorisées (arrêté ministériel du 15 mars 2020) et d’autres listes pragmatiques (guides de bonnes pratiques par métier, conseil de l’Institut national de recherche et de sécurité) éditées au mois de mars 2020. Cette liste de 35 métiers revêt inévitablement une part d’arbitraire comme toute classification, mais elle permet notamment de repérer les travailleurs qui ont été les plus concernés par ces activités de l’urgence et des besoins vitaux lors du premier confinement. Ces métiers sont majoritairement occupés par des femmes.

Sources

Les données sont celles du recensement de la population de l’Insee de 2017 (exploitation complémentaire) et les déclarations annuelles de données sociales de 2015.

Pour en savoir plus

Flamand J., Jolly C., Rey M., « Ouvrir dans un nouvel ongletLes métiers au temps du corona », France Stratégie, avril 2020, n°88

Amosse T., Beatriz M., Erhel C., Koubi M., Mauroux A., « Ouvrir dans un nouvel ongletQuelles sont les conditions de travail et d'emploi des métiers de la "deuxième ligne" de la crise Covid ? », connaissance de l'emploi, n°169