Insee Flash Mayotte · Novembre 2021 · n° 127

Six habitants sur dix se sentent en insécurité Cadre de vie et sécurité à Mayotte

Devenu 101^e département français en 2011, Mayotte comble progressivement son retard de développement. Néanmoins, la pauvreté reste particulièrement prégnante, même si elle recule : en 2018, 77 % des habitants vivent sous le seuil de pauvreté national. L'habitat demeure précaire : en 2017, quatre logements sur dix sont en tôle, et trois sur dix ne disposent pas d'eau courante. Les infrastructures peinent à absorber la croissance de la population, qui s'intensifie depuis 2012 ; les manques sont encore importants, notamment en matière d'établissements scolaires ou de santé. La délinquance atteint également des niveaux élevés, bien au-dessus de ceux de la France métropolitaine. Par exemple, quatre fois plus de ménages sont victimes de cambriolages ou de vols sans effraction qu’en France métropolitaine, et les violences sur les personnes y sont nettement plus fréquentes.

En 2020, 59 % des personnes âgées de 14 ans ou plus déclarent se sentir personnellement, souvent ou de temps en temps, en insécurité à Mayotte : 48 % à leur domicile, 52 % dans leur quartier ou village. Seulement 19 % ne se sentent jamais en insécurité, contre 74 % dans l'Hexagone.

Le sentiment d’insécurité est particulièrement fort parmi les personnes qui ont été victimes de vols ou de menaces au cours des deux années précédentes (figure 1). Il est aussi très élevé parmi les femmes et les personnes qui résident dans des villages aux conditions de logement précaires [Thibault, 2019].

Le sentiment d'insécurité peut se traduire par la crainte de sortir de chez soi. Ainsi, 40 % des habitants de Mayotte renoncent souvent ou parfois à sortir seuls dans la vie courante, pour des raisons de sécurité. C'est quatre fois plus que dans l'Hexagone.

Parmi les personnes qui renoncent à sortir, 86 % évitent le début de soirée et la nuit. Mais 14 % y renoncent la plupart du temps, y compris en journée. Un tiers des personnes déclarent que la présence de groupes de personnes, parfois ou souvent, aux abords de leur domicile, les inquiète.

À Mayotte, 27 % des personnes déclarent que la présence de la police ou de la gendarmerie est inexistante dans leur village alors qu'elle serait nécessaire, et 35 % qu'elle est insuffisante (respectivement 10 % et 18 % dans l'Hexagone).

L’action des forces de sécurité contre la délinquance dans leur village est jugée peu efficace ou pas efficace du tout par 68 % des habitants.

La présence de drogue ou la consommation d'alcool dans le village sont plus fréquemment évoqués à Mayotte que dans l'Hexagone. Ainsi, 24 % des personnes déclarent avoir observé, souvent ou de temps en temps, une consommation ou un trafic de drogue dans leur village au cours des 12 derniers mois, et 39 % une consommation exagérée d'alcool (respectivement 18 % et 22 % dans l'Hexagone). Ces comportements sont plus fréquemment relevés dans les villages qui cumulent les difficultés.

Interrogés sur les trois problèmes les plus préoccupants dans la société actuelle, les habitants de Mayotte citent la délinquance en premier (72 %), très loin devant le chômage (35 %), la vie chère (30 %), la pauvreté (26 %), l'immigration clandestine (26 %) ou la santé (25 %) (figure 2).

Concernant les problèmes affectant leur village, 77 % des habitants retiennent la délinquance parmi les items proposés, 73 % le manque d'équipements (sport, loisirs, santé, services, etc.), 67 % le manque d'animation.

Plus particulièrement, 80 % retiennent le manque d'activités pour les jeunes ou le manque d'équipements sportifs, et 75 % le manque de lieux d'accueil pour la petite enfance.

Par ailleurs, la moitié des personnes citent la pollution. Sur ces sujets, la comparaison avec l'Hexagone est difficile car les standards locaux sont très différents des standards métropolitains. Par exemple, à Mayotte, la pollution concerne plutôt les problèmes liés à l'eau, en particulier dans les rivières, ou l’accumulation de déchets sur le sol.

Lorsque les habitants sont interrogés sur leur opinion concernant le village où ils résident, 50 % le considèrent pas vraiment ou pas du tout sûr. Par ailleurs, la moitié répondent qu'il est plutôt ou tout à fait loin de tout ; l'absence fréquente de moyen de transport individuel peut d’ailleurs accentuer ce sentiment. Néanmoins, 68 % des personnes estiment que leur village est plutôt ou tout à fait agréable à vivre (93 % dans l'Hexagone). Cette part chute à 56 % pour les habitants des villages qui cumulent les difficultés, tandis qu'elle atteint 82 % pour les villages où les conditions de vies sont un peu plus favorables. Concernant l'environnement de leur logement, 55 % des habitants critiquent les routes dégradées, 28 % l'éclairage mal assuré et 30 % le mauvais état des logements environnants.