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Insee Analyses Guyane · Mars 2021 · n° 51
Insee Analyses Guyane2018 : une année favorable pour l’activité des entreprises de Guyane

Philippe Clarenc (Insee)

En 2018, l’activité de l’ensemble des entreprises implantées en Guyane, tirée mécaniquement par la démographie, est bien orientée avec une hausse de 7,7 % du chiffre d’affaires. L’impact a été positif sur la richesse créée par les entreprises avec un taux de valeur ajoutée en hausse. Sa part dans le chiffre d’affaires atteint 29 % en 2018, un taux supérieur à celui de la Guadeloupe et de la Martinique. Le commerce est l’activité majeure de ce territoire. L’investissement représente 44,5 % de la valeur ajoutée en 2018.

Insee Analyses Guyane
No 51
Paru le :Paru le26/03/2021

En 2018, l’ensemble des secteurs marchands non agricoles et non financiers comptabilise 6 927 entreprises pour un chiffre d’affaires global de 4,7 milliards d’euros. Le climat des affaires est favorable en Guyane avec une hausse du chiffre d’affaires de 7,7 %.

Le commerce, une activité prépondérante en Guyane

Le commerce est une activité prépondérante en Guyane : il pèse 43 % du chiffre d’affaires total. Le commerce de détail en représente 43 %, loin devant le commerce de gros (35 %) et le commerce et la réparation d'automobiles et de motocycles (15 %). L’activité commerciale est soutenue grâce, notamment, à une consommation des ménages élevée.

Figure 1Le commerce du détail se détache par une faible hausse des marges commerciales La marge commerciale et ses composantes en 2018 en Guyane

Le commerce du détail se détache par une faible hausse des marges commerciales - Lecture : en Guyane, les marges commerciales s’élèvent à 529 millions d’euros et elles ont progressé de 7,4 % en 2018.
Selon secteur Marge commerciale Ventes de marchandises Coût d’achat des marchandises
Montant Evolution relative Montant Evolution relative Montant Evolution relative
(En millions d’€) (en%) (En millions d’€) (en%) (En millions d’€) (en%)
Commerce et réparation d'automobiles et de motocycles 78 16,5 283 13,4 204 12,3
Commerce de gros * 173 10,7 678 7,4 505 6,3
Commerce de détail * 277 3,2 982 2,5 705 2,2
Ensemble commerce 529 7,4 1 943 5,6 1 414 5,0
  • Note : * à l'exception des automobiles et des motocycles.
  • Lecture : en Guyane, les marges commerciales s’élèvent à 529 millions d’euros et elles ont progressé de 7,4 % en 2018.
  • Champ : Les entreprises de commerce implantées en Guyane en 2018.
  • Source : Insee, Esane 2018, données individuelles.

Le taux de marque qui indique la marge commerciale de l'entreprise sur le prix de vente d'un produit, atteint 26 % dans le commerce en Guyane. Il s’élève à 25 % dans le commerce et réparation d'automobiles et de motocycles, à 25 % dans le commerce de gros et 27,5 % dans le commerce de détail.

Figure 2Le commerce, une activité prépondérante Les principales statistiques par secteur en 2018 en Guyane

Le commerce, une activité prépondérante - Lecture : en Guyane, le commerce représente 43 % du chiffre d’affaire et 23,6 % de la valeur ajoutée.
Secteur Entreprise Chiffre d’affaires Valeur ajoutée
Industrie manufacturière, industries extractives et autres 751 10,8 700 428 14,9 213 732 15,8
Fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac 140 2,0 78 696 1,7 24 589 1,8
Fabrication de produits métalliques à l'exception des machines et des équipements 76 1,1 82 178 1,7 20 854 1,5
Construction 1 211 17,5 763 379 16,2 204 058 15,1
Commerce, transport et entreposage, hébergement et restauration 2 492 36,0 2 492 456 53,0 502 227 37,1
- Commerce 1 600 23,1 2 023 799 43,0 319 402 23,6
dont
Commerce de gros * 279 4,0 704 904 15,0 104 210 7,7
Commerce de détail * 1 111 16,0 1 008 580 21,4 154 316 11,4
- Transports et entreposage 379 5,5 310 843 6,6 117 154 8,7
- Hébergement et restauration 513 7,4 157 813 3,4 65 671 4,9
Information et communication 152 2,2 44 892 1,0 19 663 1,5
Activités immobilières 305 4,4 175 882 3,7 115 498 8,5
Activités spécialisées, scientifiques et techniques et activités de services administratifs et de soutien 1 692 24,4 489 916 10,4 284 883 21,0
- Activités de services administratifs et de soutien 965 13,9 309 414 6,6 180 679 13,3
Autres activités de services 324 4,7 35 438 0,8 13 712 1,0
Ensemble 6 927 100,0 4 702 392 100,0 1 353 774 100,0
  • Note : * à l'exception des automobiles et des motocycles.
  • Lecture : en Guyane, le commerce représente 43 % du chiffre d’affaire et 23,6 % de la valeur ajoutée.
  • Champ : Les entreprises implantées en Guyane en 2018.
  • Source : Insee, Esane 2018, données individuelles.

En 2018, les marges commerciales dans le commerce du détail sont en faible hausse, en valeur (figure 1). Pour l’ensemble des secteurs, les bénéfices des ventes des marchandises ont progressé plus vite que leurs coûts d’achats.

Les marges commerciales permettent de fixer le prix de vente d’un produit à partir du coût d’achat des marchandises vendues au cours de l’exercice. En Guyane, les entreprises du commerce achètent en grande quantité des produits importés destinés à la revente, sans transformation majeure. Contrairement à la France métropolitaine, les commerces guyanais doivent faire face à des contraintes liées à l’éloignement géographique de leur territoire. Cet éloignement implique notamment une gestion adaptée des stocks ainsi que des coûts supplémentaires et inévitables, constitués de frais d’approche comme le transport maritime, l’octroi de mer et des taxes diverses. Ces contraintes expliqueraient en partie les écarts des prix entre la Guyane et la France métropolitaine.

La création de richesse des entreprises en très légère progression

Avec une conjoncture favorable, la hausse de la valeur ajoutée en 2018 est plus rapide que celle du chiffre d’affaires (figure 2). Les consommations intermédiaires augmentent plus rapidement que la production des entreprises, limitant ainsi mécaniquement la hausse de la valeur ajoutée. En conséquence, le taux de valeur ajoutée ne progresse que de 0,3 % en 2018. La richesse créée par les entreprises, représente donc cette année 29 % de leur chiffre d’affaires.

Le taux de valeur ajoutée varie fortement selon les secteurs économiques : de 16 % pour le commerce à 66 % pour les activités immobilières.

Figure 3Forte progression des consommations intermédiairesles indicateurs clés de la création de richesse en Guyane en 2018

Forte progression des consommations intermédiaires - Lecture : le chiffre d’affaires des entreprises guyanaises s’élève à 4,7 milliards d’euros en 2018.
Indicateur comptable Montant Evolution
(en milliard d’euros) (en%)
Chiffre d'affaires 4,7 7,7
Production finale 3,2 9,2
Consommation intermédiaire 1,9 9,5
Valeur ajoutée 1,4 8,7
  • Lecture : le chiffre d’affaires des entreprises guyanaises s’élève à 4,7 milliards d’euros en 2018.
  • Champ : Les entreprises implantées en Guyane en 2018.
  • Source : Insee, Esane 2018, données individuelles.

Les frais de personnels, près des deux-tiers de la valeur ajoutée

Sous l'angle des revenus, la se partage entre les différents types de revenus bruts de l'ensemble des secteurs et l' (EBE). Les frais de personnels représentent 63 % de la valeur ajoutée (figure 4), les impôts de la production et subvention d’exploitation comptant pour une faible part.

La maîtrise des frais de personnel est un objectif important pour le chef d’entreprise mais cette volonté est aussi dépendante de la politique économique du Gouvernement et ceci notamment par le biais du taux de crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Le CICE concerne plus particulièrement les entreprises employeuses. L’entrepreneur individuel, bien qu’il puisse comptabiliser une partie de ses revenus ou charges patronales obligatoires en charges de personnel, se rémunère le plus souvent sur le résultat de son entreprise sans retenir de charges de personnel.

Le taux de marge dépend fortement du secteur

Au final, l'EBE rapporté à de la valeur ajoutée s’élève à 32 %. Ce taux appelé, taux de marge, rend compte de ce qui reste à disposition des entreprises, notamment pour rémunérer le capital et investir, une fois déduites les rémunérations salariales.

Un taux de marge élevé résulte en général de la mise en œuvre d’un capital d’exploitation important ; il n’implique pas nécessairement une rentabilité économique forte, mais il peut permettre de financer les investissements.

Ainsi, le taux de marge est très influencé par l’appartenance d’une entreprise à un secteur économique. Le taux de marge va de 15 % pour le secteur « Industrie manufacturière, industries extractives et autres » à 69 % pour les « activités immobilières » .

Figure 4De forts écarts de taux de marge entre les secteursQuelques ratios comptables par secteur d’activité en 2018 (en %) en Guyane

De forts écarts de taux de marge entre les secteurs - Lecture : en Guyane, le taux de marge est en 2018 de 35,6 % pour le commerce contre 32,3 % pour l’ensemble des entreprises.
Secteur Taux de valeur ajoutée Taux de marge Taux de Frais de personnels
Industrie manufacturière, industries extractives et autres 30,5 15,2 84,8
Fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac 31,2 30,0 70,0
Fabrication de produits métalliques à l'exception des machines et des équipements 25,4 28,5 71,5
Construction 26,7 30,0 70,0
Commerce, transport et entreposage, hébergement et restauration 20,1 33,3 66,7
- Commerce 15,8 35,6 64,4
dont
Commerce de gros * 14,8 37,6 62,4
Commerce de détail * 15,3 34,0 66,0
- Transports et entreposage 37,7 29,5 70,5
- Hébergement et restauration 41,6 28,6 71,4
Information et communication 43,8 47,0 53,0
Activités immobilières 65,7 68,7 31,3
Activités spécialisées, scientifiques et techniques et activités de services administratifs et de soutien 58,1 29,5 70,5
- Activités de services administratifs et de soutien 58,4 22,5 77,5
Autres activités de services 38,7 26,5 73,5
Ensemble 28,8 32,3 62,8
  • Note : * à l'exception des automobiles et des motocycles.
  • Lecture : en Guyane, le taux de marge est en 2018 de 35,6 % pour le commerce contre 32,3 % pour l’ensemble des entreprises.
  • Champ : Les entreprises implantées en Guyane en 2018.
  • Source : Insee, Esane 2018, données individuelles.

Les investissements corporels dominent

Sur cent euros d’investissement brut, les dépenses sont réparties en 84 euros d’investissement corporels, 14 euros d’investissements financiers et 2 euros d’investissements incorporels.

Avec la présence des sièges sociaux dans ce secteur, le secteur des activités scientifiques et techniques et les services administratifs se distingue par une forte part des investissements financiers.

L’investissement immobilier, un rôle crucial pour accompagner la croissance démographique

En Guyane, au niveau sectoriel, l’investissement corporel est très dépendant de la politique globale des entreprises, leur volume d’investissement fluctuant fortement d’une année sur l’autre. En 2018, le taux d’investissement est de 44,5 %. Son évolution est bien orientée avec une hausse de 8,3 points.

L’investissement corporel brut hors apport est portée cette année par les secteurs des activités immobilières (296  millions d’€). Il augmente de 29 millions d’€ depuis l’année précédente. Ces investissements ont pour objectif de mieux répondre à une demande croissante en logements, conséquence de la forte augmentation de la population guyanaise. Selon le rapport de l’IEDOM 2019, il serait nécessaire de construire d’ici à 2040 entre 4 400 et 5 200 logements par an pour relever le défi posé par l’expansion démographique.

Le secteur de l’énergie est dynamique, avec la concrétisation de plusieurs projets d’importance comme la centrale biomasse de Saint-Georges.

ou l’usine biomasse de Cacao. Ces investissements interviennent dans le cadre de la loi de transition énergétique pour la croissance verte. L’État et la Collectivité ont élaboré conjointement le projet de Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE) de Guyane 2016-2023 dont l'objectif ambitieux vise une autonomie énergétique de la Guyane à l’horizon de 2030.

Une part du commerce plus faible qu’aux Antilles

Le système productif de la Guyane peut être comparé à ceux de la Guadeloupe et de la Martinique (figure 5). En effet, ces économies sont proches en matière de spécialisation sectorielle. Cette spécialisation se mesure à l’aide de la répartition du chiffre d’affaires selon les secteurs. Les trois économies se caractérisent toutes par une forte part du commerce.

Figure 5Un taux de valeur ajoutée plus fort pour la GuyaneIndicateurs comptables principaux selon les territoires caribéens (en %)

Un taux de valeur ajoutée plus fort pour la Guyane - Lecture : en 2018, le taux de marge de la Guyane est de 32,3 % contre 32,7 % en Guadeloupe et 38,5 % en Martinique.
Indicateurs Guadeloupe Martinique Guyane
Evolution du chiffre d’affaires 3,9 5,1 7,7
Taux de valeur ajoutée 25,4 27,2 28,8
Taux de marge 32,7 38,5 32,3
Frais de personnel sur la VA 64,2 59,4 62,8
Part des MCO sur le CA 24,8 22,9 26,1
Poids du commerce dans le CA total 50,7 45,7 43,0
  • Note : VA = Valeur ajoutée, MCO = Marge commerciale, CA = chiffre d’affaires
  • Lecture : en 2018, le taux de marge de la Guyane est de 32,3 % contre 32,7 % en Guadeloupe et 38,5 % en Martinique.
  • Champ : Les entreprises implantées dans chaque territoire en 2018.
  • Source : Insee, Esane 2018, données individuelles

Avec une expansion démographique forte, la Guyane se distingue avec une part de la construction importante et une part plus faible du commerce que dans les deux autres régions : il représente 43 % du chiffre d’affaires des entreprises de ce territoire, soit 8 points de moins que la Guadeloupe dont l’économie plus dépendante de l’activité des commerces que les autres territoires.

A l’inverse, la Martinique a une spécialisation dans l’industrie plus marquée. La Guyane a un taux de valeur ajoutée plus élevée que la Martinique ou la Guadeloupe. Le taux de marge en Guyane est proche de celui de la Guadeloupe, et bien plus faible que celui de la Martinique. Enfin, pour ce secteur du commerce, le taux de marque est bien plus fort en Guyane que dans les autres territoires.

Encadré - La location et la location-bail d'actifs corporels ou incorporels non financiers

Le secteur des activités de services administratifs et de soutien regroupent en son sein l’ensemble des activités de location et la location-bail à des entreprises d'actifs corporels ou incorporels non financiers. Le financement locatif facilite la gestion de projets à court terme et l’utilisation d’équipements dont l’entreprise a réellement besoin sans avoir à investir massivement. Les loyers sont en général peu élevés et adaptés aux contraintes budgétaires des sociétés. Le risque d’obsolescence est minimisé puisque les matériels sont renouvelés régulièrement. Composé essentiellement de petites entreprises souvent sans salarié, ce secteur dispose d’un capital d’exploitation important et d’une masse salariale distribuée très faible.

Publication rédigée par :Philippe Clarenc (Insee)

Sources

Les résultats de l’étude sont issus du Fichier Esane « FARE 2018 méthode 2018 » comprenant les 6 927 unités légales implantés en Guyane. Les entreprises retenues sont celles dont le siège social est situé dans les Antilles- (hors îles du Nord). Les données comptables des entreprises présentes sur plusieurs territoires, sont régionalisées à partir d’une clé unique. Extraite de la source FLORES 2017, la variable utilisée est la « rémunération brute des salariés » selon les établissements d’une entreprise.

Définitions

Valeur ajoutée : la valeur ajoutée est égale à la valeur de la production diminuée des consommations intermédiaires, elle est calculée hors taxes.

Excédent brut d’exploitation : L’excédent brut d’exploitation (EBE) est égal à la valeur ajoutée, diminuée de la rémunération des salariés, des autres impôts sur la production et augmentée des subventions d’exploitation.

Marge commerciale : la marge commerciale réalisée par une entreprise, pour un exercice comptable donné, est définie comme la différence entre le montant hors taxes des ventes de marchandises réalisées au cours de cet exercice comptable et le coût d’achat hors taxes des marchandises vendues au cours de l’exercice.

Investissements corporels : les investissements corporels sont les investissements en actifs physiques destinés à être utilisés durablement par l'entreprise comme moyens de production (constructions, installations techniques, matériel et outillage industriels…).

Investissements financiers : les investissements financiers sont les investissements en actifs financiers destinés à être conservés durablement par l'entreprise. Ces investissements sont le plus souvent le résultat d’opération en capital entre les entreprises d’une même groupe.

Taux de marque : le taux de marque correspond au rapport entre la marge commerciale et le chiffre d’affaires (en %).

Champ

Le champ de l’étude correspond aux sociétés et entreprises individuelles, marchandes et productives ou participant au système productif, non agricoles et non financières (mais y compris les holdings) implantées en Guyane. Les secteurs de la « santé humaine et de l’action sociale » et de « l’enseignement » sont exclus, vu le poids économique important des établissements publics.

Pour en savoir plus

Cornut M., « Comptes économiques 2018 de Guyane : l’investissement et la consommation portent le redémarrage de l’économie », Insee Analyses, N° 42, Octobre 2019

« Le bilan économique 2018 de Guyane : l’économie guyanaise redémarre », Insee Conjoncture, N° 5, Juin 2019

« Les entreprises en France », Édition 2019,Insee Références, Décembre 2019