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Insee Analyses Guadeloupe · Mars 2021 · n° 48
Insee Analyses GuadeloupeEn Guadeloupe, le commerce pèse la moitié du chiffre d’affaires des entreprises

Philippe Clarenc (Insee)

En 2018, l’activité des entreprises implantées en Guadeloupe est bien orientée avec une hausse de 3,9 % du chiffre d’affaires. L’impact a été positif sur la richesse créée par les entreprises avec une valeur ajoutée en hausse, sa part dans le chiffre d’affaires atteint 25,4 % en 2018. Le commerce reste l’activité majeure du territoire. L’investissement corporel évolue favorablement en Guadeloupe et l’investissement représente 31 % de la valeur ajoutée.

Insee Analyses Guadeloupe
No 48
Paru le :Paru le26/03/2021

En 2018, l’ensemble des secteurs marchands non agricoles et non financiers comptabilise 18 876 entreprises pour un chiffre d’affaires global de 11,6 milliards d’euros. En 2018, le climat des affaires est favorable en Guadeloupe avec une hausse du chiffre d’affaires de 3,9 %.

Le commerce, une activité prépondérante en Guadeloupe

Le commerce est une activité prépondérante en Guadeloupe (figure 2) : il pèse la moitié du chiffre d’affaires total. Le commerce de détail représente 46 % du chiffre d’affaires de ce secteur, soit 7 points de plus que le commerce de gros et, loin devant le commerce et la réparation d'automobiles et de motocycles (15 %).

Le taux de marque, qui indique la marge commerciale de l'entreprise sur le prix de vente d'un produit, s’élève à 25 %, en 2018 dans le commerce en Guadeloupe. Elle fluctue selon le type de commerce : 23,7 % dans le commerce et réparation d'automobiles et de motocycles, 21,8 % dans le commerce de gros et 27,7 % dans le commerce de détail.

En 2018, le commerce et réparation d'automobiles et de motocycles a été le secteur le plus dynamique avec une forte hausse des marges commerciales (figure 1). Pour tous les autres secteurs, il y a peu d’écart d’évolution entre les ventes de marchandises et leurs coûts d’achats.

Figure 1Le commerce et réparation d'automobiles et de motocycles, un secteur plus dynamique que les autres La marge commerciale et ses composantes en 2018 en Guadeloupe

Le commerce et réparation d'automobiles et de motocycles, un secteur plus dynamique que les autres
Selon secteur Marge commerciale Ventes de marchandises Coût d’achat des marchandises
Montant Evolution relative Montant Evolution relative Montant Evolution relative
(En millions d’€) (en%) (En millions d’€) (en%) (En millions d’€) (en %)
Commerce et réparation d'automobiles et de motocycles 205 8,6 789 8,5 584 8,5
Commerce de gros * 501 1,7 2 211 3,9 1 709 4,5
Commerce de détail * 748 2,0 2 629 1,9 1 882 1,9
Ensemble commerce 1 454 2,7 5 629 3,6 4 175 3,8
  • Note : * à l'exception des automobiles et des motocycles.
  • Lecture : en Guadeloupe, les marges commerciales s’élèvent à 1 454 millions d’euros et elles ont progressé de 2,7 % en 2018.
  • Champ : les entreprises de commerce implantées en Guadeloupe en 2018.
  • Source : Insee, Esane 2018, données individuelles.

Les marges commerciales permettent de fixer le prix de vente d’un produit à partir du coût d’achat des marchandises vendues au cours de l’exercice. En Guadeloupe, les entreprises du commerce achètent en grande quantité des produits importés destinés à la revente, sans transformation majeure. Contrairement à la France métropolitaine, les commerces guadeloupéens doivent faire face à des contraintes liées à l’éloignement géographique de leur territoire. Cet éloignement implique notamment une gestion adaptée des stocks ainsi que des coûts supplémentaires et inévitables, constitués de frais d’approche comme le transport maritime, l’octroi de mer, et des taxes diverses. Ces contraintes expliqueraient en partie les écarts des prix entre la Guadeloupe et la France métropolitaine.

Figure 2 Le commerce, une activité prépondérante en Guadeloupe Les principales statistiques par secteur en 2018

Le commerce, une activité prépondérante en Guadeloupe
Secteur Entreprise Chiffre d’affaires Valeur ajoutée
En nombre En % En euros En % En euros En %
Industrie manufacturière, industries extractives et autres 1 871 9,9 1 438 202 12,4 426 556 14,5
Fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac 545 2,9 419 968 3,6 97 656 3,3
Fabrication de produits métalliques à l'exception des machines et des équipements 167 0,9 200 199 1,7 46 094 1,6
Construction 2 618 13,9 1 084 826 9,4 325 578 11,1
Commerce, transport et entreposage, hébergement et restauration 6 929 36,7 7 267 941 62,8 1 297 075 44,1
- Commerce 4 354 23,1 5 867 443 50,7 895 102 30,4
dont
Commerce de gros * 819 4,3 2 299 684 19,9 289 831 9,8
Commerce de détail * 2 967 15,7 2 703 615 23,4 452 366 15,4
- Transports et entreposage 920 4,9 1 028 147 8,9 256 034 8,7
- Hébergement et restauration 1 655 8,8 372 351 3,2 145 940 5,0
Information et communication 504 2,7 253 947 2,2 100 308 3,4
Activités immobilières 1 172 6,2 429 002 3,7 216 603 7,4
Activités spécialisées, scientifiques et techniques et activités de services administratifs et de soutien 4 574 24,2 968 657 8,4 518 081 17,6
- Activités de services administratifs et de soutien 2 627 13,9 576 256 5,0 296 913 10,1
Autres activités de services 1 208 6,4 133 129 1,2 60 296 2,0
Ensemble 18 876 100,0 11 575 702 100,0 2 944 500 100,0
  • Note : * à l'exception des automobiles et des motocycles.
  • Lecture : en Guadeloupe, le commerce représente  50,7 % du chiffre d’affaire et  30,4 % de la valeur ajoutée.
  • Champ : Les entreprises implantées en Guadeloupe en 2018.
  • Source : Insee, Esane 2018, données individuelles.

La création de richesse des entreprises progresse légèrement

Avec une conjoncture favorable, le taux de valeur ajoutée progresse de 0,8 % en 2018. En effet, la hausse de la valeur ajoutée est plus rapide que celle du chiffre d’affaires (figure 3). La croissance plus rapide de la production des entreprises par rapport à celle des consommations intermédiaires favorise cette hausse de la valeur ajoutée.La richesse créée par les entreprises représente donc cette année  25  % de leur chiffre d’affaires.

Néanmoins, le taux de valeur ajoutée varie fortement selon les secteurs économiques : de 15,3 % pour le commerce à 56,4 % pour le secteur des activités de services administratifs et de soutien.

Figure 3Une progression contenue des consommations intermédiaires Les indicateurs clés de la création de richesse en Guadeloupe en 2018

Une progression contenue des consommations intermédiaires
Indicateur comptable Montant Evolution
(en milliard d’euros) (en%)
Chiffre d'affaires 11,6 3,9
Production finale 7,2 4,1
Consommation intermédiaire 4,3 1,9
Valeur ajoutée 2,9 7,6
  • Lecture : le chiffre d’affaires des entreprises guadeloupéennes s’élève à 11,6 milliards d’euros en 2018.
  • Champ : Les entreprises implantées en Guadeloupe en 2018.
  • Source : Insee, Esane 2018, données individuelles.

Les frais de personnel : près des deux-tiers de la valeur ajoutée

Sous l'angle des revenus, la valeur ajoutée se partage entre les différents types de revenus bruts de l'ensemble des secteurs et l'excédent brut d'exploitation (EBE). Les frais de personnels représentent 64 % de la valeur ajoutée, les impôts de la production et subvention d’exploitation comptant pour une faible part. Ils varient beaucoup selon le secteur d’activité. Ainsi, les frais de personnels ne représentent que 40 % de la valeur ajoutée dans le secteur très capitalistique des activités immobilières mais près de 80 % dans le secteur fortement employeur de l’hébergement et la restauration.

La maîtrise des frais de personnel est un objectif important pour le chef d’entreprise mais cette volonté est aussi dépendante de la politique économique du Gouvernement et ceci notamment par le biais du taux de crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), avantage fiscal jusqu’en 2018 dont bénéficiaient les entreprises employant des salariés. L’entrepreneur individuel, bien qu’il puisse comptabiliser une partie de ses revenus ou charges patronales obligatoires en charges de personnel, se rémunère le plus souvent sur le résultat de son entreprise sans retenir de charges de personnel.

Un taux de frais de personnel plus élevé en Guadeloupe

Le système productif de la Guadeloupe peut être comparé à ceux de la Guyane et de la Martinique (figure 4). En effet, ces économies sont proches en matière de spécialisation sectorielle. Cette spécialisation se mesure à l’aide de la répartition du chiffre d’affaires selon les secteurs. Les trois économies se caractérisent toutes par un poids important du commerce.

La Guadeloupe a la spécialisation la plus forte dans commerce. Ce secteur est fortement employeur et pourrait  en partie expliquer un taux de frais de personnels, plus élevé en Guadeloupe qu’en Martinique ou en Guyane. Il représente la moitié du chiffre d’affaires de ce territoire. En Guadeloupe, la rentabilité de ce secteur est bien plus faible qu’en Guyane mais plus élevé de 2 points qu’en Martinique (2018).

A l’inverse, l’économie martiniquaise a une spécialisation dans l’industrie plus marquée que dans les deux autres territoires. Avec une expansion démographique forte, la construction se distingue dans l’économie guyanaise.

Figure 4 Une part plus forte du commerce en GuadeloupeIndicateurs comptables principaux selon les territoires caribéens (en %)

Une part plus forte du commerce en Guadeloupe
Indicateurs Martinique Guadeloupe Guyane
Evolution du chiffre d’affaires 3,9 5,1 7,7
Taux de valeur ajoutée 25,4 27,2 28,8
Taux de marge 32,7 38,5 32,3
Frais de personnel sur la VA 64,2 59,4 62,8
Part des MCO sur le CA 24,8 22,9 26,1
Poids du commerce dans le CA total 50,7 45,7 43,0
  • Note : VA = Valeur ajoutée, MCO = Marge commerciale, CA = chiffre d’affaires
  • Lecture : en 2018, le taux de marge de la Guadeloupe est de 32,7 % contre 38,5 % en Martinique et 32,3 %en Guyane.
  • Champ : Les entreprises implantées dans chaque territoire en 2018.
  • Source : Insee, Esane 2018 , données individuelles

Le taux de marge dépend fortement du secteur

Au final, le rapport de l'EBE à la valeur ajoutée appelé taux de marge s’élève à 32,7 % (figure 5) : il correspond à ce qui reste à disposition des entreprises notamment pour rémunérer le capital et investir, une fois déduites les rémunérations salariales.

Un taux de marge élevé résulte en général de la mise en œuvre d’un capital d’exploitation important. Il n’implique pas nécessairement une rentabilité économique forte, mais il peut permettre de financer les investissements.

Ainsi, le taux de marge est donc très influencé par l’appartenance d’une entreprise à un secteur économique. Le taux de marge va de 20 % pour le secteur « Fabrication de produits métalliques à l'exception des machines et des équipements » à 58 % pour les « activités immobilières ». L’ecart entre le taux de marge total et celui des entreprises employeuses est plus important dans les activites immobilieres car les entreprises sans salariés sont très nombreuses dans ce secteur. En effet, le taux de marge des entreprises sans salarié atteint fréquemment 100 % car l’entrepreneur individuel se rémunère la plupart du temps sur les bénéfices de son entreprises.

Figure 5De forts écarts de taux de marge entre les secteurs Quelques ratios comptables par secteur d’activité en Guadeloupe en 2018 (en %)

De forts écarts de taux de marge entre les secteurs
Secteur Taux de valeur ajoutée Taux de marge Taux de Frais de personnels
Industrie manufacturière, industries extractives et autres 29,7 37,3 62,7
Fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac 23,3 32,5 67,5
Fabrication de produits métalliques à l'exception des machines et des équipements 23,0 19,5 80,5
Construction 30,0 27,5 72,5
Commerce, transport et entreposage, hébergement et restauration 17,8 30,5 69,5
- Commerce 15,3 31,0 69,0
dont
Commerce de gros * 12,6 38,4 61,6
Commerce de détail * 16,7 28,5 71,5
- Transports et entreposage 24,9 34,0 66,0
- Hébergement et restauration 39,2 21,4 78,6
Information et communication 39,5 32,7 67,3
Activités immobilières 50,5 58,1 41,9
Activités spécialisées, scientifiques et techniques et activités de services administratifs et de soutien 53,5 27,3 72,7
- Activités de services administratifs et de soutien 51,5 22,3 77,7
Autres activités de services 45,3 28,4 71,6
Ensemble 25,4 32,5 64,2
  • Note : * à l'exception des automobiles et des motocycles.
  • Lecture : en Guadeloupe, le taux de marge est en 2018 de 32 % pour le commerce contre 38,5 % pour l’ensemble des entreprises.
  • Champ : Les entreprises implantées en Guadeloupe en 2018.
  • Source : Insee, Esane 2018, données individuelles.

Les activités immobilières, en tête des investissements

En Guadeloupe, sur cent euros d’investissement brut, les dépenses sont réparties en 78 euros d’investissements corporels, 17 euros d’investissements financiers et 5 euros d’investissements incorporels. Le volume d’investissement au niveau sectoriel fluctue fortement d’une année sur l’autre. Il dépend de la politique globale des entreprises (encadré).

En 2018, le taux d’investissement est de 31 %. Son évolution est bien orientée avec une hausse de 7,8 points. L’investissement corporel brut hors apport est portée cette année par les secteurs des activités immobilières ( 256 millions d’€), de l’énergie (126 millions d’€) et du commerce (125 millions d’€).

Dans le secteur de l’énergie, le niveau élevé des investissements réalisés intervient dans le cadre de la loi de transition énergétique pour la croissance verte. Les grands axes de développement sont le développement des parcs éoliens et la conversion d’une centrale thermique vers un modèle à 100 % bagasse/biomasse. L’État et la Région ont élaboré conjointement le projet de Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE) de Guadeloupe 2016-2023 dont l'objectif ambitieux vise une autonomie énergétique de la Guadeloupe à l’horizon de 2030.

Encadré : La location et la location-bail d'actifs corporels ou incorporels non financiers

Le secteur des activités de services administratifs et de soutien regroupent en son sein l’ensemble des activités de location et la location-bail à des entreprises d'actifs corporels ou incorporels non financiers. Le financement locatif facilite la gestion de projets à court terme et l’utilisation d’équipements dont l’entreprise a réellement besoin sans avoir à investir massivement. Les loyers sont en général peu élevés et adaptés aux contraintes budgétaires des sociétés. Le risque d’obsolescence est minimisé puisque les matériels sont renouvelés régulièrement. Composé essentiellement de petites entreprises souvent sans salarié, ce secteur dispose d’un capital d’exploitation important et d’une masse salariale distribuée très faible.

Publication rédigée par :Philippe Clarenc (Insee)

Sources

Les résultats de l’étude sont issus du Fichier Esane « FARE 2018 méthode 2018 » comprenant les 18 876 unités légales implantés en Guadeloupe. Les entreprises retenues sont celles dont le siège social est situé dans les Antilles-Guyane (hors îles du Nord). Les données comptables des entreprises présentes sur plusieurs territoires, sont régionalisées à partir d’une clé unique. Extraite de la source FLORES 2017, la variable utilisée est la « rémunération brute des salariés » selon les établissements d’une entreprise.

Définitions

Valeur ajoutée : la valeur ajoutée est égale à la valeur de la production diminuée des consommations intermédiaires, elle est calculée hors taxes.

Marge commerciale : la marge commerciale réalisée par une entreprise, pour un exercice comptable donné, est définie comme la différence entre le montant hors taxes des ventes de marchandises réalisées au cours de cet exercice comptable et le coût d’achat hors taxes des marchandises vendues au cours de l’exercice.

Excédent brut d’exploitation : L’excédent brut d’exploitation (EBE) est égal à la valeur ajoutée, diminuée de la rémunération des salariés, des autres impôts sur la production et augmentée des subventions d’exploitation.

Investissements corporels : les investissements corporels sont les investissements en actifs physiques destinés à être utilisés durablement par l'entreprise comme moyens de production (constructions, installations techniques, matériel et outillage industriels…).

Investissements financiers : les investissements financiers sont les investissements en actifs financiers destinés à être conservés durablement par l'entreprise. Ces investissements sont le plus souvent le résultat d’opération en capital entre les entreprises d’une même groupe.

Taux de marque : le taux de marque correspond au rapport entre la marge commerciale et le chiffre d’affaires (en%).

Champ

Le champ de l’étude correspond aux sociétés et entreprises individuelles, marchandes et productives ou participant au système productif, non agricoles et non financières (mais y compris les holdings) dont le siège est implanté en Guadeloupe. Les secteurs de la « santé humaine et de l’action sociale » et de « l’enseignement » sont exclus vu le poids économique important des établissements publics.

Pour en savoir plus

Cornut M., « Comptes économiques 2018 de Guadeloupe : La consommation et l’investissement sont les moteurs de la croissance », Insee Analyses, N° 38, Octobre 2019

« Le bilan économique 2018 de Guadeloupe La trajectoire positive de l’économie se confirme » , Insee Conjoncture, N° 5, Juin 2019

« Les entreprises en France », Édition 2019, Insee, Décembre 2019