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Insee Flash Grand Est · Mars 2021 · n° 47
Insee Flash Grand EstUne majorité de femmes parmi les « travailleurs clés » du premier confinement

Isabelle Manné, Vincent Nieto (Insee)

Personnel soignant, producteurs et vendeurs de biens alimentaires, conducteurs de transport… au printemps 2020, lors du premier confinement lié à la pandémie de Covid-19, certains actifs ont continué à travailler en présentiel. Dans la région, ce sont 468 500 actifs qui ont ainsi permis de répondre aux besoins élémentaires de la population. Parmi eux, une majorité de femmes, surtout dans les métiers ayant un risque d’exposition au virus élevé.

Insee Flash Grand Est
No 47
Paru le :Paru le08/03/2021

Du 17 mars au 11 mai 2020, le premier confinement lié à la pandémie de Covid-19 a provoqué l’arrêt brutal de certaines activités économiques. Une partie des actifs ont été placés en chômage partiel, et ceux dont l’activité le permettait ont télétravaillé. Néanmoins, un certain nombre de travailleurs dont l’activité est nécessaire pour répondre aux besoins primaires (se nourrir, se soigner…) ont continué à travailler en présentiel. L’Observatoire régional de la santé d’Île-de-France a identifié une liste de 35 «  » correspondant à ces activités indispensables, dans le domaine de la santé, de la sécurité publique, des transports, de la propreté, de la production et de la distribution alimentaire.

Dans le Grand Est en 2017, ce sont 468 500 actifs qui exercent un métier clé, soit 20,9 % des actifs en emploi vivant dans la région, une part identique à celle de la France de province (France métropolitaine hors Île-de-France). En région parisienne, cette part n’est que de 14 % : la proportion de cadres y est plus importante et leur activité peut plus aisément s’exercer en télétravail.

Parmi les travailleurs clés de la région, 23 % sont des employés de la fonction publique, en raison du grand nombre d’employés des hôpitaux, contre 12 % pour l’ensemble des actifs occupés.

468 500 actifs exposés

Le risque de contamination varie selon le métier exercé. Les métiers de la sphère hospitalière sont les plus exposés du fait de la proximité avec les malades. Dans la région, ce sont ainsi 28 % des travailleurs clés – 5,8 % de l’ensemble des personnes en emploi – soit 129 700 personnes qui sont en contact avec des patients en milieu hospitalier (figure 1). Parmi elles, 15 % des médecins hospitaliers ont plus de 60 ans (contre 7 % pour l’ensemble des actifs), d’où un risque de morbidité plus élevé pour ces actifs.

Les métiers sanitaires et sociaux hors hôpitaux (aides à domicile, pharmaciens, praticiens libéraux) ont un risque d’exposition moindre mais néanmoins important : 87 350 personnes travaillent dans cette sphère.

Les travailleurs clés en contact fréquent avec le public ou des collègues peuvent également être davantage contaminés que l’ensemble de la population. Il s’agit essentiellement de métiers dans le commerce, la production alimentaire, le nettoyage. Ces secteurs regroupent davantage de travailleurs clés : 38 %. Ainsi, 59 700 caissiers et vendeurs, au trois quart des femmes, ont permis à la population de s’approvisionner en biens de première nécessité.

Enfin, certaines professions sont exposées de façon plus occasionnelle à la maladie lors de contacts avec des clients ou des collègues, comme les facteurs, routiers, livreurs.... C’est la catégorie de travailleurs la moins nombreuse (16 %).

Par ailleurs, le risque d’exposition au virus croît lors des déplacements domicile-travail effectués en transport en commun, d’autant plus quand le port du masque n’est pas généralisé, comme c’était le cas lors du premier confinement. En 2017, 82 % des travailleurs clés utilisent un véhicule motorisé pour se rendre sur leur lieu de travail, 9 % se déplacent à pied ou à vélo et 6,5 % sont usagers des transports en commun. Néanmoins, pour certains actifs clés, le recours aux transports en commun est plus fréquent : 20 % des agents de propreté, 14 % des pompiers, 12 % des médecins hospitaliers, 11 % des agents de services hospitaliers et 10 % des aides à domicile les utilisent.

Figure 1Effectifs et répartition des métiers-clés classés selon le risque d’exposition au virus

Effectifs et répartition des métiers-clés classés selon le risque d’exposition au virus
Effectifs dans le Grand Est Répartition (en %) Part des femmes (en %)
Groupe 1 : Métiers en contact avec des patients en milieu hospitalier
Infirmier hospitaliers 45 800 9,8 87,9
Aides-soignants 39 700 8,5 91,8
Agents hospitaliers 32 600 7,0 83,9
Médecins hospitaliers 11 600 2,5 53,3
Ensemble 129 700 27,7 85,0
Groupe 2 : Métiers en contact avec des patients hors milieu hospitalier
Aides à domicile 38 600 8,2 96,7
Pharmaciens 13 100 2,8 80,4
Masseurs-kinésithérapeutes 12 550 2,7 69,8
Médecins libéraux 10 050 2,1 36,9
Infirmiers libéraux 6 850 1,5 84,6
Dentistes 4 000 0,9 45,2
Sages-femmes 2 200 0,5 98,3
Ensemble 87 350 18,6 80,3
Groupe 3 : Métiers en contact fréquent avec des clients ou des collègues
Caissiers ou vendeurs commerces ouverts au public 59 700 12,7 75,1
Agents de propreté 26 200 5,6 77,0
Techniciens en présentiel 23 150 4,9 28,2
Employés et ouvriers alimentaires hors chaîne du froid 16 600 3,5 37,4
Boulangers 10 900 2,3 19,4
Employés et ouvriers alimentaires chaîne du froid 7 000 1,5 39,1
Ambulanciers 5 200 1,1 34,7
Bouchers 4 950 1,1 8,5
Buralistes 3 550 0,8 61,4
Éboueurs 3 300 0,7 6,9
Conducteurs de transport public 3 050 0,7 19,8
Pompiers 2 800 0,6 4,3
Surveillants de prison 2 500 0,5 17,7
Ouvriers dans l’industrie en production 1 850 0,4 9,5
Chauffeurs de taxi 1 800 0,4 39,3
Vétérinaires 1 500 0,3 51,6
Charcutiers 1 050 0,2 49,0
Personnel funéraire 450 0,1 32,4
Ensemble 175 550 37,5 51,7
Groupe 4 : Métiers en contact occasionnel avec des clients ou des collègues
Routiers 31 900 6,8 2,4
Livreurs 17 300 3,7 13,9
Forces de l'ordre 15 850 3,4 18,7
Facteurs 9 500 2,0 60,3
Cuisiniers de collectivité 1 250 0,3 48,6
Exploitants de station-service 100 0,0 29,5
Ensemble 75 900 16,2 16,4
Total 468 500 100 60,5
  • Source : Insee, recensement de la population 2017, exploitation complémentaire, lieu de résidence.

85 % de femmes parmi les métiers les plus exposés

Dans la région, 27 % des femmes en emploi sont travailleuses clés, contre 16 % des hommes. Ainsi parmi ces actifs, six sur dix sont des femmes.

Certains métiers sont très fortement féminisés : sage-femme, aide à domicile, aide-soignant, agent hospitalier, infirmier, pharmacien, caissiers ou vendeurs de commerces ouverts au public… Par conséquent, les métiers de la sphère hospitalière sont exercés à 85 % par des femmes, les autres métiers en contact avec des patients le sont à 80 %.

Les femmes sont donc surreprésentées dans les métiers les plus exposés. Parmi les 40 250 infirmières hospitalières, 48 % ont moins de 40 ans, une part supérieure de 8 points à celle de l’ensemble des actives occupées. Elles vivent également plus souvent en couple avec des enfants (48 % contre 43 %).

Les agentes hospitalières, les aides à domicile et les agentes de propreté sont plus âgées. Respectivement 44 %, 49 % et 47 % ont plus de 50 ans, contre 34 % de l’ensemble des actives. Elles vivent également plus souvent seules avec leurs enfants : entre 13 % et 15 % d’entre elles sont à la tête d’une famille monoparentale, contre 11 % pour l’ensemble des actives. Concilier maintien de l’activité et fermeture des établissements scolaires a donc été particulièrement difficile pour ces femmes.

Les caissières et vendeuses de commerces ouverts pendant le premier confinement sont quant à elles plus jeunes : 27 % ont moins de trente ans, contre 16,5 % des actives. Par conséquent, elles sont plus nombreuses à vivre avec leur(s) parent(s) (11 % contre 6 %).

Les personnes nées en Afrique plus souvent travailleurs clés

Les travailleurs nés dans certaines régions d’Afrique exercent plus fréquemment des métiers clés. Ainsi, 25 % des actifs nés au Maghreb sont travailleurs clés, et 28 % de ceux nés dans d’autres pays d’Afrique, soit respectivement 4 et 7 points de plus qu’en moyenne.

En revanche, la part des personnes nées à l’étranger parmi les actifs du premier confinement est de 10,4 %, proche de leur part dans l’ensemble des actifs occupés (10,1 %).

Une part plus élevée de travailleurs clés dans la Meuse et les Ardennes

Dans la Meuse, la proportion de travailleurs clés est la plus élevée (24 %), suivie par celle des Ardennes (23 %). Dans les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) meusiens du Sammiellois, du pays de Revigny-sur-Ornain et du pays d’Étain, la proportion de travailleurs clés est comprise entre 26 et 31 %. Les aides-soignants, les caissiers et vendeurs de commerces ouverts, les forces de l’ordre, les aides à domicile y sont proportionnellement très nombreux. À l’inverse, la part de travailleurs clés est la plus faible dans le Bas-Rhin (19 %). Dans les EPCI du pays de Saint-Odile, des portes de Rosheim et de la plaine du Rhin, leur part est inférieure à 17 % (figure 2).

Dans la région, 65 % des emplois sont des emplois de la , et plus des trois quarts des travailleurs clés relèvent de la sphère présentielle (cf. données complémentaires sur insee.fr).

Figure 2Part des travailleurs clés parmi les actifs en emploi dans le Grand Est en 2017

Part des travailleurs clés parmi les actifs en emploi dans le Grand Est en 2017
Code département Libellé département Nombre d’actifs occupés Nombre de travailleurs clés Part des travailleurs clés (en %)
Grand Est 2 242 900 468 500 20,9
08 Ardennes 101 700 23 650 23,3
10 Aube 115 400 24 500 21,2
51 Marne 230 600 48 000 20,8
52 Haute-Marne 67 450 15 250 22,6
54 Meurthe-et-Moselle 288 900 64 300 22,2
55 Meuse 72 400 17 550 24,2
57 Moselle 422 800 88 200 20,9
67 Bas-Rhin 487 200 91 850 18,9
68 Haut-Rhin 316 950 64 300 20,3
88 Vosges 139 500 30 900 22,1
  • Source : Insee, Recensement de la population, 2017, exploitation complémentaire, lieu de résidence.

Figure 2Part des travailleurs clés parmi les actifs en emploi dans le Grand Est en 2017

  • Source : Insee, Recensement de la population, 2017, exploitation complémentaire, lieu de résidence.
Publication rédigée par :Isabelle Manné, Vincent Nieto (Insee)

Sources

Les données sont issues du recensement de la population de l’Insee de 2017, exploitation complémentaire.

Définitions

La grille des métiers clés a été définie par l’Observatoire régional de la santé d’Île-de-France en combinant la liste réglementaire du ministère de la Santé sur les activités autorisées (arrêté ministériel du 15 mars 2020) et d’autres listes publiées au mois de mars 2020 (guides des bonnes pratiques par métier, conseils de l’Institut national de recherche et de sécurité). 35 métiers ont ainsi été identifiés permettant de repérer les travailleurs qui ont été les plus concernés par les activités répondant aux besoins vitaux (santé, alimentation, transports, sécurité essentiellement) lors du premier confinement (voir les données complémentaires sur insee.fr). Ces actifs ont continué leur activité en en se rendant sur le lieu de travail.

Les métiers de l’enseignement, de la garde d’enfants ou du bâtiment et des travaux publics ne sont pas comptabilisés puisqu’ils sont restés majoritairement confinés au printemps. Ce n’est pas le cas lors du deuxième confinement de fin octobre.

La sphère présentielle correspond aux activités mises en œuvre localement pour la production de biens et de services visant la satisfaction des besoins de personnes présentes dans la zone, qu'elles soient résidentes ou touristes.

Pour en savoir plus

Telle-Lamberton M., Bouscaren N., « Ouvrir dans un nouvel ongletQuels « travailleurs-clés » lors de la première vague de Covid-19 ? », Observatoire régional de la santé Île-de-France, Focus santé en Île-de-France, décembre 2020.

Faucon F. et al., « 765 000 travailleurs-clés franciliens répondent aux besoins fondamentaux de la population », Insee Analyses Île-de-France n° 128, février 2021.

Papon S., Robert-Bobée I., « Une hausse des décès deux fois plus forte pour les personnes nées à l’étranger que celles nées en France en mars-avril 2020 », Insee Focus n° 198.